Bilan des championnats du monde 2017

 

La France a pu lever les doutes sur sa capacité à organiser le championnats du monde. Les seuls couacs (erreur d'hymne, glace non prête) ont eu lieu à Cologne : que n'aurait-on pas dit s'ils s'étaient produits à Paris ? Si l'on jauge les affluences à l'aune d'un site principal, elles peuvent décevoir et ne présagent pas d'un potentiel pour que la France soit un hôte unique. Mais les tribunes étaient très bien remplies pour un deuxième site de compétition : les 7465 spectateurs de moyenne n'ont été dépassés depuis quinze ans que par Ostrava 2015 et Halifax 2008. Paris n'a donc pas affaibli l'organisation et a contribué au deuxième score historique d'affluence (derrière le formidable Mondial de Prague et Ostrava en 2015). Bien sûr, la majorité des billets ont été vendus à l'étranger, mais les spectateurs français ont apprécié l'évènement et on peut espérer qu'ils soient gagnés à la cause du hockey sur glace.

Ce qui aura surtout manqué aux habitués, c'est cette atmosphère festive indissociable du championnat du monde, cette joie bon enfant entre supporters qui se propage dans les rues. L'annulation de la fanzone en raison de l'état d'urgence a circonscrit cette ambiance - la meilleure ambassadrice du hockey - à l'intérieur de l'AccorHotels Arena, qui manquait aussi d'attrait. Le seul point de regroupement était le bar d'en face qui a augmenté ses prix. Lui a profité financièrement du Mondial. Pas les organisateurs, faute d'avoir le droit de vendre de la bière à des milliers de Tchèques et de Finlandais... Il n'y avait rien à côté des matchs à cause des contraintes sécuritaires. Même les classiques palets-souvenirs des Mondiaux n'étaient pas en vente à Paris : objets dangereux...

Rassurez-vous, ce n'est pas ça qui empêchera des Finlandais de faire la fête : ils ont selon l'usage privatisé un bar pour eux, un pub irlandais à deux pas du Moulin Rouge. Très loin de Bercy, environnement peu attrayant entre grillages et CRS.

Par manque de visibilité, il n'y a pas eu de miracle dans la bataille médiatique perdue d'avance. Seule la défaite initiale de l'équipe de France - malheureusement - a été mentionnée au journal de 13 heures de France 2, le midi d'une journée d'élection où les journalistes n'avaient rien le droit de dire d'autre. Quelques heures plus tard, la magnifique victoire historique des Bleus sur la Finlande ne pouvait plus exister quand toutes les caméras se tournaient vers le nouveau président, puis vers la formation du gouvernement. Les grands médias ont tous mentionné le championnat du monde, mais peu ont su apprécier à leur juste valeur les performances des hockeyeurs français. Les représentants étrangers, eux, étaient bien plus impressionnés.

Le hockey international devient de plus en plus compétitif, et on peut s'étonner que le sujet de la réduction de l'élite à 14 équipes soit justement revenu sur le tapis cette année. À l'origine, cela vient d'une proposition émise par Alpo Suhonen (directeur sportif finlandais de l'Autriche) pendant le Mondial de D1A à Kiev. Il estimait qu'une poule de huit équipes serait plus intéressante pour l'antichambre de l'élite, comme une résurgence du "Mondial B" à l'ancienne. L'exemple de l'Italie a servi de prétexte supplémentaire : comme les équipes qui font l'ascenseur redescendent sans cesse, pourquoi ne pas s'en défaire au niveau inférieur ? Sauf qu'il faudra alors qu'une équipe plus établie fasse l'ascenseur... Certaines grandes fédérations avancent comme argument la santé des joueurs, qui auraient 1 voire 2 matches en moins avec des Mondiaux à 14 ou à 12... Ce n'est pourtant pas le sens de l'histoire. Et avec l'attribution du Mondial 2021 au Bélarus et à la Lettonie, deux pays co-organisateurs qui seront qualifiés d'office, on voit mal comment une réduction pourrait survenir au moins jusque là.

 

Résultats et comptes-rendus des Mondiaux 2017

 

Suède (1re) : la famille rassemblée

Avant la finale, le sélectionneur Rikard Grönborg avait dit en plaisantant que la Suède avait besoin de jumeaux pour être championne du monde. Effectivement, depuis dix ans, les deux uniques médailles d'or de ce pays ont été obtenues avec une aide gémellaire en cours de compétition. En 2013 à Stockholm, l'arrivée des frères Sedin avait transformé le jeu de puissance. Cette année, l'arrivée de Henrik Lundqvist dans les cages a donné de l'assurance et de la confiance à la Tre Kronor.

Henrik a donc obtenu sa première médaille d'or mondiale, tandis que Joel Lundqvist, capitaine-modèle qui a mené le vestiaire et harcelé les adversaires dans les duels, a rejoint Sven "Tumba" Johansson, Mats Sundin et Jonas Bergvist au panthéon des hockeyeurs suédois triples champions du monde. Comme les Sedin ont pris leur retraite internationale et que les jumeaux Lundqvist (en photo) ont 35 ans, on espère quand même pour les Suédois qu'ils ne devront pas attendre d'autres jumeaux pour gagner de nouveau !

Celui qui conjugue tradition familiale et avenir, c'est William Nylander, élu à juste titre meilleur joueur de ce tournoi. Lui n'a pas de jumeau... mais son frère Alexander qui a deux ans de moins est également très prometteur. Éblouissant techniquement, William n'était pas sur une ligne à son niveau en début de tournoi, mais a ensuite trouvé une complicité avec le joker Niklas Bäckström, un ami de la famille (qui avait été hébergé chez son père Michael Nylander à son arrivée en NHL). La Suède tient là un nouveau duo offensif majeur. Mentionnons aussi le rôle important tenu par la présence physique tenace de Gabriel Landeskog.

