Interview de Marek Bailly

 

L'Irlande a mis en place cette saison son premier championnat de hockey sur glace, et un Français y évolue, Marek Bailly.

- Quel était votre parcours de hockeyeur jusqu'ici ?

J'ai joué pendant onze ans, jusqu'en junior, avec les Brûleurs de Loups de Grenoble, et ensuite deux à Lyon, avant de partir à Dublin il y a deux ans. Il n'y avait pas de hockey ici pendant cette période. Je suis parti vivre sept mois aux Pays-Bas, de novembre 2006 à mars 2007, à Utrecht précisément.

Lorsque je suis arrivé, les deux premières équipes de la ville avaient bouclé leur recrutement, donc pour évoluer encore sur une glace j'ai rejoint l'équipe de Los Padres en Derde divisie (troisième division). Le jeu à ce niveau est comme vous pouvez vous en douter moins bon, mais reste néanmoins robuste. Dans certains clubs il y avait trois ou quatre équipes seniors, avec des joueurs venaient de divisions plus élevées, ce qui augmentait le niveau du jeu [NB : Marek Bailly y a marqué 20 buts en 6 matches]. Tous les joueurs ne sont pas des professionnels, aucun d'ailleurs. Ce sont des étudiants pour beaucoup, et des retraités du hockey. À titre d'exemple, notre gardien Fred de Wit était l'ancien gardien de l'équipe nationale. Il a aujourd'hui 69 ans.

- Comment avez-vous appris l'existence du hockey irlandais ?

Je suis revenu à Dublin en mars. C'est tout à fait par hasard qu'en regardant le site de IIHF que j'ai vu que les championnats du monde de division III se déroulaient en Irlande à Dundalk, petite bourgade à 45 minutes de Dublin et autant de Belfast. J'ai donc bien évidemment pris des billets. J'ai vu le premier match des Irlandais contre la Mongolie, score sans appel 11-0, et le dernier, Irlande - Luxembourg, qui était en réalité un genre de finale pour la montée en division II puisque les Néo-Zélandais, avec leur fameux haka sur la glace, avaient plié tout le monde pour la première place. Les Irlandais battaient les Luxembourgeois 4-3 après tirs au but et donc accédaient à la division II l'an prochain en Australie.

C'est donc là que j'ai découvert la patinoire de Dundalk et appris qu'un championnat s'organisait. Je me suis renseigné et j'ai fais les sélections pour jouer avec les Dundalk Bulls, l'équipe de la ville. L'équipe a un très bon niveau et est composée de quatre Polonais, trois Suédois, un Finlandais, un Lituanien, un Letton, un Estonien, un Français, deux Slovaques, deux Américains, un Canadien, un Écossais et un Nord-Irlandais... Pas un seul Irlandais.

- Comment s'explique cette équipe internationale ?

Les réglementations concernant des joueurs étrangers dans une même équipe sont actuellement inexistantes (heureusement, je pense, car il n'y aurait pas autant de joueurs). À Dublin il y énormément d'étrangers, en raison d'une offre d'emplois la plus importante en Europe, et de salaires élevés. Donc, forcément, sur ce nombre d'étrangers, beaucoup font du hockey (Finlandais, Suédois, Tchèques, Slovaques, Russes, Français, Allemands, Norvégiens, Lituaniens, Lettons, Polonais, etc). Ils peuvent donc constituer la plupart des équipes présentes dans le circuit.

Les autres équipes de la ligue sont les Latvian Hawks, composés essentiellement de Lettons, les Dublin Rams, avec l'excellent gardien canadien Eric Tobia, les Dublin Flyers, avec uniquement des Irlandais, et les Bruins de Belfast, entre autre composés de joueurs n'ayant plus le niveau pour jouer avec les Giants de Belfast.

Une deuxième division a été formée et regroupe Belfast Eagles, Bulls B, Lady Bulls (où joue ma copine), DKIT (université d'informatique de Dundalk), Kilkenny City Storm, Latvian Hawks B, Rams B, Whalers.

- Comment se passe l'entente entre joueurs de nationalités différentes qui n'ont pas la même culture de hockey ?

