Tours - Rouen (26 octobre 2004)

 

Match comptant pour la dixième journée de Ligue Magnus.

Il y avait au moins deux bonnes raisons de venir à la patinoire en ce milieu de semaine. Quelle serait la réaction des Dragons cette année par rapport à leur défaite ici même la saison passée, 5-4 après avoir mené 4-1 ? Qui s'installera dans le fauteuil de leader de la Ligue Magnus ? Les Rouennais y ont déjà largement goûté mais c'était évidemment un challenge très important pour les Diables noirs. Une confrontation sous haute tension donc, et qui débute devant une patinoire archi-comble.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le ton est donné dès les premières secondes avec un premier raid solitaire de l'attaquant Éric Perricone qui oblige Éric Raymond à un premier arrêt (36"). Les deux équipes ont décidé de mettre la barre très haut dans le défi physique et technique. Anton Poznik s'illustre à son tour sur un lancer cadré, qui conclut une belle phase de jeu de l'ASGT (1'22). On sent la tension effective sur ce match et M. Bachelet siffle les deux premières minutes de pénalité pour Tours et Rouen (Besse et Fail, 2'). À quatre contre quatre, Rouen profite des espaces pour tester Ramon Sopko, préféré à Hiadlovsky, par l'intermédiaire d'un lancer d'Éric Doucet, bien capté de la mitaine (2'26). Il plane une certaine tension sur la patinoire, illustrée notamment par la nervosité du gardien rouennais Éric Raymond qui écope de deux minutes de pénalité, en voulant se faire justice lui-même face aux attaquants tourangeaux (2'38). Sur la supériorité qui s'ensuit, les Diables noirs ont deux occasions par Poznik puis par Stepan.

La partie est équilibrée, le jeu très rapide. Le RHE reste très dangereux grâce à un Salminen virevoltant qui enrhume littéralement Pulscak, mais rate son dernier geste devant le gardien. Un déboulé d'Arnaud Briand nous fait voir encore à quel point le hockey peut être beau quand il est pratiqué ainsi (6'11), juste avant qu'une combinaison tourangelle entre Perricone et Millar vienne échouer de peu (6'15) ! C'est un vrai régal. Rouen domine son sujet et l'ASGT procède en contres. Un peu comme contre Mulhouse...

Karjalainen (7'26), puis un festival d'Éric Doucet (dribble, tours autour de la cage, 8'30 et 8'56) ne parviennent pas à percer les filets. Sopko fait une brillante partie ; la défense de Tours, comme à son habitude désormais, fait le dos rond, se jette sur tous les palets même si Elofsson parvient à envoyer un missile sur Sopko à la parade (9'40). Malgré cette domination, Tours se montre dangereux, notamment grâce à Eizenman qui récupère un palet dans la zone défensive rouennaise et parvient à lancer (11'35). Millar tente à son tour mais Raymond s'interpose. De son côté, le portier tourangeau est tout heureux de voir le poteau renvoyer la tentative de Ludek Broz (12'02), puis parvient à repousser les attaques de Robitaille (12'10) et Salminen (13'20).

Le rythme du match baisse alors un peu en intensité mais Kimmo Salminen, encore, est là pour donner quelques sueurs froides aux joueurs de l'ASGT. Alors qu'il a fait le plus dur en se débarrassant de son défenseur, il lance de manière incompréhensible à côté de la cage dans ce qui semblait une des actions les plus sûres de réussir (16'51). Le premier tiers, somptueux, se termine sur une pénalité infligée à Loïc Sadoun (18'44 pour obstruction) et sur une occasion pour Gillings, qui part seul en breakaway. Le défenseur rouennais, bien revenu, accroche un peu l'attaquant, mais l'arbitre, justement, ne siffle rien (19'26).

Déjà handicapés par la pénalité de Sadoun à la fin du premier tiers, les joueurs de Millette se retrouvent pour quelques secondes à trois après la faute de Radek Stepan (charge avec la crosse, 20'29). Malgré le retour à quatre contre cinq, les Diables noirs vont s'incliner sur le jeu de puissance rouennais. Kimmo Salminen reprend victorieusement le palet après une combinaison entre Broz et Doucet (0-1, 20'49). Rien à dire si ce n'est la petite pointe d'agacement pour cet énième but concédé sur une faute qui n'avait pas lieu d'être.

