République Tchèque - États-Unis (5 mai 2004)

 

Quart de finale des championnats du monde 2004.

Après leur démonstration face au Canada, les Tchèques devaient écarter de leur route un autre adversaire nord-américain. Une mission a priori jouable d'autant plus que les coéquipiers de Jaromír Jágr pouvaient compter sur le soutien inconditionnel de 17000 spectateurs ! Cette fois les choses sérieuses commencent vraiment pour le favori de la compétition. En face, les Américains faisaient leur retour en quarts de finale du mondial et n'avaient rien à perdre. Petite surprise de Laviolette au coup d'envoi avec la titularisation de Ty Conklin au détriment de Mike Dunham dans les cages américaines.

On attendait des Américains agressifs et provocateurs qui allaient jouer sur le physique pour bousculer les Tchèques. Aussi ne fut-on pas surpris d'assister à une première altercation entre Westrum et Slegr. Pourtant, on pouvait se rendre compte assez rapidement que les Américains n'étaient pas venus pour provoquer mais pour jouer. Une défense bien en place qui frustre les Tchèques pendant de longues minutes avant de leur accorder un premier tir, une attaque intense et présente au forecheck dans le plus pur style nord-américain. Il faut attendre une faute de Brett Hauer et une première supériorité numérique pour voir les Tchèques prendre enfin la possession de la zone américaine. Kaberle fait quelques essais de la bleue et Prucha tire au-dessus mais c'est à peu près tout. Le match semble près de basculer quelques minutes tard lorsque Havlat puis Hejda sont envoyés en prison, offrant ainsi un cinq contre trois aux Américains. Sous une bronca assourdissante, les Américains tentent vainement de trouver la faille dans la défense tchèque mais se montrent trop statiques. Leur jeu qui consiste systématiquement à trouver des rebonds sur des tirs de loin parait un peu stéréotypé. Poussés par leurs public, les Tchèques parviennent à tuer ces deux pénalités. Mais curieusement, cela donne des ailes aux Américains. Leur pressing intense ramène sans arrêt les Tchèques dans leur zone et Jeff Hamilton se trouve tout près d'ouvrir le score. Puis un tir de Mike Grier passe au ras de la cage. Les Américains ne se contentent pas de défendre et seul Jágr arrive à inquiéter Conklin du revers. Les Tchèques frisent la correctionnelle lorsqu'il n'y a plus que Jirí Slegr pour bloquer un tir de Blake Sloan alors que Vokoun était battu. Les Américains finissent le tiers en supériorité numérique et, à la surprise générale, ont fait la meilleure impression en ce premier tiers.

Ils semblent repartir sur les même bases en deuxième période lorsqu'une passe coupée par Adam Hall permet à l'attaquant de Nashville de tirer directement sur Vokoun surpris. Mais les Tchèques vont réagir. Sur un magnifique lancer frappé de Martin Škoula à la bleue, Conklin est masqué par le retour devant la cage de Jirí Dopita et ne voit le palet qu'au fond de ses filets (1-0, 23'15"). Comme ils l'ont toujours fait durant ce mondial, les Tchèques prennent les devants au score et on se dit qu'il sera difficile de les rattraper. D'autant plus qu'ils bénéficient d'une supériorité numérique pour une faute de Battaglia. Libérés par cette ouverture du score, ils installent avec facilité le jeu de puissance. Jaromír Jágr entre alors en action : son tir rate la cage, le palet rebondit sur la balustrade, il le récupère, fait le tour de la cage et parvient à le redresser pour le glisser au fond des filets avec la complicité du patin de Conklin (2-0, 26'04"). Le match semble plié à cet instant. D'autant que les Tchèques ont la maîtrise du jeu. Tir de Vyborny à côté, revers de Jágr, jeu en triangle avec Straka à la conclusion : les actions tchèques s'enchaînent, les occasions de but avec. Mais les Américains ne sont pas du genre à renoncer. Sur un contre côté droit, Matt Cullen centre au cordeau devant les buts de Vokoun, et Richard Park qui attendait au second poteau marque dans un angle impossible après que le palet a rebondi sur Vokoun (2-1, 30'19"). Coup de froid dans la Sazka Arena. Qu'à cela ne tienne, les Tchèques repartent de l'avant et obtiennent une supériorité numérique. Mais Kaberle manque de réussite dans ses tirs et Rucinský butte sur un Conklin impeccable. Les Américains ne sont pas en reste et Hamilton rate "l'immanquable" tout seul devant Vokoun. Jágr essaie de mettre son équipe à l'abri en fin de tiers en deux contre un mais il est finalement contré par le dernier défenseur américain.

