Zurich SC Lions

Chapitre III - Du beau monde dans l'ascenseur

 

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Le club connaît un profond remaniement et ne passe que deux ans au purgatoire avant de remonter en 1973 sous la conduite de l'entraîneur Stu Robertson. Mais l'équipe ne se renforce pas assez pour la LNA, préférant faire des économies et recruter des joueurs inexpérimentés dans les divisions inférieures. Le ZSC est largué et ne remporte que dix points au cours de la saison : c'est la redescente immédiate. Les investissements sont consentis trop tardivement. Le recrutement chez le voisin Kloten des frères Lott, l'attaquant Urs - qui est le leader de l'équipe nationale - et le défenseur Jürg, est ainsi consenti alors que le club est déjà retourné en LNB. Après cet échec, la Hallenstadion AG décide de rendre les clés de l'équipe au club en 1976, après avoir récupéré ses frais en revendant les joueurs.

Le club récupère son bien, mais dans un sale état

Résultat : le ZSC se retrouve avec seulement quatre joueurs lui appartenant en propre, tout le reste de l'effectif est prêté par d'autres. Le club connaît alors une saison désastreuse sous la houlette du Canadien fumeur de cigare Fran Huck. Il faut donc tout reconstruire, des fondations au toit, et on confie cette mission à Walter Bolli, qui co-préside avec Edy Naegeli le FC Zurich, le club de football de la ville. Une équipe est rebâtie avec l'objectif avoué de remonter, mais, saison après saison, la promotion est manquée de peu. L'effectif ne manque pourtant pas d'allure avec le Tchécoslovaque Farda, le Suédois Sundqvist et les internationaux Rossetti et Lorenzo Schmid. "Lolo" est un des rares à intégrer l'équipe nationale depuis la LNB, à une époque où ce n'est vraiment plus commun. Il le doit à sa capacité à comprendre très vite les situations de jeu, y compris ses responsabilités défensives, ce qui le rend utile même au rythme international.

Jamais deux sans trois, certes, mais la quatrième saison doit être la bonne, se dit-on en 1979/80. Bien protégés par leur gardien international polonais Andrzej Tkacz, les Zurichois ont la meilleure défense du groupe est et accèdent au tour de promotion. Malgré deux nuls concédés contre Ambrì et Fribourg, ils y restent invaincus avant la dernière journée et passent un éloquent 13-0 à Villars, le premier de la poule ouest. Ils n'ont donc aucune raison de craindre le deuxième de ce groupe occidental, Fribourg. Un point suffit aux Zurichois dans ce dernier match, mais ils sont asphyxiés et privés de palet par leurs adversaires euphoriques, et doivent rendre les armes sur la douloureux score de 6-0.

Le gardien Friedli

Il faut donc attendre une année de plus, et ce n'est qu'à la cinquième tentative, en 1981, que le club fait enfin son retour parmi l'élite.

Pas pour longtemps... L'écart est grand entre les deux divisions, et le ZSC a en plus un handicap de taille : paradoxalement, il s'agit du Hallenstadion, que l'on pourrait pourtant considérer comme un atout. C'est en effet une enceinte majestueuse, mais là se situe justement le problème. Elle n'est pas réservée au hockey sur glace et de nombreuses manifestations s'y déroulent généralement. Le club ne dispose pas de sa glace au début de la saison 1981/82, ce qui perturbe très sérieusement sa préparation et même les premières semaines de championnat. Il est le seul club de LNA à employer encore un entraîneur-joueur (Kent Ruhnke), ce qui n'est plus adapté aux exigences de l'époque.

Trop forts pour la LNB, les Zurichois sont donc souvent trop courts en LNA. Rarement club n'aura fait autant l'ascenseur que le ZSC dans les années 80 : promu en 1981, relégué en 1982, promu en 1983, relégué en 1984, promu en 1985, relégué en 1986... La politique des stars n'a pas vraiment porté ses fruits. Mieux encore que Richard Farda, resté quatre ans mais reparti après la redescente de 1982, on n'a pas hésité à engager Milan Nový, trois fois vainqueur de la crosse d'or remise au meilleur joueur tchécoslovaque, qui revient en Europe après avoir goûté pendant une saison à la NHL. Il n'empêche pas la descente en 1984, mais reste la saison suivante en LNB pour la remontée.

