Interview de Luc Tardif

 

Après avoir dirigé pendant deux ans le Directoire du Hockey Français, Luc Tardif a été évincé de fait par la disparition de cet organe, ou plutôt par sa non-officialisation alors qu'il devait rentrer dans les statuts de la FFSG. Depuis ce vote défavorable de l'assemblée générale extraordinaire de la fédération, Luc Tardif n'a pas abandonné l'idée de continuer à travailler pour le hockey français, en dehors des structures officielles, et a fondé l'Association pour l'Avenir du Hockey Français (AAHF).

 

Le bilan du Directoire

- Quels sont les accomplissements dont vous êtes le plus fier durant votre passage à la tête du Directoire ?

Indéniablement, la refonte des championnats et la mise en route effective de la Commission de Contrôle (avec Bernard Bourandy), ainsi que la cohésion et la qualité du travail de ce Directoire. Pendant deux ans, nous nous sommes éclatés, et ça, on ne nous l'enlèvera jamais. Pour la refonte des Championnats, nous étions dans une impasse, avec des équipes de D1 et d'Élite, soit qui s'ignoraient, soit qui se détestaient, avec aucune, mais vraiment aucune, volonté de travailler ensemble. Ce Super 16, je suis content d'entendre que tout le monde du hockey se l'est approprié. On n'entend plus les railleries de Super 16 à 15, car tout le monde sait que l'an prochain, le pari est gagné.

Attention aux formules magiques qui fleurissent de partout. La stabilité est vitale pour notre sport. Chacun cherche des configurations de championnat qui leur vont bien. Qui veillera à l'intérêt général ? Il serait dommageable de voir revenir la loi du plus fort ou du plus "introduit" dans les milieux autorisés.

Pour la Commission de Contrôle, j'ai travaillé avec quelqu'un d'exceptionnel avec qui j'ai beaucoup appris : Bernard Bourandy. Alors que venant de la famille du hockey, j'avais tendance à être plus conciliant avec les clubs, lui était sans concession, et il avait raison. Je crois qu'assez vite les présidents de club l'ont compris. Pour la mise en place, il fallait être sans concession, sans quoi il n'y aurait pas d'efficacité. Au fur et à mesure, j'ai pu cependant lui enseigner les spécificités de notre sport. Et je sais que maintenant il est un peu des nôtres. La CNCG c'est un peu notre assurance crédibilité. Pour ce qui est du travail du Directoire, j'ai aimé cette équipe : pour sa détermination, son dynamisme, sa fidélité (à une exception près), sa capacité de travail et son affirmation au fil du temps. Cette cohésion a sûrement causé sa perte. Il n'était pas possible pour le président Gailhaguet d'accepter cet état de fait. Il est vrai qu'avec les évènements de Salt Lake City, nous avons eu des espaces de liberté. Mais une fois le calme revenu, et surtout une fois l'AG de Reims finie, j'ai vite perçu le changement d'attitude. Là ont commencé les ennuis du Directoire.

- Le président de la FFSG Didier Gailhaguet a tenté de s'approprier en partie les actions positives menées pour le hockey français depuis deux ans. Quelle a été sa part ?

Il part du principe que c'est lui qui a permis de... Je veux bien, mais nous aurions tellement pu faire plus si nous n'avions pas été obligés de mendier pour la moindre chose (car avec le recul c'était vraiment mendier). Le Directoire n'avait de budget alloué que pour se réunir. Pour le reste, il fallait soit trouver des moyens, soit supplier (plusieurs fois) les gardiens des budgets, Monsieur le Président et son acolyte Millon, détenteur de la totalité des fonds disponibles pour le hockey. Deux ans comme ça, et on me dit que j'aurais dû être plus patient, que j'aurais dû rester à ma place.

Ce qui m'a fait perdre la tête, ce sont les opportunités offertes au hockey français pour cette saison à venir (Sport+ et avec sponsoring, deux sponsors nationaux pour 2 x 400 000 francs). Par rigueur, qu'on limite les budgets, je veux bien, mais qu'on nous empêche d'aller chercher des moyens, moi j'appelle ça du sabotage. M. le Président veut bien d'un hockey sain, mais pas trop.

Les accords Sport +, j'ai du mal à les avaler. M. Gailhaguet dit que ce n'était que des dépenses de plus pour la FFSG (il a oublié de regarder la colonne recettes). Je travaille chez Bouygues depuis bientôt quinze ans, et un budget équilibré et même excédentaire, c'est un truc qu'on nous apprend dès le départ, et qu'on doit vite assimiler. Ces 55 heures de retransmissions télé, ces 96 spots publicitaires pour promouvoir le hockey proposés par Sport +, c'était un cadeau du ciel, qui déclenchait un apport de partenaires économiques nationaux. Ça me rend fou quand j'y pense. Pour le reste, est-ce lui, est-ce le Directoire ? Je laisse à l'appréciation de la famille du hockey...

- Quels sont les chantiers en cours qui ont été stoppés par la dissolution du Directoire ?

Je ne reviendrai pas sur Sport+ et les partenaires économiques qui allaient avec... Certaines opérations allaient être lancées et - j'espère - le seront, puisque nous en avions entièrement bâti le cahier des charges et déterminé les dates : la Coupe de France et le premier "All-Star Game". Seul changement, Sport+ se proposait de retransmettre les deux évènements, qu'en sera-t-il ? Nous avions aussi l'intention pour le "All-Star game" de faire une grande fête du hockey et d'y célébrer quatre choses : les 100 ans du Championnat de France, les 20 ans de la Coupe Magnus, la création d'un Tableau d'Honneur du Hockey Français et la présentation d'un nouveau logo du Super 16. Autre chose, les excédents financiers (la preuve que l'on sait faire) de l'organisation de la Coupe de France 2003 nous avaient permis de financer seize ordinateurs portables pour les seize clubs afin d'informatiser les feuilles de match. Déjà, sur le site FFSG, le dimanche matin, et parfois même le samedi soir quand les clubs sont disciplinés, on peut consulter les feuilles de match, et les diffuser aux médias dans une configuration plus pro. C'est un petit truc, à première vue, mais d'autres applications étaient à venir : contrôle instantané des feuilles de match, statistiques, désignation des arbitres, etc. J'espère que ce projet sera suivi, car nous avions prévu d'équiper les équipes de D1 cette année.

