Slovaquie - Russie (23 février 1994)

 

Quart de finale des Jeux olympiques 1994.

Le jour où Tikhonov a souri

La jeune nation slovaque restera quoi qu'il arrive la grande révélation de ces Jeux olympiques, avec de jeunes joueurs rapides et techniques comme Zigmund Pálffy, mais il lui reste à concrétiser au moment le plus important, le premier match à élimination directe de son histoire. En face, la Russie, même affaiblie par un exode massif, reste la Russie. Viktor Tikhonov y a un peu surpris par le choix du gardien : Andrei Zuev est titularisé alors que l'on pensait que Sergei Abramov serait le numéro 1.

Les Slovaques sont motivés dans les duels mais concèdent deux pénalités en début de match, contre Marian Smerciak qui retient Vinogradov et contre Robert Petrovický pour une charge avec la crosse. La Russie a ainsi l'occasion d'ouvrir rapidement le score sur son premier avantage numérique quand Pavel Torgaev sort de l'arrière de la cage et contourne le contre de la crosse du gardien Eduard Hartmann pour tirer sur le poteau opposé. Mais c'est la Slovaquie qui prend les devants à 5 contre 5 : Jozef Dano entre en zone sur la gauche, fait demi-tour et donne une passe parfaite du revers pour son capitaine Peter Stastny laissé absolument seul devant le but pour une conclusion du revers.

Les bleus imposent peu à peu leur domination. Mais c'est curieusement sur leur première infériorité numérique (Shargorodski a retenu Pálffy pour l'empêcher de prendre le rebond d'un revers de Stastny) que les Russes égalisent. Torgaev entre en zone côté droit et égalise après un échange de belles passes levées avec Georgi Evtyukhin. Mais juste avant le retour aux vestiaires, Robert Petrovický et Miroslav Šatan remontent le palet à deux par de petites passes, ce qui leur permet de se défaire du défenseur Vladimir Tarasov et d'arriver jusqu'à proximité de la cage (2-1). Malgré son jeu fluide, la Russie a été malmenée au premier tiers-temps par l'intensité physique des attaquants slovaques (surtout Hašcák et Petrovický).

Au retour sur la glace, les hommes de Viktor Tikhonov montrent les muscles. Ils prennent des pénalités au passage, tel Evtyukhin sorti illicitement vainqueur d'un combat de lutte avec Sekeráš, mais elles sont parfois "utiles", comme quand le capitaine Smirnov retient Pálffy en position de tir dans le slot. Mais ils excellent en infériorité numérique avec de gros efforts de Varitsky et de Torgaev jusque dans le camp adverse. En fin de période, ce sont les bleus qui vont en prison. Robert Svehla prend deux minutes pour rudesse parce qu'il a répliqué à un coup de coude non sanctionné de Bezukladnikov (qui l'a fait saigner du nez...) et Miroslav Marcinko charge à retardement avec la crosse Vinogradov alors que le palet est parti. La première pénalité est injuste, la seconde impardonnable de la part du coupable. À 5 contre 3, la Russie place deux joueurs dans le slot et Andrei Nikolishin conclut aprè:s un centre dans le slot de Vinogradov.

Les spectateurs font la ola au troisième tiers mais voient peu d'action. Les deux équipes se neutralisent. Il faut dire que la Russie n'a plus sa confiance d'antan et que la Slovaquie joue à seulement trois lignes. Dano et Pálffy se "crament" sur une présence trop longue en ne parvenant pas à sortir. Les ailiers de la première ligne slovaque ne retrouvent leur dynamisme qu'en prolongation. Une entrée de zone de Dano suivie d'un centre du revers de Pálffy offrent un tir en position idéale, entre les cercles, à leur capitaine Peter Štastný, mais il finit dans la mitaine du gardien Zuev. C'est la seule occasion tant les deux équipes craignent de commettre des erreurs. La longue soirée promet de se prolonger après minuit avec les tirs au but... mais s'achève à moins de deux minutes de la fin de la prolongation. Andrei Nikolishin déborde Marcinko côté gauche, attire deux défenseurs et, une fois la ligne de fond atteinte, centre pour Aleksandr Vinogradov seul au second poteau (2-3).

Viktor Tikhonov prend dans ses bras les collègues de son staff et lève le poing avec un grand sourire : on n'a jamais vu l'entraîneur russe, si souvent surnommé Buster Keaton en occident pour son visage impassible, manifester une joie aussi communicative. Elle contraste avec les pleurs des joueurs slovaques qui restent sans voix et rejoignent souvent les vestiaires en pleurs. La Russie a donc encore des ressources et de la vaillance, mais on n'avait jamais vu son premier trio aussi faible : la troïka Berezin-Kudashov-Gusmanov a été invisible ce soir et a laissé les autres lignes faire tout le travail.

