Dynamo Moscou - Avangard Omsk (28 mars 2005)

 

Demi-finale de la Superliga russe 2004/05, deuxième manche.

Le match. L'affiche. Le choc des demi-finales de la Superliga. Sans faire injure au Lada Togliatti et à l'ancien double champion, le Lokomotiv Iaroslavl, ce match entre le Dynamo de Moscou et l'Avangard Omsk fait saliver. Tout d'abord, c'est le premier, sans conteste, de la saison régulière (Dynamo) qui accueille le champion en titre. Ensuite, lors de la première rencontre dans la Petite Arène Sportive de Loujniki, la veille, le choc a été somptueux, intense et indécis jusqu'aux tirs aux buts (joués sans Jaromir Jagr, pénalisé à une minute de la fin de la prolongation) où Alexandre Prokopiev a inscrit le penalty décisif pour donner le premier point de la série à Omsk. Le Dynamo peut s'estimer déçu, puisque les Moscovites avaient réussi à égaliser à deux partout après avoir été menés 0-2 à la fin du premier tiers par la plus grande machine offensive du pays.

Une machine à marquer des buts qui a été parfaitement secondée par celui que les lecteurs du quotidien Sport Express ont élu meilleur joueur de la première journée des demi-finales, le gardien canadien Norm Maracle. Déjà impérial en quart de finale contre son ancien club du Metallurg Magnitogorsk, l'ancien gardien d'Atlanta et Detroit a été monumental hier, particulièrement durant l'interminable série des tirs aux buts.

Il y a donc foule pour voir les Bleus et Blancs dynamistes tenter de prendre leur revanche et égaliser dans la série. Et il ne faut pas arriver en retard. Les spectateurs sont encore en train de d'asseoir que le Dynamo a déjà allumé la première mèche. Quarante-trois secondes de jeu et 1-0 ! Un tir de l'attaquant Pavel Datsiouk entre les jambes de Norm Maracle, pas forcement bien inspiré ni très "chaud". Cela donne le ton, car quelques secondes plus tard, l'exceptionnel attaquant de Buffalo, mais retourné dans son club d'origine, le Dynamo, Maxime Afinoguenov, trouve de nouveau la faille. Son tir trompe Norm Maracle, mais longe la ligne de but et ne rentre pas... C'est parti à fond la forme, cette histoire ! Surtout que l'arbitre se mêle de faire le spectacle. Il commence, dès la première minute, à envoyer en prison le dynamiste Alexei Tchoupine, et ne va se calmer qu'à la sirène finale. Cela fait une minute que l'attaquant moscovite est en repos forcé qu'il est rejoint par un joueur de chaque côté, son coéquipier Oleg Orekhovski, habitué du banc des penalités, et Maxime Souchinski. Mais cela ne suffit pas, puisqu'à la troisième minute, c'est le défenseur sibérien Kirill Koltsov qui écope de deux plus dix. Moins de quatre minutes de jeu et Monsieur Boulanov a déjà distribué vingt minutes de prison !

Et comme le Dynamo est chaud bouillant en ce début de match, cela fait bing ! Une sublime action en passes entre les compères du premier bloc moscovite se termine par un but d'Alexandre Kharitonov, après que Norm Maracle a touché la rondelle mais l'a laissé s'échapper... Un but sublime en tout cas, comme à la plus belle époque du jeu de passes soviétique. Et ce n'est pas terminé ! Le Dynamo attend patiemment que la pénalité infligée à Oleg Orekhovski (encore !) soit tuée pour remettre la pression. Et c'est le génie qui sort de sa boîte. Alexandre Ovetchkine renverse de bonheur Loujniki. Il fonce sur l'aile, se dégage de ses adversaires le long de la bande, repique vers le centre, tire en pleine course et transperce Norm Maracle. Totalement en déséquilibre, il poursuit sa course sur une patte pour aller s'écraser de bonheur sur la balustrade à l'opposé d'où il avait débuté son action. Hallucinant, incroyable, inimaginable, rayez la mention inutile et foncez dans votre dictionnaire des synonymes ! 3-0 à la onzième minute, c'en est trop pour Norm Maracle qui est rappelé sur son banc. Le gardien canadien fait de la peine à voir lorsqu'il enlève son casque. Il a le regard absent de celui qui n'a pas compris comment la catastrophe a pu arriver si vite, quelques heures à peine après le triomphe romain de la veille...