Pour le reste, je suis plutôt inquiet de la continuité des choses : pêle-mêle, le Plan de développement, la gestion participative que nous avions instaurée avec les clubs par des réunions périodiques, le stage des gardiens de buts avec le parrainage de Cristobal Huet, l'annuaire du hockey français, la diffusion des relevés de décision aux clubs, le partenariat avec l'Amicale des anciens internationaux, la continuité de l'observatoire du hockey, le stage d'été du hockey féminin, la continuité des Commissions Régionales d'Arbitrage, la survie du Challenge des clubs formateurs, et j'en oublie certainement. Ce sont ces acquis qu'il faudra protéger.

- Dans le dernier Hockey Magazine, vous déclariez que les Britanniques et les Italiens s'intéressaient à la réforme française. Connaissant la culture élitiste à court terme du hockey de ces deux pays, cela peut surprendre. Quels contacts avez-vous eu ?

J'ai eu la chance de voir le dernier week-end des championnats du monde du groupe A à Helsinki au printemps dernier. J'ai pu y rencontrer certains responsables d'autres nations, notamment M. Stuart Robertson, Chairman de Ice Hockey UK qui tient lieu de fédération britannique, qui sortait d'une saison traumatisante avec pas moins de trois faillites et de grandes inquiétudes pour reformer un nouveau championnat. J'avais l'impression de nous revoir il y a deux ans. Il s'est informé longuement sur la méthode employée pour fusionner des clubs aussi disparates et hostiles les uns aux autres.

Pour ce qui est de l'Italie, c'est un peu le même problème avec un carré d'équipes dites de haut niveau et des situations financières périlleuses, ainsi qu'une gestion des étrangers qui rend difficile la venue des jeunes en élite. Outre l'historique de la construction du Super 16, M. Gino Mercer, le Millon italien, président du hockey dans une Fédération multidisciplinaire, s'intéressait fort au fonctionnement du Directoire.

 

L'AG de Lyon

- Comment s'est passée concrètement l'assemblée générale extraordinaire de la FFSG du 4 octobre à Lyon, qui a mis fin au Directoire ? Vous attendiez-vous à une telle issue ?

Pour nous le Directoire, l'AG de Lyon a commencé le 24 septembre et s'est terminée le 2 octobre.

Chronologiquement, le Directoire se réunit le 24 septembre. À l'aube d'intégrer les Directoires dans les statuts sont posées au président de la FFSG trois questions qui semblent relever d'anomalies de fonctionnement quant aux missions définies du Directoire et la réalité sur le terrain.

1) Le dossier Sport+ que la FFSG ne veut pas acter.

2) Le système des appels à propositions, à généraliser pour tout évènement qui concerne le hockey (Stopper le monopole pour Briançon sur les matchs des équipes de France)

3) Les interventions anormales de Bernard Goy sur les affaires du hockey dans des missions inconnues du Directoire.

Par une lettre adressée à Didier Gailhaguet le 29 septembre, accompagnée d'un extrait de délibération de cette réunion, le Directoire demande des réponses précises à ses questions avant l'assemblée générale. Pour s'y présenter, ou pas, en toute connaissance de cause. De plus, je m'inquiétais - curiosité d'organisation - de n'être toujours pas invité à l'AG. Ni moi, ni Bernard Bourandy. Le 2 octobre, une réunion téléphonique est organisée avec les membres du Directoire et les Commissions Nationales Féminine et Masculine. Vingt-six personnes y assistaient. Ayant eu vent de cette réunion, Didier Gailhaguet m'adresse en catastrophe (quinze minutes avant) un courrier qui ne répond en rien aux questions posées. Une motion était votée à 24 voix contre 2 .Dans cette déclaration, les membres présents informent le Ministère et le Président de la FFSG que, dans le cadre fonctionnel défini par cette motion et à défaut d'avoir à ce jour les garanties, tous les présents suspendaient leurs activités au sein de leur structure jusqu'à nouvel ordre. Donc ni moi ni Bernard Bourandy n'avons assisté à cette AG.

Maintenant comment s'est-elle passée ? Je ne peux vous dire que ceci. Le résultat était depuis longtemps prévisible. Puisque la stratégie était tracée depuis l'AG de Reims.

1) Choisir une date où le hockey est bien occupé (à plein régime, le 4 octobre était le jour où démarrait la D3, le dernier championnat à débuter)

2) Choisir un fief du patinage, Lyon (M. Peizerat, Secrétaire Général de la FFSG, y est chez lui)

3) Un ordre du jour un peu flou, même très flou

4) Surtout pas de pub avant sur la nature des enjeux

5) Monter la claque (Millon, Papaux, y compris le Président du Directoire qui appelle à voter contre)

5) On fait l'état des présents très tôt (c'est très organisé)

6) Le patinage artistique est mobilisé à la première heure

7) J'en prends plein mon grade parce que je suis absent

8) On n'informe personne de la motion et des raisons de l'absence du Directoire.