Quant à la défense, on savait qu'elle était la plus talentueuse du tournoi, encore fallait-il qu'elle trouve le juste équilibre. Ces défenseurs techniques et rapides seraient-ils un peu trop attirés par l'avant ? Ou, au contraire, seraient-ils bridés dans leurs capacités offensives par le système de Grönborg ? Les doutes ont été levés, sans que ces joueurs de classe aient été parfaits. Le plus stable aura été un arrière habituellement plus discret par son style de jeu : Anton Strålman a été très solide et a ajouté de l'impact par ses mises en échec.

Faire taire toutes les critiques sur son système et son coaching est presque impossible pour un entraîneur de l'équipe de Suède, mais Rikard Grönborg a rempli la première mission qui avait prévalu à sa nomination : établir de bonnes relations avec les joueurs de NHL et s'assurer de leur venue. En plus, certains ont bien su assumer le leadership. Ils ne regretteront pas ce séjour conclu par une grande fête publique sur la place principale de Stockholm.

 

Canada (2e) : parenthèse dans la suprématie

Le Canada n'a pas pu obtenir un troisième titre de champion du monde consécutif, ce qu'il n'a jamais réussi depuis que l'URSS a fait son entrée sur la scène internationale. Difficile néanmoins de tirer un bilan négatif d'un tournoi perdu seulement aux tirs au but. Le Canada n'a connu qu'une seule défaite, en prolongation contre la Suisse, et n'a perdu qu'un seul match dans le temps réglementaire en trois ans. Ce Mondial n'a donc pas remis en cause sa domination. Il ne peut néanmoins pas toujours tout gagner. Sa marge reste réduite et il n'est pas toujours impressionnant.

S'il a le malheur d'évoluer dans une faible équipe de NHL (Colorado), Nathan MacKinnon a rappelé que cela ne devait en rien occulter toutes ses qualités individuelles. Il a été le meilleur joueur de l'équipe canadienne. Décisif dans la demi-finale contre la Russie, Ryan O'Reilly a tenu un rôle essentiel et a été envoyé prendre toutes les mises au jeu importantes. Il faut dire que ses statistiques ont été impressionnantes à près de 70%. L'attaquant défensif Sean Couturier et le capitaine Claude Giroux se sont en revanche moins mis en valeur que lors du titre 2015 à Prague. La déception est surtout venue de Matt Duchene, qui a participé à tous les titres canadiens depuis trois ans mais qui a été bien peu efficace cette année.

Le Canada continue en revanche de révéler de nouveaux visages. La jeune quatrième ligne a réussi un très bon tournoi, et Mitch Marner en particulier a été sensationnel de vitesse et d'énergie

Après la blessure rocambolesque du défenseur Tyson Barrie (lors d'une lutte avec un coéquipier dans un jeu à l'hôtel...), le joker Colton Parayko a réussi de bons débuts avec la sélection nationale canadienne - qu'il n'avait pas représenté même en junior - et formé une première paire solide avec Marc-Édouard Vlasic. Surtout, grâce à l'innovation du chronométrage des lancers cette année, Parayko a fait parler de lui par un slap mesuré à 167,9 km/h. Il a cependant été moins à son avantage dans le carré final.

Quant au gardien Calvin Pickard, considéré comme le point faible, il a fait en fin de compte un tournoi de bonne valeur (93,8% d'arrêts) et a peu de choses à se reprocher.

 

Russie (3e) : colonisation sans or à la clé

La Russie était un peu chez elle à Cologne tant elle comptait de supporters dans les tribunes. Les organisateurs s'y attendaient au point que les annonces au micro étaient doublées en allemand et en russe ! On se demande même si ces nombreux Russes n'ont pas éteint l'ambiance pour les rencontres des autres pays tant ils étaient nombreux à chaque match. Comme l'an passé à Moscou, le public acquis à sa cause n'a pourtant pas aidé la Sbornaïa.

Ses rêves d'or se sont envolés dans une dernière période mal gérée, où elle a gaspillée deux buts d'avance en demi-finale face au Canada. L'équipe russe a alors manqué de patience, mais aussi d'expérience dans la gestion du match. Serait-elle devenue, comme à l'époque soviétique, trop peu habituée aux situations difficiles ? La KHL commence à ressembler à l'ancien championnat d'URSS quand on voit le SKA Saint-Pétersbourg dominer avec peu d'adversité...

Les ailiers Artemi Panarin et Nikita Kucherov se sont affirmés comme les leaders de la nouvelle génération russe, combinant un patinage rapide et des lancers redoutables. Ils ont donné leur meilleur rendement à partir de l'arrivée du joker Kuznetsov au centre, mais l'attaque russe n'a pas entièrement convaincu. Au centre, ni Tkachyov ni Namestnikov n'ont franchement levé les doutes que nous avions exprimé lors de la présentation du tournoi. Heureusement, Ivan Telegin et Sergei Andronov, joueurs de l'ombre au CSKA Moscou, ont encore une fois brillé avec la sélection sur un trio à vocation défensive, y compris en se sacrifiant pour bloquer les lancers.

La principale révélation est cependant la paire Bogdan Kiselevich - Vladislav Gavrikov, de loin la plus efficace (respectivement 1 et 0 but encaissé à 5 contre 5 quand ils étaient sur la glace) alors que ces deux hommes jouaient leur premier championnat du monde. Ils ont très bien protégé leur gardien Andrei Vasilyevski, élu meilleur gardien du tournoi : il est vrai qu'il utilisait efficacement son gabarit contre des équipes plus faibles, mais il n'a toutefois pas fait la différence lors du week-end final.