Et la boulimie de Boulanov n'est pas terminée. Monsieur l'arbitre envoie Maxime Afinoguenov en prison quelques secondes après le but du petit génie, mais comme il n'aime pas que les joueurs pénalisés se sentent seuls, il condamne Jaromir Jagr (Omsk) a deux plus deux et Andrei Markov (Dynamo) à deux minutes. Le Dynamo attend donc que cela se passe. Et hop, sur le retour à cinq contre cinq, c'est l'une des autres armes fatales du Dynamo qui rentre en action. Le buteur tchèque Pavel Rosa s'en prend de la même manière à Maxime Sokolov que ses coéquipiers avec Maracle. 4-0 au bout de quatorze minutes de jeu !

Ne voulant pas changer une méthode qui a fait ses preuves, Monsieur Boulanov continue à sanctionner à tout va, en particulier Omsk, qui ne sait plus comment s'en sortir. L'attaquant Dimitri Zatonski puis le défenseur Dimitri Riabykine sont sanctionnés à quelques secondes d'intervalle. Vous ne pensez pas que le Dynamo de ce soir va laisser passer une occase pareille ? Ben non ! En vingt secondes, le score passe de 4-0 à 6-0 ! Les deux dernières prisons, sifflées dans les dernières secondes du tiers, ne changent rien. 6-0 à la fin du premier tiers, vous ne rêvez pas, c'est bien un cauchemar pour les champions en titre ! Au bord des larmes, l'un des nombreux et pourtant fidèles supporters de l'Avangard enlève le maillot de ses chouchous et finit le match en T-shirt. Il faudra pourtant te couvrir en sortant mon gars, il fait moins dix à Moscou !

Comme on ne change pas une formule qui a fait ses preuves, monsieur Boulanov sanctionne dès les premières secondes de cette deuxième période. C'est le capitaine sibérien Oleg Tverdovski qui inaugure le banc des pénalités pour ce tiers, bientôt suivi par le défenseur moscovite Iakov Rylov. Et comme précédemment, le Dynamo attend que son joueur en ait fini avec sa peine pour frapper de nouveau. Vladimir Vorobiev marque dans la cage après que l'attaque du Dynamo a semé la désolation dans l'arrière-garde de l'Avangard. Maxime Sokolov, couché, ne sait plus du tout où se trouve le palet (7-0). On en a presque mal pour les champions de Russie, totalement ballottés, bousculés, et presque, faut-il le dire, ridicules...

Est-ce l'humiliation qui fait alors dégénérer la rencontre. Oleg Tverdovski charge avec la crosse le dos d'Alexandre Ovetchkine qui se rebiffe, et une grande et "belle" bagarre éclate à la 30e minute. Résultat des courses, les deux principaux protagonistes sont priés d'allez voir la suite du match dans les tribunes. Oleg Tverdovski, à l'origine de la "chose", prend 2'+5'+20', et côté dynamiste, Alexandre Ovetchkine écope de 5'+20' et Ilia Nikouline de 2'+2'+2'+2', soit, comme vous êtes des bêtes en calcul mental, de huit minutes ! Franchement, cela ne change pas grand-chose... Monsieur Boulanov sanctionne encore deux joueurs sibériens, l'attaquant Evgueni Khatsei puis le défenseur Dimitri Ryabykine trente secondes plus tard. Le Dynamo en profite donc encore une fois, mais d'une manière plus "subtile" dans la cruauté. Eh oui, il faut bien varier les "plaisirs" ! Il marque une seconde après la fin de sa supériorité après que l'Avangard a bien couru après le palet. C'est le Tchèque Pavel Rosa qui joue les "tortionnaires" en embuscade devant la cage de Maxime Sokolov. Et pour que cela fasse encore plus mal, le gardien sibérien touche encore le palet avant qu'il ne rentre. Les supporters du Dynamo dansent la gigue ! Alors forcément, ça agace "un peu" les Avangardistes qui ne savent plus comment arrêter le calvaire. Du coup, juste après ce but, Dimitri Zatonski, l'attaquant de la première ligne d'Omsk, se prend une méconduite, et le défenseur Alexandre Goussev deux nouvelles minutes, dans la dernière du tiers. Comme si cela était bien nécessaire de la part de monsieur l'arbitre de faire respecter à ce point la "dictature de la loi"... À la fin du tiers, on aperçoit la merveille venir s'expliquer avec sa "môman" sur son expulsion. Il faut dire que madame Ovetchkina n'est pas n'importe qui, ancienne basketteuse de haut niveau au... Dynamo de Moscou !