Et hop ! À 10h45, le tour est joué ! Le Directoire est partie en fumée et moi avec. Le résultat était tel que prévu ! Seul hic : Monsieur le Président et ses stratèges n'avaient pas prévu que nous nous serions rebellés juste avant. Car nous connaissions l'issue, depuis Reims, ça se sentait, tout était pénible, et encore plus lorsque je me suis mis à discuter directement avec Sport+ et, presque, France Télévision. Quand le Directoire a souhaité vouloir lancer des appels à candidatures, y compris pour les matchs de l'équipe de France et les Championnats du Monde juniors ou féminines, pour stopper le monopole de Briançon sur ces évènements. Là, nous touchions à des gros sous, des contrats, des pourcentages de contrat. Tout de suite, j'étais en danger. Quand j'ai appris le verdict, je suis parti courir, un long footing, j'étais soulagé, déçu mais soulagé. Car avant cette motion, je m'étais longuement posé cette question : accepteras-tu de travailler encore dans ces conditions ? J'avais choisi de dire : non !

- Didier Gailhaguet déclarait soutenir la réforme des statuts qui aurait permis la reconnaissance officielle des Directoires. L'a-t-il vraiment appuyé dans les faits ? Si oui, comment expliquer le vote négatif ?

La cohésion et la détermination du Directoire (c'était vraiment une équipe de course !) le gênait énormément, il avait pu le vérifier lors de l'arrêt du contrat de Nano Pourtier. C'était pour lui inadmissible. Il n'avait pas souvent eu affaire à de si nombreux incorruptibles. Comment faire ? Le dissoudre en AG et dire juste après "désolé Luc, je ne comprends pas. Pourtant je suis pour et les gens ont voté contre... Et puis il y a des signes qui ne mentent pas. Quand on connaît bien Jean-Louis Millon, Pascal Papaux et le président du Directoire du Patinage dont j'ai oublié le nom (les voix de leur maître, c'est connu), comment - mais comment - auraient-ils pris l'initiative d'appeler à voter contre l'avis du Président ? Tous ceux qui les connaissent bien savent que j'ai raison. Ils sont tellement tordus que parfois ils oublient l'évidence.

- Seulement 10 des 127 clubs de hockey s'étaient déplacés pour l'assemblée de Lyon. Avez-vous tenté de mobiliser les clubs pour cette échéance ?

J'ai évoqué le contexte de cette AG, je ne souhaite pas y revenir (j'ai d'ailleurs noté que le même jour avaient lieu les élections en Tchétchénie, même méthode, même résultat). Ce qu'il faut savoir, c'est que les choses se sont précipitées à partir du 24 septembre, date de la dernière réunion du Directoire. Jusqu'au 2 octobre, nous avions tous le nez dans le guidon. Quelques jours avant l'AG, avec le temps et les moyens disponibles (nous travaillons tous et nous avions peu de moyens), on a vite constaté que la représentativité du hockey serait presque nulle (tous les présidents étaient sur le feu et n'avaient pas prévu de se rendre à Lyon, peu informés des enjeux, et du coup pas organisés pour venir). Là, on se sent impuissant et on se rend compte qu'on a en face une machine très rodée. Ils ont même réussi l'exploit de faire voter contre les Directoires deux membres de la Commission sportive masculine qui avaient adopté la motion deux jours avant. (Nous ne les citerons pas, ils font plutôt pitié qu'autre chose). Ces messieurs sont des professionnels de ce genre d'exercice. Ils ne font que ça, ils ne pensent qu'à ça, car pour eux les enjeux financiers sont tels...

Pour revenir à cette sous-représentativité du hockey, j'oserais dire que c'est une espèce de fatalité chronique qu'accepte la famille du hockey depuis bientôt vingt ans. "À quoi ça sert, qu'est-ce que ça va changer ?" Et je comprends quand je vois la machine de guerre que certains ont dû s'y casser les dents, d'où une forme de résignation. Allons-nous accepter cet état de fait jusqu'à la fin de nos jours ? Moi, j'aimerais bien qu'on essaie de s'y prendre autrement.

- Pensez-vous voir commis des erreurs stratégiques dans la préparation de cette AG ? Didier Gailhaguet a repoussé la faute de l'échec du vote sur "l'agitation médiatique" provoquée par la motion déposée par le Directoire. Qu'en pensez-vous ?

Nous étions dans une situation peu commode, car on nous a laissé peu de temps pour réagir. Fallait-il sonner le clairon ? Fallait-il descendre en force à Lyon ? Est-ce que se mettre en stand-by était une erreur ? Est-ce que les choses auraient été différentes ? J'en doute, et nous ne le saurons jamais. Ce que je sais, c'est que même si le Président Gailhaguet accuse le tapage médiatique de la motion, ce ne sont pas les dix clubs présents qui auraient changé quelque chose, et là-dessus, avec le recul, il fallait le faire. Parce qu'au moins, ce soir du 2 octobre, presque à l'unanimité, les membres du Directoire, des commissions masculines et féminines, on a dit : "Merde !"... Ça nous a, au moins, fait du bien, même si ce fut un bonheur furtif. Sans quoi, sans aucun sursaut, le plan diabolique de Gailhaguet et de ses acolytes aurait fonctionné sans hic ! On nous aurait dit au revoir et merci ! M. Gailhaguet se serait demandé faussement "comment cela a-t-il été possible", cherchant quelques responsables. Je parie que c'était encore pour ma pomme, mais certainement pour d'autres raisons. Enfin, j'ai fait ce que j'ai pu...

- La "trahison" de Jean-Louis Millon a-t-elle été un point essentiel ? Pensez-vous qu'il a sabordé sa crédibilité vis-à-vis du hockey ?