 

Finlande (4e) : le rescapé de l'échafaud

Après la défaite sans appel contre la France au troisième jour de la compétition, l'entraîneur finlandais Lauri Marjamäki faisait l'effet d'un condamné à mort sur le point d'être envoyé à l'échafaud. Le but en prolongation de Valtteri Filppula contre la Suisse a finalement sauvé les apparences : il a permis à la Finlande de se classer devant les Français et de se qualifier quand même pour les quarts de finale. Mieux encore, avec la quatrième place finale, on peut dire que Marjamäki aura tiré le meilleur de l'effectif à sa disposition. Un fossé séparait cette équipe de celles situées sur le podium.

Mais, bien sûr, il y a la manière... Le hockey finlandais, toujours très défensif et sans créativité, n'avait même plus l'émotion ou l'énergie qui le distinguaient il y a quelques années. Ce système passif, qui lui a valu d'être mangée par des Français plus ambitieux et enthousiastes, a pourtant permis d'atteindre encore le dernier carré (pour la sixième fois en sept ans) en neutralisant les Américains en quart de finale. Héros inattendu, le gardien Harri Säteri a finalement transformé un désastre annoncé en un bilan honorable, en gardant ses cages inviolées dans les deux rencontres-clés : face à la Suisse - à partir du moment où il a remplacé le numéro 1 initial Joonas Korpisalo en pleine débâcle - et face aux États-Unis.

Décidément, la Finlande retombe toujours sur ses pieds. Battue d'un rien pour l'organisation du Mondial 2021 par la candidature conjointe Bélarus/Lettonie (54 voix à 53 au premier tour et 55 à 52 au deuxième), elle a vite profité de l'absence d'autres projets pour présenter son dossier pour 2022 et se consoler ainsi d'une désignation un an plus tard.

Hormis pour les caisses de la fédération, attendre un an de plus ne sera pas plus mal. D'abord parce qu'on n'est pas sûr de la date à laquelle la nouvelle grande aréna de Tampere sera prête (même si l'attribution du Mondial aidera sûrement à accélérer le projet). Mais aussi parce que 2022 est peut-être l'année idéale pour que la nouvelle génération finlandaise arrive à maturité.

Outre la question à très court terme d'un coach soupçonné de s'être mis des joueurs-cadres à dos par son autoritarisme et ses hurlements, la Finlande souffre en effet d'un creux générationnel qui se résorbe tout juste. N'oublions pas que Sebastian Aho (photo) et Mikko Rantanen, les deux meneurs offensifs de l'équipe, ont 19 et 20 ans...

 

États-Unis (5e) : une constance trompeuse

Quatrièmes de leur poule l'an passé, les Américains avaient piégé les Tchèques qui avaient pourtant remporté la leur. Cette année, l'arroseur a été arrosé. Les États-Unis ont remporté leur groupe pour se faire ensuite sortir en quart de finale par des Finlandais qui n'avaient rien montré.

Ce résultat cimente un peu plus les États-Unis comme un concurrent incontournable : trois années de suite dans le top-5, ce n'était en effet plus arrivé depuis 57 ans. Mais pour autant, le plafond de verre de la finale résiste toujours, puisque les Américains n'ont jamais occupé une des deux premières places depuis... 57 ans aussi. Cette position signifie-t-elle qu'ils n'arrivent pas à battre les tout meilleurs mais qu'ils dominent sans faille les plus faibles ? En pratique, pas du tout.

Les États-Unis jouent leur meilleur hockey quand ils affrontent de grosses équipes, et semblent doser leur effort en fonction du nombre de joueurs de NHL qu'ils affrontent. Une certaine arrogance qui pourrait leur coûter cher à l'occasion... Cela veut dire qu'ils n'ont pas encore appris à assez respecter le hockey international, mais cela veut aussi dire qu'ils détestent faire le jeu contre des adversaires qui défendent.

Les deux joueurs les plus rapides n'ont ainsi pas pu utiliser leur vitesse dans la nasse défensive finlandaise : Johnny Gaudreau, spectaculaire et éblouissant, et Dylan Larkin, au travail précieux dans toutes les situations de jeu. Aucune autre équipe du top-7 n'avait des attaquants avec un tel temps de jeu que ces deux-là (19 et 20 minutes).

Jim Blashill semblait peu croire en la profondeur de son équipe car il gérait le temps de glace de manière assez déséquilibrée entre les lignes. Or, dans ce cas, il faut que les joueurs très utilisés soient tous performants. Ce ne fut malheureusement pas le cas d'un Jack Eichel pas toujours très actif et aussi frustré que frustrant offensivement (zéro but).

 

Suisse (6e) : de grands espoirs pour la suite

Un championnat du monde qui commence en se faisant remonter une avance de quatre buts contre la Slovénie, ça aurait très pu très mal tourner... Mais les trois points perdus face aux promus et face à la France, les Suisses ont parfaitement su les rattraper : ils ont pris 6 points sur 9 contre les trois grandes nations (Canadiens, Finlandais et Tchèques) et se sont arrogés une belle deuxième place de poule. Malheureusement, ils sont alors tombés sur leur bête noire dans les rencontres à éliminatuion directe, la Suède, future championne du monde. La Nati a livré un beau duel dans ce quart de finale, mais au moment où elle était dans un temps fort, elle a été prise à revers par une relance d'Ekman-Larsson qui a envoyé Nylander en contre-attaque dans le dos du lent Christian Marti.

Le bilan de ce Mondial reste néanmoins très positif car la Suisse a pu faire jeu égal avec tous ses adversaires. Les doutes nés l'an passé pour les débuts de l'entraîneur Patrick Fischer ont été dissipés. La décision de recruter à ses côtés un adjoint expérimenté, le Suédois Tommy Albelin, a été judicieuse. La Suisse a su trouver le bon équilibre dans son système, tout en sachant mettre la pression sur l'adversaire. C'est un rôle qu'a bien tenu le trio Rüfenacht-Almond-Schäppi, incisif dans les duels.

