Dynamo Moscou - Lada Togliatti (6 avril 2005)

 

Finale de la Superliga russe 2004/05, deuxième manche.

Le scandale des places vides ! Voila ce qu'a surtout retenu du match de la veille, remporte 3-1 par le Dynamo, le quotidien Sport Express ! Et il est vrai que deux mille places vides, alors que tous les tickets ont été vendus en trois heures, posent bien des questions sur la puissance des trafiquants de tickets au noir et sur leurs éventuelles complicités. Et si le quotidien sportif a choisi de mettre ce fait divers en avant, c'est bien que la qualité du jeu n'a pas de quoi enthousiasmer les foules ni faire regretter ceux, qui comme moi, n'ont pu avoir de places.

D'ailleurs pour cette deuxième manche, l'on sent bien que s'il n'y a pas un miracle comme hier avec l'ouverture du score au bout de quarante secondes, puis un deuxième but dynamiste avant la troisième minute, l'on risque bien de s'ennuyer encore plus ce soir. La tactique choisie par Vladimir Krikounov est simple. Prendre le Lada à son propre piège défensif, le bloquer en zone neutre, et comme l'équipe de Togliatti est incapable de changer de système, toutes ses tentatives d'actions vont être annihilées. Avouez que c'est attirant comme plan ! Cela nous promet du spectacle ! Merci au nouvel entraîneur national russe de penser autant au spectateur !

Et c'est ce qui se passe. Le Dynamo ne fait rien, bloque toute tentative du Lada à la bleue. Et comme en face, il n'est pas question de changer de méthode, ce match est un non-match parfait. Dans ce cadre, les pénalités sont décisives ! Les deux équipes ont donc des consignes, pour ne pas faire de fautes inutiles (connaissez-vous beaucoup de fautes utiles ?). À ce jeu, le Lada est un peu moins discipliné que le Dynamo. L'attaquant lituanien Danius Zubrus est sanctionné dès la cinquième minute, puis c'est au tour du capitaine Alexandre Boïkov à la onzième. Un seul dynamiste est pris par la patrouille. Il s'agit du défenseur Iakov Rylov à la quatorzième. Et si ces trois pénalités ne donnent rien, la quatrième est la bonne. À deux minutes de la fin du tiers, Danius Zubrus est une fois de plus sanctionné. Bingo ! Une passe au millimètre de Maxime Afinoguenov pour Vadim Chakhraitchouk en embuscade devant la cage du Lada. Et l'attaquant international ukrainien (du moins quand il en a envie...) dévie le palet dans le but du Finlandais. La veille, le Dynamo avait ouvert la marque au bout de quarante secondes dans le premier tiers, aujourd'hui, les Moscovite est font de même à trente secondes de la pause. L'art de marquer des points psychologiquement.

Pensez-vous que cela va changer quelque chose au spectacle proposé ? Évidemment que non ! La seule conclusion tirée par les coaches est que, décidément, il ne faut pas faire de faute. Alexandre Ovetchkine se fait sanctionner à la 25e, et il est le seul du tiers, à l'exception d'un début de bagarre devant la cage de Markkanen entre Rylov et Skougarev. Mais comme c'est pour la bonne cause (la défense du gardien) et que chacun prend deux minutes, personne n'est lésé et le jeu peut continuer à ronronner. Mais attention, cela ne signifie pas que cela joue à deux à l'heure ! Non, ce serait d'ailleurs un comble avec la qualité des joueurs sur la glace et leurs salaires. Non, non, juste que le match est bloqué. Cela arrive parfois, des rencontres où l'on a l'impression, sans vraiment savoir pourquoi, qu'il n'y aura pas de but, que les gardiens sont chauds bouillants, que les attaquants n'ont pas la réussite. Là, ce n'est pas cela. Le match est bloqué car les deux entraîneurs ont décidé qu'il devait l'être. Le chat et la souris. Krikounov disant à Vorobiev "Et bien, avance si tu peux", et Vorob' répondant : "Ça va pas, tu vas bien faire une faute à un moment".

Et le temps passe et le spectateur non partisan hésite entre la somnolence et la colère. Tout se passe en zone neutre et lorsque l'attaquant a réussi à franchir la première barrière, il est de toute manière bloque devant la cage. Les tirs sont rares, peu dangereux, et quand par miracle, ils sont un peu appuyés, la classe des gardiens, en particulier celle de l'excellent international kazakhstanais du Dynamo, Vitali Eremeïev, fait le reste.

Et comme en plus, le Dynamo trouve le moyen d'en mettre un second... Tout début du dernier tiers. Vadim Chakhraitchouk file sur l'aile, entre dans la zone d'attaque et se sert de Maxime Afinoguenov comme relais. Ce dernier lui redonne instantanément le palet dans le dos du dernier défenseur et l'attaquant ukrainien peut venir tromper de près Jussi Markkanen pour son doublé. On ne joue dans la dernière période que depuis quarante-neuf secondes. Encore un moment décisif pour un but ! Bravo le Dynamo, au moins, la machine est efficace.