Je ne crois pas que la trahison de Jean-Louis Millon soit un point essentiel, parce que cela n'a surpris personne, j'oserais dire qu'il était égal à lui-même dans sa connerie. Il a voté contre la motion, il a voté contre le Directoire. Le fidèle des fidèles... Ce qui est par contre le plus inquiétant, c'est que c'est à lui qu'on a confié tous les fonds du hockey, hors budget DTN, et là quand on connaît le Yes-Man qu'est Millon, on peut tout s'imaginer. Quant à la perte de crédibilité, en a-t-il déjà eu une ? Le plus désolant, c'est qu'il aime le hockey, j'en suis sûr, mais pas à n'importe quel prix, et c'est avec des comportements comme ça qu'on n'arrive pas à s'en sortir. Heureusement, j'ose espérer que c'est une espèce en voie de disparition.

- Didier Gailhaguet a suggéré que vous utilisiez le Directoire comme un "outil de pouvoir personnel". Vous craignait-il ? Pourquoi ?

Ce sont des discours de politicien. Ceux-ci peuvent vous dire les plus gros mensonges avec un aplomb extraordinaire. Et là, nous avons affaire à un professionnel "internationalement" connu. C'est vraiment l'hôpital qui se fout de la charité. Quand on a des ambitions personnelles, on ne se met pas en danger comme je l'ai fait. On me dit (souvent les personnes proches du Président) que j'aurais dû temporiser, ruser, blouser, et non lancer une motion à Didier Gailhaguet avant Lyon. Je voulais que les choses soient claires avant, que les décisions, la nôtre et la leur, soient prises en toute connaissance de cause. Je pense que c'est un signe d'honnêteté. Est-ce que honnêteté rime avec ambitions personnelles, je ne crois pas.

Maintenant, pourquoi me craignait-il ? Peut-être parce qu'il n'a pas eu beaucoup l'occasion de composer avec des gens qui ne lui doivent rien (même si c'est lui qui m'a nommé : il s'agit de savoir s'il m'a choisi pour faire avancer le hockey ou pour que je sois redevable. Ma passion, c'est le hockey, le choix est vite fait), avec un Directoire qui prenait confiance en lui et s'opposait ouvertement à certaines positions du Président, et pas n'importe comment, en pleine cohésion. S'il me craignait - et ce n'est pas dit - c'est sûrement pour ça. Ceci dit, il n'a pas hésité à s'occuper de mon cas à l'AG de Lyon. Peut-être par contre a-t-il sous-estimé les réactions ? Ce qui est sûr, c'est que maintenant, il me craint, et je compte bien justifier ce privilège. Ce à quoi il est confronté maintenant, lui et ses amis ne l'ont jamais connu : un rassemblement des forces vives du hockey français, des dirigeants des comités, des clubs, des internationaux, des joueurs et joueuses, des petits, des grands, des supporters, qui annoncent à visage découvert qu'ils s'impliquent, sans avoir peur. Il y aura toujours les suiveurs, mais là, il y a un phénomène nouveau. On voit les difficultés du Président Gailhaguet à réunir une Coordination, ironie de la situation, on hésite à se marginaliser en rejoignant cette structure, c'est quand même un signe.

Luc Tardif tout seul n'arrivera à rien, l'outil sera notre toute nouvelle association, l'AAHF, et c'est l'ampleur de ce rassemblement qui fera la réussite de cette entreprise qui n'a qu'un seul objectif : que la famille du hockey sur glace français se fasse enfin respecter, et que notre sport soit dans de réelles conditions de développement .Maintenant, pour les rabat-joie, les résignés d'avance, les "on y arrivera jamais", le hockey français n'aura pas souvent de telles occasions, les conditions sont idéales, il ne faut pas laisser le train passer, venez nous rejoindre.

- Après le coup d'arrêt de Lyon, avez-vous songé à jeter l'éponge ?

Apres l'annonce, sur le moment, j'éprouvais une sensation de déception et de soulagement, avec, quand même mêlé à l'écœurement, plus de soulagement qu'autre chose. Jusqu'au coup de téléphone d'Éric Ropert, qui, dès le lendemain midi, m'invitait à poursuivre sous une forme à trouver. Pourquoi pas, mais j'avais besoin de souffler, et de plus, je crois qu'il était prudent d'attendre les réactions des gens du hockey. Peut-être avais-je fait fausse route ? Dès le départ, les témoignages d'encouragement, les remerciements, puis un élément déclencheur, cette création spontanée du Collectif Hockey. Dès lors, on a remis le tablier, et nous revoilà, en train de construire un instrument de représentativité du hockey, adversaire incontrôlable (puisque dehors) et inconnu des Services du Président, loin des bidouilles d'AG, des compromis de chambres d'hôtel obscur d'avant AG, des valses des procurations, des échanges de bons procédés. Et ça, ça ne me déplaît pas, parce que pour une fois nous avons amené ces messieurs sur un terrain qui leur est totalement inconnu : la passion pour notre sport.

 

Les soutiens

- Quel écho la situation du hockey français rencontre-t-elle auprès des représentants des autres disciplines au sein de la FFSG ?

Je dois avouer qu'au départ, je ne me suis absolument pas soucié des réactions des autres disciplines. Du moins jusqu'à ce que j'ai vent que la Commission bobsleigh / luge / skeleton réfléchissait sur la mise en place d'une autre structure - association ou autre - pour eux aussi tenter d'avoir un peu plus d'autonomie. Ils sont aussi mécontents, surtout après les coupures budgétaires annoncées pour pallier les difficultés financières actuelles de la FFSG. D'autre part, j'ai été surpris d'avoir reçu des encouragements de certains responsables du patinage artistique. On peut imaginer avec ce que nous vivons ce que les derniers opposants au "système" dans cette discipline peuvent subir, on peut comprendre qu'ils soient quelque peu terrorisés ou résignés, mais ils semblent que notre rébellion pourrait provoquer quelques vocations. N'ayons pas peur des mots, le patinage artistique est dans un état de délabrement avancé. Pas de plan directeur, pas de programme de développement digne de ce nom, des résultats sportifs à venir qui devront tenir du miracle (sauf Brian Joubert), une image qui se passe de commentaires, des dirigeants (il ne reste que des béni-oui-oui) plus préoccupés par le lobbying ou à casser du "hockey" que par leur propre sport. Il ne faut rien attendre de ce côté-là.