La langue universelle est l'anglais, mais au niveau du hockey, je crois que tout le monde s'est bien adapté à un jeu plutôt orienté vers le style nord-américain. Chacun essaye de laisser son ego de côté et de jouer en équipe, c'est ce que nous voulons démontrer en dehors et sur la glace.

- Vous attendiez-vous à ce niveau pour un pays sans passé de hockey ?

Honnêtement non. Mais le niveau reste raisonnable, je pense comparable à une division 2 en France, mis à part les Bulls de Dundalk, qui c'est vrai pour les raisons dites plus haut alignent une équipe intouchable (à en voir les résultats : 13-6, 26-2, 9-0). Nous avions joué contre Huddinge, une équipe de deuxième division suédoise, et perdu 8-2.

Pour une première année, je pense que le niveau est plus que correct. On joue certes tous sur la même glace à Dundalk, puisqu'il n'y a à l'heure actuelle qu'une seule patinoire en Irlande (l'autre dans l'île est à Belfast et appartient à Coors c'est-à-dire aux Giants de Belfast).

- Quels sont les joueurs dominants de la ligue ?

Nous avions le sélectionneur national Jim Tibbets, ancien coach de l'équipe de France junior et assistant-coach de l'équipe des Flyers de Philadelphie. Il y a sept ou huit ans, j'avais d'ailleurs évolué le temps d'un stage de trois jours à Pralognan avec sa sélection des moins 18 ans, mais je n'avais pas été retenu. Il n'est plus ici, il est aujourd'hui revenu en France.

L'équipe des Bulls de Dundalk, où j'évolue, domine la ligue de bout en bout. En réalité, l'équipe veut intégrer la ligue élite britannique l'an prochain, elle a besoin de prouver à quel point elle peut le faire en écrasant ses adversaires.

Les joueurs dominants sont Robert Grochowicz, Milosz Labudda, Sebastian Wachowski (polonais), Vytautas Lukosevicius (membre de l'équipe nationale de Lituanie), mais surtout Eric Hogberg et Bill McKiernan, deux Américains d'un niveau énorme. Notre gardien suédois Christian Ajnesjö n'est vraiment pas mauvais.

- Quel est le meilleur joueur irlandais (de la sélection nationale) et comment situeriez-vous son niveau ?

Pour moi c'est Mark Morrisson, il joue avec les Giants de Belfast. Il a été le MVP des championnats du monde de division III. Il a le niveau élite française sans problème.

- Quel est l'environnement médiatique (public et presse) autour des matches ?

Il est assez présent. On joue devant une tribune remplie d'environ 800 à 1500 personnes selon les matchs. La télévision nationale est venue faire un reportage avec interview, etc. Un article est écrit sur les résultats du week-end avec compte-rendu dans un journal local.

Selon les matchs, également, nous sommes diffusés sur la chaîne nationale (mais il n'y a eu que notre premier match d'ouverture pour le moment).

- Quel est le rythme des matches et entraînements et comment vous organisez-vous par rapport à votre travail ?

Avec mon équipe, nous nous entraînons le mercredi et le dimanche soir de 21h30 à 22h30 ou 23h. La plupart des joueurs viennent de Dublin, on s'organise notamment pour le covoiturage et les matchs (16 dans la saison régulière + 4 dans les playoffs). On peut avoir des trous pendant deux semaines sans match et ensuite en aligner trois d'un coup (le week-end j'entends). Le club essaye de nous organiser des matchs amicaux ou de coupe (on part en novembre en Écosse jouer contre l'équipe écossaise des moins de 20 ans et les Solway Sharks de la Scottish League), et différent matches contre des universitaires américains ou canadiens qui font des tournées en Europe.

On monte en moyenne sur la glace trois fois par semaine. Étant donné que les entraînements sont tard le soir, ça permet à beaucoup de venir, malheureusement pas tous, car certains font des horaires tardifs, et puis il y a la fatigue (la patinoire est à 45 minutes de Dublin) et le coût également.

Il se peut que nous ayons à nous libérer plus tôt du travail ou prendre un jour de congé (voyage en Écosse par exemple).

Propos recueillis le 17 octobre 2007 par Marc Branchu

 

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