Clermont-Ferrand - Dijon (21 septembre 2004)

 

Match comptant pour la troisième journée de Ligue Magnus.

Le public est réduit pour ce match en semaine dans la capitale auvergnate : environ 400 spectateurs. Il est vrai que les supporteurs des Sangliers arvernes, habitués à la division 1 puis au rythme des poules de Nationale de ces dernières années, n'ont peut-être pas encore pris le pli du match du mardi soir. À ce facteur explicatif structurel s'ajoute un élément conjoncturel : le début de saison clermontois est, conformément aux attentes, catastrophique. Les Sangliers ont eu l'honneur d'inaugurer la séquence réservée cette saison à chacune des écuries de la Ligue Magnus : réception de Mulhouse, déplacement à Rouen... La défaite sèche 0-5 face à Mulhouse passerait presque pour un exploit au prisme de la déroute en terre normande. 11-1, c'est l'addition salée que l'équipe emmenée par Éric Doucet a infligée aux Auvergnats. Les deux seuls rayons de soleil dans ce début de saison bien terne sont venus de Radek Lukes, irréprochable dans ses cages malgré les seize buts encaissés en deux matchs (c'est dire le niveau général de l'équipe...), et de la recrue de Wasquehal (D3), "Paulo" Mottet, auteur d'un but plein d'opportunisme à l'île Lacroix, l'unique de l'équipe en deux rencontres.

Pour ce match, Milan Jancuska a décidé de laisser la jeune pousse locale Laurent Ballet, 21 ans, sur le banc, aux côtés de Cyrille Gaby et du gardien remplaçant Chardon. William Mouly, suspendu après ses frasques de la débâcle normande, est remplacé sur la deuxième ligne par Alexis Billard, tandis que Paul Mottet est promu en centre de la troisième.

À la tête des Ducs bourguignons, le "sorcier" Daniel Maric se méfie de cette expédition au pied du Puy-de-Dôme, depuis la lourde défaite 7-2 que son équipe y a essuyée en ouverture du championnat 2003-04. Objectivement, il peut tout de même sereinement envisager le match, avec l'arrivée en défense du renfort d'ECHL Valdemar Pelikovsky. Même sans Miroslav Pazak, le fameux canonnier slovaque, il dispose d'une attaque qui sait faire parler la poudre, et son effectif lui offre même le luxe d'aligner en troisième bloc offensif le fameux "trio des bleuets". Il s'agit de la re-création de la première ligne d'attaque de la seule équipe de France ayant joué dans le Groupe A du championnat du monde des moins de 20 ans, en 2002 : Guéguen-Brodin-Kevorkian. De même, à l'arrière, trois jeunes défenseurs sont aux portes de l'équipe de France seniors, Aymeric Gillet, Mathieu Mille et Arnaud Mazzone. Enfin, la plupart des joueurs étrangers sont maintenant parfaitement intégrés au système Maric, puisqu'ils jouaient déjà à Dijon la saison dernière. C'est donc un effectif parfaitement huilé qui se présente ce mardi 21 septembre à Clermont-Communauté.

Le règne sans partage des Ducs de Bourgogne

Pour une équipe comme Clermont, même Dijon, pourtant habitué du milieu de tableau, fait figure de gros client, et ça se sent dès l'entame de match. La domination dijonnaise est évidente. Non pas que le temps de possession du palet soit supérieur côté bourguignon, mais chaque récupération de la rondelle se termine par une grosse occasion. La faiblesse défensive clermontoise est criante, et Frédéric Brodin a beau essayer de colmater les brèches, les fuites se multiplient. Pourtant, à l'approche de la moitié du premier tiers, le score est encore vierge. Les Sangliers connaissent même quelques phases de domination, à l'occasion de supériorités numériques, mais leur jeu de puissance s'avère d'une indigence rarissime. C'est d'ailleurs à la fin d'une infériorité tuée dans la tranquillité, que le capitaine des Ducs, Stephen Dugas, débloque le compteur, sur une contre-attaque rondement menée en compagnie de l'ancienne vedette des London Racers, Kalle Konsti. Dans la minute qui suit, Frédéric Brodin, en position de dernier défenseur, concède un tir de pénalité pour faire trébucher, mais Radek Lukes rassure ses coéquipiers en se montrant intraitable.

La suite du tiers est disputée sur un rythme alerte. Les pénalités se font rares. On sent que Milan Jancuksa a donné des consignes strictes de discipline à ses hommes, qui, débordés, avaient largement eu recours aux coups bas lors de leurs deux premières sorties de la saison. C'est peu dire que l'absence de William Mouly pèse également dans le sens d'une discipline accrue.

La fin de la première période approche et Aymeric Gillet parachève d'un but la flagrante domination technique des Ducs. Sa réalisation est le fruit d'un beau mouvement collectif de la ligne des bleuets, Kevorkian et Guéguen assistant le but.