Il va de soi qu'une synchronisation des actions s'impose, mais pour le hockey, l'objectif est bien de sortir de cette fédération multidisciplinaire, avec ou sans Gailhaguet. On voit que ce type de fédération (ex : le ski) provoque toujours des phénomènes de prédominance de certaines disciplines sur d'autres, permettant aux plus expérimentés (j'aurais pu dire aux plus combinards et sans scrupules) de verrouiller le système (ex : FFSG). Le Ministère n'aime pas les vagues, mais Jean-François Lamour est un sportif, un vrai, il n'est pas sans savoir que le hockey sur glace français n'est pas dans un contexte propice à une évolution, aussi il faudra bien qu'un jour il entende notre message. Je crois qu'il nous faudra proposer une organisation structurelle et des budgets prévisionnels de fonctionnement qui pourront prouver qu'avec les mêmes aides financières, nous saurons faire mieux. Ce sera le premier chantier de l'AAHF.

- On a glosé sur le fait que Rouen a été de ceux qui ont voté la suppression du Directoire. Qu'en est-il et comment l'expliquez-vous ?

Il faudrait peut-être distinguer le vote du président de Rouen et le vote de Thierry Chaix, homme d'affaires et patron de la société Vert Marine. Je vous laisse deviner pourquoi. Didier Gailhaguet est un grand ami de M. Bayrou, président de la SEM des Diables Rouges et président du Conseil Général des Hautes-Alpes. Thierry Chaix, par sa société Vert Marine, gère les installations sportives de Briançon et est conseiller de la SEM des Diables Rouges. Le recrutement s'est d'ailleurs fait pour beaucoup via le staff de Rouen. Est-ce que c'était Vert Marine ou le Rouen Hockey Elite 76 ? On ne sait trop. Toujours est-il que le Directoire souhaitait institutionnaliser un système d'appel à propositions pour répartir les évènements de hockey sur l'Hexagone, équipes de France comprises. Tous les derniers championnats du Monde des moins de 18 ans, des moins de 20 ans et des féminines, et ce depuis trois à quatre ans, ont eu lieu sans consultation à Briançon. Il y a quelques années, si on s'en souvient, un courrier de l'IIHF invitait les moins de 18 ans de l'époque à monter exceptionnellement en Groupe B. Ce courrier a mystérieusement disparu et les juniors -18 ont dû jouer dans le Groupe C, un championnat organisé à Briançon. Une enquête suit son cours depuis trois ans pour trouver qui a pu perdre ce courrier... Le mélange des affaires et du hockey, on en paie les pots depuis vingt ans. Lorsque les décisions sont prises, avec la loi du plus fort ou pour des intérêts peut-être autres que le sport, est-ce toujours un gage de l'intérêt général pour notre discipline ? À moins que ces faits s'enchaînent par le plus pur des hasards... Millon ne serait-il pas seul à avoir trahi ? C'est peut-être un peu brutal, mais il fallait que cela soit dit. N'est-ce pas une interview-vérité ? Ceci, les clubs de Rouen et de Briançon n'y sont pour rien.

- Quand Briec Bounoure déclare sur le site officiel de Brest "Nous ne savons pas vraiment quelles étaient les idées précises de M. Tardif, si ce n'est que nous, nous souhaitions plus de matchs, et que par rapport à ça nous étions opposés à lui", qu'en pensez-vous ?

C'est un peu surréaliste de répondre maintenant à cette question, n'étant plus aux affaires, mais ça me fait plaisir de reparler de hockey. La priorité du Directoire était pourtant claire : priorité à la stabilité des championnats et à l'assainissement financier des clubs, tellement claire que cette formule a été votée en AG de Reims pour quatre ans. Je reste persuadé que c'est la solution pour conforter l'implantation de notre sport plus largement dans l'Hexagone et laisser les clubs s'adapter à des systèmes de montée-descente et programmer une politique sportive en cohérence avec leurs moyens.

Maintenant, remettre sur le tapis le nombre de matchs comme le suggère M. Bounoure, je dis danger ! La fusion qui a permis de construire le Super 16 n'a été possible qu'au travers d'un compromis jugé acceptable par les équipes venant de la D1 de l'époque : un certain nombre de matchs en semaine arrêté à 4 ou 5 par an. Au delà de ça, je sais que pour une bonne dizaine d'équipes, qui ont des effectifs à configuration amateur ou semi-pro, il leur sera impossible d'envisager d'autres cadences. En tenant compte d'un démarrage de la saison difficilement envisageable avant mi-septembre, hors les trêves IIHF, les divers rassemblements de l'équipe de France, il n'y a malheureusement qu'un samedi dans une semaine. À moins que l'on souhaite un retour à une Ligue Élite (façon 1999-2000) ? On en reviendrait donc à l'époque où tout le monde avait sa formule, où on expérimentait chaque année un nouveau truc.

Je crois qu'il reste beaucoup de travail à faire pour améliorer le Super 16 dans sa forme actuelle. Pourquoi ne pas en faire une ligue à part entière, comme en football, en rugby, au basket, cela donnerait aux présidents de club la possibilité de rédiger des contrats plus conformes aux réalités du hockey (CDD-CDI), et, même si ça choque, de réels moyens pour gérer le championnat lui-même, les manifestations annexes (Coupe de France, All-Star Game), les accords télé (oui, c'est possible !), les éventuelles recettes annexes, l'image de cette ligue, les négociations avec les équipes de France pour les mises à disposition des joueurs, etc. Une vraie ligue, quoi ! Pourquoi ne serait-il pas possible de le faire ? C'est ce que j'aurais aimé poursuivre...

