Canada - Allemagne (7 mai 2003)

 

Quart de finale des championnats du monde 2003.

L'Allemagne, qui a eu moins de vingt heures de récupération depuis leur gros match contre la Finlande, affrontent des Canadiens au repos depuis avant-hier. Elle n'est toujours pas épargnée par les soucis d'infirmerie, puisque Blank, Molling et Felski sont absents alors que Benda et Abstreiter jouent diminués. De plus, Mirko Lüdemann a eu deux côtes cassées sur une charge de Niklas Hagman hier. Il faudra donc aussi se passer du défenseur de Cologne, dont Zach dit qu'il mériterait d'être élu dans l'équipe all-star des championnats du monde (aucune chance, en fait). Même si Oliver Jonas termine la compétition avec 96% d'arrêts, Hans Zach continue la tournante entre les gardiens qui aboutit à la titularisation du plus expérimenté, Robert Müller, pour ce quart de finale.

Mais le gardien de Krefeld commence bien mal son match en se faisant glisser le palet entre les jambières après trois minutes de jeu, sur une supériorité numérique. C'est le capitaine Ryan Smyth, nouveau recordman des matchs de championnat du monde joués avec le Canada (il a battu le record établi l'an dernier par le vétéran James Patrick), qui inscrit ce premier but (1-0 à 03'04"). Alors que les Allemands espéraient faire douter les Canadiens, ceux-ci peuvent au contraire parfaitement imposer leur jeu direct vers la cage et leur présence physique. Robert Müller se rachète par un superbe double arrêt devant Daniel Brière. L'Allemagne tente de réagir, mais l'entrée du slot lui est interdite, alors que les Canadiens s'ouvrent toutes les portes. En fin de tiers, une récupération très physique de Maltby dans l'enclave lui permet de libérer son coéquipier de Detroit, Kris Draper, qui échoue lui aussi sur Müller.

Malgré un tir de Comrie sur le poteau pour inaugurer la deuxième période, la volonté allemande est intacte, à l'image de cette feinte de passe de Kreutzer qui continue en fait vers la cage, sans que son tir ne trompe Burke. Les Allemands ne parviennent pas à concrétiser deux supériorités numériques, et Kunce fait même une obstruction sur une contre-attaque à deux contre deux. Mais malgré une erreur défensive de Benda qui permet à Brière de décaler Marleau seul face au but, le jeu de puissance canadien n'est pas lui non plus décisif, Lewandowski faisant même des merveilles en contre. À force de se créer de plus en plus d'occasions, les Allemands prennent confiance, mais le Canada enfonce le clou au bon moment : Müller attrape de la mitaine un bon revers de Calder, mais il ne peut rien sur le lancer de la bleue de Cross dévié par Brière (2-0 à 32'43"). Explosif sur une mise au jeu en zone offensive, Kyle Calder se présente seul devant la cage. La défense allemande souffre de plus en plus.

La percée d'Ehrhoff dès la première minute du troisième tiers-temps prouve que les Allemands n'ont pas abdiqué. Ils obtiennent de plus un coup de pouce du destin quand Craig Rivet, décalé devant une cage ouverte par Carter, tire sur la transversale. Et c'est l'ultime adjonction de l'équipe, Lasse Kopitz, le défenseur aligné en attaque à la place de Felski blessé, qui réduit le score (2-1 à 44'31"). Son bond rageur après avoir marqué montre toute l'envie de cette équipe allemande, bien décidée à jouer sa chance, y compris en faisant quelques concessions dans son système défensif. Les contre-attaques en surnombre, strictement interdites par Zach en temps normal, sont le prix à payer à un jeu plus offensif. À quatre contre quatre, une incroyable glissade de Kyle Calder au moment de récupérer le palet dans son enclave permet à Kreutzer de tirer dans la lucarne (2-2 à 54'00"). La défense canadienne n'est plus du tout sereine face à ces Allemands animés par une foi inaltérable, et Rivet est même pénalisé.

Pourtant, le geste indiscipliné de trop, c'est Daniel Kunce qui le commet lorsqu'il donne un coup de poing à Draper à l'avant-dernière minute. Ce n'était pas du tout le bon moment... Maintenant que la prolongation se joue à quatre contre quatre, pour la première fois en championnat du monde, cette pénalité tardive signifie que les Allemands doivent aborder à trois joueurs une mort subite qui n'a jamais aussi bien porté son nom. Dans ces quarante-six maudites secondes, il y en a finalement dix de trop. Kunce se languit de remonter sur la glace, mais il est devancé par tout le banc canadien, dont le soulagement est à la hauteur du mouron qu'il s'est fait en troisième période. Comme un symbole, c'est le duo champion olympique d'Edmonton qui est encore récompensé de sa fidélité au maillot frappé de la feuille d'érable : Eric Brewer marque le but vainqueur de la ligne bleue, un lancer que Müller n'a pas vu partir en raison de l'écran de Ryan Smyth (3-2 à 60'37").

