Bilan des championnats du monde 2014

 

Résultats et comptes-rendus de la compétition

 

Le Bélarus voulait réussir sa première grande organisation sportive internationale, il y est parvenu au-delà de toute espérance. Il a créé une vraie ambiance de championnat du monde dans toute la ville, ce qui avait manqué dans les précédentes grandes capitales. Et surtout, il a battu le record d'affluence cumulé détenu depuis 2004 par Prague et Ostrava.

Le point intéressant est que ce record n'a pas été battu par l'augmentation du nombre de rencontres et de la taille des patinoires, comme c'est souvent le cas, mais grâce à un très bon taux de remplissage à 80% en moyenne. À Minsk, trois pays évoluaient en effet à domicile : le Bélarus, la Russie et la Lettonie pouvaient rassembler 10 000 supporters à elles seules. Les Tchèques et les Slovaques avaient également un fort contingent, de même que les Finlandais à partir des phases finales. Au total, grâce à l'exemption mise en place avec un billet pour la compétition, 31 000 personnes sont rentrées au Bélarus en provenance de pays habituellement sous régime de visa (c'est-à-dire sans compter les Russes qui étaient les plus nombreux mais qui peuvent déjà franchir la frontière en temps normal).

La destination bon marché, où les hôteliers et commerçants n'ont pas augmenté les prix (contrairement à Riga 2006 ou à l'Euro de football en Ukraine), a attiré beaucoup de monde. Il est cependant probable que les Tchèques récupèrent le record dès l'an prochain grâce aux 18 000 places de la O2 Arena de Prague.

C'est aussi durant le Mondial que devaient être adoptées les nouvelles règles du jeu pour les quatre prochaines années. Pour arrêter l'augmentation des blessures née de l'accélération du jeu, Vladislav Tretiak avait milité pour une mesure radicale, le retour de la ligne rouge centrale et du hors-jeu de "deux lignes", mais cette proposition n'a reçu aucun écho dans la commission des athlètes qu'il préside, et dont fait aussi partie Philippe Bozon. Les nouvelles règles adoptées sont donc plus consensuelles : le recul de la ligne bleue pour agrandir la zone offensive, et l'élargissement des dimensions de patinoire autorisées entre 26 et 30 mètres de large (jusqu'ici, les compétitions jouées sur des glaces nord-américaines étroites de 26 mètres l'étaient par dérogation), alors que la longueur est standardisée à 60 mètres.

Le principal changement est l'adoption du dégagement interdit "hybride" qui va marquer une standardisation internationale. Rappelons que l'accident mortel de Ludek Cajka en 1990 avait conduit l'IIHF à automatiser le dégagement interdit pour éviter que les joueurs se blessent en fonçant vers les balustrades pour toucher le palet en premier. Confrontée elle aussi à des blessures (heureusement jamais aussi graves), la NHL avait longtemps gardé l'ancienne règle, avant de passer cette saison à un système dit hybride, qui implique que le défenseur doit arriver le premier au niveau des cercles d'engagement dans sa zone pour valider le dégagement interdit. Ce compromis, qui garde le principe du premier joueur à patiner vers le palet sans le danger en fond de zone, est donc maintenant adopté par la fédération internationale et sera généralisé.

 

Russie (1er) : la restauration

Même si rien ne peut effacer l'échec de Sotchi, la Russie a restauré sa confiance et sa suprématie. Une victoire attendue puisqu'elle disposait des deux superstars de la compétition avec Aleksandr Ovechkin puis en joker Evgeni Malkin. À condition bien sûr de ne pas les mettre sur la même ligne ! Le sélectionneur Oleg Znarok avait intrigué ou inquiété en décrétant que l'incompatibilité d'Ovechkin et Malkin était "du vent". C'est pourtant l'obstination à apparier les deux joueurs qui avait précipité l'échec olympique et coûté sa tête à son prédécesseur...

En fait, tout à sa joie de rabrouer les journalistes russes - qu'il juge incompétents et fouineurs de scandale - Znarok avait un peu forcé le trait. Il envisageait simplement de réunir les deux joueurs sur le jeu de puissance, où ils sont complémentaires : Evgeni Malkin crée le jeu avec ses passes, alors qu'Aleksandr Ovechkin est à la ligne bleue, dans la position habituellement dévolue aux arrières, pour allumer des mines. Mais, à cinq contre cinq, on doute qu'il ait ne serait-ce que caressé cette idée folle.

Néanmoins, la Russie ne s'est pas reposée uniquement sur ses deux vedettes, loin de là. Ce sont deux autres attaquants qui se sont le plus distingués. Le meilleur marqueur de la compétition Viktor Tikhonov a clairement franchi un cap et atteint le très haut niveau. La révélation Sergei Plotnikov a été le symbole de la nouvelle âme russe. Mais si la Russie a semblé si sereine, c'est surtout parce qu'elle a enfin trouvé un gardien qui la rassure. Oui, il fallait bien faire confiance à Sergei Bobrovsky, le plus jeune mais pas le moins talentueux des gardiens russes de NHL : encore une pierre dans le jardin du précédent sélectionneur Zinetula Bilyaletdinov.

Attention néanmoins. Aujourd'hui, Oleg Znarok est devenu un héros pour avoir su adopter un style plus agressif et constructif qui poursuit la tradition russe, au lieu de la contrarier par des consignes de prudence. Il a donc réussi un premier Mondial parfait pour son entrée en scène... mais rappelons que Bilyaletdinov avait réussi un premier championnat du monde encore plus parfait en 2012, avant d'enchaîner les désastres.

