Spartak Moscou - Lokomotiv Yaroslavl (23 décembre 2005)

 

Match comptant pour la trente-sixième journée de la Superliga russe.

On n'a pas tous les jours 60 ans ! Le 22 décembre 1946 débutait le tout premier championnat d'URSS de hockey avec palet (appelé hockey sur glace partout ailleurs dans le monde...). Le Spartak de Moscou allait se classer troisième de cette première édition. Soixante ans et un jour plus tard, le Spartak, qui est l'un des clubs russes les plus fiers de son histoire, aimerait bien célébrer cet anniversaire par une victoire contre un ténor du championnat 2006, le Lokomotiv de Iaroslavl, actuel deuxième à déjà quinze points du leader intouchable, le Metallurg de Magnitogorsk. Le Spartak, dixième avant ce match, aimerait bien également démontrer à ces parvenus de province de quel bois se chauffe un grand et prestigieux club de la capitale.

Pour accueillir les spectateurs venus nombreux à Sokolniki, le grand écran situé sous le tableau d'affichage se charge de rappeler (en particulier aux visiteurs) que le Spartak a une histoire et un palmarès. Les images montrent les quatre titres de champion d'URSS des Rouges et Blancs (1962, 1967, 1969 et 1976) et les victoires dans la Coupe d'URSS en 1970 et 1971. D'accord, cela commence à dater franchement, mais cela fait plaisir au fidèle public de Sokolniki qui est très attaché à cette histoire et qui supporte son équipe plus fort et plus bruyamment que ses "collègues" du CSKA et du Dynamo. Ces titres sentant la naphtaline expliquent peut-être l'ambiance un rien rétro qui règne à Sokolniki, avec lumières toutes éteintes, spots disco et sièges multicolores. Un rien psychédélique le Spartak !

En tout cas, c'est sympa. Ce qui l'est beaucoup moins et qui donne la nausée se déroule durant l'hymne russe qui est joué avant chaque match. À quatre rangées devant moi, trois crânes rasés font le salut nazi durant l'hymne. L'ultranationalisme est devenue une plaie de la société russe. Les agressions (parfois mortelles) d'étrangers par les skinheads se multiplient, et en novembre dernier, une immense manifestation de néo-nazis et d'ultranationalistes a eu lieu en plein centre de Moscou. Le plus triste est l'absence totale de réaction parmi le public et la société russe. Le plus pitoyable est que la musique de l'hymne russe est toujours celle de l'hymne soviétique, donc du pays qui a le plus souffert de la lutte contre le nazisme...

Enfin, ils ne sont que trois au milieu de 2 500... Et vivement que la saison de foot redémarre qu'ils retournent d'où ils viennent.

Bon, place au jeu. Les premières minutes sont assez équilibrées. Le jeu va d'une cage à l'autre, avec une certaine domination pour les visiteurs. Le premier tir cadré est pourtant moscovite, par Mikhaïl Ivanov, l'un des chouchous du public de Sokolniki. Mais cela n'inquiète pas le gardien canadien du Loko, Stephen Valiquette. La première pénalité du match est également pour le Spartak. C'est l'attaquant Igor Radoulov qui est sanctionné à 05'18. Cela permet au gardien moscovite Konstantin Barouline de se mettre en valeur avec deux beaux arrêts couchés. La prison s'étant déroulée sans encombre, le Spartak peut placer deux belles banderilles de suite par le duo Alexandre Iounkov - Andreï Ponomarev. Le Loko domine cependant ce tiers et Andreï Taratoukhine est bien placé à la neuvième minute, mais son tir passe au-dessus de la cage moscovite.

Le Spartak agit en contre dans cette première période. Un tir lointain du défenseur Alexei Bondarev donne du travail à l'ancien gardien AHL, passé un petit peu par les Islanders et les Rangers, Stephen Valiquette. Le Spartak bénéficie à son tour d'une supériorité numérique avec une prison de Sergueï Joukov. Mais ce sont les visiteurs qui sont les plus dangereux en contre, par Ivan Nepraiev qui tente de contourner Konstantin Barouline. Le gardien spartakiste, venu à l'intersaison de Tioumen en Vyschaïa Liga, et qui a pris la place de titulaire au Canadien Tyler Moss, montre même tout son talent sur un contre d'Artiom Anissimov (13e). Le Loko pousse, mais Barouline tient. On pense même que le tiers va se terminer ainsi, lorsqu'à un peu plus d'une minute de la sirène, un tir anodin d'Alexandre Kalianine, fait plutôt pour porter le danger vers la cage, termine sa course dans ladite cage, dévié par Konstantin Barouline lui-même qui accompagne le palet au fond, au fond, au fond de ses filets. Consternation. Un but non pas casquette, mais chapka, pour faire couleur locale. Le chauvin public spartakiste ne lui en veut pas et redouble d'encouragements. Il est même proche du bonheur, quand sur la sirène, le redoutable Canadien David Ling (numéro un à l'applaudimètre de Sokolniki, lors de la présentation des équipes) décoche un missile, bien bloqué par son compatriote Stephen Valiquette.