- Avez-vous senti un véritable intérêt des présidents de club pour vos actions et vos projets, ou au contraire une indifférence polie sauf pour défendre leurs intérêts sur des détails les concernant ?

Il faut admettre que les Présidents de clubs, à gérer le quotidien, à courir pour boucler les budgets, à répondre aux contraintes administratives de plus en plus astreignantes, ont pour beaucoup, d'autres chats à fouetter, comme le disait l'un d'eux. Ils ont une perception des évènements qui leur est propre, en fonction des éléments d'information dont ils disposent, c'est-à-dire très peu.

Selon les réactions, ils étaient heureux du renouveau du hockey, globalement contents du travail du Directoire, et, sauf ceux qui suivent de très près les affaires, tous furent très surpris de la dissolution de cette structure. La FFSG a très peu communiqué, et deux semaines après Lyon, j'avais encore des coups de fil de certains me demandant si ce qu'ils avaient entendu était vrai. Si pour la majorité de ceux-ci, la perception des choses est telle que la FFSG tend à le présenter, soit une lutte de pouvoir entre Didier Gailhaguet et Luc Tardif, c'est peine perdue. C'est de l'avenir du hockey sur glace français dont il s'agit, de notre capacité à gérer nous-mêmes notre sport, MÊME SANS MOI s'il le faut. Beaucoup l'ont compris, et, malgré les menaces voilées ou pas, se sont prononcés clairement. D'autres nous encouragent (et ils sont sincères), mais officieusement. Puis il y a ceux qui observent, pour temporiser, car ils aimeraient bien... mais. Je ne parle pas des inféodés, heureusement peu nombreux. Puis il y a les réactions surprises et les plus vives, ce sont les joueurs, en nombre et non des moindres, qui se sont impliqués spontanément, le hockey féminin, des anciens joueurs et dirigeants usés par le système qui applaudissent, des supporters, curieusement très au fait des choses (le Collectif Hockey réunit 450 personnes) que certains auraient tendance à caricaturer (ce sont pourtant eux, ces passionnés, qui remplissent les patinoires), et surtout, surtout, un bon nombre de fidèles du feu-Directoire et des Commissions Hockey. Nous sommes à la croisée des chemins. Soit le Hockey français estime qu'avec Didier Gailhaguet il est entre de bonnes mains, soit il pèse sur les choses, et alors il faudra s'impliquer, c'est indispensable.

 

La réaction de la FFSG

- Quelle a été votre réaction à l'interview de Didier Gailhaguet sur le site de la fédération ?

Au delà du fait que cette interview m'a donné envie de vomir, je constate une chose. M. le Président cherche à faire de la dissolution du Directoire (son tour de passe-passe) une "affaire Didier Gailhaguet - Luc Tardif" (Je ne suis pourtant pas seul, 140 adhérents à ce jour), des attaques personnelles qui tendent à faire oublier les vrais sujets. À ce jeu-là, je ne suis pas de taille, je n'ai surtout pas son expérience, sa perfidie et ses moyens, c'est David contre Goliath. Aussi, une fois dit ce que j'ai à dire, je n'ai absolument pas l'intention de l'accompagner sur ce terrain. Mais je souhaite quand même rebondir sur cette phrase : "ce pauvre Luc Tardif (quelle suffisance) qui ne sait plus quoi dire pour détruire ce qu'il avait participé à construire au sein de mon équipe". Je le rassure, je n'ai surtout pas l'intention de détruire quoi que ce soit, le Hockey Français doit continuer son redressement. Au contraire, à partir de maintenant au travers de l'AAHF, nous aurons comme mission, non seulement de sauvegarder les acquis, mettre le doigt où ça fait mal, relever les anomalies et dysfonctionnements, mais aussi par des actions parallèles et dans l'esprit des États Généraux de soutenir toute action ayant pour but de développer le hockey national. On voudra certainement, comme ils le font maintenant, nous marginaliser, nous cantonner dans un rôle de protestataires, de mécontents, de frustrés, mais nous saurons faire la démonstration que ceux qui veulent détruire le hockey, ce ne sont pas ceux que M. Gailhaguet prétend.

- Les instances en place ont-elles encore une crédibilité pour représenter le hockey français, ou le 4 octobre constitue-t-il un point de non-retour ?

Il est difficile de répondre à cette question à la place du monde du hockey, je le laisse être juge. Je ne peux que vous livrer mes impressions personnelles. Ce qui est certain, c'est que la nouvelle CNHF a quelque peu de mal à se mettre en route, la composition devait être annoncée ce week-end, on attend toujours, et ce que l'on sait, c'est que personne ne veut prendre le manche de ce "Directoire bis", que les candidats ne s'y pressent pas, et que ceux qui y seront (de par leur statut) se demandent ce qu'ils pourront y faire, car cette structure sera pilotée directement par le Président Gailhaguet, officiellement ou officieusement, et je pense que le DTN sera le copilote assisté de Jean-Louis Millon. Pour la question de légitimité, rien à dire. Pour la crédibilité et la compétence en matière de hockey sur glace, c'est autre chose.