Beaucoup de débutants ou de quasi-débutants ont réussi leur tournoi. Gaëtan Haas, dépassé à son premier Mondial, a su en tirer les leçons et a pris pleinement sa place. Le meilleur marqueur Vincent Praplan n'a que 22 ans, tout comme le buteur-héros de la victoire sur le Canada, Fabrice Herzog. Incorporés comme dernière paire défensive sans être sûrs de leur sélection jusqu'au dernier moment, Romain Loeffel et Joël Genazzi ont su trouver une parfaite complémentarité, le second couvrant le premier pour favoriser ses instincts offensifs.

La performance donne de bons espoirs pour les prochains Mondiaux... mais pas seulement. Rappelons que cette Nati évoluait avec un seul joueur de NHL (le jeune Denis Malgin, d'ailleurs le joueur le plus transparent) : pour les JO 2018 privés des hommes du "circuit Bettman", elle semble avoir toutes ses chances. Une médaille olympique pour la Suisse ? C'est loin d'être impossible...

 

Tchéquie (7e) : ni efficacité, ni identité

Tout partait pourtant si bien avec un début de match dominateur face au Canada... Dominer n'est cependant pas gagner, et après avoir débloqué les compteurs pendant la préparation, l'attaque tchèque est retombée dans son inefficacité coutumière. Le constat est cruel : les Tchèques ont mené aux tirs contre tous leurs adversaires, mais cela ne les a pas empêchés de perdre trois fois, d'abord contre le Canada, contre la Suisse, et en quart de finale contre la Russie.

Jamais, au cours du tournoi, la République Tchèque n'a réussi à trouver deux premières lignes efficaces capables de la mener offensivement. Elle disposait pourtant de ses meilleurs joueurs. Certains sont déclinants, comme Tomas Plekanec (0 point) qui semblait craindre que ce douzième championnat du monde consécutif fût le dernier. D'autres sont encore jeunes, comme David Pastrnak, meilleur marqueur (7 points) mais auteur de seulement 1 but, qui n'a pas encore 21 ans : son capitaine Jakub Voracek l'a rappelé en prenant sa défense après l'élimination parce qu'il avait lu des critiques injustes. Si les Tchèques attendent autant de Pastrnak, c'est peut-être que c'est un des rares joueurs à avoir un sens du but très affirmé. Cette qualité de tir manque à ses compatriotes malgré leur créativité.

Cela fait maintenant cinq ans que les Tchèques sont sans podium : une disette qui mérite forcément une remise en cause profonde. L'ancien sélectionneur national Ludek Bukac (champion du monde 1985 avec la Tchécoslovaquie) y est allé de sa tribune en expliquant que le hockey tchèque a "perdu son identité", et qu'il souffre de vingt années de déficit dans l'éducation des entraîneurs. Si parfois les critiques des anciens sont perçues comme des radotages de vieux ronchons, il serait peut-être bon d'écouter celle-ci. Il doit y avoir du vrai là-dedans : les Tchèques exportaient autrefois leurs entraîneurs, mais qui aujourd'hui fait encore appel à eux ?

Bukac visait moins le sélectionneur national Josef Jandac que ses adjoints (Jaroslav Spacek, Vaclav Prospal et Jiri Fischer), d'anciens joueurs de NHL qui ont été intégrés dans le staff après la fin de leurs carrières sans avoir de formation spécifique : "la réputation d'un joueur n'a rien à voir avec l'éducation, l'entraînement, l'apprentissage", explique-t-il. Selon lui, ceux-ci sont incapables de corriger les défauts de leurs joueurs, ni de fonder une identité de style après avoir passé l'essentiel de leur carrière en NHL.

 

Allemagne (8e) : une nouvelle dynamique ?

En atteignant les quarts de finale, l'Allemagne a affirmé sa place, celle qui doit être la sienne lorsque ses meilleurs joueurs sont présents et performants. En particulier, Dennis Seidenberg a réussi un retour formidable au point d'être élu meilleur défenseur de la compétition. Après une saison moyenne, Christian Ehrhoff a encore tenu une place essentielle, notamment en avantage numérique. Le problème, c'est que ces deux-là auront 36 et 35 ans cet été, et qu'il y a un fossé entre eux et les autres arrières. C'est certainement le principal problème de Marco Sturm pour les prochaines années.

Le renouvellement semble en revanche en bonne voie en attaque où la génération 1995 - qui sortait très nettement du lot ces dernières années - a pris le pouvoir. Dominik Kahun est déjà un cadre avec des qualités techniques qui trahissent ses origines tchèques : la simple culture du jeu physique et des tâches besogneuses ne suffit plus pour que l'Allemagne soit concurrentielle dans le hockey international. Les deux autres joueurs étaient à domicile puisqu'ils ont débuté à Cologne et se connaissent depuis l'école de glace. Le rapide Frederik Tiffels a été la révélation et le héros de la qualification par son pénalty gagnant dans le match décisif contre la Lettonie. Et bien sûr, son ami Leon Draisaitl est arrivé en complément avec un authentique statut de superstar NHL, un statut pas usurpé et pas survendu juste pour appâter le chaland allemand comme cela se pratiquait autrefois avec des seconds couteaux.

Réussir à vendre le hockey sur glace au plus grand nombre, c'était en effet tout l'enjeu pour l'Allemagne. Il a été rempli à moitié. S'il est vrai que tous les médias de référence ont parlé du championnat, c'est surtout l'affaire Greiss qui a retenu le plus l'attention médiatique, avant que Philipp Grubauer, autre renfort de NHL, ne réussisse à le faire oublier. Les audiences du championnat du monde (1,4 million de téléspectateurs en moyenne face à la Lettonie et contre le Canada) sont restées en deçà de celles du précédent Mondial à domicile.