Le nouvel "homme fort" au caractère bien trempé - d'où sa suspension en finale pour un geste qu'il a promis à Poutine lui-même de ne plus faire - Znarok devra maintenir son autorité sur la durée et gérer les individualités y compris dans des circonstances moins favorables. On savait en effet déjà que la Russie peut étinceler quand elle se sait forte. C'est plutôt quand elle fait face aux contrariétés que les belles intentions collectives peuvent se déliter. Cette équipe n'a pas encore été testée dans toutes les situations.

 

Finlande (2e) : trop vite déconsidérée

Le championnat du monde a tant gagné en compétitivité qu'un fil ténu sépare l'échec total du succès. Si la Suisse ne leur avait pas donné un coup de pouce en battant la Lettonie, les Finlandais auraient connu leur plus mauvais classement depuis cinquante ans. Mais une fois qualifiés pour ces quarts de finale, ils ont démontré qu'ils sont devenus une "équipe de play-offs", puisque c'est la cinquième compétition internationale de suite qu'ils franchissent la première marche et atteignent le dernier carré.

Cette équipe était considérée au trente-sixième dessous, sans le moindre talent. Le sélectionneur Erkka Westerlund était soupçonné d'avoir totalement négligé les rares nouveaux joueurs offensifs pour privilégier son système défensif, un 1-2-2 ennemi du spectacle. Il a d'ailleurs été le premier à reconnaître qu'il devait une fière chandelle à son gardien Pekka Rinne, mais selon lui, c'est parce que le pays tout entier ne développe plus assez de joueurs de talent et se repose uniquement sur les qualités de ses portiers.

Pour autant, a-t-il donné une chance aux rares joueurs à profil créatif ? Sans surprise, les "olympiens" ont été les cadres : l'habitué Petri Kontiola et un Jori Lehterä enfin concluant avec le maillot national ont été les moteurs offensifs, Jarkko Immonen a dominé comme toujours aux mises au jeu, et Juuso Hietanen a mené la défense. Seuls Leo Komarov, plutôt invisible dans une finale qu'on pensait faite pour lui, et le vieux capitaine Olli Jokinen ont été en dessous des attentes.

Et les "futurs Jokerit", qui accompagneront l'aventure de Westerlund en KHL et dont la sélection "en bloc" a tant fait jaser ? Vraiment bof. Atte Ohtamaa a été tout à fait intéressant, le huitième défenseur Korpikari n'a finalement jamais été intégré (au profit d'un joker supplémentaire en attaque, Erik Haula, révélé en play-offs NHL mais peu en vue sur la deuxième ligne), et les trois autres n'ont vraiment pas brillé.

Le débat sur la sélection méritait donc d'exister, surtout quand on sait qu'Olli Palola, inconnu il y a un an et qui ne devait pas être là avant d'être rappelé en dernière minute, a fini avec 4 buts et 2 transversales en finale, quand la Finlande a enfin montré qu'elle était capable d'attaquer elle aussi. Peut-être que les talents sont là mais qu'il faut oser leur faire confiance au lieu de privilégier la prudence à tout crin. L'arrivée de Kari Jalonen à la tête de l'équipe nationale coïncide donc avec un moment très intéressant, tandis que la génération championne du monde arrive. Aura-t-il le double courage de lancer les jeunes et de libérer l'offensive ?

 

Suède (3e) : une exposition sans égal

Trois mois après sa finale olympique, la Suède est montée sur un nouveau podium avec seulement deux joueurs en commun, moins que tous ses adversaires européens. Il s'agit de Gustav Nyquist, précieux par sa vitesse, et de Jimmie Ericsson, qui a amassé mine de rien 4 médailles mondiales et 1 médaille olympique depuis cinq ans en plus de ses quatre finales suédoises avec Skellefteå (qu'il va quitter pour le SKA Saint-Pétersbourg pour une très tardive expérience étrangère à 34 ans... avec un salaire qui devrait lui constituer une bonne retraite).

Mais ce sont deux autres joueurs du double champion de Suède qui ont mené la Tre Kronor : les deux ailiers de la première ligne Oscar Möller et Joakim Lindström devaient mener l'offensive dès leur premier championnat du monde, et ils ont accompli leur mission à la perfection. Ils ne sont pas passés inaperçus. Lindström retournera en NHL à Saint-Louis, alors que les rumeurs ne se sont pas concrétisées pour l'instant au sujet du petit Möller.

L'autre grande satisfaction est le gardien Anders Nilsson. Ce grand gabarit était prisé en Amérique du nord où il est parti à 21 ans, ballotté entre NHL et AHL comme le sont souvent les jeunes portiers. Il a démontré une belle régularité dans ce tournoi et celui lui a valu une proposition russe de Kazan pour laquelle il va quitter les New York Islanders.

Quand on se souvient de la cascade de forfaits lors du mois d'avril, on peut se dire que les absents ont toujours tort : les joueurs qui ont accepté l'invitation peuvent être satisfaits à tout point de vue de ce championnat du monde, qui leur a amené une exposition sans égal. La Tre Kronor maintient ses fondamentaux, dont le jeu en infériorité numérique, premier de la compétition à plus de 95% grâce aux joueurs du bout du banc Joel Lundqvist, Mattias Sjögren ou Dennis Rasmussen.

Quel que soit l'effectif aligné, la Suède fait preuve d'une remarquable constance qui va la placer première au classement IIHF. Elle a raté le dernier carré du championnat du monde une seule fois depuis le début du siècle !