Totalement démoralisés, et de plus dégarnis par les prisons et par la volonté de leur entraîneur (il laisse au repos en troisième période les vedettes offensives Souchinsky et Jagr ainsi que le "goon" de NHL Andreï Nazarov), les joueurs de l'Avangard vont limiter les fautes et les pénalités dans l'ultime tiers en n'attendant qu'une seule chose, cette maudite sirène finale... Sauf qu'ils vont encore en encaisser ! Quoi ? Mais des buts ! Car quand une merveille est expulsée, il y en a toujours d'autres pour prendre le relais. Le Dynamo, c'est la caverne d'Ali Baba, le magasin du Père Noël, le rêve du président d'Ak Bars : des vedettes qui jouent parfaitement bien ! Et un contre meurtrier finit donc par arriver... Maxime Afinoguenov part comme un grand qu'il est et crucifie le pauvre Sokolov qui se demande bien pourquoi il est rentré dans ce match à la onzième minute alors qu'il était tranquillement sur son banc. 9-0, donc. Deux minutes et une seconde plus tard, ça fait 10-0. C'est Andrei Markov le responsable. Deux petites prisons, Oleg Orekhovski - comme d'hab' - pour les Moscovites à la 52e et Dimitri Ryabykine pour ce qui reste de la défense de l'Avangard à la 57e et le Dynamo fait également comme d'hab'. Il attend que tout cela soit terminé, pour en planter un ch'tit dernier pour la route (c'est loin la Sibérie, il faut bien que les Noirs et Rouges aient de quoi faire pour le chemin du retour...). C'est le Spartakiste du Dynamo Alexandre Frolov qui marque l'ultime but, cette fois-ci non pas dans les secondes APRÈS la fin de la prison, mais quatre secondes AVANT la fin de la pénalité. Ben quoi, si on ne peut plus rigoler ! L'arbitre, voulant prouver je ne sais quoi, trouve le moyen d'envoyer en prison le capitaine du Dynamo, Alexei Trochtchinski, à quarante-cinq secondes de la fin. Mais il y a bien longtemps qu'Omsk n'a même plus envie d'essayer de réduire le score. "Tourner la page, il ne s'est rien passé, c'est un mauvais rêve et maman va venir, non, je n'irai pas jouer à Togliatti l'an prochain", sont les seules pensées qui peuvent encore arriver dans les esprits embrumés des joueurs sibériens.

Quant au Dynamo, ça va bien merci ! Je ne vous précise pas que les supporters des Bleus et Blancs sont hilares. Mais les joueurs du Dynamo sont suffisamment pros pour savoir que la série n'est pas finie, même si l'Avangard a reçu un coup de marteau sur la tête. Ils savent que ce qu'ils viennent de faire n'arrivera plus jamais dans leur carrière. D'ailleurs, Alexandre Ovetchkine déclare dans un quotidien populaire "Ce genre de match n'arrive jamais". Évidemment, c'est hors normes. Vladimir Yurzinov pense avoir trouver l'explication, dans les colonnes de Sport Express il affirme "l'Avangard est fatigué". C'est la seule explication rationnelle. Les cinq manches hyper-disputées face au Magnitka en quart de finale plus le match marathon de la veille ont coupé les pattes des Sibériens. Il y a une autre explication. Rien ne s'est goupillé comme prévu pour Omsk, rien n'a marché, tout s'est mal enchaîné et le talent voire le génie de certains joueurs du Dynamo (Ovetchkine, Afinoguenov, Rosa ou Datsiouk) a fait le reste. Et le reste, c'est comparable à la puissance d'une bombe atomique qui a pulvérise le champion en titre. Ce dernier a un long voyage de retour pour se remettre les idées en place et deux matches pour revenir dans la série, car après tout, mathématiquement, rien n'est catastrophique, il y a une victoire partout et Omsk va recevoir deux fois consécutives.

Étoiles du match : *** Alexandre Ovetchkine (Dynamo), ** Pavel Datsiouk (Dynamo), * Pavel Rosa (Dynamo).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Krikunov (entraîneur du Dynamo) : "90% de nos tirs dangereux ont terminé dans les filets. En ce qui concerne le retour au jeu de Rosa, même s'il a réalisé un doublé, je rappelle que les buts importants sont ceux marqués en premier, pas ceux inscrits quand l'adversaire ne résiste plus."