Le souvenir de 2010 n'a donc pas été égalé : ni dans la performance historique d'une demi-finale, ni dans l'ambiance en tribune, moins exceptionnelle cette fois. Mais plutôt qu'une quinzaine de rêve sans lendemain, le hockey sur glace allemand a plutôt besoin de s'ancrer dans la durée.

Les Jeux olympiques en février prochain pourraient constituer une autre bonne opportunité. Mais ce sera sans les joueurs de NHL qui n'avaient jamais pris une telle importance dans l'équipe d'Allemagne. Est-ce aussi le signe d'une faiblesse locale. Le sélectionneur Marco Sturm mentionne comme principale différence entre la DEL et les grandes ligues (NHL ou KHL) la tendance de certains joueurs à s'écarter du système de jeu. Le Mondial ne masque donc pas les faiblesses du hockey allemand, qui nécessite un travail de long terme. La fédération de Bavière, où les pratiquants diminuaient lentement, a récemment montré l'exemple en obligeant tous les clubs à engager une équipe dans la catégorie des moins de 8 ans.

 

France (9e) : les quatre indispensables

Un quart de finale aurait été mérité pour couronner le championnat du monde exceptionnel réussi par l'équipe de France, qui a récolté les louanges des observateurs des grands pays pour son jeu. Il a manqué un point, un tout petit point. Faut-il regretter d'avoir joué le coup à fond face au Canada, pour perdre d'un rien sur un but malchanceux (2-3), et d'avoir ainsi concédé un point le lendemain face à un Bélarus très prenable ? Sans doute pas : les Bleus ont appris à jouer chaque match à fond, et c'est tout à leur honneur. C'est ce qui les rend crédibles. C'est aussi ce qui leur a permis de renverser la Finlande dans un Bercy en feu (5-1) le lendemain de la déception initiale contre la Norvège (2-3).

S'il doit rester un regret, c'est bien ce match d'ouverture face à la Norvège. On savait que ce serait le plus important, et rétrospectivement il l'a été. Ce fut un rendez-vous manqué aussi pour le public français, aussi éteint le premier soir que surmotivé le lendemain. Dès la cérémonie d'avant-match, l'ambiance n'avait rien à voir, preuve que les spectateurs n'étaient pas que suiveurs de ce qui se passait sur la glace. Les joueurs tricolores avaient besoin de sentir cette ferveur du public derrière eux, et ils ont livré leurs meilleurs prestations quand la salle était pleine face à la Finlande et au Canada.

Les exploits de Florian Hardy permettent à Cristobal Huet de partir la conscience tranquille après une formidable carrière sous le maillot bleu. Mais même si le meilleur joueur de Ligue Magnus, Anthony Rech, a quelque peu changé de dimension dans ce tournoi, ne nous voilons pas la face : l'équipe de France reste éminemment dépendante de ses "quatre indispensables".

Le centre Pierre-Édouard Bellemare est essentiel aux mises au jeu, mais surtout parce qu'il est sans doute celui qui porte le mieux les valeurs de l'équipe de France, celles que le capitaine Laurent Meunier a incarnées pendant toutes ces années et qu'il sait pouvoir lui transmettre en confiance. Antoine Roussel amène une présence physique déterminante dans le slot, pour les rebonds comme pour les déviations, et il a ainsi inscrit 6 buts dans la compétition. Stéphane Da Costa a été étincelant par sa capacité à créer des mouvements que lui seul ose dans des périmètres réduits. Ses qualités techniques ont aussi amené deux points dans les séances de tirs au but. Et celui qui fait la différence la plus nette quand il est sur la glace, c'est peut-être Yohann Auvitu, vrai patron de la défense qui a fini avec 7 points et une fiche de +7.

Lorsque les "quatre indispensables" étaient présents (Helsinki 2012, Minsk 2014, Paris 2017), l'équipe de France a fait sensation et a terminé huitième ou neuvième. Lorsque l'un d'eux faisait défaut (tous les autres Mondiaux, et on peut aussi ajouter les qualifications olympiques manquées), la France n'a jamais dépassé la douzième place. Il faut donc croiser les doigts chaque année pour qu'ils soient disponibles et en bonne santé. Bien sûr, il faut que les joueurs apprennent à prendre leurs responsabilités en l'absence de ces cadres, ce qu'ils ont d'ailleurs fait contre la Finlande puisque Stéphane Da Costa était malade. Mais il sera difficile d'accéder aux quarts de finale sans ce quatuor majeur, et le mot "maintien" ne doit jamais être oublié en tant que priorité.

Voir aussi l'article sur les perspectives individuelles des tricolores : quel avenir pour les Bleus ?

 

Lettonie (10e) : satisfait de tout sauf des arbitres

La Lettonie a déjà l'impression d'avoir vécu ça il y a trois ans à Minsk : se faire "voler" le quart de finale au dernier match de poule contre le pays organisateur. En 2014, le but égalisateur du Bélarus était controversé. Cette année, il y avait clairement hors-jeu de ligne bleue sur le slap de Dennis Seidenberg qui a relancé l'Allemagne. Les Baltes n'en seront que plus contents d'organiser eux-mêmes le Mondial : leur tour viendra en 2021, comme second pays avec le Bélarus.

Hormis ce mécontentement vis-à-vis des arbitres, les Lettons ne peuvent pas se montrer déçus de la performance de leur équipe, seulement éliminée aux tirs au but par les Allemands après avoir commencé le tournoi à la perfection par trois victoires. S'il y a un regret, c'est évidemment le faible pourcentage de réussite aux tirs (7,8%, 13e place du tournoi). Et encore, la moitié des buts a été inscrite en jeu de puissance. Les Baltes ont toujours autant de mal à concrétiser quand ils sont près du but, à l'instar de leur capitaine Kaspars Daugavins (1 but en 21 tirs) et de Roberts Bukarts (0 sur 29 !), qui ont pourtant eu de belles positions de lancer.