 

République Tchèque (4e) : Jágr et les critiques

Le changement d'entraîneur aura été sans effet sur les performances tchèques. La victoire sur les États-Unis dans le quart de finale - toujours le match le plus important - a permis de sauver le tournoi et les apparences. Après la blessure de l'épaule de Roman Polak en début de tournoi, Ondrej Nemec était vraiment seul dans une défense très inexpérimentée, qui a commis beaucoup d'erreurs en poule. Mais cela n'explique pas l'incapacité de l'attaque à marquer le moindre but dans le carré final : l'inefficacité offensive ne semble pas réglée.

Jaromir Jágr est resté à 42 ans l'homme capable de créer du danger, du moins en supériorité numérique car il a rarement pu pratiquer son jeu de possession à cinq contre cinq. Il a finalement décidé de prendre sa retraite internationale. C'est la troisième fois qu'il l'annonce, mais celle-ci est sans doute la bonne, car sa décision a été expliquée et argumentée.

Cette longue tirade a provoqué outré Dominik Hasek, l'autre légende du hockey tchèque, qui a considéré les propos de Jágr "inexcusables". Ce ne sont pas les passages sur les arbitres ou le jeu qui ont ulcéré l'ancien gardien, mais leur introduction dans laquelle Jágr s'en était pris aux "gens qui ont une opinion et ne connaissent rien". Il a interprété cela comme une posture refusant aux autres tout droit à le critiquer, et une façon de ne pas endosser sa responsabilité, ce qui serait "inacceptable".

Le numéro 68 a donc été obligé de s'expliquer. Il d'abord précisé qu'il ne regardait évidemment pas la télévision tchèque depuis Minsk, et donc qu'il ne visait pas l'entraîneur Marek Sýkora qui y servait d'expert, comme l'avaient interprété certains, mais "certaines personnes qui critiquent sur les réseaux sociaux, certains articles et certaines interviews". Il a ensuite été moins vague en précisant les critiques qui l'avaient énervé étaient celles "portées individuellement contre des joueurs sans connaître le rôle qui leur a été assigné par les entraîneurs". Il a cité deux cas précis. D'une part, il a été agacé par les "experts" qui avaient reproché la défaite contre le Canada à Jan Kovár à cause d'une expulsion qui lui paraissait injuste. D'autre part, il a jugé qu'il était stupide d'attendre de Jiri Hudler la même productivité qu'à Calgary alors qu'il n'a pas le même temps de jeu. Mis dehors des JO par Hadamczik après son dernier Mondial décevant, Hudler n'aura pas fait mieux sous Ruzicka : le meilleur marqueur des Flames de Calgary a même fait moins bien, avec 4 petits points en 10 rencontres, et a fini en troisième ligne.

C'est bien la preuve qu'il vaut mieux cibler exactement ses propos au lieu de porter des critiques générales à la cantonade dans lesquelles tout le monde peut se sentir visé. Mais pendant que les Tchèques observent ces quiproquos entre leurs dernières superstars Jágr et Hasek, formées du temps de l'ex-Tchécoslovaquie, cela ne sert-il pas de diversion à la vraie question : auront-ils encore des joueurs de ce niveau dans les prochaines décennies ?

 

Canada (5e) : le talon d'Achille des gardiens

Cette cinquième défaite en quart de finale de championnat du monde, le Canada en fait peu de cas. Il a obtenu tout ce qu'il voulait en conservant son titre olympique. La différence entre les deux compétitions est criante. Les Canadiens ont préparé les JO comme jamais avec une observation minutieuse de chaque adversaire. Aux Mondiaux, ils sont venus comme d'habitude, avec un match de préparation et une équipe sans "joker" pour ne pas risquer de froisser un joueur en l'envoyant en tribune. Mais cela fonctionne de moins en moins face à une concurrence internationale plus forte. Pour la première fois depuis vingt-cinq ans (depuis dix ans si l'on compte le dernier match nul), le Canada a buté sur son premier match des championnats, s'inclinant aux tirs au but face à l'équipe de France.

Le choc né de cette défaite inattendue a vite été balayé par de tranquilles victoires. L'attraction de 18 ans Nathan MacKinnon montrait certes son talent, mais pas au moins de mener l'équipe. D'autres s'en sont chargés. Ancien meilleur marqueur des Mondiaux U18 (en 2008) et U20 (en 2009) avant qu'une blessure au dos mal diagnostiquée ne retarde son début de carrière professionnelle, Cody Hodgson, déplacé du centre à l'aile comme cela avait été le cas en fin de saison avec Buffalo, a fait sensation en inscrivant 5 buts en deux jours. Surtout, Joel Ward a bien conclu la meilleure saison individuelle de sa carrière... mais sans réussite collective.

Le Canada a en effet encore buté sur la marche capitale des quarts de finale. Comme en 2011, James Reimer n'a pas été choisi pour ce match décisif après une alternance en poule... et comme en 2011 (avec Bernier), il a suivi l'élimination sur le banc. Son concurrent Ben Scrivens avait de meilleures statistiques, mais il a encaissé un mauvais but et clairement perdu le duel des gardiens contre Pekka Rinne. Cela ne surprendra au fond personne. Pour un pays qui se vante de pouvoir aligner plusieurs équipes capables de remporter des compétitions internationales, le manque de profondeur au poste de gardien est devenu un talon d'Achille. Derrière Carey Price, les autres spécialistes ne sont guère incontestables et leur forme du moment ne dure généralement guère.

 

États-Unis (6e) : les pépites Jones et Gaudreau

Si MacKinnon a été discret, l'autre rookie Seth Jones a explosé dans ce tournoi en terminant meilleur marqueur des États-Unis et en étant élu meilleur défenseur du tournoi. Par contre, s'il avait accumulé les médailles d'or en moins de 18 ans et moins de 20 ans, il ne fallait pas rêver en faire autant en sénior. Un titre, à l'heure actuelle, y tiendrait du... "miracle".