La deuxième période est riche en rebondissements. Dans son entame, elle prolonge l'atmosphère de la première : Clermont est écrasé d'un point de vue technique, mais le match reste plaisant à regarder, y compris pour les spectateurs auvergnats, car les Sangliers ne se désolidarisent jamais, et donnent le meilleur de leur potentiel. L'envie est louable, mais l'impuissance fait peine à voir. Misérables, les Auvergnats le sont, malgré toute leur envie. Nilly engueule Billard, Lecompère vient frapper sa crosse sur la balustrade en signe de dégoût après le troisième but dijonnais, calmement marqué par le capitaine Stephen Dugas, en conclusion d'un raid signé Kevorkian-Guéguen... À noter que, pendant ce but, il y avait six joueurs en prison : Brodin, Allison, Jeannette et Mazerolle envoyés pour quatre minutes suite à une altercation, Kelley et Mazzone les ayant rejoints ensuite pour un petit accrochage.

Trois longueurs d'avance, voilà qui est confortable. Dijon lève légèrement le pied, sans pour autant que les Clermontois en profitent.

Les révoltés laissent passer leur chance

Puis la trente-cinquième minute arrive, porteuse d'une révolte auvergnate aussi soudaine qu'imprévue. L'année dernière, Christophe Roux, formé au CAHC, était le capitaine auvergnat. Cette année encore, il sait se comporter en patron dans les moments difficiles. Son premier but est un éclat de génie : lors d'un moment d'inattention de la défense bourguignonne, il vient à toute vitesse chiper le palet par derrière dans la crosse d'un Duc, et, se retrouvant comme par miracle seul devant Fougère, il conclut l'action à toute vitesse et ne laisse aucune chance au portier. La patinoire de Clermont-Communauté fête ce but comme une victoire. Un léger vent d'euphorie souffle tout à coup sur la glace auvergnate : dans les minutes qui suivent, Aram Kevorkian est poussé à la faute sur une attaque clermontoise, et les Sangliers obtiennent, avec ce tir de pénalité, une bonne occasion d'égaliser. Cependant, Grégory Fougère remporte magistralement son duel contre Luc Mazerolle. Les Ducs se reprennent progressivement, et on sent que Clermont a laissé passer sa chance.

Les Ducs n'abdiquent pas

En fin de tiers, la défense bourguignonne monte d'un cran, et vient prêter main forte aux canonniers dijonnais qui ne parviennent pas à terrasser le dernier résistant en terre d'Auvergne, Radek Lukes. Deux défenseurs gauche apportent la solution, en une minute, juste avant la dernière pause : Milan Tekel crucifie Lukes après une série de tirs de Dugas et Suuronen. Puis la recrue d'Amiens Mazzone fait parler la poudre après une mise sur orbite de Gentilleau et Dugas.

Le troisième tiers ne semble pas, dans un premier temps apporter beaucoup de nouveautés sous le plafond de Clermont-Communauté. La répression des Ducs est implacable, et le duo infernal Konsti-Suuronen se porte volontaire pour exécuter la basse besogne de bourreau des mutines espérances auvergnates. Parenthèse culturelle : si Suuronen est un nom finlandais, alors que le joueur qui le porte est de nationalité suédoise, c'est tout simplement que la Finlande a connu une grande vague d'émigration vers la Suède, dans les années 1950-1970, de l'ordre de 250 000 personnes environ. Ce chiffre est considérable pour un pays de départ comptant alors 4,5 millions d'habitants. La Grande Migration (nom donné par les historiens finlandais à ce phénomène) a donné naissance à une minorité d'origine finlandaise en Suède, estimée en 2002 à 500 000 personnes environ. Toutefois, depuis une dizaine d'années, un mouvement de retour vers la Finlande réduit ce chiffre. De plus, la plupart des personnes nées en Suède de parents finlandais ne parlent pas finnois, ce qui limite la pertinence de l'emploi du terme "communauté" pour les désigner. En tout cas, voilà la raison pour laquelle certains joueurs de hockey suédois portent des noms finlandais. Voilà encore pourquoi l'équipe nationale de rugby finlandaise (si, si, ça existe) compte de nombreux joueurs ayant la double nationalité mais résidant en Suède et ne parlant que suédois. Mais ça n'a plus grand-chose à voir avec le hockey.

Bref, Calle Suuronen est suédois, mais il s'entend à merveille avec son partenaire de ligne Kalle Konsti, peut-être parce qu'il est d'origine finlandaise et qu'il parle finnois. Ces deux bonshommes s'amusent dès la première minute du dernier tiers à enfoncer leurs victimes auvergnates. 6-1, l'addition est lourde, d'autant plus que Thomas Bergamelli y va de son but personnel. Le public clermontois est divisé entre une grande majorité (silencieuse, ça va de soi) de médusés, une solide et bruyante minorité de cyniques un peu lâches, il faut bien l'admettre ("et allez, vas-y qu'y vont s'en prendre un autre ! Y jouent comme des chèvres t'façon, j'l'ai toujours dit"), et un infime noyau de fidèles supporteurs qui continuent à lancer des chants et à soutenir leur équipe préférée avec chaleur (l'auteur de ce texte en faisant partie, évidemment), même à 1-7. Puisque personne ne veut endosser les habits de buteur goleador clermontois, c'est Christophe Roux qui s'y colle, avec un nouveau but suite à un gros travail de Lecompère et un relais du capitaine Nilly. Immédiatement après, inspirée par la réussite de Roux, la première ligne clermontoise marque pour la première fois de la saison, par Luc Mazerolle qui ouvre enfin son compteur personnel, sur un service de Jeannette et Kelley.

