Slovaquie - Russie (11 mai 2002)

 

Finale du Championnat du monde 2002 de hockey sur glace.

Affiche pour le moins inattendue pour cette finale des Championnats du monde 2002. D'un côté la Slovaquie qui jouait la deuxième finale de sa jeune histoire (la première avait été perdue face aux Tchèques en 2000) avec l'espoir d'accrocher une premier titre à son palmarès. Il y avait aussi de la revanche dans l'air du côté slovaque avec des J.O. ratés à cause de l'absence forcée des stars NHL. Cette fois toutes les stars disponibles étaient là (seuls manquaient Hossa et Demitra retenus en play-offs avec leur club). De l'autre une surprenante équipe russe, qui détient certes le record des victoires aux championnats du monde mais qui n'a plus remporté l'or depuis 1993. Une Russie qui n'avait pas fait forte impression en match de poules (trois défaites) mais qui sortait de deux victoires acquises de haute volée face aux champions du monde sortants les Tchèques et la Finlande. Tout ça grâce à un homme ou presque, l'incroyable gardien Maksim Sokolov.

Au vu des précédentes rencontres, on se dirigeait vers une opposition attaque-défense car la force de frappe slovaque devait se frotter à la rigoureuse défense russe repliée autour de Sokolov. Pourtant on n'eut même pas le temps au début du match de voir quelle allait être la tactique des uns et des autres car Lubomir Višnovský adressa un monumental slapshot qui heurta les montants des buts de Sokolov avant de rentrer : la Slovaquie avait ouvert le score après 22 secondes ! Les Russes avaient l'occasion de revenir à hauteur moins d'une minute plus tard avec une crosse haute de Milo sur Savchenkov. Mais les Slovaques défendaient bien et les Russes ne purent se créer d'occasion franche sur la supériorité numérique. Les partenaires de Šatan se montraient d'ailleurs plutôt prudents et ne tombaient pas dans le jeu de l'attaque à tout va, de peur de se faire contrer par les Russes. Alors que ces derniers pensaient pouvoir égaliser, Lyashenko était envoyé en prison pour une obstruction sur Lašák. Les Slovaques ne laissèrent pas passer la chance : Šatan derrière le filet passait pour Bondra qui battait Sokolov (2-0). Šatan pensait même avoir marqué un troisième but quatre minutes plus tard, mais il fut refusé après visionnage de la vidéo car l'attaquant des Sabres avait percuté Sokolov alors que le palet rentrait dans les filets. Quelques secondes plus tard, les Slovaques bénéficiaient d'une faute de Koznev mais Sokolov tenait bon. On en restait là et les deux équipes rentraient au vestiaire sur ce score de 2-0 en faveur des hommes de Ján Fílc.

En début de deuxième période, les deux équipes furent tour à tour en supériorité numérique. Les Slovaques grâce à une faute commise par Butsayev juste avant la pause, les Russes ensuite pour une faute de Lintner pendant la supériorité slovaque. Les partenaires de Kovalenko se montraient dangereux, le capitaine montrant l'exemple avec Valeri Karpov. Leur période de domination fut longtemps stérile mais, alors que Lintner venait de rentrer sur la glace, Prokopiev centrait devant la cage pour Zatonsky qui ratait son tir. Sushinsky en embuscade avait suivi et trompait Lašák de près (2-1). Une minute plus tard, Karpov eut une belle occasion d'égaliser mais Lašák s'interposait brillamment. Les Slovaques n'eurent pas le temps de gamberger car deux minutes plus tard Šatan récupérait une bonne passe de Handzus, parvenait à se défaire de son marquage et glissait le palet dans la cage de Sokolov : les Slovaques avaient retrouvé leur avantage de deux buts. Les pénalités de Koznev puis d'Országh ne permirent à aucune équipe de trouver l'ouverture. L'occasion la plus franche de la fin de période fut à mettre au crédit de Šatan qui partit en break sur une longue passe de Handzuš, feinta Sokolov, mais le gardien russe eut le dernier mot.

