Allemagne - Russie (18 février 1994)

 

Jeux olympiques 1994, groupe A, quatrième journée.

Le jour où l'Allemagne a battu la Russie

Après la défaite 5-0 contre la Finlande, la Russie connaît son humiliation suivante, celle qu'aucun Russe pâlissant devant son écran de télévision ne pensait vivre de son vivant, et qu'il n'oubliera jamais : elle a perdu contre l'Allemagne. Forcément, une telle défaite écorne sérieusement la réputation du légendaire entraîneur Viktor Tikhonov. A-t-il fait son temps ? Un des joueurs russes évoquera un problème de santé, un Tikhonov qui n'a plus toute sa tête et qui, arrivé en retard au briefing, a moitié endormi, leur parlait de battre la France comme s'il avait oublié l'identité de l'adversaire.

Ce tournoi olympique qui tourne vinaigre remet en cause la curieuse décision russe de former deux sélections parallèles, l'une "nationale" dirigée par Boris Mikhaïlov, qui a conduit la Russie au titre mondial en mai dernier, et l'autre "olympique" confiée à celui reste l'entraîneur champion olympique en titre Viktor Tikhonov. Cette préparation en deux camps n'a peut-être pas aidé la formation de l'équipe nationale.

A contrario, Ludek Bukac a réussi à changer le visage de l'équipe d'Allemagne avec des présences courtes de 30 à 40 secondes pour un hockey plus moderne. Il a testé de nombreux joueurs et traite à équivalence les stars et les jeunes, qui se sentent mieux reconnus. Bukac a su préparer ce match face à la Russie... contre sa propre fédération ! Le Ministre allemand de la Défense (Volker Rühe) voulait en effet rendre visite à l'équipe, et le président de la DEB Ulf Jäkel, accompagné de son directeur sportif Franz Reindl, ont vainement essayé de persuader le Tchèque de le laisser entrer dans le vestiaire. Tout de même, c'est le ministre ! Bukac voulait la paix avant le match, et il l'a eue. Les dirigeants allemands se féliciteront a posteriori de n'avoir pas réussi à le convaincre...

Et si l'ancien capitaine Gerd Truntschka a pris sa retraite internationale à l'intersaison, son frère Bernd Truntschka lance l'Allemagne vers la victoire. Bernd marque les deux premiers buts, tous deux du revers en récupérant des rebonds dans le slot : l'un en contournant le gardien après un slap de Torsten Kienass pendant une pénalité différée (le capitaine russe Aleksandr Smirnov a accroché Hegen lancé seul au but par une belle relance de Jörg Mayr) et l'autre quand ce même Smirnov ne contrôle pas un palet envoyé vers la cage par Uli Hiemer après seulement sept secondes de supériorité numérique (Kudashov a accroché Handrick en entrée de zone).

Plus cruel encore pour les Russes, après une obstruction de Shendelev sur Doucet, c'est Leo Stefan qui inscrit le troisième but après un très bel échange de passes avec Thomas Brandl. Né en Union Soviétique d'un père d'origine allemande et d'une mère russe, formé au Metallurg Chelyabinsk, Stefan est "rentré" en Allemagne en 1990, au moment de l'écroulement du bloc de l'Est, en signant à Cologne par l'intermédiaire de membres de sa famille. C'est le deuxième but en deux avantages numériques (3 sur 3 en comptant la pénalité différée). On passe même près du 4-0 quand un lancer de Georg Franz - servi face à la cage ouverte après un superbe débordement d'Ustorf qui a mis dans le vent Tertyshny - s'écrase sur le poteau. Mais un contrôle rat&ecaute; de Rick Amann en zone défensive donne le palet à Tarasenko. Evtyukhin lance alors au but et Pavel Torgaev, au rebond, redonne espoir à la Russie.

L'autre héros du match est alors le gardien Klaus Merk, qui réussit 32 arrêts et empêche le retour russe. Il ne laisse passer qu'un missile de Kudashov à mi-distance. Wolfgang Kummer, de plus en plus en confiance après deux premières rencontres décevantes, h&ecute;rite d'une mauvaise passe de Gusmanov en zone neutre et remet deux buts d'écart avec un lancer balayé fort et placé au-dessus de la botte, juste après le passage de la ligne bleue.