Comme l'an passé, la première ligne a parfaitement tenu son rang, Tyler Johnson et Craig Smith assumant le leadership offensif. Le joueur universitaire de l'année Johnny Gaudreau a enthousiasmé par des actions techniques extrêmement spectaculaires, même s'il est resté sans point contre les grosses équipes. Les autres joueurs, cependant, n'ont pas apporté beaucoup de profondeur, et la défense a souffert, à l'instar de l'espoir Jacob Trouba, en grande difficulté dans le jeu avant de rentrer au pays pour des problèmes de douleurs cervicales.

La première déception vient du capitaine Justin Abdelkader : il a apporté ce qu'on attendait de lui dans le jeu avec de l'impact physique, mais quand un joueur est déjà suspendu une fois dans le tournoi, on aurait pu espérer qu'il ne se refasse pas exclure au beau milieu d'un quart de finale pour une charge honteuse à retardement...

La seconde déception est le gardien Tim Thomas. C'était son septième championnat du monde, et le premier dans le rôle de titulaire... mais sans doute aussi le dernier. Revenu en NHL après une année sabbatique pour sa famille, il n'a tout de même pas le niveau d'antan. Il a laissé beaucoup de rebonds, a souvent semblé hors de position, et son pourcentage d'arrêts de 86,9% est rédhibitoire pour espérer aller loin dans le tournoi.

 

Bélarus (7e) : un public en transe et le psychologue Hanlon

Après les nombreuses erreurs de sa jeune défense dans le match d'ouverture contre les Américains, l'équipe biélorusse était très nerveuse avant le match contre le Kazakhstan, à haut risque pour la relégation. Mais une fois cet obstacle passé, elle s'est libérée.

La surprise est venue de Kevin Lalande, le naturalisé choisi comme troisième gardien par Glen Hanlon alors que beaucoup réclamaient au poins un portier authentiquement biélorusse dans l'effectif (Milchakov). Il faut dire que Lalande n'occupait plus qu'un rôle subalterne au Dynamo Minsk, où il n'aurait peut-être pas joué de la saison si Haugen ne s'était pas blessé. Et puis, le destin... Vitali Koval s'est blessé la veille du match contre la Finlande, le vétéran Andrei Mezin n'avait pas retrouvé sa meilleure forme, et Lalande est soudain devenu numéro 1 pour une victoire décisive.

Porté par un public en transe, le Bélarus s'est donc qualifié pour les quarts de finale, ce qui équivalait pour lui à une médaille d'or. Pourtant, il ne s'en est pas contenté. Sans son meilleur attaquant Mikhaïl Grabovsky blessé, il a fait douter jusqu'au bout la Suède, ne s'inclinant que dans les cinq dernières minutes après un pénalty raté par le capitaine Aleksei Kalyuzhny. Il suffit d'avoir vu les joueurs biélorusses comme Ugarov en pleurs pour comprendre qu'ils ont vraiment cru à la qualification en demi-finale, et toute la patinoire avec eux.

Le Bélarus a atteint quatre fois le top-8 mondial dans son histoire... dont trois avec Glen Hanlon comme sélectionneur. Cela ne saurait être une coïncidence. Il a trouvé les ressorts psychologiques pour unir cette équipe aux caractères variés qui ne se soudait pas les autres années. Pourtant, même s'il avait signé pour deux années fermes plus une en option, le départ du Canadien n'était pas une rumeur. Il se languit de sa famille qu'il ne peut pas faire venir à Minsk car il veut un environnement scolaire confortable pour son fils.

Comme la barre a été remise très haut, on souhaite bien du courage au successeur. Hanlon en a dressé un bref portrait : il devra s'occuper y compris des équipes de jeunes, et si possible parler russe. Tout le monde a été mobilisé pour ce Mondial à domicile, mais beaucoup de cadres approchent de la retraite. Le président de la fédération Evgeni Vorsin a annoncé sa démission à cause d'un environnement jugé trop hostile. Dans un pays fermé où tout le monde craint d'agir de peur de déplaire au pouvoir, cette quinzaine de rêve à Minsk risque d'être difficile à répéter, sans le contexte favorable de soutien populaire.

 

France (8e) : une quinzaine exceptionnelle

Elle l'a fait ! L'équipe de France a atteint le second quart de finale de son histoire aux championnats du monde. Ayant beaucoup gagné en endurance, elle a livré un premier tour exceptionnel en ayant marqué des points contre 5 équipes sur 7. Il n'a manqué que la Suède (après sans doute le match le plus plein des tricolores) et... l'Italie, une frustration que les Français ont su digérer dès le lendemain. La manière était si enthousiasmante que l'on regrette presque de ne pas avoir terminé troisième de poule, ce qui aurait permis d'affronter un autre adversaire que l'injouable Russie en quart de finale...

On craignait pour la défense privée de Hecquefeuille. Yohann Auvitu (à gauche sur la photo avec Roussel et Da Costa) a réussi le Mondial que l'on espérait, avec un excellent patinage et une transition toujours judicieuse entre offensive et défensive, et prouve qu'il pourra prendre le relais après la retraite de Baptiste Amar, l'arrière indispensable de la décennie écoulée. Florian Chakiachvili a bien débuté mais manqué de coffre sur la durée dans les duels et les sorties de zone, substitué par un Benjamin Dieudé-Fauvel : cette expérience sera utile pour les deux débutants, qui ont pu être intégrés sans que les performances de l'équipe en nuisent.

