Interview de Daniel Bourdages

 

Présent à Strasbourg depuis 1990, l'entraîneur de l'Étoile Noire est sur le point de faire parvenir son équipe en Ligue Magnus, au cours d'une saison marquée par un parcours presque sans faute et par l'ouverture d'une nouvelle patinoire, outil de travail moderne qui contraste avec le désuet Wacken.

- Quel a été votre parcours avant votre arrivée en Alsace ?

J'ai commence en 1985 après ma maîtrise en éducation physique spécialisée en hockey sur glace. J'ai entraîné les jeunes dans les calibres Peewee et Bantam. Avant de venir en France j'étais en Midget AAA à Montréal Bourassa avec des joueurs comme Ian Laperriere, Joël Bouchard et Martin Brochu, qui ont évolué en NHL. À l'époque ils étaient âgés de seize ans.

Je suis arrivé à Strasbourg le 1er avril 1990, ce n'est pas un poisson !

- Quelles étaient alors vos ambitions ?

Je suis venu car ma femme a obtenu un travail au Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Je venais de signer une entente pour un emploi à temps plein à la Commission scolaire catholique de Montréal, en sports-études, et j'ai dû renoncer. Je n'avais aucune idée de l'endroit où j'arrivais.

- Qu'est-ce qui vous a gardé en Alsace ?

(Madame Raffoux qui passe à ce moment cite "le vin blanc")

J'ai eu plusieurs fois l'occasion de me faire renvoyer car je n'ai pas toujours un comportement très facile. Mais les Strasbourgeois m'ont fait confiance et je suis resté.

Ma femme, actuellement directrice de cabinet au Conseil de l'Europe, a un très bon boulot qui lui plaît beaucoup.

- Comment avez-vous vécu l'évolution du club ?

Il faut dire que nous évoluions dans des infrastructures désuètes. Tout le monde connaît le Wacken, d'autant plus qu'aucune rénovation n'y était effectuée car on nous promettait une nouvelle patinoire. Mais on apprend beaucoup dans de telles conditions, et c'est peut-être pour cela que maintenant on savoure pleinement la nouvelle patinoire.

- Vous avez échoué plusieurs fois ces dernières années dans la quête de la montée. Avez-vous une explication à cela ?

Une année nous avons eu des blessés parmi nos joueurs clés (trois ou quatre parmi les cinq meilleurs de l'équipe), même si je laisse les excuses aux faibles.

J'ai surtout des regrets pour la saison dernière, où des équipes comme Caen et Chamonix sont passées devant nous. Peut-être étions-nous surestimés. Strasbourg est souvent vu comme grand, mais à regarder l'effectif on voit que les joueurs étrangers sont là parce que les Français ne veulent pas venir ou hésitent. Un Slovaque de même niveau est prêt à venir à Strasbourg pour un salaire équivalent, et à un moment il faut bien constituer l'équipe. Cela a souvent été notre problème.

Nous avons refusé la montée alors que des équipes placées derrière nous ont accédé à l'élite. Nous préférons monter sportivement, en espérant le faire cette année.

- Vous attendiez-vous à cette saison quasi parfaite ?

Non, nous ne pensions pas jouer d'aussi bons playoffs. Aucune victoire n'est facile, même si parfois le score paraît énorme. Nous travaillons fort aux entraînements. Là, on vient de perdre un match, on va essayer de s'en remettre !

- Bénéficiant d'une nouvelle patinoire et d'un public qui suit, le club pourra-t-il prendre une nouvelle dimension grâce à une éventuelle montée ?

C'est certain que la montée nous amènera à modifier notre effectif. Nous avons vu à Dunkerque nos difficultés à jouer sur une petite glace. En Magnus, cela ne pardonne pas, il faut être capable de se présenter chaque soir, de jouer quand le jeu est plus robuste.

- Quel est votre sentiment sur l'évolution du hockey en France au cours des dernières années ?

J'ai le sentiment que cela progresse, même si on a connu une grosse baisse quand l'élite s'est élargie. C'est un paradoxe, même si cela donne raison à Monsieur Tardif. Je pense que si on veut voir l'équipe nationale remonter il faudra jouer deux à trois matchs par semaine.

- Par votre rubrique dans un magazine (Slapshot), vous attachez beaucoup d'importance aux aspects tactiques du jeu. S'agit-il d'un point à travailler plus particulièrement en France ?

Peut-être. Je ne suis pas là pour juger, mais chez nous on y attache de l'importance, tout comme la technique. On essaie de ne rien laisser au hasard. Les collègues doivent faire la même chose.

- En dehors du hockey, quelles sont vos occupations ?

Je fais beaucoup de sport, comme le tennis et le judo. Et depuis la naissance du premier de mes trois enfants il y a une dizaine d'années, c'est ma passion, je suis un père heureux.

Propos recueillis le 4 mars 2006 par Mathieu Hernaz

 

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