Avec seulement un but de retard au début de la dernière période, les Tchèques restent sous la menace américaine. Adam Hall a tôt fait de le leur rappeler dans les premières secondes mais Vokoun sort un arrêt spectaculaire en jetant ses jambières. Le jeu s'emballe rapidement et les occasions se multiplient de part et d'autre. Plus les minutes passent et plus le prochain but semble avoir une importance déterminante pour la suite de la rencontre. L'arbitre ne s'y trompe pas et oublie complètement son sifflet : pas une pénalité ne sera sifflée dans ce dernier tiers. Les Tchèques semblent contractés et ne parviennent pas à dérouler leur jeu comme ils ont pu le faire face au Canada. Les Américains semblent en revanche déterminés et ils arrivent à maintenir leurs adversaires dans leur camp notamment grâce à un nombre incroyable de palets récupérés en zone neutre. Il leur manque seulement la finition. Et eux qui ont multiplié les occasions franches vont finalement marquer presque par hasard. Sur un débordement côté gauche, Westrum centre... pour personne, ou plutôt si, pour Jan Hlavac qui dévie le palet dans ses propres filets (2-2, 52'01"). Drôle de but mais ô combien important ! Car la rencontre est du coup complètement relancée. Les Tchèques jettent toutes leurs forces dans la bataille. Straka sur un slap, Vyborny en faisant le tour de la cage, puis sur un rebond : à chaque fois Ty Conklin sort le grand jeu et s'impose. En laissant revenir les Américains, les Tchèques ont commis une grave erreur. Car ces Américains sont bien décidés à ne plus rien lâcher.

On se dirige donc vers un prolongation de dix minutes à quatre contre quatre, la première du tournoi. Plus d'espace donc, ce qui favorise évidemment les Tchèques. Du moins au début, notamment sous l'impulsion de Výborný. Mais les Américains se créent aussi de belles occasions comme cette action de Jeff Halpern qui finit dans le portier tchèque. Rien ne sera marqué finalement, et vient alors la terrible séance des tirs aux buts. Grand moment d'angoisse pour les 17000 spectateurs de la Sazka Arena. Grand moment de suspense dans ce mondial. Avantage théorique là encore à la Tchéquie avec des fins techniciens comme Jágr, Havlat, Výborný... et une muraille nommée Vokoun. Mais cette série de penalties sera au moins aussi intense que le match. Cullen et Výborný tirent sur le poteau. Park et Havlat échouent sur le gardien averse. Ryan Malone fait jeu égal avec le grand Jaromír Jágr (qui en fracasse sa crosse sur la balustrade) en touchant à son tour les montants. Drury et Prucha n'ont pas plus de réussite. Viennent alors les derniers tireurs. Et un quasi-inconnu nommé Andy Roach, défenseur de Mannheim en DEL. Quelle idée de faire tirer ce joueur ? Il va apporter la réponse avec un mouvement magnifique : il feinte sur la gauche, revient à droite dernier moment, Vokoun n'y voit que du feu. La pression est alors sur Jirí Dopita qui rate la cage. Silence de mort dans la Sazka Arena. C'est fini pour les Tchèques.

Avaient-ils gagné cette rencontre dans leur tête avant même de l'avoir jouée ? N'avaient-ils pas joué le match contre le Canada comme un vrai quart de finale, oubliant où était l'enjeu ? Étaient-ils trop confiants après ce match ? Avaient-ils trop de pression ? Sans doute un peu de tout ça. Les Tchèques vont ruminer longtemps cette défaite qui n'était pas programmée dans "leur" Mondial. Une nouvelle fois on a vu la difficulté que peut rencontrer une équipe évoluant à domicile. De leur côté, les boys de Laviolette sont allés chercher une victoire à force de détermination, d'énergie et aussi d'une tactique bien huilée. Laviolette avait joliment préparé son coup. La réussite a fait le reste et les Américains ont créé l'exploit que personne (à part eux !) n'osait même envisager. Un nouveau "miracle sur la glace"...

Compte-rendu signé Christophe Laparra

 

Commentaires d'après-match :

Slavomir Lener (entraîneur de la République Tchèque) : "Je voudrais féliciter mon collègue. Nous avons affronté une équipe sympathique qui a lutté jusqu'au bout pour la victoire et l'a obtenue. Avant cette rencontre, nous jouions à haut niveau et nous avions gagné tous nos matches. Il y avait une incroyable agitation autour de nous avant le début de ce Mondial, tout le monde nous disait que nous étions obliger de gagner la médaille d'or. Nous avions prévenu que la victoire ne se commande pas. Malheureusement, nous avions raison. Nous n'avons concédé qu'un point dans le tournoi et nous sommes éliminés. Mais il serait absurde de nous plaindre de la formule, elle nous a souvent été favorable par le passé."