Avec deux buts d'avance au début du troisième tiers, les Slovaques avaient le match bien en mains. Mais les Russes n'avaient pas renoncé. Après deux minutes de jeu, Antipov d'un joli mouvement devant Lašák ramenait ses coéquipiers à 3-2. Šatan eut une occasion de redonner un avantage plus conséquent à la Slovaquie mais ce fut tout, et s'ensuivit alors une longue période de domination des Russes qui voulaient égaliser. Sushinsky s'emmêlait les pinceaux puis un tir de Gusev était stoppé par Lašák. La pression russe se faisait de plus en plus forte et les Slovaques se contentaient de rester dans leur zone. À six minutes de la fin du temps réglementaire, la pression russe finit par payer : Prokopiev trouvait Sushinsky esseulé devant le slot et l'attaquant d'Omsk égalisait dans la stupeur générale (la foule étant majoritairement pro-slovaque). À 3-3 tout était à refaire pour les Slovaques alors que les Russes continuaient à pousser. Lašák dut s'employer sur une grosse occasion d'Afinogenov.

La libération intervint à 1'20" de la fin du match : Bondra s'échappait sur l'aile gauche récupérait le palet de Pálffy et fusillait Sokolov d'un tir dont il est coutumier. Les Slovaques avaient repris un avantage décisif au score (sur leur deuxième tir du tiers !), les Russes tentaient le tout pour le tout en faisant sortir Sokolov mais c'était trop tard et les Slovaques pouvaient laisser éclater leur joie : les voilà Champions du Monde pour la première fois de leur histoire ! Une victoire qui constitue une belle revanche sur Salt Lake City et qui fera sans doute que ce petit pays sera désormais traité d'égal à égal avec les autres "grands" du hockey...

Élus joueurs du match : Lubomir Višnovský (Slovaquie) et Maksim Sokolov (Russie).

Compte-rendu signé Christophe Laparra

 

Commentaires d'après-match :

Miroslav Šatan (attaquant de la Slovaquie) : "Depuis que je suis tout gamin, j'ai toujours rêvé d'être champion du monde. Parfois nos rêves deviennent réalité. Il n'y a pas de mots pour exprimer cela. Le moment le plus difficile fut lorsqu'ils ont égalisé si près de la fin de la troisième période."

Lubomír Bartecko (attaquant de la Slovaquie) : "C'est un sentiment formidable. Je ne peux pas le décrire. C'est quelque chose que nous avons toujours voulu, toujours souhaité, mais nous pensions que c'était inaccessible. Mais on a continué à y croire jusqu'à ce jour. C'était un match très difficile à jouer. C'était juste une question de volonté à la fin. On aurait pu goûter à la victoire et elle s'est presque envolée. Je suis content que nous nous promenions avec les médailles d'or autour du cou. Les médailles d'or sont plus jolies. Je devenais malade à force de regarder celles en argent."

Martin Štrbak (défenseur de la Slovaquie) : "Oh mon Dieu ! J'ai cru qu'on allait prendre un sérieux coup de pied au cul. On menait 3-1 et tout d'un coup c'était 3-3. Que diable avait-il bien pu se passer ? Tous ces buts étaient des cadeaux. Je ne peux pas croire qu'on ait joué si mal. Mais on en a remis une couche et trouvé un dernier soupçon d'énergie. Et Peter a marqué le but gagnant à deux minutes de la fin. Et je pense que Dieu était de notre côté cette fois. On rentre donc à la maison avec les médailles d'or. C'était mentalement un match très, très difficile."

Vladimír Országh (attaquant de la Slovaquie) : "On est les champions du monde. Ça n'arrive pas tous les jours ! Peut-être que c'est la dernière fois dans ma carrière de hockeyeur donc je ferai bien de boire dans cette coupe tant que je l'ai dans les mains. J'aimerais avoir les mots pour décrire ce que je ressens actuellement. C'est probablement le meilleur sentiment que quiconque puisse avoir et particulièrement un joueur de hockey. Waouh ! En troisième période, on a complètement disparu. Je ne peux pas le comprendre. Aujourd'hui, les grands noms ont décidé du sort du match. Chacun est allé puiser des forces dont il ne soupçonnait même pas l'existence, mais ces gars-là ont gagné le titre pour nous. Comme groupe, nous étions vraiment soudés. Je suis vraiment très honoré d'en faire partie. Je félicite les Russes pour leur médaille d'argent parce que tout le monde les avait éliminés depuis le début. Aujourd'hui ils ont été excellents."

Jan Lašák (gardien de la Slovaquie) : "Je n'ai jamais imaginé que je pouvais être champion du monde. Et regarde ça ! C'est une médaille d'or, une véritable médaille d'or ! C'est dommage que nous ayons arrêté de jouer en troisième période. Tout d'un coup, j'ai eu tous ces palets russes qui arrivaient sur moi. Particulièrement dans les dix dernières minutes où ils pressaient extrêmement dur. Mais "Bonzaï" a décidé du match en notre faveur. Juste au moment où il fallait ! On était la meilleure équipe pendant deux périodes. Si on avait perdu ce match, tout le monde aurait été fou contre nous, j'en suis sûr."