C'est possible grâce au sens du sacrifice et du soutien défensif qu'incarne le capitaine Laurent Meunier et qui déteint sur ses coéquipiers. En enlevant Meunier et Treille du jeu de puissance après le match contre l'Italie pour leur attribuer des tâches plus défensives, les entraîneurs Dave Henderson et Pierre Pousse ont officiellement changé de première ligne et attesté d'un passage de témoin qui existait déjà dans les faits. Il a été encore plus spectaculaire que prévu. Le trio Antoine Roussel - Pierre-Édouard Bellemare - Stéphane Da Costa a tout simplement été une des lignes dominantes de la compétition avec son audace offensive, faisant de Roussel le premier Français à intégrer l'équipe-type d'un championnat du monde. Quant à Da Costa, la planète hockey entière sait maintenant qu'Ottawa a mal employé son talent en ne le faisant pas plus jouer en NHL. Il est en position de force pour sa négociation de contrat.

Les trois hommes ont laissé une telle impression qu'on se demande même si l'équipe n'est pas devenue trop dépendante d'eux, alors qu'il faudrait aussi gérer leur absence. La France a eu peu de profondeur avec une quatrième ligne au temps de jeu limitée, faute notamment d'un centre efficace aux mises au jeu. Brian Henderson, dont ça n'a jamais été le domaine de prédilection, a terminé à 14 sur 45 (31%), et Nicolas Ritz à 1 sur 9, même si le Dijonnais a été très convaincant à l'aile au point de supplanter logiquement Anthony Guttig en troisième ligne en fin de tournoi. Les jeunes devront prendre des responsabilités et porter l'équipe lors du prochain cycle, celui qui devra conduire aux Mondiaux 2017. Le précédent cycle, correspondant au contrat actuel des entraîneurs, vient de s'achever de la meilleure des manières... Tout le monde du hockey a maintenant remarqué et salué la performance des Bleus, et même les médias français n'ignorent plus leurs exploits.

 

Slovaquie (9e) : Šatan aura-t-il un successeur ?

La Slovaquie a terminé avant-dernière des Jeux Olympiques et a raté les quarts de finale des championnats du monde, et pourtant, la fédération a décidé de négocier une prolongation de contrat avec l'entraîneur tchèque Vladimir Vujtek. Paradoxe ? Pas tellement. Rappelons que Vujtek avait commencé son mandat par une exceptionnelle finale mondiale en 2012. Et les supporters slovaques sont relativement satisfaits du comportement de leur équipe très rajeunie dans ce tournoi. L'inexpérience s'est ressentie dans la répétition des mêmes fautes, et surtout dans le manque de concentration dans les trois dernières minutes contre les Tchèques et les dix dernières minutes contre les Français. Les Slovaques y ont laissé échapper deux victoires qu'ils tenaient, face à deux équipes qui ont terminé un point devant eux au classement final...

Néanmoins, au moment où le capitaine-symbole de la nation slovaque Miroslav Šatan a décidé de raccrocher les patins, on attend surtout la nouvelle génération. Le meilleur marqueur a été un trentenaire, Michel Miklik, avec 11 points, alors que ce n'était pas le joueur le plus apprécié du public car il n'incarne évidemment pas le renouvellement.

La Slovaquie attend de nouveaux leaders offensifs, et elle fonde beaucoup d'espoirs en Tomas Tatar et Richard Panik depuis 2010, quand ils avaient été sélectionnés en championnat du monde à 19 ans et que l'on croyait entrevoir l'avenir dans ces deux gamins partis en Amérique du nord. La confirmation tarde, au moins pour l'un d'entre eux. Si Tatar s'est réveillé une fois remis avec Mikus et Miklik (la ligne vice-championne du monde en 2012), Panik a encore fini à zéro point, comme déjà aux Jeux olympiques, et avec de surcroît une fiche de -5. La jeunesse ne semble donc pas encore prête à assurer la relève.

Dans une défense privée de ses cadres, la bonne surprise se nomme Marek Daloga. Ses statistiques tchèques à Pardubice ne mentaient pas, il a vraiment progressé depuis un an. Rapide pour sa taille, il montre que ce compromis est possible pour les grands arrières slovaques. Même si son jeu n'est pas dénué d'erreurs, cette qualité de patinage lui permet de soutenir l'attaque.

 

Suisse (10e) : l'argent efface tout le reste

Le passage de Sean Simpson à la tête de la Suisse - avant son départ en KHL pour le Lokomotiv Yaroslavl - touche donc à sa fin, et en cinq compétitions internationales, son bilan est d'une cinquième place (Mannheim 2010), une deuxième place (l'an passé) et trois éliminations précoces avant les quarts de finale. "Mieux vaut terminer une fois deuxième que trois fois huitième", a conclu le Canadien, et on ne connaît guère de Suisses qui le contrediront. Mieux vaut une prise de risque qui rapporte le jackpot quand elle paye que la morne constance de l'ère Krueger. La médaille d'argent, plus grand succès du hockey suisse depuis 75 ans, a été un résultat magnifique.

Cette année, cela n'a pas fonctionné, mais l'élimination se sera jouée à peu de choses. En l'occurrence, les deux buts injustement refusés contre les États-Unis peuvent rester en travers de la gorge des Suisses. Ils auraient suffi à se qualifier. L'autre match-clé perdu l'a été contre le Bélarus, très choqué qu'un tabloïd suisse (le Blick) ait choisi ce moment pour diffuser la rumeur d'une possible arrivée de Glen Hanlon comme futur sélectionneur de la Suisse. Le pays-hôte s'est vengé, et les quarts de finale se sont éloignés irrémédiablement.