Le deuxième tiers est d'une toute autre facture. Le Spartak hausse le ton d'entrée. Et cela paie... d'entrée par un autre but chapka ! Dès la première minute, le défenseur Denis Grot envoie un petit tir sur la cage. Stephen Valiquette tend la mitaine pour l'arrêter, mais le palet rebondit sur le gant et rentre dans la cage. Valiquette tombe à la renverse en ayant tenté désespérément de rattraper sa bourde et le palet par la même occasion. Mon fils, resté à la maison pour voir le match à la télé (c'est d'un fainéant les gosses aujourd'hui...), m'a raconté ensuite que la télé "Sport" a montré le but en boucle... Pas très sympa pour le gardien canadien.

En attendant, cela regonfle le moral des troupes rouges et blanches. Le kop spartakiste, en face de moi, redouble de cris (car je rappelle que l'on ne chante pas dans les patinoires russes, et que je ne sais toujours pas pourquoi...). La première ligne Mikhaïl Ivanov - Dimitri Semine - Alexeï Kopeikine donne même le tournis aux chefs de gare de la défense du Loko. Et c'est le moment de l'entrée dans la danse de David Ling. L'excellent attaquant canadien, 30 ans, buteur du Spartak, passé par toutes les ligues mineures d'Amérique du Nord et par la NHL, est l'une des (très) bonnes pioches du championnat russe cette saison. Une super passe au laser de derrière la cage (25e) et un beau tir dans la continuité de l'action font passer le frisson dans les travées multicolores de Sokolniki (enfin, je parle de la couleur des sièges...)

On pense même au but à la trentième minute, mais c'est l'arbitre qui empêche Evgueni Pavlov, excellent ce soir, de placer un tir dangereux. Monsieur Tcherenko se jette sur la rondelle au moment du tir ! Je rassure tout le monde, c'était involontaire ! La première incursion un tant soit peu appuyée du Loko, n'intervient que dans la seconde moitié du tiers. C'est dire que les joueurs de Iaroslavl ont baissé de patin. Mais au score, ils tiennent encore. Cela se décante en fin de tiers, et une fois encore grâce à David Ling. Il rôde dans la surface, se place devant la cage, refile vers l'aile, récupère la rondelle, envoie une passe parfaite et puissante en retrait pour Andreï Ponomarev, qui de volée trompe Stephen Valiquette (38e). La minute suivante, Dimitri Outkine manque le K.O. et la cage du Loko en break.

Taratoukhine ayant été sanctionné à trente secondes de la fin du deuxième tiers, le Spartak attaque l'ultime manche en supériorité numérique bien décidé à en finir. Mais ce sont les visiteurs qui vont revenir dans le match juste après. Konstantin Barouline sort de sa cage pour dégager un palet, mais il est trop loin de son but et tombe. Les attaquants du Loko n'ont plus qu'à faire tourner rapidement la rondelle en direction de la cage pour marquer dans le but déserté. Carambov ! Tout est à refaire sur ce pousse-palet conclu par Vladimir Antipov. L'arbitre vérifie à la vidéo qu'il n'y avait pas de campeurs de Iaroslavl dans la zone désertée du gardien, et les deux équipes sont à égalité. Ce qui n'est pas mérité au vu des efforts spartakistes du deuxième tiers. Le jeu s'équilibre alors et l'on voit plus le Loko qui avait quand même déraillé au tiers précédent. Cependant, le Spartak est toujours le plus dangereux, comme sur ce contre rapide de Dimitri Outkine, l'attaquant moscovite ayant récupéré le palet en sortant de pénalité pour foncer vers le but adverse. Mais Stéphane Valiquette veille.

On songe alors réellement à la prolongation. Mais tout va aller très vite à la cinquante-cinquième minute. C'est ce que l'on appelle le tournant du match, alors qu'une patinoire ne tourne pas vraiment. L'attaquant du Loko, Ivan Nepraïev, est alors en prison. Ses coéquipiers sortent pourtant du bois, lors d'une contre-attaque explosive. Un 2 contre 1 en infériorité numérique. La combinaison des visiteurs se passe admirablement bien, l'unique défenseur moscovite est dans le vent, le tir visiteur fuse, cela va faire le but... et c'est alors que Konstantin Barouline sort un arrêt d'extraterrestre ! Un jet de botte incroyable ! Dans la continuité de l'action, le défenseur spartakiste Denis Grot lance son ailier Igor Radoulov. Ce dernier traverse la patinoire centre de l'autre côté pour Evgueni Pavlov, et boom, 3-2 pour le Spartak ! Gargl pour le Loko. Tout s'est joué en quelques secondes sur un arrêt décisif de Barouline qui a fait oublier tous les buts chapka du match !