Cela ne fait que raviver encore plus les 4 buts d'Andris Dzerins, joueur expatrié en Extraliga tchèque car pas assez reconnu en au Dinamo Riga. Il a été le meilleur joueur letton de la compétition, au poste si important de premier centre. Le vétéran Janis Sprukts, 35 ans, a fait un étonnant retour en deuxième ligne en étant positif aux mises au jeu, mais le troisième centre, le seul joueur de NHL Zemgus Girgensons, a été un ton en dessous avec la plus mauvaise fiche de l'équipe (-6). Avec l'arrivée de Teodors Blugers, on peut quand même espérer que ce poste faible ait de la relève.

La défense a beaucoup tourné autour des quatre cadres de 29 ans et plus, mais les débuts d'Uvis Balinskis sont quand même prometteurs à 20 ans. Dans les cages la succession de Masalskis a été bien assurée par Elvis Merzlikins, même si son trou d'air contre les États-Unis a prouvé qu'il serait bon de le faire tourner de temps en temps. C'était déjà un problème avec Masalskis.

La principale conclusion est sans doute la satisfaction quant au nouveau sélectionneur Bob Hartley : compétent, précis, sérieux, sans excès, s'exprimant clairement, il s'est vite fait à ce nouveau poste et a montré quel pouvait être l'apport d'un coach de haut niveau.

 

Norvège (11e) : difficiles promesses de renouvellement

Même si certains mettaient en contraste leurs deux personnalités, la continuité a été très nette entre le nouveau sélectionneur Petter Thoresen et celui qui l'a précédé pendant quinze ans, Roy Johansen. La Norvège a toujours le même visage : une équipe au fond de jeu stable, qui s'appuie énormément sur une poignée de cadres fiables parfaitement aguerris au plus haut niveau mondial. Patrick Thoresen a ainsi été le meilleur joueur et meilleur marqueur de son équipe. Mais pour celui qui s'apprête à rentrer dans son club formateur Storhamar à 33 ans, il serait temps de passer la main.

Il était prévu que ce Mondial soit l'occasion de l'avènement d'Aleksandr Reichenberg, un joueur qui doit au contraire quitter Storhamar cet été pour sa première expérience à l'étranger (Sparta Prague) : il devait utiliser sa vitesse pour exploiter les passes de Thoresen et de Ken André Olimb en première ligne. Mais le niveau international s'est avéré encore un peu élevé pour Reichenberg, et c'est Mathis Olimb qui a fini le tournoi sur le premier trio. La Norvège a donc rassemblé ses trois meilleures armes offensives... et avoué qu'elle n'en avait guère d'autres. Une demi-exception est le joueur de NHL en fin de contrat Andreas Martinsen, qui devait se mettre en valeur pour trouver un employeur : il s'est servi de son gabarit pour marquer en force le but égalisateur contre la Finlande.

Même problématique au sujet du "marathonien" de la défense Jonas Holøs : avant le début du championnat du monde, l'entraîneur Petter Thoresen avait abordé le sujet. Il avait expliqué que ses habituelles 27 minutes de temps de jeu étaient excessives et qu'il était important que Holøs conserve de l'énergie pour suivre les attaques. Quel temps de jeu a finalement eu le capitaine ? 26 minutes et 18 secondes par match... La différence est minime par rapport à l'époque Johansen, et les joueurs-clés paraissent toujours sur-utilisés.

Du coup, la Norvège semble toujours peiner à être performante à chaque rencontre, et elle ne sait pas - contrairement à la France - passer un championnat du monde sans un "non-match". Elle en a livré un premier dans le match-clé contre la Suisse (0-3), puis dans sa dernière chance d'atteindre les quarts de finale contre le Canada (0-5), adversaire contre lequel elle part battue d'avance depuis des années... Les Norvégiens sont donc dans la stricte moyenne de ces dernières années, avec les mêmes atouts et les mêmes faiblesses.

 

Danemark (12e) : une occasion manquée de faire des tests ?

C'était un championnat du monde de transition pour le Danemark, qui ne risquait pas la relégation puisqu'il organisera la compétition l'an prochain. Ses adversaires lui savent gré d'avoir eu la décence de jouer à son niveau et donc ne pas fausser la lutte pour le maintien. Pour autant, il n'était guère en position de faire mieux.

On savait que les absences à l'arrière compliquaient les choses. Jesper B. Jensen a été utilisé à toutes les sauces (25'59" par match, deuxième temps de jeu du Mondial derrière Holøs) dans des lignes défensives toujours plombées par la lenteur des frères Lauridsen. On n'a guère profité du maintien garanti pour chercher du renouvellement : le junior Nicolai Weichel n'a pas joué du tout, et Philip Bruggisser n'a eu que des miettes de temps de glace. Seul l'espoir Matias Lassen a donc vraiment acquis de l'expérience internationale.

Idem en attaque : la quatrième ligne a eu un temps de jeu faible, et les attaquants numéros treize et quatorze ne sont pas presque jamais apparus. Aucun nouveau nom n'a vraiment pu progresser et l'attaque s'est surtout reposée, comme prévu, sur l'expérience de Peter Regin et la vitesse de Nikolaj Ehlers.

Le seul vrai rajeunissement opéré est l'entrée en championnat du monde du jeune gardien George Sørensen ; il a un peu soulagé Sebastian Dahm qui n'a pas réussi d'exploit cette année. Le Danemark a donc perdu une place au classement IIHF au profit de la France... et n'en pâtira pas puisqu'il a inversé son groupe avec celui des Bleus : avec un adversaire confortable pour le maintien (la Corée), les Danois pourront se concentrer en 2018 à Herning sur la lutte pour les quarts de finale, qui se jouera dans deux derbys "vendeurs" contre l'Allemagne et la Norvège.

