Interview de Christian Pouget

 

Tout juste après avoir raccroché les patins avec Mont-Blanc, Christian Pouget, un des plus grands joueurs de l'histoire du hockey français, commence sa carrière d'entraîneur par un sacré défi, prendre en main le plus exigent des clubs français, Rouen, où il a été recruté par le président Thierry Chaix, gapençais comme lui.

- Comment est venue la proposition de Rouen ?

Subitement. Cela m'a surpris. C'est venu de Thierry Chaix qui a simplement soumis l'idée à son entourage, c'est-à-dire Guy Fournier et le comité directeur. Il m'a personnellement téléphoné. Au début on a parlementé. J'ai discuté par rapport à l'ampleur de la tâche. J'ai qu'il serait bien que j'ai un assistant. Thierry Chaix m'a proposé de rencontrer Rodolphe Garnier. On s'est vite mis d'accord sur pas mal de points en ce qui concerne la tactique, la préparation des joueurs.

- La décision a été très rapide...

Elle était rapide, forcément. Je savais que Mont-Blanc comptait sur moi pour son projet, il fallait choisir. Je n'ai pas réfléchi des jours et des jours. La décision a été vite prise malgré ma première sensation qui était d'être un peu effrayé.

- Vous nous aviez pourtant confié vous plaire dans la vallée du Mont-Blanc, n'est-ce pas dur de partir ?

C'était un peu ma facilité de vivre dans une vallée qui accueille des touristes toute l'année. On se croit tout le temps en vacances. Je quitte un cadre angélique, mais je vais redécouvrir une nouvelle région. Je garde ma maison, que j'essaierai de louer. J'y reviendrai sans doute un jour...

- Entre vous et Rouen, cela n'a pas toujours été facile. Il y a eu des moments de tension, lors d'une demi-finale avec Grenoble en 2001, et lors de votre saison chez les Dragons en 1996. Vous en a-t-on reparlé à Rouen ?

De la demi-finale avec Grenoble, non. Ce sont les play-offs, tout le monde est un peu tendu, et ce genre de choses arrive.

En ce qui concerne 1995/96, on m'en a effectivement parlé, et j'ai souhaité mettre les choses au point. J'ai eu une prise de bec avec une personne, Benoît Laporte, c'est tout. C'est dû à la tension de la défaite dans la finale perdue, les gens en ont fait quelque chose de plus gros que ce n'était. Il s'agissait d'une partie des play-offs, certes la plus importante, que tout le monde a loupé.

Mais indépendamment de ces quelques semaines, j'avais bien aimé mon passage là-bas. J'étais parti parce que j'avais reçu une offre de Mannheim, qui ne se refuse pas, mais si je n'avais pas été en Allemagne, je serais volontiers resté à Rouen. Y revenir maintenant me donnera l'occasion de mieux connaître la région.

- Rouen et Grenoble se battent pour être la référence en France. Vous qui avez connu les deux clubs, comment voyez-vous cette rivalité ?

Grenoble s'est fortement développé ces dernières années, mais le club le plus régulier sur ces vingt dernières années, celui qui a eu le plus de titres, c'est Rouen. J'espère poursuivre dans cette lignée, dans un cycle qui sera de 2 ou 3 ans, selon notre travail. Je veux insuffler un état d'esprit conquérant. Forcement, défier cette équipe de Grenoble qui a tout gagné cette saison en fait partie.

- Gérer des stars comme Desrosiers et Thinel, cela vous inquiète-t-il ?

Moi, je n'ai jamais eu de problème avec aucun joueur. Que cela soit n'importe qui, il n'y a pas de raison que cela se passe mal. On va changer le rythme d'entraînement, changer l'ambiance, et on veut réussir à former un groupe.

- Rouen est le club français avec la culture la plus canadienne. Comptez-vous vous y fondre ?

Le hockey, c'est international. Il est clair que le hockey canadien est d'une efficacité redoutable, cependant les joueurs canadiens de Rouen ont beaucoup de qualités techniques. Ils jouent beaucoup en collectif, en croisement, avec beaucoup de passes, d'une manière comparable au hockey à l'européenne. Il y aura des joueurs de différents pays, mais ce n'est pas la nationalité qui fera le style de l'équipe.

- Participez-vous au recrutement ?

On est en train de le faire. Il reste quelques joueurs à recruter, on en discute. C'est surtout Guy Fournier qui a les cartes en main, car il connaît des agents de confiance, c'est important.

- Un débat récurrent à Rouen est celui de la place réservée aux nombreux juniors formés au club en équipe première. Pensez-vous que cela soit possible avec l'obligation de résultat ?

Déjà, nous n'avons pas la pression de gagner le titre la première année. Ensuite, si un club se dit formateur, c'est bien sûr pour intégrer les jeunes en senior et faire jouer les jeunes qui ont le niveau. On en voit déjà trois, et on va suivre ceux qui arrivent derrière.

- Y compris des défenseurs, dont on sait que c'est le point faible du hockey français ?

C'est clair qu'il n'y a pas beaucoup de défenseurs en France, et Rouen ne fait pas exception. Il faudra travailler sur ce point dans les petites catégories, pour mieux axer la formation sur les défenseurs. Ils ont un rôle aussi important que les avants dans l'équilibre d'une équipe.

- Où en est le projet de fusion au Mont-Blanc et comment a-t-on réagi à votre départ ?

Ceux qui sont proches de moi étaient contents pour moi.

Pour ce qui est de la fusion, elle est bien partie. Les dirigeants sportifs se sont maintenant mis d'accord. La décision se fera fin avril et est désormais entre les mains des politiques des trois communes.

Si Ari Salo est confirmé comme entraîneur, c'est la meilleure chose qui puisse arriver au Mont-Blanc. Maintenant, il faut passer par des temps difficiles pour former un nouveau club et sauver le hockey dans la vallée. De mon côté, je compte bien y retourner un jour si possible.

- Vous avez assisté au tournoi final du championnat de France espoirs à Rouen ce week-end. Quel bilan en tirez-vous ?

Je pense que Rouen a quand même mérité son titre, en grande partie grâce à ses "vétérans", Loïc Lampérier et Lionel Tarantino. Ce sont eux qui ont fait tout le travail.

Les trois équipes du sud avaient voyagé en bus la veille, et elles le ressentaient encore dans les jambes. Cela a contribué au niveau assez moyen du tournoi. C'est pour ça que la demi-finale Grenoble - Villard a été lente, et celle entre Mont-Blanc et Rouen aussi. Même si je pense que Mont-Blanc était intrinsèquement supérieur, Rouen a su être discipliné pour se qualifier et l'emporter ensuite contre Grenoble.

Il y a beaucoup de travail à faire dans les petites catégories pour qu'il y ait assez de joueurs et d'équipes à ce niveau. Les espoirs ne jouent des bons matches que quand les cinq bonnes équipes se rencontrent.

Propos recueillis le 13 avril 2009 par Marc Branchu

 

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