L'Allemagne a encore mené la vie dure au Canada, et elle a gagné le respect de tous par sa combativité durant cette fin de championnat malgré les blessures. Elle a fait plus que tenir son rang, elle n'a jamais été aussi près d'intégrer le carré final depuis les Jeux Olympiques d'Albertville en 1992, et ce quart de finale perdu d'un cheveu aux tirs au but... face au Canada, déjà.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match :

Andy Murray (entraîneur du Canada) : "La capacité de cette équipe allemande à aller au bout d'elle-même physiquement et mentalement est incroyable. Ils ont pourtant eu très peu de temps entre leurs deux derniers matchs à cause d'une formule bizarre. Nous savions déjà que cette équipe n'abandonne jamais et qu'il nous faudrait tout donner pendant soixante minutes, mais finalement, même soixante minutes, ce n'était pas encore assez. Nous avons gagné, c'est tout ce qui compte. Par ailleurs, les deux pénalités en fin de match n'auraient pas dû être sifflées."

Eric Brewer (buteur décisif du Canada) : "Nous étions conscients du jeu qu'ils allaient pratiquer. On aurait dit qu'ils ne perdaient jamais confiance. J'ai eu le sentiment que la première moitié du match était en notre faveur pour sa plus large part, mais ils se sont accrochés et ne sont jamais sortis du match."

Hans Zach (entraîneur de l'Allemagne) : "Les joueurs sont naturellement abattus. La pénalité de Daniel Kunce était un réflexe. Pas de chance, car un 3 contre 4 est beaucoup plus difficile d'un 4 contre 5. C'était une prestation héroïque, nous n'avons trouvé la force nécessaire que par notre confiance et notre volonté. Nous sommes arrivés plus loin que je ne l'aurai pensé. Je pense que nous avons gagné le respect du monde du hockey. Qu'il soit historique ou non, ce tournoi est du passé. Nous regardons de nouveau vers l'avenir."

Jan Benda (capitaine de l'Allemagne) : "Nous avions les jambes lourdes au premier tiers-temps, nous sentions qu'ils dominaient et que leur but rapide contrariait nos plans. Mais nous nous sommes motivés au sein de l'équipe, nous voulions faire partie des quatre meilleurs. Ça s'est joué à rien, il va falloir d'abord digérer tout ça. Mais nous avons montré du caractère durant toute la compétition et nous nous rapprochons chaque année des grandes équipes."

 

Canada - Allemagne 3-2 t.a.b. (1-0, 1-0, 0-2, 1-0)

Mercredi 7 mai 2003 à 16h00 à l'Elysée Arena de Turku. 5953 spectateurs.

Arbitrage de Vladimír Sindler (TCH) assisté de Pavel Makarov (RUS) et Antti Hämäläinen (FIN).

Pénalités : Canada 16' (2', 8', 6', 0'), Allemagne 12' (2', 6', 4', 0').

Tirs : Canada 34 (9, 13, 11, 1), Allemagne 30 (5, 9, 16, 0).

Évolution du score :

1-0 à 03'04" : Smyth assisté de Comrie et Bouwmeester (sup. num.)

2-0 à 32'43" : Brière assisté de Cross et Dandenault

2-1 à 44'31" : Kopitz assisté de Retzer

2-2 à 54'00" : Kreutzer assisté de Benda

3-2 à 60'37" : Brewer (sup. num.)

 

Canada

Gardien : Sean Burke.

Défenseurs : Eric Brewer - Steve Staios ; Jay Bouwmeester - Craig Rivet ; Cory Cross - Mathieu Dandenault ; Jamie Heward.

Attaquants : Dany Heatley - Daniel Brière - Patrick Marleau ; Anson Carter - Mike Comrie - Ryan Smyth ; Kyle Calder - Steven Reinprecht - Shawn Horcoff ; Shane Doan - Kris Draper - Kirk Maltby ; Krys Kolanos.

Remplaçant : Roberto Luongo (G).

Allemagne

Gardien : Robert Müller.

Défenseurs : Daniel Kunce - Christian Ehrhoff ; Stephan Retzer - Jan Benda ; Sascha Goc ; - Andreas Renz.

Attaquants : Marcel Goc - Martin Reichel - Tomas Martinec ; Andreas Morczinietz - Leonard Soccio - Klaus Kathan ; Daniel Kreutzer - Tobias Abstreiter - Lasse Kopitz ; Christian Hommel - Tino Boos - Eduard Lewandowski.

Remplaçant : Oliver Jonas (G). Absents : Jochen Molling (genou), Boris Blank (épaule), Mirko Lüdemann (côtes), Sven Felski (genou).

 

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