Ce n'est pas l'an prochain qu'il faudra tenter des expériences nouvelles. Espérons que le Danemark ne regrette pas de ne pas avoir préparé l'avenir au moment où Morten Green (photo) a pris sa retraite internationale : on pensait qu'il pousserait jusqu'au Mondial à domicile, mais le centre savait - comme Laurent Meunier en France - qu'il était temps de partir. Avec un an de plus, il aurait pu se rapprocher du recordman mondial des sélections ; il est finalement quatrième en très bonne compagnie.

 

Bélarus (13e) : le chef de l'État a tranché

Inexistant pendant une semaine, le Bélarus donnait le sentiment de se diriger tout droit vers une relégation sur laquelle personne n'aurait versé la moindre larme. Les défaites initiales face aux favoris étaient certes attendues, mais la manière était vraiment pitoyable, en donnant l'impression de ne même pas combattre. Et puis, l'équipe s'est réveillée à la mi-match contre la France avant d'assurer le minimum syndical en battant la Slovénie dans le duel décisif pour le maintien, et même la Norvège dans un match sans enjeu. De quoi sauver les apparences ? Sûrement pas.

Le sélectionneur canadien Dave Lewis, qui s'est dit très triste de l'attitude de certains joueurs, a le mérite de la sincérité. Il a admis qu'il attendait bien plus des frères Kostitsyn (qui ne montrent jamais l'exemple... ou alors le mauvais exemple). Il était manifeste qu'il aurait bien eu envie d'envoyer à la retraite tous les vétérans... sauf qu'il sait que la relève n'est pas suffisante ! Il a donc reconnu une seule erreur de sélection : avoir pris Oleg Yevenko sur la foi de ses performances en AHL. Le colosse, dont le poids est plus un handicap qu'un atout qu'il utilise à son avantage, a fini le championnat avec un bilan de -9... qui ne surprend malheureusement guère pour l'avoir vu à l'śuvre depuis des années. Stasenko n'aurait pas eu de mal à être plus fiable.

On recense bien peu de satisfactions. Aleksandr Pavlovich s'est présenté en vrai leader en sachant exprimer ses qualités individuelles mais aussi se sacrifier devant les lancers adverses. Evgeni Lisovets a su éviter les grosses erreurs en défense. Et surtout, le potentiel d'Egor Sharangovich est très intéressant à 18 ans.

Le retour au pays s'annonçait chaud. Le Ministre de l'Intérieur (qui dirige le Dynamo Minsk), Igor Shunevich, inquiétait en annonçant vouloir se débarrasser complètement des joueurs et des entraîneurs étrangers dans son club ! Une mesure un peu extrême, qui aurait en plus coûté cher, car il aurait fallu rompre des contrats en cours.

L'obtention du Mondial 2021 n'a pas sauvé le président de la fédération Igor Rachkovsky, dont le sort était vite réglé. Élu à sa place, Semyon Shapiro, gouverneur de la région de Minsk qui a contribué au développement du hockey dans l'ouest et le centre du pays, était immédiatement sur la brèche. Il était convoqué chez le chef de l'État, qui avait déjà exprimé publiquement son insatisfaction dans des termes très durs pendant le championnat du monde. Message du président Loukachenko : 18% de l'argent investi dans le sport part dans le hockey sur glace, pour des performances désastreuses. Shapiro a plaidé pour une solution médiane à quatre étrangers au Dynamo Minsk, le président a répondu trois, afin que les hockeyeurs apprennent à prendre eux-mêmes des responsabilités au lieu de se contenter de suivre.

Mais le vrai sujet va bien au-delà de la part émergée de l'iceberg que constitue le Dynamo. Après avoir construit des patinoires dans tout le pays, il serait temps d'y former efficacement des joueurs ! Conclusion de la réunion interministérielle au sommet : il est recommandé que les enfants commencent le hockey à 6 ans, alors que jusqu'ici on attendait 7 ans...

 

Slovaquie (14e) : elle ne peut pas tomber plus bas

Les Slovaques ont accompli un exploit inédit : se maintenir dans l'élite mondiale sans jamais avoir entendu leur hymne national ! La faute aux organisateurs qui se sont trompés en diffusant l'hymne slovène après leur victoire sur l'Italie. Une victoire de raccroc, en prolongation, qui aura finalement préservé la place dans l'élite mondiale de cette équipe. Qu'elle valait cher, cette égalisation de Libor Hudacek, un des rares attaquants à être capable de concrétiser devant le but (avec Michel Miklik).

Déjà remarquée en préparation, cette inefficacité offensive ne s'est vraiment pas arrangée. La différence est que le gardien Julius Hudacek ne tenait plus la baraque, au point de finir le Mondial avec les pires statistiques des titulaires (84,4%). Si Zdeno Cíger ne peut pas viser à la place de ses joueurs devant la cage, la gestion ratée des gardiens est un reproche qui peut légitimement être - et a été - fait au coach slovaque.

Ciger s'est défendu comme il a pu dans les règlements de compte après le Mondial, tout comme le manager Róbert Švehla. Les deux hommes ont accusé le nouveau président de la fédération Martin Kohut de leur avoir mis des bâtons dans les roues. Il est vrai que les deux hommes paraissaient condamnés d'avance : Švehla était considéré comme un affidé de l'ancien président renversé Igor Nemecek (qui n'a pas disparu de la circulation puisqu'il dirige le comité d'organisation du Mondial 2019), et Ciger comme un opportuniste qui a tourné casaque pour se faire nommer sélectionneur national. En même temps, l'intéressé rappelle qu'il n'y avait pas d'autre candidat.

Si la situation de Ciger n'était pas enviable, ses appels à l'unité et à l'apaisement sonnaient malheureusement faux quand sa petite amie publiait sur des réseaux sociaux des messages insultants contre les anciens joueurs du "camp adverse" (le futur manager Miroslav Šatan et ses amis)... Chacun porte sa part de responsabilité dans ce triste conflit qui s'est envenimé à la tête du hockey slovaque. Au-delà des querelles de personnes, on attend surtout des décisions de fond dans la grande table ronde qui a été promise.