L'Allemagne n'avait battu la Russie qu'une seule fois, en avril dernier (6-4) lors de la préparation de ses championnats du monde à domicile. Mais ensuite, après un premier tour prometteur et une deuxième place de poule, elle avait été éliminée en quart de finale... par ces mêmes Russes (1-5). Si elle bat de plus en plus souvent les grandes nations, elle doit encore le faire au bon moment pour vaincre ce mur des quarts de finale.

Commentaires d'après-match

Igor Dmitriev (entraîneur-adjoint de la Russie) : "Le début de la fin de la dynastie a commencé il y a longtemps. Il est peut-être grand temps de parler de la fin de la dynastie. Notre défense est notre point faible. L'équipe perd en confiance en elle. Ce n'est plus l'équipe équilibrée qu'elle était autrefois et nous devons améliorer son état mental."

Ludek Bukac (entraîneur de l'Allemagne) : "J'attendais que nous fassions mieux que jamais parce que l'élite mondiale s'est rapprochée et que les Russes ne sont plus une équipe dominante. Ils manquent de leadership, et en disant cela, ce n'est pas du coaching que je parle. Depuis 30 ans que je suis entraîneur, je n'avais jamais vécu un tel résultat. Gagner nous fait avancer, fait progresser le hockey en Allemagne. Mon équipe a du caractère. Dans un bon jour, nous pouvons battre n'importe quel pays. Les quarts ne nous suffisent plus. Nous voulons enfin franchir le seuil des demi-finales."

 

Allemagne - Russie 4-2 (2-0, 1-1, 1-1)
Vendredi 18 février 1994 à 15h00 au Håkons Hall de Lillehammer. 8600 spectateurs.
Arbitrage de Tor Hansen (NOR) assisté de Milos Benek (SVK) et Vaclav Cesky (TCH).
Penalités : Allemagne 12' (4', 6', 2'), Russie 10' (2', 6', 2').
Tirs cadrés : Allemagne 18 (6, 6, 6), Russie 34 (12, 14, 8).
Tirs totaux : Allemagne 39 (9, 19, 11), Russie 72 (20, 33, 19).
Engagements : Allemagne 32 (8, 13, 11), Russie 33 (11, 13, 9).

Évolution du score :
1-0 à 07'00" : B. Truntschka
2-0 à 10'12" : B. Truntschka (sup. num.)
3-0 à 24'52" : Stefan assisté de Brandl (sup. num.)
3-1 à 35'09" : Torgaev
3-2 à 41'39" : Kudashov de Sorokin
4-2 à 44'47" : Kummer
 

Allemagne

Attaquants :
23 Dieter Hegen (A, +1) - 16 Benoit Doucet (+1) - 14 Bernd Truntschka (+1, 4')
21 Wolfgang Kummer (4') - 7 Thomas Brandl - 13 Leo Stefan (-1)
22 Georg Franz (-1) - 24 Stefan Ustorf - 15 Raimund Hilger
33 Jörg Handrick - 26 Michael Rumrich - 32 Jan Benda

Défenseurs :
20 Richard Amann (A, -2, 2') - 19 Andreas Niederberger (-2)
3 Torsten Kienass (+1) - 25 Ulrich Hiemer (C)
35 Jayson Meyer (+1, 2') - 6 Jörg Mayr (+2)

Gardien :
27 Klaus Merk

Remplaçants : 30 Josef Heiss (G), 2 Mirko Lüdemann, 12 Alexander Serikow. En réserve : 1 Helmut de Raaf.

Russie

Attaquants :
12 Sergei Berezin (-1) - 9 Aleksei Kudashov (A, -1, 2') - 29 Ravil Gusmanov (-1)
23 Pavel Torgaev (+1) - 11 Georgi Evtyukhin (+1, 2') - 28 Andrei Tarasenko (+1)
16 Igor Varitsky - 25 Vyacheslav Bezukladnikov - 14 Valeri Karpov
21 Dmitri Denisov - 24 Andrei Nikolishin - 19 Aleksandr Vinogradov

Défenseurs :
5 Aleksandr Smirnov (C) - 4 Sergei Sorokin (-1)
26 Oleg Shargorodsky (-1, 2') - 3 Sergei Tertyshny (A)
22 Sergei Shendelev (+1, 4') - 10 Igor Ivanov (+1)
6 Vladimir Tarasov - 2 Oleg Davydov

Gardien :
30 Sergei Abramov

Remplaçant : 1 Andrei Zuev (G). En réserve : 20 Valeri Ivannikov (G).

 

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