Plus le temps passe et moins le Lada est capable de trouver des solutions. Le Dynamo se contente d'attendre que Togliatti fasse un mouvement pour essayer de le prendre en défaut. On peut toujours attendre ! Pourtant, cela pourrait marcher. Le hockey reste quand même un sport rapide où tout peut basculer d'un moment a l'autre. Mais en plus le Lada n'a pas de chance, comme à dix minutes de la fin de la rencontre où le tir du défenseur Alexandre Selouïanov meurt sur le poteau d'Eremeïev, battu sur ce coup. Même la sortie du gardien finlandais Jussi Markkanen de la cage de Togliatti à deux minutes de la fin du match ne sert strictement à rien. Le Lada est incapable de trouver une solution. Au contraire, par quatre ou cinq fois, ce sont les Moscovites qui ratent d'un chouia la cage vide. 2-0 dans le match, 2-0 dans la série, les supporters du Dynamo exultent. Les spectateurs sont hébétés...

On assiste dans cette série finale à la déviation absolue de la surpuissance des entraîneurs. Ces messieurs, tellement ivres de pouvoir et de maîtriser la volonté d'une quarantaine de bonhommes sur la glace, tuent toute velléité de spectacle, alors que le sport est un plaisir et le sport professionnel un spectacle. Des mots qui ne signifient rien pour Krikounov et Vorobiev, boyards de la tactique scientifique. Mais, c'est Vorobiev qui est le plus grand responsable. Apres tout, Krikounov ne fait que le prendre à son propre piège. Le Lada est incapable de changer d'un iota son schéma de jeu si rien ne se passe comme prévu dans les plans. C'est l'incroyable défaut à sa cuirasse. Un symbole des maux de la société russe.

Ce pays rêve de puissance et de respect. Les entraîneurs russes de hockey, élevés dans ce culte si soviétique, veulent rétablir cette puissance nationale via leur puissance personnelle. Le seul problème, c'est que cela ne correspond ni a la réalité, ni aux attentes du public en ce début de XXIe siècle. Aujourd'hui à Moscou, le club qui fait la une, qui remporte triomphe sur triomphe, c'est le CSKA basket, invaincu en championnat russe et favori en Euroligue. Et que voit-on au CSKA basket ? Une équipe cosmopolite, spectaculaire, qui gagne, avec un spectacle autour du match digne de la NBA. Et ça marche ! Il n'est pas possible d'avoir des places, et pas à cause des trafiquants ! Le hockey russe va dans l'impasse. Le spectacle est beaucoup trop pauvre pour le sport-business du XXIe siecle. Et les stars russes qui jouent en NHL auront bien du mal à accepter cette discipline en équipe nationale, si Krikounov décide de les faire jouer de la sorte.

Quant à Vorobiev, il a 24 heures pour réfléchir à une solution, sinon, il sera allé en finale pour la perdre sèchement. Mais, rassurez-vous, il n'aura pas d'idées nouvelles et rien ne changera. Il faudra encore se contenter de patinage artistique en zone neutre.

Étoiles du match : *** Vadim Shakhraïchuk (Dynamo), ** Vitali Eremeïev (Dynamo), * Maxime Afinoguenov (Dynamo).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Dynamo Moscou - Lada Togliatti 2-0 (1-0, 0-0, 1-0)

Mercredi 6 avril 2005 à 19h00 à la Malaïa Sportivnaïa Arena Luzhniki. 8500 spectateurs.

Arbitrage de M. Poliakov (Moscou) assisté de MM. Aleshin et Elistratov.

Pénalités : Dynamo 10', Lada 10'.

Tirs : Dynamo 17 (8, 4, 5), Lada 25 (6, 11, 8).

Évolution du score :

1-0 à 19'31" : Shakhraïchuk assisté de Vorobiev et Afinogenov (sup. num.)

2-0 à 40'49" : Shakhraïchuk assisté d'Afinogenov

 

Dynamo

Gardien : Vitali Eremeïev (RUS/KAZ).

Défenseurs : Alekseï Troshchinski (RUS/KAZ) (c) - Andreï Markov ; Ilya Nikulin - Vladislav Bulin ; Sergueï Vyshedkevich - Oleg Orekhovski ; Andreï Skopintsev - Iakov Rylov.

Attaquants : Igor Mirnov - Pavel Datsyuk - Aleksandr Kharitonov ; Vladimir Vorobiev - Vadim Shakhraïchuk (RUS/UKR) - Maksim Afinogenov ; Pavel Rosa (TCH) - Alekseï Chupin - Aleksandr Ovechkin ; Lubos Bartecko (SVK) - Alekseï Tereshchenko - Aleksandr Frolov.

Remplaçant : Aleksandr Eremenko (G).

Lada Togliatti

Gardien : Jussi Markkanen (FIN), sorti de sa cage de 57'51" à 60'00".

Défenseurs : Aleksandr Seluïanov - Andreï Yakhanov ; Maksim Semenov - Aleksandr Titov ; Andreï Krutchinin - Dmitri Vorobiev ; Alekseï Emelin - Filip Metliuk.

Attaquants : Aleksandr Buturlin - Yuri Butsaïev - Aleksandr Boïkov (c) ; Dainius Zubrus (LIT) - Ilya Vorobiev - Viktor Kozlov ; Oleg Belkin - Aleksandr Skugarev - Aleksandr Semin ; Mikhaïl Sevostianov - Sergueï Sevostianov - Dmitri Kazionov.

Remplaçant : Vassili Koshechkin (G). Absent : Dmitri Afanasenkov (c'est son erreur qui a permis au Dynamo d'ouvrir le score hier - raison officielle évoquée par Vorobiev).

 

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