Canada - Suède (27 avril 1989)

 

Championnats du monde, poule finale, première journée.

Champions du monde même sans Gretzky ?

Si les compteurs sont remis à zéro pour ce tour final, il n'est pas possible de modifier les effectifs. Dommage car Wayne Gretzky a été éliminé il y a trois jours en play-offs NHL... Le manager canadien John Ferguson a dû se justifier de n'avoir pas laissé de place pour "la Merveille" : "Nous pensions que [la série entre Los Angeles et Calgary] durerait six ou sept matches. Si Messier ou Anderson avaient dit non, j'aurais sérieusement envisagé de laisser un poste ouvert. Je ne pouvais pas prendre le risque que cette série dure. J'ai laissé cette option mais Messier et Anderson ont tous deux accepté et c'est ainsi que nous devrons terminer." On sent la même pointe de regret mâtinée de réalisme dans les propos du coach Dave King : Si les gars avaient pu projeter que la série se finirait en quatre manches sèches, cela aurait été une brillante déduction de notre part d'être capables de voir si loin et de [prévoir une place pour Gretzky]. L'ascendant psychologique de juste l'avoir avec nous aurait été énorme."

Après un match fermé entre Soviétiques et Tchécoslovaques durant l'après-midi, tout le monde compte sur les Suédois et les Canadiens, dont la rencontre avait donné lieu à un match phénoménal au premier tour, pour ramener le spectacle, même en l'absence du numéro 99. Il serait inconvenant de livrer une prestation terne en présence du roi de Suède, illuminé par un projecteur braqué sur lui pendant l'hymne.

Tout concourt au spectacle, y compris une ola qui fait la tour du Globen dès les premières minutes. Le jeu est assez vivant, et la Suède encaisse le premier but sur un petit coup du sort. Le tir excentré de Mark Messier est repoussé de la botte par Peter Lindmark et renvoyé dans ses propres filets par le patin du malheureux Håkan Södergren (0-1, 09'16"). Dès l'engagement, la Suède va s'installer en zone offensive et Bo Berglund égalise d'un lancer du haut des cercles qui se loge à mi-hauteur au poteau droit de Fuhr (1-1, 09'41").

Le match devient dingue, car sur l'attaque canadienne suivante, Kirk Muller va récupérer le palet laissé par Brent Ashton derrière la cage et sert du revers Scott Stevens qui a devancé Anders Carlsson et qui place sa reprise juste sous la barre (1-2, 10'53", photo de gauche). Ce but punit clairement la tendance qu'ont trop souvent eu les attaquants suédois à repartir de l'avant avec trop de hâte, alors même que la récupération du palet en zone défensive n'était pas vraiment acquise.

Le jeu est ensuite moins ouvert, et on se bat sur chaque palet. Börje Salming commet une obstruction sur Glenn Anderson qui faisait le pressing sur son presque homonyme Peter Andersson. Le public n'en veut pas à son n°21 et scande au contraire son nom. Le Canada essaie d'amener des palets près de la cage, mais est aussi peu dangereux que lors de sa première supériorité numérique en début de match.

La Suède commence très fort la deuxième période et est logiquement récompensée. Ayant perdu sa crosse, Dave Babych ne peut ni stopper le palet en zone neutre, ni continuer à retenir de ses bras Tomas Sandström car l'indignation du public était annonciatrice d'une probable pénalité le cas échéant. L'ailier suédois en profite donc pour franchir la bleue, dribbler Bellows et servir le défenseur offensif Anders Eldebrink qui est parti devant la cage plus vite que tout le monde pour tromper Fuhr (2-2, 26'22", photo de droite). C'est alors au tour du Canada de prendre le jeu à son compte et de maintenir la pression en zone offensive.

Une bonne phase qui s'arrête quand David Ellett prend la première pénalité des blancs dans ce match. Les Suédois exploitent très bien l'éloignement des bancs du deuxième tiers et reprennent très vite les sorties de zone adverses, y compris avec Lindmark qui monte au-devant du palet au besoin. Le Canada n'a donc à aucun moment le moyen de changer de ligne. La Tre Kronor fait tourner le palet, la séquence de jeu dure deux minutes pleines, et le quatuor défensif Stevens-Patrick-Messier-Anderson peut enfin souffler quand Fuhr capte de la mitaine un lancer d'Olausson au moment où la pénalité se termine.

Le tournant du match tient peut-être en cette action : Grant Fuhr arrête un tir dangereux de Thomas Eriksson, et Brent Ashton récupère le rebond pour mener aussitôt la contre-attaque, où il décale parfaitement Kevin Dineen qui a pris de vitesse Eldebrink dans son repli défensif. L'attaquant de Hartford se retrouve seul face à Lindmark et marque dans le haut du filet (2-3, 36'44"). Certes, une minute plus tard, Berglund décoche un puissant slap en entrée de zone au poteau gauche de Fuhr (3-3, 57'43"). Mais c'est encore Eldebrink qui est responsable d'un but de Dineen, de façon encore plus directe puisque sa relance arrive directement dans la crosse du Canadien qui se fait un plaisir d'allumer la lucarne (3-4, 39'07").

Le Canada repart aux vestiaires avec un but d'avance, mais avec un homme de moins en prévision, car Muller a asséné un violent cinglage sur le poignet de Samuelsson juste avant la sirène. Cette pénalité bête reste sans conséquence, tout comme un peu plus tard celle de Babych qui fait trébucher Jonas Bergqvist. Au retour au complet, la Suède se crée quand même des occasions de plus en plus franches : un lancer d'Eriksson sur engagement de Strömwall, et surtout un tir de l'aile de Södergren que Fuhr voit passer entre ses jambes mais est tout heureux de dévier à côté de la cage. Mais dans ce match rythmé où le jeu va d'un but à l'autre, le Canada peut lui aussi marquer à tout moment. James Patrick s'engouffre sur l'aile droite, déborde Tommy Samuelsson à la bleue et repique devant la cage pour un revers qui roule sur le malheureux Peter Lindmark (3-5, 54'43"). Les Suédois jettent leurs dernières forces dans la bataille, à l'instar d'une spectaculaire sortie kamikaze de Lindmark. Mais le Canada maîtrise de mieux en mieux son sujet en voyant le chronomètre s'approcher de la fin.