S'il ne faut pas négliger les graves problèmes du hockey slovaque, il ne faut pas pour autant les exagérer. Quand Sykora dit que la Slovaquie fait toujours partie du top-10, il a raison. Le résultat obtenu cette année en l'absence d'une vingtaine de cadres n'est pas pertinent : l'équipe a touché le fond, mais elle ne peut guère tomber plus bas. Il faut juste que les hockeyeurs slovaques enterrent la hache de guerre et se remobilisent. Le récent Mondial U18 à Poprad a suscité un nouvel engouement pour le hockey sur glace, et il est certain que le Mondial à domicile en 2019 en fera autant.

 

Slovénie (15e) : le premier trio sur la pente descendante ?

La Slovénie a réussi à marquer à chaque match et n'a rien à se reprocher quant à son engagement et à son énergie. Elle s'est toujours présentée sur la glace, au contraire du Bélarus, mais elle a malheureusement été inférieure à lui dans le match le plus important, celui qui devait décider du maintien.

Le trio Jeglic-Ticar-Sabolic, en particulier, a raté son rendez-vous le jour le plus important dans ce match contre le Bélarus, même si Robert Sabolic a fini meilleur marqueur de l'équipe. Les trois compères ont été efficaces en jeu de puissance, mais n'ont pas laissé la même impression dynamique qu'ils donnaient dans leurs jeunes années lors de chacune de leurs présences à 5 contre 5. On a malheureusement le sentiment que ce trio de la génération 1988 est maintenant sur la pente descendante.

Il est de toute manière très difficile d'émettre le moindre compliment sur Ziga Jeglic après avoir vu les images de son geste inqualifiable contre la Suisse : un coup de patin donné à proximité du cou de Rüfenacht, en enjambant la balustrade, sans que le regard du joueur slovène ne permette de douter un seul instant de l'intention volontaire du geste. Même si Jeglic n'a aucun antécédent, la sanction bénigne prononcée (2 matchs de suspension) a choqué le monde du hockey pour un geste potentiellement aussi dangereux. Certains réclamaient de ne plus jamais le voir sur une patinoire... Petit poucet du hockey mondial par sa taille et donc son influence, la Slovénie ne peut en tout cas se plaindre d'avoir été défavorisée par les instances après une décision aussi clémente !

Ce qui manque souvent à la Slovénie, c'est un gardien capable de voler des victoires pour elle. On aurait bien voulu croire en Matija Pintaric après son entrée en matière à 0-4 contre la Suisse, quand il a tenu le fort et décroché le seul point de son équipe en l'amenant jusqu'en prolongation. Le gardien de Lyon (et la saison prochaine de Rouen) semblait d'un calme exceptionnel après avoir disputé ce qui était son premier match en championnat du monde, très concentré sur son sujet. Malheureusement, Pintaric a connu lui aussi les affres d'un remplacement après la première période contre la Norvège, et on ne l'a revu qu'au dernier match sans enjeu face à des joueurs français qu'il connaissait bien. Non que Gasper Kroselj ait fait mieux dans l'intervalle, d'ailleurs.

 

Italie (16e) : c'était la seule solution

Comme lors de ses précédentes apparitions en championnat du monde élite, l'Italie n'aura fait que défendre. Cette fois, cela n'a pas suffi à obtenir une victoire, mais elle est passée très près : contre la Slovaquie, la Lettonie puis le Danemark, elle a été rejointe ou battue dans les toutes dernières minutes de la partie. Bien sûr, ce n'est pas que de la malchance ou le sort qui s'acharne. Défendre un 0-0 (ou un 2-1, ou un 1-1) au hockey sur glace n'est pas aussi évident qu'au football.

Il est dommage que le but fatal contre le Danemark soit survenu après une pénalité idiote de Thomas Larkin, le seul joueur italien (ayant grandi aux États-Unis) qui ait un gros gabarit et un fort impact physique. En effet, l'Italie avait été jusque là l'équipe la plus disciplinée du tournoi. C'est absolument remarquable pour une équipe qui patine après le palet, car on a normalement tendance à accumuler les fautes dans cette configuration. Il faut dire qu'il vaut mieux éviter de se faire siffler quand une pénalité sur deux aboutit à un but adverse ! La leçon reçue des Russes, avec six buts concédés en six infériorités numériques, a été particulièrement cinglante.

Le système de Stefan Mair était bien en place, et son équipe a bien appliqué les consignes. On ne voit comment une autre stratégie aurait mieux fonctionné de toute manière. Ces joueurs étaient valeureux, mais le maintien en élite aurait été intrinsèquement un hold-up. L'important était d'apprendre et de vraiment utiliser cette expérience pour la suite, ce qui peut effectivement être le cas cette fois, maintenant que la sélection italienne est rajeunie et non pas peuplée d'oriundi hors d'âge. Ce contact avec le haut niveau peut aussi être l'occasion de se faire connaître. L'attaquant Marco Insam a ainsi décroché essai chez les Ässät Pori, le club finlandais du gardien Andreas Bernard. L'étranger, voie encore récente pour les hockeyeurs transalpins, est la seule planche de salut pour progresser dans l'état actuel du hockey italien.

Bonne nouvelle pour l'Italie : le Mondial de division IA 2018 aura lieu à Budapest. Cela avait porté bonheur à la Squadra Azzurra en 2011 et en 2013, puisqu'elle y était à chaque fois remontée dans l'élite. Il n'est pas impossible qu'elle y parvienne de nouveau, même si elle ne partira pas favorite face au Kazakhstan, à la Slovénie, et à la Hongrie soutenue par son fabuleux public.

 

Marc Branchu

 

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