Ladislav Nagy (attaquant de la Slovaquie) : "On a arrêté de jouer au troisième tiers. Je ne peux pas vous dire comme j'ai eu peur lorsque les Russes ont égalisé. Mais la réussite et la chance étaient de notre côté aujourd'hui. Grâce à Dieu nous avons gagné ! On n'avait pas prévu de commencer de manière si agressive au début. C'était juste une coïncidence. On ne peut rien prévoir au hockey. Avant le match nous nous sommes dits que nous devions être responsables défensivement, que chacun devait venir aider s'il voyait un trou ou une erreur. Ça n'a pas d'importance qu'on soit ailier ou centre, on doit y aller. Lorsqu'ils ont égalisé à 3-3, c'était très déprimant. Mon esprit allait à 100 à l'heure. Je suis content que nous ayons trouvé collectivement la volonté et l'énergie pour finir le match en notre faveur."

Michal Handzuš (attaquant de la Slovaquie) : "Je demandais à mes coéquipiers de me pincer, même lorsque j'étais encore sur la glace. Je ne peux toujours pas le croire. Nous, champions du monde ? La Slovaquie, championne du monde ? Hmm, ça sonne bien.. J'aime entendre cela. Les supporters ont été extraordinaires. On se sentait comme dans notre propre patinoire. Vous êtes sûr qu'on est en Suède ? J'avais vraiment l'impression d'être en Slovaquie. Mais j'ai presque eu une crise cardiaque, comme d'autres peut-être, lorsque les Russes sont revenus et ont égalisé. Ils jouaient à pleine allure alors qu'on se battait pour débloquer nos freins. On devait jouer très défensivement et ce n'était pas habituel pour nous. Mais Pálffy, Bondra, Bartecko, Šatan... On savait tous que si l'un d'entre nous puisait encore plus dans ses ressources, on pouvait retourner les choses en notre faveur et marquer le but décisif. Le plan de match était de jouer patiemment la défense. On n'allait pas essayer de faire des trucs dingues. Nos deux premiers buts sont venus de cette approche."

Peter Bondra (attaquant de la Slovaquie) : "Que dire ? On a super bien joué et tout le monde s'est impliqué. C'est juste la chance qui a voulu que ce soit moi qui inscrive ce but. N'importe qui aurait pu le mettre ! Après avoir marqué, je ne savais plus où j'étais. [...] Après le fiasco de Salt Lake City, personne ne savait vraiment quelle était notre place. Nous voilà à la meilleure."

Boris Mikhaïlov (entraîneur de la Russie) : "Nous étions trop fatigués au premier tiers et nous n'avons attaqué les Slovaques comme je me l'étais imaginé qu'à partir de la dernière période. Je suis très satisfait de ce que nous avons accompli, même si bien sûr nous voulions vraiment gagner le titre, comme je l'avais annoncé avant le tournoi. Nous sommes sur la bonne voie pour un retour vers les sommets mondiaux. Le niveau en Russie remonte."

Andreï Kovalenko (capitaine de la Russie) : "Nous n'avons pas eu le temps d'enclencher le starter que nous étions déjà menés 0-1. Un but chanceux et illogique. Nous ne sommes redevenus nous-mêmes qu'à la fin de la première période. En deuxième, nous ne sommes plus laissés faire, et en troisième, nous avons complètement dominé. Quand on a égalisé, tout le monde pensait que les Slovaques avaient craqué. Avec le recul, on pourra dire que c'était le moment de se calmer pour piéger l'adversaire comme on l'a fait en demi-finale. Mais on les sentait prenables... et il y a alors eu cette contre-attaque fatale, quasiment la seule de la dernière période. Sokolov se fait des reproches, c'est normal pour un gardien. Il est habitué au championnat russe, où dès le plus jeune âge on est formé à toujours faire la passe à un partenaire démarqué. Dans cette situation, en Russie, le joueur aurait toujours ouvert la cage à son voisin. Mais Bondra, hélas, ne joue pas en Russie, pas même en Europe. Mais en NHL, où on fait la passe si et seulement si il n'y a pas moyen de tirer. Maksim a joué instinctivement, tout comme un gardien de NHL serait d'instinct resté sur place. [...] Cette deuxième place ne peut que nous réjouir après que la presse nous a appelés l'équipe la plus faible de la dernière décennie. Ce n'est peut-être pas la meilleure équipe actuelle, mais c'est celle de demain, avec des jeunes comme Antipov, Volchenkov et Gusev."