Pour le reste, il ne faut pas considérer que, le Directoire dissolu, la vie s'arrête. Les championnats seniors et jeunes sont en place, la saison 2003-2004 devrait se dérouler normalement, il y a des personnes compétentes à la FFSG et dans les ligues qui savent très bien gérer les affaires courantes, pas de souci de ce côté-là. Ce qui m'inquiète, ce sont les orientations et coupures budgétaires faites maintenant (Plan de Développement, stage Hockey Féminin, les moins de 17 ans et moins de 16 ans), alors qu'aucune structure de décision propre au hockey n'est en place (à croire qu'on profite de la situation), et surtout qui touchent directement ce qui fait l'avenir de notre discipline. Il faudra se souvenir de ceux qui ont cautionné ce massacre. Pour ce qui concerne le point de non-retour, je crois que c'est une nouvelle ère qui commence. Nous sortons de deux semaines de désinformation, de chantages, de menaces à peine voilées, d'une débauche d'énergie pour expliquer que l'AAHF, ce sont les "forces du mal" et que, en dehors de la FFSG, point de salut ! Et, malgré ça, tous les jours, je reçois des paquets de bulletins d'adhésion (souvent accompagnés d'encouragements). Des clubs, des présidents, des joueurs et internationaux de surcroît, malgré tout ça, s'inscrivent dans notre démarche. C'est ce qu'il y a de plus encourageant ! Il ne faudra pas décevoir, se démarquer des coutumes actuelles, ne pas perdre d'énergie dans de vaines bagarres de rue, démontrer notre capacité à rassembler, à convaincre, à s'organiser, à maintenir notre action dans le temps, à proposer, venant même en appui d'actions fédérales si nous estimons que c'est nécessaire, et si on nous en laisse la possibilité. Nous avons seulement deux semaines d'existence et toute la vie devant nous. Ne pas se précipiter, bien cibler nos actions, pas de spectacle mais de l'efficacité.

- Les entraves du hockey français sont-elles dues à des questions de personne (Gailhaguet) ou à des problèmes de structure de la FFSG ?

Même si la personnalité de Didier Gailhaguet est une entrave en soi à une gestion du hockey en toute transparence et autonomie, les difficultés rencontrées par le hockey français viennent selon moi plus des structures elles-mêmes. Le système électif au sein de cette fédération multidisciplinaire fait que pour être élu, il faut faire des compromis, passer des alliances, renier parfois ses convictions, ce que sont en train de faire de nombreux "élus" (il ne faut quand même pas généraliser). Certains doivent être très contents de retrouver le "bon temps" et s'en frottent déjà les mains. Malheureusement, c'est de ça que le hockey français crève. Au retour de ces alliances, il n'y a plus de place pour "l'intérêt général" de notre sport, les décisions ne sont prises qu'en fonction de l'intérêt du plus fort ou du plus influent. C'est ce qu'il y a de plus dramatique à ce retour de manivelle. Il manque des sous, le DTN, M. Ranvier, sabre d'office le plan de développement, et ce sans consultation, et pire, sans avoir aucune idée de ce que représente celui-ci pour notre petit monde du hockey : ni plus ni moins que notre fierté. Mais pour reprendre en main la situation, il faut sévir, intimider, voire, un peu, menacer. Du coup, plus personne ne bouge. Au même moment, sans aucune retenue, on annonce que la FFSG a fait signer à la star du patinage Alekseï Yagudin un contrat à long terme pour s'occuper de Brian Joubert (combien ça coûte ?), on dirait presque de la provocation... Et il faudrait qu'on se taise ; voire, pire, qu'on dise merci ? Non, c'est hors de cette fédération que nous trouverons notre bonheur. Les élus seront face à leurs pairs, seront jugés sur leur travail effectif, sans possibilité de se planquer derrière je ne sais quelle manœuvre politicienne multidisciplinaire. Je suis étonné de voir à quelle vitesse on affirme qu'une Fédération Française de Hockey c'est impossible. Pour ma part, et c'est l'avis de mes collègues de l'AAHF, nous prendrons l'année qui vient pour vérifier cette hypothèse. L'objectif est d'étudier, techniquement, sportivement, statutairement et financièrement la faisabilité d'une Fédération indépendante. Nous nous proposons de consulter les instances (IIHF, Ministère) et de déposer fin d'année 2004 un Livre Blanc, conclusion de notre étude.

- La FFSG est-elle prête à l'après-Gailhaguet ?

La question ne se pose pas pour l'instant puisqu'il sera en poste, encore élu pour trois ans. Le hockey sur glace français n'a jamais eu d'alternative. Les prises de pouvoir ont toujours donné lieu à des luttes virulentes, souvent basées sur de basses attaques et des trahisons. Jamais les choix n'ont été faits sur des projets. Regardez ce qui se passe depuis le 4 octobre. Je m'oppose, on oublie le travail fait, on met en avant une ambition démesurée, on affirme froidement que pour la télé j'ai menti, on passe des heures au téléphone à salir celui qu'on veut abattre, on écrit des courriers abjects, on les photocopie et on les fait circuler. Mais quand parle-t-on de hockey dans tout ça ? Quels projets, quelle vision, quels moyens ? L'AAHF souhaite construire une alternative à la structure fédérale actuelle. Il faudra réunir méthode, intelligence, conviction et perspicacité, ça nous demandera donc un peu de temps.

- Vous avez été rejoint par votre prédécesseur à la charge du hockey au sein de la FFSG, Éric Ropert, désormais vice-président de l'AAHF. Comment vous êtes-vous retrouvés pour ce but commun ? Avez-vous dialogué sur vos expériences et avez-vous le sentiment que l'on vous a mis les mêmes bâtons dans les roues ?

Éric est un ancien coéquipier à Rouen, on se connaît depuis longtemps, et j'apprécie fortement son sens de l'analyse et sa mesure. Déjà, lorsqu'il avait quitté son poste de vice-président de la FFSG, il m'avait fait part des difficultés rencontrées, et bénéficier de son vécu a été d'un précieux secours, même si la conclusion a été identique. Aussi, le 5 octobre au matin, c'est certainement celui qui comprenait le mieux la situation. Sa volonté de construire autre chose, je l'avoue, m'a également poussé à remettre le couvert. Comme tous ceux qui nous ont rejoints, nous souhaitons sortir de cette période riche en polémiques pour inscrire notre action dans le temps. Une conviction profonde nous anime, le hockey sur glace français doit prendre conscience qu'il est apte à prendre en main sa destinée. Et notre mission première sera d'en convaincre les premiers concernés.