Le score de 7-3 est tout à fait logique. Il reflète la disparité de niveau entre des Auvergnats ne jouant que sur leurs tripes, mais totalement impuissants devant la maîtrise technique des Ducs. Ces derniers sont bien loin du niveau des Scorpions mulhousiens, hôtes précédents de la patinoire Clermont-Communauté, mais ils savent gérer les phases d'infériorité, et marquer en phase de supériorité, ce que les Clermontois sont incapables de faire.

On notera côté dijonnais l'étalage de talent de la troisième ligne tricolore et l'étincelant Stephen Dugas, véritable chef d'orchestre de la troupe bourguignonne ce soir.

Côté clermontois, les recrues étrangères sont toujours aussi inexistantes, sauf ce diable de Radek Lukes, qui, malgré un bon match, prend encore sept buts dans la musette se soir. Seul Christophe Roux surnage d'un point de vue technique, mais il faut noter également la bonne prestation de Cyril Gavalda, très percutant dans ses entrées de zone ultra-rapides. Son jeu tout en dribbles demeure cependant d'une stérilité trompeuse, car, peu épaulé par ses partenaires, il veut souvent trop en faire tout seul. Espérons que son style devienne plus tranchant au fil des matchs. Nous demeurons persuadés que, à 19 ans, Gavalda n'a laissé apprécier qu'une infime partie de son immense talent.

Compte-rendu signé Jocelyn

 

Commentaire d'après-match (dans Le Bien Public)

Daniel Maric (entraîneur du CPH Dijon) : "On a fait ce qu'il fallait. On ramène deux points, sans blessé, c'est essentiel. À chaque fois qu'ils dominaient, on a réussi à planter un contre, ce qui leur a coupé les pattes. On a bien défendu lorsqu'on s'est retrouvé en infériorité, mais parfois, bizarrement, au complet, on s'est compliqué la tâche. On leur donne d'ailleurs les trois buts".

 

Clermont-Ferrand - Dijon 3-7 (0-2, 1-3, 2-2)

Samedi 21 septembre à 20h00 à la patinoire Clermont-Communauté. 400 spectateurs.

Arbitrage de Thierry Calamoneri assisté de Gildas Fontaine et Jean-Charles Llorca.

Pénalités : Clermont 18 (6', 10', 2'), Dijon 52 (6', 14', 12'+10'+10').

Évolution du score :

0-1 à 09'37" : Dugas assisté de Konsti

0-2 à 17'50" : Gillet assisté de Kevorkian et Guéguen

0-3 à 25'21" : Dugas assisté de Guéguen et Kevorkian

1-3 à 31'08" : Roux

1-4 à 38'41" : Tekel assisté de Dugas et Suuronen

1-5 à 39'42" : Mazzone assisté de Gentilleau et Dugas

1-6 à 40'56" : Konsti assisté de Suuronen

1-7 à 46'17" : Bergamelli (sup. num.)

2-7 à 47'41" : Roux assisté de Nilly et Lecompère

3-7 à 48'38" : Mazerolle assisté de Jeannette et Kelley (sup. num.)

 

Clermont-Ferrand

Gardien : Radek Lukes.

Défenseurs : Carl Michaelson - Frédéric Brodin (A) ; Yann Lecompère - Lionel Simon ; David Sarliève - François Martin.

Attaquants : Luc Mazerolle - Martin Jeannette - Paul Kelley ; Alexis Billard - Christophe Roux (A) - Frédéric Nilly (C) ; Cyril Gavalda - Paul Mottet - Jean-Michel Bortino.

Remplaçants : Fabien Chardon (G), Laurent Ballet, Cyrille Gaby. Absent : William Mouly (suspendu).

Dijon

Gardien : Grégory Fougère.

Défenseurs : Joshua Allison (A) - Aymeric Gillet ; Milan Tekel (A) - Mathieu Mille ; Arnaud Mazzone - Valdemar Pelikovsky.

Attaquants : Stephen Dugas (C) - Calle Suuronen - Calle Konsti ; Romain Gentilleau - Thomas Bergamelli - Ludovic Duranceau ; Thomas Guéguen - Mickaël Brodin - Aram Kevorkian.

Remplaçant : Karl Ola Nilsson (G). Absents : Miroslav Pazak (touché à l'épaule), Aurélien Albano (choix de l'entraîneur).

 

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