Maksim Afinogenov (attaquant de la Russie) : "Les Slovaques sont une très bonne équipe. Je ne sais pas, peut-être qu'ils se sont relâchés en troisième période, et on a alors commencé notre come-back. Chacun a joué jusqu'au bout et on a fait tout ce qu'on pouvait mais il était trop tard, car nous avions été trop passifs au premier tiers, pas assez agressifs pour gêner la construction du jeu slovaque. En y repensant plus tard, on sera probablement satisfaits de ces médailles d'argent. Je connais bien Slava Fetisov [entraîneur des Russes à Nagano et maintenant ministre des sports]. Il est comme mon père. C'est quelqu'un de bien. Il est venu nous féliciter et nous a dit qu'on avait travaillé dur. Ses mots ont été appréciés. C'est bien pour le pays. C'est décevant parce qu'on avait une chance de ramener l'or mais on a plutôt bien joué. Les gens peuvent être heureux de ce qu'on a fait."

Roman Lyachenko (attaquant de la Russie) : "C'était super d'atteindre les quarts de finale, puis les demi-finales et maintenant la finale. On était tout près. Beaucoup de gars ont montré du cśur dans cette équipe. Le premier but a un effet sur la façon dont on a joué mais après un certain temps nous n'y pensions plus. C'est pour ça qu'on est revenu dans le match. Je ne pense pas que cela se joue sur l'équipe la plus forte, la plus dure ou la plus rapide, mais sur l'équipe qui peut venir ensemble et jouer en équipe. C'était une saison difficile pour moi, j'ai changé d'équipe et beaucoup voyagé. Mais cela s'est plutôt bien terminé puisque j'ai gagné l'argent et j'en suis fier. Je remercie la fédération russe de hockey de m'avoir invité."

 

Slovaquie - Russie 4-3 (2-0, 1-1, 1-2)
Le 11 mai 2002 à 19h00 au Scandinavium de Göteborg. 11591 spectateurs.
Arbitrage de Jukka Pakaslahti (FIN) assisté de Serge Carpentier (CAN) et Kevin Redding (USA).
Pénalités : Slovaquie 8' (2', 6', 0'), Russie 10' (6', 4', 0').
Tirs : Slovaquie 21 (11, 8, 2), Russie 21 (5, 8, 8).

Évolution du score :
1-0 à 00'22" : Višnovský assisté de Stumpel
2-0 à 12'10" : Bondra assisté de Šatan et Pálffy (sup. num.)
2-1 à 23'27" : Suchinsky assisté de Zatonsky et Prokopiev
3-1 à 26'59" : Šatan assisté de Handzuš
3-2 à 42'09" : Antipov assisté de Karpov
3-3 à 54'15" : Suchinsky assisté de Prokopiev
4-3 à 58'20" : Bondra assisté de Pálffy
 

Slovaquie

Attaquants :
Peter Bondra - Josef Stümpel - Zigmund Pálffy
Lubomir Bartecko - Michal Handzus - Miroslav Šatan
Ladislav Nagy - Rastislav Pavlikovský - Vladimir Országh
Radovan Somík - Miroslav Hlinka - Robert Petrovický

Défenseurs :
Radoslav Hecl - Lubomir Višnovský
Richard Lintner - Peter Šmrek
Martin Štrbak - Dusan Milo
Jergus Baca - Ladislav Cierný

Gardien :
Jan Lašák

Remplaçant : Rastislav Stana (G).

Russie

Attaquants :
Valeri Karpov - Vyacheslav Butsayev - Andreï Kovalenko
Dmitri Zatonsky - Aleksandr Prokopiev - Maksim Sushinsky
Aleksandr Savchenkov - Roman Lyachenko - Maksim Afinogenov
Ivan Tkachenko - Aleksei Koznev - Vladimir Antipov

Défenseurs :
Dmitri Kalinin - Sergei Zhukov
Dmitri Ryabykin - Sergei Gusev
Sergei Vychedkevitch - Aleksandr Yudin
Anton Volchenkov - Aleksandr Guskov

Gardien :
Maksim Sokolov [sorti à 59'14"]

Remplaçant : Egor Podomatski (G).

 

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