Metallurg Magnitogorsk - Ak Bars Kazan (7 octobre 2004)

 

Match comptant pour la quinzième journée de la Superliga russe 2004/05.

Le tournis. La lecture des joueurs présents sur la glace du palais des sports de Magnitogorsk donne le tournis. Les spectateurs ont bien de la chance. Enfin, voir des hockeyeurs de talent, c'est bien la seule chance que l'on peut avoir en vivant dans cette ville industrielle, l'une des plus polluées du monde, avec ce combinat métallurgique gigantesque.

Mais donc, cet après-midi, oublié tout cela, et les yeux écarquillés, le spectateur ouralien et le téléspectateur russe se frottent les yeux pour y croire. Dans les rangs des locaux, le Metallurg aligne en défense deux joueurs en provenance de la LNH, Dimitri Kalinine (Buffalo) et Sergueï Gonchar (Boston), et cinq joueurs ayant "tâté" de la sélection nationale, Andreï Sokolov avec le Kazakhstan voisin (la frontière est proche de Magnitogorsk), Martin Cech, comme son nom l'indique, avec la République Tchèque, Roman Koukhtinov, Vitali Atiouchov et Evgueni Petrotchinine avec des sélections russes. En attaque, c'est du même tonneau, avec le Tchèque de LNH, Petr Sykora (Anaheim) et les internationaux russes Valeri Karpov, Iouri Dobrychkine, Alexeï Kaïgorodov ou la jeune merveille du hockey russe (encore une), Evgueni Malkine.

Mais que dire de l'effectif de Kazan ? Le gardien canadien Fred Braithwaite arrive de Columbus avec un long passé en LNH, cinq défenseurs sont ou ont été internationaux : Alexandre Gouskov, Konstantin Korneïev, Vitali Prochkine, Denis Denissov pour la Russie, et Sergueï Klimentiev pour l'Ukraine. Quand à l'attaque, on l'a déjà dit et répété, c'est gala ! Ilia Kovaltchouk (Atlanta), Sergueï Morozov (Pittsburgh), Sergueï Zinoviev (ex-Boston), Vitali Iatchmenev (ex-Nashville). Il ne manque que... Tomas Vlasak. Et pour cause, l'international tchèque a décidé de repartir dans son pays car il digère mal d'être séparé de sa famille. Il en aurait déjà formulé une première fois la requête cet été quand son compatriote Vladimir Vujtek était encore entraîneur. Le club l'a laissé repartir, non sans se prémunir avec une clause selon laquelle le joueur n'a pas le droit de porter les couleurs d'un autre club russe cette saison.

Les deux clubs ont des ambitions, Magnitka était finaliste de la Superliga la saison passée et Ak Bars veut être à tout prix champion cette année. Le club tatar venant d'ailleurs d'acquérir l'entraîneur national russe (d'origine tatare), l'ancien joueur et entraîneur du Dynamo, Zinetoula Bilialetdinov. Deux équipes qui se suivent, Magnitogorsk est troisième, Kazan cinquième. C'est parti pour le show !

Un match totalement débridé d'entrée de jeu, avec une rapidité impressionnante. Cela va d'une cage à l'autre et tout peut basculer sur un rien. La première pénalité est donc importante. Elle est pour le défenseur de Kazan, Nikolaï Ignatov, dès la troisième minute. Mais la défense tatare veille. La lumière jaillit donc un peu plus tard, à la onzième minute. Et c'est déjà la troisième ligne de Magnitka qui se met en évidence. Pas vraiment pour la dernière fois de la partie. Iouri Dobrychkine trompe Fred Braithwaite de près en angle. Le gardien canadien de Kazan pense avoir fermé son angle et s'attend à une passe devant sa cage, or l'attaquant (formé aux Krylia Sovietov de Moscou, ben quoi ? c'est vrai, c'est pas de ma faute...) glisse le palet dans un espace minuscule (1-0). Un peu plus de deux minutes plus tard, cette ligne remet le couvert. Cette fois-ci, c'est le Tchèque (chevelu, international et LNH et tout et tout) Petr Sykora qui entre en zone comme une fusée et vient tromper Fred Braithwaite entre les jambes. C'est le moment, pourtant mal choisi, où l'attaquant de Kazan - en provenance de Pittsburgh mais formé où vous savez - Alexeï Morozov, se retrouve sur le banc des prisons. Ouille, ouille, ouille, t'aurais pas dû mon gars ! Alexeï Kaïgorodov, déjà présent sur les deux premiers buts, passe la troisième couche. L'attaquant formé au club, international en 2003, est laissé étrangement seul en embuscade devant la cage de Braithwaite et n'à aucun mal à trouver la solution. Faut vous réveiller, les Tatars et assimilés, car il y a des trous béants dans cette défense.