Il reste cinq minutes a jouer, mais c'est fini. Le Lokomotiv, visiblement fatigué (le club de Iaroslavl avait des internationaux à la Coupe Rosno la semaine dernière), ne parvient pas a reprendre la main. La sortie du gardien dans la dernière minute ne change rien. Le Loko reste deuxième mais voit dans ses rétros Kazan revenir à fond. Le Spartak, lui, profite de la défaite en prolongation d'Oufa pour lui chiper la neuvième place. Une équipe du Salavat Ioulaiev qui sera l'hôte de Sokolniki dans deux jours...

Quant aux (vrais) supporters du Spartak, ils sont contents, leurs favoris ont bien célébré les soixante ans du championnat national de hockey avec palet ! Moskovski Spartak !

Étoiles du match : *** Evgueni Pavlov (Spartak), ** Vladimir Antipov (Iaroslavl), * Denis Grot (Spartak).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Yurzinov (entraîneur de Yaroslavl) : "J'étais nerveux. Pour moi aussi, c'était un début. Un bon adversaire, qui joue bien. Au Spartak sont arrivés des jeunes entraîneurs qui avaient même joué pour moi en sélection. Je suis content de la victoire, mais nous avons pris trop de pénalités. Nous ne savons mener proprement les duels. Nous avons les crosses constamment hautes. En occident, c'est systématiquement sanctionné. Aux championnats du monde, aussi. Il faut travailler la technique de nos mises en échec, ainsi que notre jeu de puissance."

Valeri Bragin (entraîneur du Spartak) : "Le résultat, bien sûr, ne nous arrange pas. Il ne faut néanmoins pas oublier que nous avons disputé notre premier match à Yaroslavl, et non dans nos murs. Nous n'avons été dominés qu'au deuxième tiers-temps. Au premier et au troisième, nous avons fait jeu égal. Pour les espaces laissés en dernière période, tout dépend du score. J'avais indiqué aux joueurs que les défenseurs pouvaient se joindre à l'attaque, mais ils ont fait des erreurs par manque de vitesse."

 

Spartak Moscou - Lokomotiv Yaroslavl 3-2 (0-1, 2-0, 1-1)

Vendredi 23 décembre à 19h00 au palais des sports Sokolniki. 2500 spectateurs.

Arbitrage de M. Cherenko (Moscou) assisté de MM. Sergeïev (Moscou) et Romasko (Tver).

Pénalités : Spartak 6', Yaroslavl 10'.

Tirs : Spartak 21 (8, 6, 7), Yaroslavl 24 (10, 4, 10).

Évolution du score :

0-1 à 18'45" : Kalianin

1-1 à 21'46" : Grot assisté de Yunkov et Pavlov

2-1 à 37'58" : Ponomarev assisté d'Ivanov et Ling

2-2 à 43'35" : Antipov assisté de Stchastlivy (sup. num.)

3-2 à 54'45" : Pavlov assisté de Grot et Radulov (sup. num.)

 

Spartak Moscou

Gardien : Konstantin Barulin.

Défenseurs : Andreï Poddiakon (c) - Sergei Zimakov ; Aleksei Litvinenko (KAZ/RUS) - Aleksei Bondarev ; Aleksandr Liubimov - Denis Grot ; Vladimir Korsunov - Artiom Ostrushko (UKR/RUS).

Attaquants : Mikhaïl Ivanov - Dmitri Semin - Alekseï Kopeïkin ; Mikhaïl Yunkov - Andrei Ponomarev - David Ling (CAN) ; Igor Radulov - Sergueï Klimovich (c) - Evgueni Pavlov ; Dmitri Utkin - Aleksandr Kucheriavenko - Ilya Maliushkin.

Remplaçant : Tyler Moss (G, CAN).

Lokomotiv Yaroslavl

Gardien : Stephen Valiquette (CAN) [sorti de sa cage de 59'05" à 59'10" et de 59'17" à 60'00"].

Défenseurs : Aleksei Shvalev - Aleksei Vassiliev (c) ; Aleksandr Zhukov - Karel Rachunek (TCH) ; Dmitri Krasotkin - Ilya Gorokhov ; Dmitri Megalintski - Nikolaï Ignatov.

Attaquants : Vladimir Antipov - Andreï Taratukhin - Piotr Stchastlivy ; Dmitri Vlasenkov - Artiom Anisimov - Anton But ; Ivan Tkachenko - Ivan Nepriaev - Konstantin Rudenko ; Aleksandr Kalianin - Grigori Shafigulin - Andrei Kiriukhin.

Remplaçant : Egor Podomatski (G).

 

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