Cependant, une hirondelle ne fait pas le printemps... Zurich est relégué en 1985/86, mais il lui reste une chance : Arosa ayant tiré un trait sur le hockey de haut niveau, on peut repêcher un club. Zurich, dernier de LNA, soutenu par plus de cinq mille spectateurs, capitale économique du pays ? Ou Berne, deuxième de LNB, capitale politique, et qui a surtout comme atout la meilleure affluence d'Europe puisque l'Allmend accueille près de dix mille personnes de moyenne ? La décision est prise dans l'intimité des salles de réunion de la Ligue Suisse de Hockey sur Glace, et l'heureux élu est... Berne. Du côté de Zurich, on a plutôt l'habitude de voir les leviers pencher en sa faveur, autant dire que la décision y fait scandale.

"Je ne mérite pas mon salaire"

Durant toutes ces années, les joueurs ne parviennent pas à atteindre leur plein potentiel. Certains ont l'honnêteté de le reconnaître, et pas forcément ceux dont on doute le plus. Arrivé à Zurich en 1977 pour ses études (il fera carrière dans l'éthologie), Hans Schmid y reste pendant neuf ans, et il devient même le capitaine les deux dernières saisons. Seuls des motifs professionnels l'ont sans doute empêché de rejoindre l'équipe nationale, car il a dû refuser des sélections avec la Suisse B. Il fait ses adieux en marquant son dernier but en LNA contre son club formateur Arosa le 11 février 1986, dans un dernier match sans enjeu. On lui rend hommage alors qu'il tire sa révérence du haut niveau, pour rejoindre la 1re ligue à Illnau-Effretikon. Pourtant, quelques mois plus tard, le trésorier du ZSC reste coi en recevant un courrier pour le moins inhabituel : "Hansi" a envoyé un chèque au club pour rembourser une partie de ses salaires reçus, expliquant dans sa lettre qu'il avait joué si mal qu'il ne méritait pas tant d'argent ! Son jeune frère, Lorenzo Schmid, tendra lui aussi à l'autocritique. Il reconnaîtra a posteriori que l'équipe manquait alors de solidarité, qu'elle avait tendance à rejeter toute la responsabilité sur l'entraîneur, dans les succès comme dans les échecs.

En 1986/87, les Zurichois s'attendent au moins à refaire l'ascenseur sous la direction d'Alpo Suhonen, qui a quitté son poste à la tête de l'équipe finlandaise juste avant les championnats du monde 1986. On a déjà préparé l'organisation de la fête de la remontée, quand la série contre Zoug, qui a tout bonnement de meilleurs étrangers, fait figure de "douche froide". Le terme n'est pas choisi par hasard. Car cette série est surtout célèbre par la fureur de certains supporters zurichois après le dernier match. La police de Zoug essaie de les faire sortir de la patinoire en utilisant un tuyau d'incendie, mais elle se retrouve en minorité, se fait prendre l'engin et arrose à son tour. Les fans de Zurich se sont taillés une mauvaise réputation et leur frange la plus incontrôlable est redoutée des autorités lors de chaque déplacement chaud.

Le ZSC ronge son frein en LNB et n'a pas plus de succès en 1987/88. L'école finlandaise n'amène pas un retour dans l'élite, mais elle laisse une trace marquante au moins sur un homme, Christian Weber. Ce jeune joueur formé à Dübendorf a commencé sa carrière par deux titres de champion avec Davos avant d'arriver à Zurich, et après la rétrogradation en LNB, sa vision du jeu en fait le joueur-clé de l'équipe, chargé des passes décisives pour le buteur Harri Tuohimaa. Après cette expérience, Weber est si imprégné par la culture du hockey finlandais qu'il décide de participer à ses propres frais à un camp d'entraînement du HIFK Helsinki.

Le deuil

C'est en 1988/89 que le ZSC est à nouveau promu en LNA, avec deux buts de l'international polonais Jerzy Christ dans le match décisif. Mais l'été est tout sauf joyeux, car il est endeuillé par le décès de Reto Sturzenegger. En 1984, le club zurichois avait échangé son capitaine Lolo Schmid à Arosa contre ce défenseur offensif. Un an plus tard, le masseur du ZSC découvrit une masse dure sous sa peau. Le diagnostic, terrible : cancer des ganglions lymphatiques. Les chances de guérison du joueur originaire de Weinfelden étaient bonnes, et il revint effectivement au jeu, sans doute trop tôt. Son corps n'y était pas encore prêt, et il se déchira les ligaments du genou lors d'un match à Grindelwald. Sturzenegger a toujours conservé le sourire. Même après la rechute de son cancer, il a continué à plaisanter au sujet de la maladie et des perruques qu'il portait pendant sa chimiothérapie. Mais le crabe a eu le dernier mot, et le toujours joyeux Sturzi meurt à l'âge de trente ans.

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