On a vite appris après la fin de la compétition que la rumeur était vraie. Au départ, sur sa fiche de poste, la fédération avait pourtant prévu que le nouveau venu devrait connaître le hockey suisse. À cet égard, nul n'était plus pertinent que Simpson, dont la carrière d'entraîneur est un pur produit du hockey helvétique puisqu'il a commencé par diriger le hockey mineur du petit club du SC Lyss jusqu'à être champion d'Europe avec les ZSC Lions. Hanlon, lui, n'a aucune référence suisse, mais peut se targuer d'une grande expérience internationale avec le Bélarus et la Slovaquie. Cependant, il n'a jamais obtenu de succès marquant en dehors du contexte biélorusse, et c'est un sacré défi qu'il devra relever.

Le potentiel des joueurs qui seront à sa disposition est en tout cas le meilleur de l'histoire suisse. Certes, une fois que les adversaires ont compris qu'il valait mieux forechecker la Suisse pour la prendre à son propre jeu, la défense helvétique a eu plus de difficultés que d'habitude dans sa zone du fait de l'absence des principaux relanceurs comme Vauclair et Diaz, mais elle peut toujours compter sur un excellent meneur en Roman Josi. Et surtout, les nombreux débutants se sont bien débrouillés, y compris le gamin de 18 ans Kevin Fiala.

 

Lettonie (11e) : le sentiment d'avoir été volée

Soutenue par 10 000 supporters comme si elle évoluait à domicile, la Lettonie a battu deux grosses équipes, la Finlande et les États-Unis, et se pensait donc en position idéale pour confirmer sa performance olympique et aller en quart de finale. Il lui suffisait d'une seule victoire sur les deux dernières rencontres, face au Bélarus - qui ne l'avait plus battue aux Mondiaux depuis quinze ans - puis face à une Suisse n'ayant plus rien à gagner.

Mais elle ne s'est jamais remise du but égalisateur étonnamment refusé à trente secondes de la fin contre le pays organisateur. Vol ? Si l'on s'en tient à la stricte application des règles, la présence d'un joueur dans la zone, qui a clairement bouché la vue du gardien même sans contact, était irrégulière. Le problème est que ces consignes de l'IIHF ont été appliquées trop tard, et que les décisions précédentes n'allaient pas en ce sens.

La Lettonie a connu une seconde frustration envers la fédération internationale avec le vote pour l'organisation du Mondial 2018 : les 12 maigres votes en faveur des Baltes - contre 95 pour le Danemark - avaient quelque chose d'humiliant pour l'influence de Kirovs Lipmans, qui avait pourtant recueilli bien plus de promesses... Le communiqué de l'IIHF annonçant le résultat du vote indiquait que Lipmans félicitait le Danemark... et remettait sa démission !

Un malentendu que l'intéressé s'est empressé de rectifier. L'entrepreneur Lipmans en est venu à incarner le hockey sur glace dans son pays comme aucun autre président de fédération dans le monde. Un exemple, un site de jeux en ligne (Unibet pour ne pas la nommer) a utilisé le titre "Kirovs vous invite" dans une publicité par e-mail pour convier les joueurs à parier sur les résultats des championnats du monde (il s'est dit scandalisé par l'usage non autorisé de son prénom).

L'omniprésence de Lipmans lui vaut forcément une certaine inimitié, même en ne tenant pas compte des allusions antisémites à son égard sur les forums baltes... Au début de son mandat, il a beaucoup fait pour développer le hockey letton et arracher l'organisation du Mondial 2006. Mais le temps use, le développement stagne, et le très bavard président peut agacer par sa façon de toujours tirer la couverture à lui, comme s'il avait "découvert" ou redécouvert les entraîneurs Oleg Znarok (devenu champion du monde pour la Russie) puis Ted Nolan. Il a encore polarisé les esprits par une interview à la fin de la compétition. Tout en précisant que le sélectionneur Nolan était parti en bons termes, il s'est quand même plaint de lui avoir versé un salaire annuel de 200 000 euros hors bonus pour "un mois et demi" de présence effective.

Pas sûr que les prochains candidats au poste apprécient de voir leur rémunération étalée en place publique. Ceci dit, ces divulgations financières choquent culturellement moins les Nord-Américains, et c'est toujours vers cette destination que Lipmans veut se tourner. Et avec ce budget (plus important que ce que touchait Hanlon au Bélarus), il est sûrement possible d'attirer un sélectionneur de renom...

  

Norvège (12e) : le renouvellement en douceur

Ceux qui doutaient de la Norvège au pays en ont été pour leurs frais. Même sans ses trois joueurs de NHL anciens ou actuels (Tollefsen, Thoresen et Zuccarello), elle n'a absolument pas été en danger d'être reléguée et l'a tout de suite prouvé en battant l'Italie d'entrée (3-0) puis en gardant une fois de plus l'avantage (4-3) sur un Danemark plus riche en renforts nord-américains. Ensuite, elle a certes connu cinq défaites, mais quatre d'entre elles n'ont été concédées que d'un seul but, et même aux tirs au but dans le cas de la France.

Le bilan est donc positif car l'équipe n'a pas explosé une seule fois. Un grand mérite en revient au défenseur Jonas Holøs, qu'on a retrouvé en modèle d'endurance avec un record de plus de 32 minutes par match.