Les Dragons, après avoir fait le plus dur en ouvrant le score, continue de presser : Benoît Quessandier (21'33) puis Elofsson inquiètent de nouveau Sopko. Mais l'ASGT, devant son public, n'a pas abdiqué. La charge est sonnée par Millar avec son comparse Jonathan Roy. Le cadre est manqué de très, très peu, par maladresse (23'01) : Raymond était feinté, battu, et Millar place le palet à côté ! Ce n'est que partie remise. La pression, cette fois-ci est bien tourangelle. Eizenman s'enfonce dans la défense, bute sur le portier normand, le palet traîne devant le slot et Peter Bohunicky, qui passait par là, parvient à le glisser dans les cages de Raymond pour l'égalisation (1-1, 23'49). Le jeu s'équilibre à nouveau et le palet va d'une cage à l'autre : Elofsson (24'38) oblige Sopko à réaliser un arrêt pas du tout évident et qui lui donne un peu de fil à retordre. En face, Millar titille Raymond (25'06).

À partir de ce moment là, les Dragons accusent un peu le coup. Peut être frustrés de n'avoir pas pu creuser davantage le score, peut être bloqués par le souvenir de la saison passée, ils laissent l'emprise du match à Tours, qui n'en demandait pas tant. Les minutes suivantes sont à l'avantage des Tourangeaux : Simko (28'20), Stepan (28'35), Fail (30'24), déviation de Millar après un lancer de Sadoun (31'06), lancer de Pulscak (31'38). Seul Tristan Lemoine parvient à répondre (33'13). La marche en avant tourangelle se poursuit avec Rob Millar qui part en échappée. Il est retenu par Carlsson, l'arbitre siffle un tir de pénalité, peut-être un peu gentil. Quoi qu'il en soit, Millar s'élance, d'une manière assez lente, il feinte Raymond qui semble battu, mais le palet heurte la transversale (33'22). Une très belle occasion ratée qui aurait pourtant récompensé une très grosse phase de jeu à l'avantage des Tourangeaux. Partie remise puisque Millar obtient encore une belle occasion (33'35) presque aussitôt, suivie d'une chevauchée fantastique de Simko (34'40). Probablement que Millette doit s'inquiéter de ces occasions manquées. Rouen semble à la merci des Tourangeaux à ce moment du match.

Et le réveil des Dragons est pour bientôt. Le match va de nouveau basculer. C'est tout d'abord Éric Doucet qui montre l'exemple. Sur un lancer dévié par un patin de joueur, Sopko est obligé de réaliser un arrêt en grand écart, et parvient à geler le palet sous sa jambière alors qu'il était pris à contre-pied (35'40). Puis Salminen, très en forme (36'08), et de nouveau Doucet obligent Sopko et sa défense à hisser les barbelés devant la cage. L'ASGT est devenue fébrile sous la pression normande. Le défenseur Poznik écope de 2'+10' (37'30), presque immédiatement rejoint par son collègue Philippe Roy (2'+2'+10'). À ce moment, on pense que la messe est dite. Tours, déjà fragilisé en défense, devra évoluer avec seulement trois arrières en tout et pour tout.

Il faut déjà négocier la double supériorité numérique qui se profile. Et c'est là que toute la valeur de l'équipe tourangelle se révèle. Les joueurs font bloc, multiplient les gestes défensifs, et gênent considérablement les Rouennais qui ne peuvent profiter de leur avantage, d'autant plus que Salminen se met à la faute, ce qui rééquilibre un peu le jeu (39'16). Le retour aux vestiaires est le bienvenu. Le score de parité reflète bien le match où les deux équipes font jeu égal avec des séquences favorables tantôt à l'une ou l'autre des équipes.

Le début de la dernière période est tout à l'avantage des Rouennais, qui sont encore en supériorité numérique. Doucet, magnifique, tourne autour de la cage et sème la panique dans la défense de Tours. Heureusement pour les locaux que Sopko est dans un très grand jour (40'35). Il s'illustre encore sur la sortie de prison de Salminen, qui l'oblige à un arrêt impeccable (41'35). L'ASGT récupère enfin et sort la tête de l'eau, à l'image d'Eizenman et Gillings qui combinent tous les deux pour une petite déviation juste devant le but de Raymond (42'20), puis sur un lancer d'Alon Eizenman, encore, capté sans rebond (44'19). Rouen connaît une petite période de flottement. Les attaques déferlent sur le but des Dragons : Millar (45'49), Simko par deux fois (47') mais toujours pas de but.

Toutefois les Normands ont toujours des joueurs de talent capable de donner des frissons de frayeur mais aussi de plaisir quand on les voit combiner de la sorte. C'est le cas de Kimmo Salminen, encore lui, dans une démonstration de grande classe (49'56). Mais en face, Ramon Sopko est parfaitement dans le match et sait élever le niveau de son jeu à la hauteur de celui de ses adversaires. Il aura fort à faire d'ailleurs dans les minutes qui suivent face à un lancer de Nicolas Besch (50'11), une double occasion de Paré et une autre de Salminen. Incontestablement, c'est le tournant du match. Si l'ASGT ne craque pas là, elle ne cèdera jamais. Et elle tient bon, sur de nouveaux assauts des Dragons (Besse, Bellemare, Lemoine, Salminen !), et on ne dira jamais ici la prestation de Sopko, décisif, d'un calme et d'une précision remarquables, dans son placement et dans ses gestes.