Valeri Belousov (entraîneur d'Omsk) : "Nous avons clairement cédé en première période et nous n'avons pas refaire les buts encaissés rapidement. À 4-0, nous avons abandonné toute résistance effective. C'est ma plus lourde défaite comme entraîneur, mais en tant que joueur, je me souviens de scores plus sévères dans les années 70 face au CSKA. J'ai dit aux joueurs d'oublier ce cauchemar. Notre séjour à Moscou s'est globalement bien déroulé, avec une victoire partout avant deux rencontres à domicile à suivre. [...] Si je n'ai pas fait jouer Nazarov au dernier tiers, c'est pour que le maire-adjoint Valeri Shaïtsev n'aie aucune plainte à formuler*."

(* celui-ci avait déclaré avant les play-offs que si Nazarov venait à Moscou et commettait une de ses agressions qui n'ont plus rien à voir avec le sport, il ferait venir la police pour l'arrêter et le faire enfermer là où l'on parque les hooligans.)

Andreï Kovalenko (attaquant d'Omsk) : "Le Dynamo était beaucoup plus frais que nous. Notre quart de finale difficile en cinq manches a pesé, alors qu'eux ont eu le temps de se reposer. De plus, après leur défaite aux tirs au but lors du premier match, ils avaient une motivation folle, les spectateurs l'ont senti aussi bien que nous. Quand une équipe a une telle attitude, il est dur de lui résister. Enfin, nos gardiens ont raté leur match, cela peut arriver dans une saison. Nous n'avons pas lâché le match, mais nous nous sommes épargnés des efforts superflus. Nous avons essayé de jouer comme nous le pouvions, mais ce n'était pas notre jour."

 

Dynamo Moscou - Avangard Omsk 11-0 (6-0, 2-0, 3-0)

Mardi 28 mars 2005 à la Malaïa Sportivnaïa Arena Loujniki. 8800 spectateurs.

Arbitrage de M. Bulanov (Moscou) assisté de MM. Serdyuk et Belov.

Pénalités : Dynamo 50', Omsk 79'.

Tirs : Dynamo 37 (15, 10, 12), Omsk 19 (9, 7, 6).

Évolution du score :

1-0 à 00'43" : Datsiouk

2-0 à 04'51" : Kharitonov assisté de Troshchinski et Datsyuk (sup. num.)

3-0 à 11'10" : Ovechkin assisté de Nikulin

4-0 à 14'27" : Rosa assisté d'Ovechkin et Chupin

5-0 à 18'12" : Markov assisté de Troshchinski (double sup. num.)

6-0 à 18'31" : Afinogenov assisté de Shakhraïchuk (sup. num.)

7-0 à 26'20" : Vorobiev assisté de Rylov

8-0 à 37'20" : Rosa assisté de Nikulin (sup. num.)

9-0 à 49'13" : Afinogenov assisté de Vorobiev

10-0 à 51'14" : Markov assisté de Mirnov et Frolov

11-0 à 58'28" : Frolov assisté de Rosa et Chupin (sup. num.)

 

Dynamo

Gardiens : Vitali Eremeïev (RUS/KAZ) puis Aleksandr Eremenko à 40'00".

Défenseurs : Alekseï Troshchinski (RUS/KAZ) (c) - Andreï Markov ; Ilya Nikulin - Aleksandr Zhdan ; Sergueï Vyshedkevich - Oleg Orekhovski ; Andreï Skopintsev - Iakov Rylov.

Attaquants : Igor Mirnov - Pavel Datsyuk - Aleksandr Kharitonov ; Pavel Rosa (TCH) - Alekseï Chupin - Aleksandr Ovechkin ; Vladimir Vorobiev - Vadim Shakhraïchuk (RUS/UKR) - Maksim Afinogenov ; Lubos Bartecko (SVK) - Alekseï Tereshchenko - Aleksandr Frolov.

Avangard Omsk

Gardiens : Norm Maracle (CAN) puis Maksim Sokolov à 11'10".

Défenseurs : Aleksandr Guskov - Dmitri Ryabykin ; Oleg Tverdovsky (c) - Igor Nikitin ; Kirill Koltsov - Sergueï Gusev ; Nikita Nikitin.

Attaquants : Maksim Sushinsky - Aleksandr Prokopiev - Dmitri Zatonsky ; Andreï Kovalenko - Alekseï Kalyuzhny (RUS/BLR) - Aleksandr Popov ; Aleksandr Perezhogin - Anton Kurianov - Jaromir Jagr (TCH) ; Jaroslav Bednar (TCH) - Evgueni Khatseï - Andreï Nazarov.

 

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