Martin Straka (attaquant de la République Tchèque) : "Je n'arrive pas à croire à ce qui vient de se passer. Je comprends la déception des supporters qui nous ont soutenus. Je dois reconnaître qu'on a peut-être cru que ce serait trop facile. Même avant le match on nous a dit que nous gagnerions par cinq ou six buts d'écart. C'est ridicule. Mais quand nous avons mené 2-0, nous nous sommes relâchés. Nous avons essayé de continuer à jouer notre hockey, mais l'adversaire était bon, il a exercé sur nous une pression constante, et après avoir marqué deux buts à la sueur de son front, il a évité la défaite. Les Américains ont peut-être alors cherché les tirs au but. Nous, au contraire, nous avons essayé de marquer en prolongation, mais sans réussite. Ils se sont concentrés sur leur défense et ça a marché. C'est le sport, il faut un vaincu."

Peter Laviolette (entraîneur des États-Unis) : "C'est indubitablement notre meilleur match du tournoi. Contre un effectif aussi talentueux, nous avons pratiqué notre style de jeu habituel, physique et rapide. Les joueurs ont mis toute leur âme dans ce match et ont fait preuve de qualités de volonté exceptionnelles. Nous avons joué comme des guerriers. Nous avons un système d'alternance entre les gardiens. Comme je ne compte pas le match contre le Danemark comme un réel challenge, c'était au tour de Conklin d'être dans les cages. Mon assistant Greg Poss m'avait dit que Roach, qui a joué pour nous à la Deutschland Cup, avait dans son arsenal technique une feinte incroyable. Nous avons pris le pari de l'aligner dans ces tirs au but, et c'était une bonne intuition. Bien sûr que nous visons la médaille. La Suède a de bons joueurs et nous a battus sans discussion à Ostrava, mais je ferai en sorte que nous soyons prêts."

Mike Grier (attaquant des États-Unis) : "Je pense que cette énorme ambiance a aussi gêné notre adversaire. Les Tchèques sentaient sur leurs épaules l'attente de tout un pays. Mais chez nous, personne ne nous suit. Nous sommes entrés sur la glace avec calme, nous avons joué pour le plaisir. Toute l'équipe avait confiance à 100% en Ty Conklin. J'ai joué avec lui à Edmonton, et je sais qu'il est excellent dans les face-à-face. Nous partions ainsi avec un avantage, nous savions que les tirs au but nous seraient favorables, surtout que la glace est médiocre et n'aide pas les attaquants. C'est vrai, Forsberg et Lidström renforceront l'équipe de Suède ? Mon Dieu, ça ne va pas rendre les choses plus faciles... En pleine forme, Forsberg est à mon avis le meilleur attaquant de la planète. Mais si nous jouons comme aujourd'hui, pourquoi pas ? Ce championnat du monde est la victoire du hockey vertical. Nous envoyons le palet dans la zone et nous luttons dans les coins. Le jeu en devient peu attrayant, mais c'est efficace."

 

République Tchèque - États-Unis 2-2 (0-0, 2-1, 0-1, 0-0) / 0-1 aux tirs au but

Mercredi 5 mai à 20h15 à la Sazka Arena de Prague. 17360 spectateurs.

Arbitrage de Hannu Henriksson (FIN) assisté de Juha Kautto (FIN) et Dean Laschowski (CAN).

Pénalités : Rép. Tchèque 10' (8', 2', 0', 0'), États-Unis 10' (4', 6', 0', 0').

Tirs : Rép. Tchèque 43 (13, 12, 13, 5), États-Unis 36 (13, 11, 6, 6).

Évolution du score :

1-0 à 23'15" : Škoula assisté de Dopita

2-0 à 26'04" : Jágr (sup. num.)

2-1 à 30'19" : Park assisté de Cullen

2-2 à 52'01" : Westrum assisté de Battaglia

Tirs au but :

États-Unis : Cullen (poteau), Park (arrêté), Malone (poteau), Drury (à côté), Roach (réussi).

République Tchèque : Výborný (poteau), Havlat (arrêté), Jágr (poteau), Prucha (arrêté), Dopita (à côté).

 

Rép. Tchèque

Gardien : Tomáš Vokoun.

Défenseurs : Roman Hamrlík - Jan Novak ; Jan Hejda - Jirí Slegr ; Martin Škoula - František Kaberle.

Attaquants : Martin Havlat - Martin Straka - Jaromír Jágr ; Martin Rucinský - Vaclav Prospal - Radek Dvorák ; Jaroslav Hlinka - Jirí Dopita - Petr Prucha ; Jan Hlavác - Josef Beránek - David Výborný.

Remplaçants : Roman Cechmánek (G), Milan Kraft.

États-Unis

Gardien : Ty Conklin.

Défenseurs : Paul Mara - Aaron Miller ; Hal Gill - Brett Hauer ; Andy Roach - Eric Weinrich ; Keith Ballard - Jeff Jillson.

Attaquants : Ryan Malone - Jeff Halpern - Chris Drury ; Bates Battaglia - Mike Grier - Erik Westrum ; Richard Park - Matt Cullen - Adam Hall ; Blake Sloan - Jeff Hamilton - Dustin Brown.

Remplaçant : Mike Dunham (G).

 

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