L'ASGT attend le coup, celui qu'elle placera quand son adversaire se découvrira. C'est l'une des grandes forces de cette équipe. Plier, ne jamais rompre et jaillir au bond moment. On pourrait définir ainsi le style de jeu tourangeau. À un moment très délicat pour Tours, l'expérience de Loïc Sadoun est là pour permettre de remettre en selle une équipe qui chancelait un peu sous les coups de boutoir de Rouen. L'attaquant s'arrache littéralement pour adresser un caviar de passe à Alon Eizenman pour le but victorieux (2-1, 57'20). L'ASGT tient sa victoire. Ce n'est pas un hold-up tant les deux équipes ont eu, tour à tour, leur chance.

Évidemment, la fin de la rencontre se caractérise par une "attaque-défense". Les Diables noirs protègent leur but de tout leur corps, au sens propre du mot, en se jetant littéralement sur chaque palet. Après le temps mort demandé par le coach rouennais (58'26), et malgré la sortie de Raymond, le RHE ne parviendra pas à revenir. Millar rate une occasion incroyable de marquer dans la cage vide en voulant trop en faire.

Mais les Diables noirs ne tremblent plus devant le Dragon rouennais et signent ainsi leur deuxième performance, après la victoire sur Mulhouse, ce qui leur permet de s'emparer seuls de la première place du championnat.

Compte-rendu signé E. O'Grady

 

Commentaires d'après-match (dans La Nouvelle République)

Bob Millette (entraîneur de Tours) : "Je ne réalise pas ! Je suis tellement dans mon truc, depuis quatre ans, que je ne peux pas dire ce que ça me fait d'être leader du championnat. On ne s'est pas laissé impressionner. Avec cette nouvelle victoire, on va commencer à parler de mes joueurs, maintenant."

Loïc Sadoun (attaquant de Tours) : "J'ai fait une passe à la Zizou sur le but d'Eizenman. C'est ma façon d'être : je ne mets pas de grosses charges mais, au moins, ça, je sais faire !"

Frantisek Pulscak (défenseur de Tours) : "On est premier mais on doit déjà penser au match de Dunkerque car ça fait deux saisons qu'on va faire match nul là-bas après avoir battu des gros."

Éric Doucet (capitaine de Rouen) : "Cette séquence de deux revers successifs [Mulhouse et Tours] est difficile à accepter. Mais c'est bien pour le hockey français : là, nous avons un vrai championnat. Sur le match, il ne nous a pas manqué grand-chose. Maintenant, nous comptons bien prendre notre revanche chez nous."

 

Tours - Rouen 2-1 (0-0, 1-1, 1-0)

Mardi 26 octobre 2004 à 20h00 à la patinoire municipale de Tours. 2458 spectateurs.

Arbitrage de Frédéric Bachelet assisté d'Éric Bouguin et Thibaud Juret.

Pénalités : Tours 40' (8', 10'+10'+10', 2'), Rouen 12' (6', 4', 2').

Tirs : Tours 30 (10, 6, 14), Rouen 33 (10, 10, 13).

Évolution du score :

0-1 à 20'49" : Salminen assisté de Doucet et Broz (sup. num.)

1-1 à 23'49" : Bohunicky assisté d'Eizenman

2-1 à 57'20" : Eizenman assisté de Sadoun

 

Tours

Gardien : Ramon Sopko.

Défenseurs : Radek Stepan - Philippe Roy (A) ; Anton Poznik - František Pulscak (A) ; Robert Fail.

Attaquants : Éric Perricone - Jonathan Roy - Rob Millar ; Peter Bohunicky - Alon Eizenman - Kent Gillings ; Jan Simko - François Gleize (C) - Loïc Sadoun.

Remplaçants : Vladimir Hiadlovsky (G), Valère Falck.

Rouen

Gardien : Éric Raymond (sorti de sa cage à 58'26").

Défenseurs : Daniel Carlsson - Arnaud Briand (A) ; Benoît Quessandier - Stéphane Robitaille ; Jonas Elofsson - Nicolas Besch.

Attaquants : Éric Doucet (C) - Ludek Broz - Alexandre Lefèbvre ; Kimmo Salminen - Sami Karjalainen - Pierre-Édouard Bellemare ; Guillaume Besse (A) - Jean-Philippe Paré - Tristan Lemoine.

Remplaçants : Stéphane Burnet (G), Benoît Pourtanel, Simon Doreille, Adrien Dufournet.

 

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