Étoiles Hockey Archives : *** Pavel Torgaev / ** Oto Hašcák / * Andrei Nikolishin et Jozef Dano

Commentaires d'après-match (y compris dans les mémoires de Šupler et de Štastný)

Július Šupler (entraîneur de la Slovaquie) : "Pendant deux tiers-temps nous avons eu le match en mains, et assez d'occasions pour marquer le troisième but qui aurait certainement signifié la victoire. Mais notre adversaire a eu plus de réussite sportive. [...] Nous avions de hautes ambitions, pas seulement les joueurs, mais aussi les entraîneurs, les dirigeants. Je pense que même au pays tout le monde a réagi au moment de la défaite, j'ai pensé à ce moment à leur déception, à leur réaction, peut-être que certains ont cassé leur télévision. C'est dur de décrire comment les joueurs ont réagi. Dans certains cas, les larmes des hommes ont coulé. J'espérais que les pénaltys arriveraient car j'avais confiance dans les capacités de nos leaders. Je me rappelle les feuilles, j'avais mis cinq noms qui étaient censés faire la décision aux tirs au but : Štastný, Pálffy, Petrovický, Jánoš, Šatan. Mais même si nous avons été éliminés, nous ne sommes certainement pas effacés des mémoires."

Peter Štastný (entraîneur de la Slovaquie) : "Le palet était libre en haut des cercles. J'ai immédiatement lancé en m'en emparant. Je ne sais pas combien de temps j'avais, j'ai regardé le gardien et vu un espace au-dessus de la mitaine. Je voyais le palet entrer en lucarne, mais au dernier moment le gardien s'en est saisi. Si j'avais tiré un peu plus haut, le palet serait rentré. Mais je ne l'ai pas fait... Si j'avais mis ce but, nous aurions joué les demi-finales. Je me suis ensuite reproché ma baisse de concentration. J'ai lentement commencé à penser aux pénaltys, et à ce moment les Russes ont marqué. C'est comme si on m'avait assommé. Je n'avais jamais expérimenté une telle déception dans ma vie."

 

Slovaquie - Russie 2-3 après prolongation (2-1, 0-1, 0-0, 0-1)
Mercredi 23 février 1994 à 21h00 au Håkons Hall de Lillehammer. 9095 spectateurs.
Arbitrage de Rob Hearn (USA) assisté de Lonnie Cameron et Pierre Tremblay (CAN).
Pénalités : Slovaquie 16' (4', 10', 2', 0'), Russie 18' (2', 12', 4', 0').
Tirs cadrés : Slovaquie 25 (9, 7, 7, 2), Russie 26 (10, 4, 7, 5).
Tirs totaux : Slovaquie 50 (15, 15, 13, 7), Russie 48 (16, 8, 14, 10).
Engagements : Slovaquie 54 (13, 14, 20, 7), Russie 29 (8, 11, 6, 4).

Évolution du score :
1-0 à 10'42" : Štastný assisté de Dano et Marcinko
1-1 à 15'27" : Torgaev assisté d'Evtyukhin (inf. num.)
2-1 à 19'41" : Šatan assisté de Petrovický
2-2 à 39'25" : Nikolishin (double sup. num.)
2-3 à 68'39" : Vinogradov assisté de Nikolishin
 

Slovaquie

Attaquants :
29 Jozef Dano - 26 Peter Štastný (C, 2') - 68 Zigmund Pálffy (2')
22 Roman Kontšek (-1) - 10 Oto Hašcák (-1) - 28 Lubomír Kolník (-1)
21 Branislav Jánoš (+1) - 39 Robert Petrovický (+1, 4') - 18 Miroslav Šatan (+1)

Défenseurs :
3 Jergus Baca (-1, 2') - 6 Miroslav Marcinko (A, 2')
7 Lubomír Sekeráš (-1) - 25 Stanislav Medrík (A, -1)
5 Marian Smerciak (+1, 2') - 44 Robert Švehla (+1, 2')

Gardien :
1 Eduard Hartmann

Remplaçants : 2 Jaromir Dragan (G), 11 Vladimír Búril, 27 Jan Varholík (D), 9 Vlastimil Plavucha, 14 Dusan Pohorelec, 15 René Pucher (A). En réserve : Miroslav Michalek (G).

Russie

Attaquants :
12 Sergei Berezin - 9 Aleksei Kudashov (A) - 29 Ravil Gusmanov (-1)
23 Pavel Torgaev (+1) - 11 Georgi Evtyukhin (+1, 2') - 28 Andrei Tarasenko
16 Igor Varitsky (+1) - 25 Vyacheslav Bezukladnikov (-1, 4') - 14 Valeri Karpov (+1, 2')
21 Dmitri Denisov (-2) - 24 Andrei Nikolishin (+1, 2') - 19 Aleksandr Vinogradov (-2)

Défenseurs :
5 Aleksandr Smirnov (C, 2') - 4 Sergei Sorokin (2')
22 Sergei Shendelev (+1) - 10 Igor Ivanov (+1)
26 Oleg Shargorodsky (-1, 2') - 3 Sergei Tertyshny (A, +1, 2')
6 Vladimir Tarasov (-1) - 2 Oleg Davydov (-2)

Gardien :
1 Andrei Zuev

Remplaçant : 20 Valeri Ivannikov (G). En réserve : 30 Sergei Abramov (G).

en noir, la feuille de match officielle ; en rouge, les corrections de Hockey Archives

 

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