 

L'AAHF

- Vous venez de créer l'Association pour l'Avenir du Hockey Français (AAHF). Quels sont ses buts ?

Forts d'un constat, la structure de la FFSG ne permet pas au hockey sur glace de se développer comme il le mérite et comme il en a le potentiel, il nous faudra donc chercher notre salut dans une autre structure : une Fédération Française de Hockey sur Glace. Cet objectif doit se poursuivre dans une démarche méthodique et réfléchie : une étude technique, statutaire, sportive et financière poussée et argumentée. Prouver en quelque sorte au Ministère de tutelle que la famille du hockey peut faire plus et mieux avec les moyens dont elle dispose. Il faudra préalablement mobiliser le monde du hockey pour appuyer cette démarche et parallèlement sauvegarder les acquis, car il faut le constater, dans les périodes de difficultés financières, le hockey paye toujours un plus lourd tribut aux mesures de rigueur. (Ex : le patinage vient d'embaucher deux entraîneurs de renom, Yagudin et Gauthier, et les moyens du Plan de développement hockey ont été divisés par trois).

Des actions seront mises sur pied, visant la formation des joueurs et des dirigeants (séminaires), secteurs où la FFSG est absente, ainsi que la création d'un site internet, véritable outil de "service aux clubs" où une équipe multidisciplinaire pourra répondre à toute question d'ordre organisationnel, juridique, sportif, etc. D'autres actions seront menées, mais conscients de nos moyens, et par souci d'efficacité, nous avons souhaité, pour les premiers pas de l'AAHF, rester réalistes dans nos objectifs à court terme.

- Comment l'AHHF pourra-t-elle se situer par rapport aux instances officielles, en particulier à la nouvelle CNHF (Coordination Nationale du Hockey Français) censée remplacer le Directoire ?

Nous souhaitons d'abord, par des actions de développement, venir combler les vides laissés par la politique sportive actuelle, montrer ainsi nos capacités à organiser, à innover, à rassembler, si possible en dehors de tout conflit. Mais pour sûr, en se faisant respecter, mettre le doigt où ça fait mal, pour sauvegarder les acquis. Le problème étant plus au niveau de la structure que des hommes (je parle des hommes du hockey français), c'est l'attitude de la CNHF, sa capacité ou non à diriger le hockey français, son positionnement agressif ou non vis-à-vis de l'AAHF, qui déterminera le type de rapport qui existera entre les deux structures. Nous prendrons à bras le corps les espaces de liberté, mais toujours dans un esprit de faire progresser notre sport. Pour le moment, j'espère qu'on nous lâchera bientôt les baskets pour commencer un travail serein et efficace hors des polémiques, c'est par ce biais que nous souhaitons convaincre.

- N'ayant pas de reconnaissance officielle, comment l'AAHF pourra-t-elle agir ?

Il est certain que notre tache sera très difficile car les instances officielles de la FFSG, comme elles l'ont fait pour notre création, s'appliqueront à tuer dans l'œuf nos initiatives, mais nous serons patients (notre action s'inscrit dans le temps) car nous savons qu'il y aura des secteurs d'intervention délaissés, des brimades, des injustices pour notre sport, des manques que nous avons d'ailleurs dès à présent repérés, où nous pourrons nous exprimer. Nous souhaitons venir en complément, là où nous estimerons être utiles au développement du hockey. Il est vrai que je rêverais de pouvoir aller au bout de l'idée d'organiser le "All-Star Game", projet qu'ils ont abandonné, mais il faudra rester réalistes, il faudrait pour ça l'unanimité des clubs et une mission officielle, et c'est un peu prématuré... Cependant, malgré le veto de Didier Gailhaguet (la FFSG ne le souhaite pas), nous pouvons annoncer que le Centenaire du Championnat de France de hockey sur glace sera quand même célébré en 2004. Ce sera un moment fort pour le rassemblement de la famille du hockey, un évènement majeur pour l'AAHF en cette saison 2003-2004. Nous vous dévoilerons avant la fin d'année le contenu de cette manifestation.

Pour le reste, priorité au rassemblement, après l'adhésion spontanée (bientôt 300 personnes), nous mettrons en route un programme d'information, de sensibilisation à la démarche, avec comme objectif, passer la barre des 900-1000 adhérents. Forts de cette représentativité et convaincants par nos propositions, nous pèserons irrémédiablement sur l'avenir de notre sport, qu'on le veuille ou non.

- L'AAHF pourra-t-elle dialoguer avec le ministère des sports ou l'IIHF, ou bien ces entités refusent-elles d'avoir un autre interlocuteur que la FFSG ?

Nous souhaitons vivement entamer un dialogue et nous ferons tout pour être des interlocuteurs responsables, mais avant d'en arriver là, nous devons étayer notre argumentation. L'après-Salt-Lake-City a montré le fossé qu'il y avait entre l'autorité de tutelle (Le Ministère) et la Haute Direction de la FFSG, il y a des signes qui ne mentent pas. Il faudra profiter de cette situation, mais pas n'importe comment. Il ne faut pas penser que les choses viendront d'elles-mêmes. Revendiquer plus d'autonomie, sans implication, sans détermination, c'est perdu d'avance. Nous prendrons l'année qui vient pour nous imprégner de la situation, construire un dossier sans faille, faire le lobbying adéquat, et informer le Ministère et l'IIHF de nos actions, de nos projets. Notre moment viendra...

Propos recueillis par Marc Branchu, novembre 2003

 

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