Zinetoula Bilialetdinov, pas vraiment réputé pour promouvoir un jeu laxiste en défense, doit apprécier sur son banc ! En moins de cinq minutes, le vice-champion de Russie a fait le trou. Ak Bars va revenir dans le rythme en fin de tiers suite à pénalité infligé au Tchèque Martin Cech à une minute trente de la fin. Kazan fait le siège de la cage d'André Malkov, mais l'ancien gardien du Lokomotiv Iaroslavl, revenu dans l'Oural cette saison (il est originaire d'Ekaterinbourg, la "capitale" de l'Oural) est parfait.

La fin de la prison en début de deuxième tiers (vous y'en a suivre ?) ne permet pas à Kazan de revenir au score, car trente secondes, c'est trop peu pour bien remettre la machine en marche. Mais cela vient vite. Dès la fin de la supériorité numérique, Kazan a retrouvé le rythme. Et c'est donc fort logiquement que Denis Arkhipov bat de près Andreï Malkov pour le but de l'espoir pour les visiteurs. Car, voyez-vous mes chers amis, c'est maintenant que tout se joue. Si, si ! Et l'homme au cœur de ce dénouement a 28 ans, il est tchèque de Plzen, comme Boja Ebermann (eh oui, j'essaie toujours de placer les BDL et les KS dans un résumé...) et il se nomme Petr Sykora. Le beau blond chevelu (ça c'est pour les filles) met une charge "légèrement" haute et "un poil" la crosse en avant, bref, il fait un truc qu'il ne faut pas faire, sur la personne, susceptible, d'Ilia Kovaltchouk. Sa sainteté (c'est vrai, il m'agace un peu, le chouchou de la presse russe...) n'accepte évidement pas un tel sacrilège et flanque à l'imprudent un coup de crosse. Du coup, voilà nos deux compères en prison pour deux minutes chacun (26eme). Rien ne se passe à quatre contre quatre. Mais Petr Sykora, devant trouver cela trop facile, retourne immédiatement en prison, vingt secondes après avoir été libéré, visiblement pas pour bonne conduite. Cela permet aux visiteurs de partir à l'assaut de la citadelle ouralienne. En vain. Et que croyez-vous qu'il arriva ? Ben oui. Le défenseur tatar Nikolaï Ignatov se retrouve à son tour pénalisé (32eme) et ses quatre coéquipiers restants s'oublient. Ils laissent partir la troisième ligne de Magnitka depuis sa zone, Iouri Dobrychkine passe tranquillement la rondelle à Alexeï Kaïgorodov qui lance devinez qui ? Ben oui. Petr Sykora ! Boum ! 4-1 ! Vous comprenez mieux maintenant, pourquoi, tournant du match, patati, et homme au cœur du dénouement, patata.