La ligne des frères Mathis et Ken André Olimb a amené un danger offensif permanent, et leur centre, le vétéran Anders Bastiansen, compense sa lenteur par un sens du placement qui lui a offert plusieurs breakaways. Néanmoins, cette ligne a parfois paru un peu seule. Or, le changement, c'est maintenant, car deux attaquants - Mads Hansen et Per-Åge Skrøder - ont annoncé leur retraite internationale à l'issue du tournoi. Une des satisfactions se nomme Niklas Roest, joueur rapide qui bloque bien des tirs en infériorité numérique, mais la Norvège va devoir se trouver aussi des profils offensifs. Le grand espoir Sondre Olden, 21 ans, n'a pas déçu de ce point de vue.

Un poste ne pose en revanche plus de question, celui de gardien. La Norvège, dont c'était le grand point faible, avait recruté en 2011 un spécialiste suédois, Per-Erik Alcén, l'entraîneur des portiers de la "fabrique de gardiens" Brynäs. Il avait alors recommandé de faire confiance à un inconnu, Lars Haugen, et on connaît la suite de l'histoire : ce semi-pro au chômage dans le civil avait alors décroché un contrat professionnel en KHL. Dans la ville où il joue toute l'année, Haugen a connu un tournoi difficile (87% d'arrêts), mais les Norvégiens se sont découvert un nouveau gardien. Steffen Søberg était déjà reconnu chez les juniors et avait notamment aidé son pays à remonter ans l'élite mondiale au Mondial junior d'Amiens la saison dernière. Mais on ne pensait peut-être pas qu'il s'imposerait si vite dans une équipe nationale réputée conservatrice, où les joueurs percent généralement sur le tard. Petit à petit, le renouvellement se fait, et la Norvège garde son standing.

 

Danemark (13e) : double objectif 2018

Le Danemark regarde avec une envie non dissimulée la France qui est arrivée à former une ligne dominante. Cette formule magique, il ne l'a encore jamais trouvée avec ses renforts nord-américains.

Cette année n'a pas fait exception, car les arrières ont aussi paru un peu plus en retrait. Le défenseur offensif Philip Larsen reste suspect dans sa zone, et les frères Lauridsen ont souvent été pris de vitesse. En attaque, Nicklas Jensen n'a pas démontré ses qualités de buteur en plus de prendre des pénalités idiotes. Jannik Hansen et Mikkel Bødker s'en sont un peu mieux sortis, et ce n'est peut-être pas un hasard si ce sont les seuls vrais titulaires indiscutables et reconnus en NHL, les autres jouant partiellement ou totalement en AHL.

Il n'en reste pas moins que, comme l'an dernier, le meilleur marqueur avec cinq points a été... le vétéran Kim Staal (36 ans). Les jeunes "prospects" n'égalent toujours pas les cadres de longue date, et on l'a vu en défense où la combativité de Mads Bødker (suspendu pour un imbroglio contractuel en Russie) a sans doute manqué. On s'inquiétait pour le sixième défenseur Emil Kristensen, propulsé dans le grand bain à 21 an, mais s'en est très bien sorti.

Le problème, c'est plutôt que le Danemark ne se trouve pas de nouveaux leaders offensifs. Le pays se met donc à douter : a-t-il les moyens du jeu plus créatif que cherche à mettre en place le nouvel entraîneur Janne Karlsson ? Et sinon, quand les aura-t-il ?

Le Danemark a maintenant une échéance sur laquelle travailler, une échéance à laquelle ses nouvelles générations tant vantées auront normalement mûri pour être au plus bel âge : 2018. En plus de la participation olympique qui constitue toujours son Graal, il s'est en effet vu attribuer l'organisation des championnats du monde cette année-là. Il avait tous les atouts en main. C'est le plus haut pays au classement mondial à ne jamais avoir accueilli la compétition. Les infrastructures ne font aucun doute : la patinoire de Herning a ouvert il y a trois ans, et celle de Copenhague est déjà en construction. En plus, deux ministres et les deux maires concernés qui ont fait le déplacement pour promouvoir sa candidature. Il reste maintenant quatre ans pour franchir ce cap tant attendu.

 

Allemagne (14e) : mauvais choix de gardien ?

Après avoir commencé le championnat du monde par deux victoires, l'Allemagne a perdu ses cinq rencontres suivantes. Souvent avec les honneurs, mais jamais avec les points. Après la non-qualification olympique, elle glisse maintenant dans les limbes du classement IIHF, treizième derrière la France. Si elle restait à cette position, elle n'organiserait même pas le prochain tournoi qualificatif aux JO...

Le manque d'efficacité offensive est un problème récurrent à chaque tournoi, et il est toujours criant. L'attaquant de KHL Felix Schütz, s'est fourvoyé à trop vouloir en faire et n'a jamais pu employer utilement ses qualités techniques. La ligne des jeunes (Rieder-Draisaitl-Plachta) a certes impulsé une nouvelle dynamique et une belle énergie, mais elle s'est ensuite fatiguée, jusqu'à être séparée en fin de tournoi. Le grand espoir Leon Draisaitl est sans doute déjà le meilleur Allemand avec le palet, mais il a encore de grandes lacunes sans palet.

La défense n'a pas pu être d'un grand soutien, ne marquant aucun but. Dès lors que Christian Ehrhoff (victime d'une commotion cérébrale) est absent, le jeu de puissance perd sa seule arme. Les seuls autres défenseurs offensifs, le capitaine Frank Hördler et son coéquipier berlinois Constantin Braun, ont essayé de compenser son absence dans la construction du jeu, mais ils en ont commis du coup des erreurs, inhabituelles chez Hördler, très remarquées chez Braun.