Le rêve des Suédois de conserver leur couronne mondiale est peut-être passé. Ils ont pourtant du talent, avec un Kent Nilsson qui a déclenché des oooh admiratifs dans la patinoire sur quelques dribbles individuels. Mais ils ont péché défensivement. Si Fredrik Olausson a assuré des relances propres et toujours joué la solution de sécurité, ce n'est pas le cas d'Anders Eldebrink. Il est capable de faire la différence, mais s'est fait piéger par ses intentions offensives et a négligé certains efforts nécessaires.

Les Canadiens ont su conquérir cette victoire grâce à un jeu simple, discipliné et efficace, et grâce à un travail de tous les instants. Steve Yzerman, même s'il n'a pas marqué de point ce soir (il a le droit de souffler après sa saison à 155 points en NHL...), a été partout sur la glace et mérite des louanges pour la constance de son effort. Grant Fuhr, assez critiqué dans ce tournoi, a en fin de compte eu la mitaine assez chaude. Le Canada a peut-être une opportunité historique de faire tomber l'URSS s'il conserve cette même abnégation. Être champion du monde n'est plus une utopie.

Étoiles Hockey Archives : *** Fredrik Olausson / ** Steve Yzerman et James Patrick / * Kevin Dineen et Brent Ashton

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Dave King (entraîneur du Canada) : "Certains essaient de faire de nous des favoris parce que nous avons battu la Suède, mais je ne comprends pas cela. Les Soviétiques ont gagné leur huit rencontres et ont joué un hockey si raffiné qu'ils n'ont pas dépensé une goutte de sueur de plus que nécessaire. Ils ont une équipe splendide dans deux secteurs importants, le talent et la tactique, et ils sont ensemble depuis si longtemps qu'il réagissent automatiquement dans chaque situation en sachant où est leur coéquipier. Cela ne signifie pas qu'ils sont des automates et qu'ils ne peuvent pas être innovants."

 

Canada - Suède 5-3 (2-1, 2-2, 1-0)
Jeudi 27 avril 1989 à 19h30 au Globen de Stockholm. 13 852 spectateurs.
Arbitrage de Seppo Mäkelä (FIN) assisté d'Arto Järvelä (FIN) et Bernhard Kunz (SUI).
Pénalités : Canada 6' (0', 4', 2'), Suède 4' (4', 0', 0').
Tirs cadrés : Canada 37 (14, 11, 12), Suède 32 (10, 12, 10).
Tirs bloqués : Canada 4 (1, 3, 0), Suède 6 (2, 3, 1).
Tirs non cadrés : Canada 10 (4, 4, 2), Suède 8 (1, 4, 3).
Engagements : Canada 35 (9, 16, 10), Suède 35 (11, 12, 12).

Évolution du score :
1-0 à 09'16" : Messier assisté de Hawerchuk
1-1 à 09'41" : Berglund assisté de Nilsson
2-1 à 10'53" : Stevens assisté de Muller
2-2 à 26'22" : Eldebrink assisté de Sandström
3-2 à 36'44" : Dineen assisté d'Ashton
3-3 à 37'43" : Berglund assisté de Samuelsson
4-3 à 39'07" : Dineen
5-3 à 54'43" : Patrick assisté de Bellows
 

Canada

Attaquants :
22 Mark Messier (+1) - 10 Dale Hawerchuk (C, +1) - 18 Glenn Anderson (+1)
17 Gerard Gallant (-2) - 19 Steve Yzerman (-2) - 23 Brian Bellows (-2)
11 Kevin Dineen (+3) - 9 Kirk Muller (A, +3, 2') - 7 Brent Ashton (+3)
20 Andrew McBain - [alternance] - 15 John MacLean

Défenseurs :
2 David Ellett (2') - 44 Mario Marois
8 Randy Carlyle (+3) - 5 James Patrick (+3)
26 Scott Stevens (-1) - 24 Dave Babych (-1, 2')
3 Kenneth Daneyko

Gardien :
33 Grant Fuhr [sorti de 12'52" à 13'20"]

Remplaçant : 1 Sean Burke (G). Surnuméraires : 16 Pat Verbeek, 27 Ray Ferraro, 31 Peter Sidorkiewicz (G).

Suède

Attaquants :
22 Håkan Södergren (-1) - 9 Thomas Rundqvist (C, -1) - 18 Jonas Bergqvist (-1)
10 Kent Nilsson (+1) - 25 Thomas Steen - 20 Bo Berglund (+1)
28 Tomas Sandström (-1) - 24 Anders Carlsson (-1, 2') - 29 Ulf Dahlén
14 Peter Eriksson (-1) - 12 Johan Strömwall (-2) - 11 Jens Öhling (-1)

Défenseurs :
19 Peter Andersson (-1) - 21 Börje Salming (-1, 2')
2 Anders Eldebrink (A, -1) - 27 Thomas Eriksson (-2)
7 Tommy Samuelsson - 4 Fredrik Olausson (+2)

Gardien :
1 Peter Lindmark

Remplaçant : 35 Rolf Ridderwall (G). Surnuméraires : 30 Peter Åslin (G), 3 Tommy Albelin, 5 Mats Kihlström.

 

Retour aux Championnats du monde 1989