Surtout que le calvaire défensif d'Ak Bars n'est pas terminé. Ce serait trop simple. Moins de cinq minutes plus tard (37eme), le centre de la première ligne ouralienne Evgueni Gladskikh est laissé - une fois encore - tout seul devant la cage par la défense tatare (5-1). C'en est trop pour Zinetoula Bilialetdinov qui change son gardien. Fred Braithwaite va sur le banc, la mine dépitée. Entre à sa place Andreï Tsarev, formé au club et "vaguement" international en 2003. Je sais bien que dans ces cas-là, c'est le gardien qui trinque et qu'il faut bien tenter quelque chose pour endiguer l'avalanche de buts, mais franchement, dans cette histoire, le gardien canadien de Kazan n'est pas le seul coupable. C'est incroyable de voir autant de boulevards, d'avenues, d'artères principales, de perspectives comme on dit en Russie, dans la défense d'Ak Bars. Elles font quoi les vedettes internationales ? Un stage offensif pendant leurs vacances NHLiennes ? Et le repli défensif c'est pour qui ? Pour Jo Podlaha ? Bref, il est temps que le tiers se termine pour Kazan.

Dans la dernière période, les deux équipes vont continuer à donner un spectacle agréable à voir. Cela patine toujours aussi vite, il y a juste un peu moins de précision et de tension, car le score est fait. C'est donc logique de voir l'arrière-garde magnitogorskienne (?) se relâcher quelque peu, même beaucoup d'ailleurs... À la 48eme, le capitaine tatar Vadim Epantchitsev se retrouve en prison. Le Metallurg s'installe dans la zone adverse, mais mollement... Et hop, Denis Arkhipov, encore lui, en profite pour chiper le palet et partir tout seul battre en contre Andreï Malkov. Kazan revient à 5-2. Mais c'est trop tard, plus personne n'y croit dans les rangs verts et rouges. Au contraire, c'est une fois encore journée portes ouvertes dans la défense tatare avec à trente secondes de la fin du match, une fois encore Alexeï Kaïgorodov qui aggrave le score en le clôturant à 6-2. L'attaquant de 21 ans de Magnitka a été impérial cet après-midi avec deux buts et trois assistances.

Cette large victoire permet à son club de prendre la deuxième place du championnat en délogeant un Dynamo de Moscou qui a mal digéré les blessures de Datsyuk et Bartecko (victoire en mort subite contre le Neftekhimik après deux défaites en prolongation au CSKA et surtout chez le dernier Perm...).

Kazan glisse pour sa part à la sixième place. Une équipe tatare qui parait friable à l'extérieur (défaite au Spartak par exemple) et surtout qui ne paraît pas être en mesure de relancer la machine en cas de danger. Est-ce le manque de cohésion suite aux arrivées des stars d'outre-Atlantique, le changement d'entraîneur après le retour dans son pays de Vladimir Vujtek, le manque de motivation de certains qui attendent le retour de la NHL, la pression épouvantable mise sur l'équipe par les autorités du Tatarstan pour remporter le titre suprême en 2005, année du jubilé de la création de Kazan ? Quoi qu'il en soit, cette équipe ne paraît pas, pour l'instant, capable de remporter le titre. Mais nous n'en sommes qu'en octobre.

En revanche, il faudra, encore cette année, compter sur Magnitka...

Meilleurs joueurs du match : Kaïgorodov (Magnitogorsk), Sykora (Magnitogorsk), Arkhipov (Kazan).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

  

Commentaires d'après-match (dans Sport-Express)

Sergueï Gonchar (défenseur de Magnitogorsk) : "Non, je n'ai pas inscrit trois assistances en moins de cinq minutes, il n'y en a eu que deux. J'ai même demandé aux arbitres de corriger la feuille de match. Ils en ont laissé trois ? Bon, alors qu'il y en ait trois. [...] Je suis arrivé en Russie sans ma famille. Dans un appartement, je devais tout préparer et nettoyer. Cela ne me convient guère, c'est pourquoi j'ai déménagé à l'hôtel, où le service est bon. J'ai promis à ma famille que je rentrerais la voir pendant les pauses du championnat. L'Euro Hockey Tour n'est pas aussi important qu'un championnat du monde, et je veux voir ma fille grandir. Je comprends le désir des sélectionneurs d'avoir tout le monde en équipe nationale, mais j'espère qu'ils me comprendront. Il n'y a rien de bon à ce que je vienne au stage de la sélection si mes pensées sont ailleurs, avec ma famille. C'est pourquoi je parle ouvertement de mes intentions."

Marek Sykora (entraîneur de Magnitogorsk) : "Nous avons très bien conduit la première période, et en Russie, marquer deux ou trois buts, c'est ne pas être bien loin de la victoire. Le début de la deuxième période ressemblait à ce que l'on peut appeler une catastrophe. Pendant dix minutes, nous n'avons absolument pas bougé, et Ak Bars aurait très bien pu complètement renverser le match. Je connais Petr Sykora depuis ses jeunes années. Un bon centre lui est nécessaire. Il y a de bons jeunes centres en Superliga, et parmi eux, Kaïgorodov a assez d'expérience. Sur ce trio, je voulais de plus un ailier gauche qui tire de la droite, et j'y ai essayé Dobryshkin. Quant à la première ligne, tant que l'équipe joue et gagne, ses problèmes ne sont pas si graves."

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "Non, je ne dirais pas que j'ai commis une erreur dans le choix du gardien titulaire. Il n'y avait rien à faire sur ces tirs. Je voulais remplacer Brathwaite déjà après le troisième but, et j'avais même dit à Tsarev de s'échauffer. Mais nous étions en infériorité et ce n'était pas le moment de rappeler le gardien au banc. Et c'est juste à ce moment-là que nous avons encaissé le quatrième but."

 

Metallurg Magnitogorsk - Ak Bars Kazan 6-2 (3-0, 2-1, 1-1)

Jeudi 7 octobre 2004 au palais des sports Ivan Romazan. 3500 spectateurs.

Arbitrage de M. Bulanov (Moscou).

Pénalités : Magnitogorsk 10', Kazan 12'.

Tirs : Magnitogorsk 34 (15, 8, 11), Kazan 30 (8, 11, 11).

Évolution du score :

1-0 à 11'25" : Dobryshkin assisté de Gonchar et Kaïgorodov

2-0 à 13'50" : Sykora assisté de Gonchar et Kaïgorodov

3-0 à 16'06" : Kaïgorodov assisté d'Atyushov et Gonchar (sup. num.)

3-1 à 22'41" : Arkhipov

4-1 à 33'00" : Sykora assisté de Kaïgorodov et Dobryshkin (sup. num.)

5-1 à 37'33" : Gladskykh assisté de Gogolev et Arekaïev

5-2 à 49'24" : Arkhipov assisté de Klimentiev et Yachmenev (inf. num.)

6-2 à 59'31" : Kaïgorodov assisté de Kalinin et Dobryshkin

 

Metallurg Magnitogorsk

Gardien : Andreï Malkov.

Défenseurs : Andreï Sokolov (KAZ) - Roman Kukhtinov ; Evgueni Petrochinin - Dmitri Kalinin ; Sergueï Gonchar - Vitali Atyushov ; Martin Cech (TCH).

Attaquants : Eduard Kudermetov - Evgueni Gladskikh - Valeri Karpov (c) ; Dmitri Gogolev - Evgueni Malkin - Sergueï Arekaïev ; Petr Sykora (TCH) - Alekseï Kaïgorodov - Yuri Dobryshkin ; Konstantin Makarov - Dmitri Makarov - Alekseï Tertyshny.

Remplaçant : Anton Khudobin (G).

Ak Bars Kazan

Gardien : Fred Brathwaite (CAN) puis Andreï Tsarev à 37'33".

Défenseurs : Dmitri Balmin - Vitali Proshkin ; Denis Denissov - Aleksandr Guskov ; Konstantin Korneïev - Sergueï Klimentiev (UKR) ; Andreï Pervyshin - Nikolaï Ignatov.

Attaquants : Alekseï Morozov - Sergueï Zinoviev - Ilya Kovalchuk ; Aleksandr Drozdetski - Vadim Epanchintsev (c) - Dave Nemirovsky (CAN/RUS) ; Denis Platonov - Denis Arkhipov - Vitali Yachmenev ; Danis Zaripov - Evgueni Fedorov - Enver Lisin.

 

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