La vraie pomme de discorde se situe en fait dans les cages. Pat Cortina a toujours dit que l'Allemagne ne pouvait gagner qu'avec des performances de haut niveau de ses gardiens. Or, depuis son arrivée, il a changé la hiérarchie en faisant du naturalisé Rob Zepp son numéro 1 aux dépens du MVP du Mondial 2010 Dennis Endras (vexé et absent cette année pour "raisons familiales"). Il lui a maintenu sa confiance envers et contre tout en dépit de prestations moyennes, et Zepp a fini par un match catastrophique contre le Bélarus, terminant le tournoi en dernière position des statistiques de gardiens avec 85,6% d'arrêts. Les regrets sont d'autant plus vifs qu'au match suivant, le jeune Philipp Grubauer, que beaucoup d'Allemands auraient voulu voir titulaire après sa révélation en NHL cet hiver, a frustré les stars russes pendant plus de quarante minutes.

 

Italie (15e) : l'impossible changement de politique

Comme en 2012 face au Danemark, l'Italie a réussi à gagner le deuxième match, celui qui l'oppose normalement à l'adversaire le moins bien classé (à part elle) au classement mondial, cette fois l'équipe de France. Mais comme il y a deux ans, cela n'aura servi à rien. Dans sa nouvelle formule en deux poules de huit, le championnat du monde est beaucoup plus compétitif, et une seule victoire ne suffit plus. On ne peut plus "choisir" son adversaire. Cette année, c'est le Danemark qu'il aurait fallu battre, et les Azzurri ont tenu le score pendant 35 minutes, mais une erreur grossière de Trevor Johnson en supériorité numérique a provoqué la contre-attaque fatale.

C'est après tout logique. Le jeu de puissance italien a été catastrophique avec 3,6% de réussite, et il a même réussi la "performance" d'encaisser plus de buts (2) qu'il n'en a marqué ! Il aurait été peu encourageant pour le hockey mondial que l'Italie se maintienne avec un "catenaccio" hors d'âge alors que Français et maintenant Danois osent jouer et attaquer.

Connaissant les limites de son équipe, avec aucun joueur de classe mondiale, l'entraîneur Tom Pokel a choisi l'alternance parfaite entre ses quatre lignes, qui jouaient 15 minutes chacune. Tout le monde a ainsi gagné en expérience. On notera qu'il n'a pas appliqué la même notion de partage devant le filet, où l'Italo-Canadien Daniel Bellissimo (bientôt 30 ans) n'a cédé son poste que vingt minutes au jeune Andreas Bernard.

L'Italie parviendra-t-elle à franchir un cap de cette manière ? Sûrement pas. On ne voit pas comment elle pourrait éviter de continuer à faire l'ascenseur. Elle s'est présentée avec onze naturalisés âgés de 27 ans (Daniel Sullivan et Vincent Rocco) à 35 ans (Dan Tudin et Nathan DiCasmirro). Qui peut croire qu'ils seront meilleurs dans deux ans ? Dans quatre ans ? Encore faut-il qu'ils restent motivés par maillot italien et ne partent pas faire l'école buissonnière en cours de route comme on l'a déjà vu.

Aujourd'hui, enfin, l'Italie a des jeunes, tel le prometteur Diego Kostner (21 as) qui évolue à Lugano. Elle peut faire un choix différent et couper avec la politique de naturalisation qui n'est qu'un cache-misère. Il lui faudrait pour cela une volonté politique. Mais avec un fédération des sports de glace sans aucun programme et sans aucun pouvoir sur les clubs, c'est déjà beaucoup lui demander... Le Matteo Renzi à la tête de la FISG n'est pas prêt d'arriver pour bousculer les habitudes établies.

 

Kazakhstan (16e) : à rajeunir et à redynamiser

Autre pays condamné à faire l'ascenseur, le Kazakhstan n'a pas gagné un match en championnat du monde depuis 2006...

Il ne peut donc même pas se vanter d'avoir "volé" un match "à l'italienne". Il en serait sans doute incapable, car il faudrait pour cela une discipline défensive qui n'est pas son fort. Les mauvaises fautes sont un point faible de ce pays à tous les niveaux (on l'avait vu aux Universiades). Même si elle n'est pas l'équipe la plus pénalisée, elle explose complètement en infériorité numérique (un but toutes les 3'42"). De ce point de vue, le capitaine Nikolaï Antropov, même s'il a apporté une percussion physique inédite à l'avant, n'a pas montré l'exemple en se faisant expulser pour une charge à la tête au milieu du match "de la dernière chance" contre la Suisse.

Même avec l'effectif le plus fort qu'il pouvait aligner, le Kazakhstan n'a donc récolté que deux points, en s'inclinant aux tirs au but contre les Allemands et en prolongation contre les Américains. Avoir quelques attaquants techniques capables de faire la différence en un contre un ne suffit pas. La défense est lourde eu peu mobile, elle est souvent mise en difficulté quand elle doit patiner. En plus, les joueurs se ne couchent pas si souvent devant les lancers et protègent peu leurs gardiens. Sans organisation et sans esprit de sacrifice, le talent individuel est insuffisant pour prendre place en élite.

Ni le retour d'Antropov ni la naturalisation de Kevin Dallman n'ont été la solution-miracle. Le seul chemin possible est à plus long terme : rajeunir cette équipe vieillissante et intégrer plus rapidement de nouvelles générations. Mais la tentation des naturalisations n'est-elle pas plus forte ?

La fédération du Kazakhstan a un autre problème : la KHL a décidé de nouveau de déclarer ses internationaux comme étrangers, sauf s'ils renoncent à l'équipe nationale pour être effectivement considérés russes, une règle qui avait coûté cher voici quelques années. On ne sait donc pas quel genre d'équipe le Kazakhstan alignera l'an prochain au Mondial de division IA de Donetsk, si tant est que la ville ukrainienne à feu et à sang puisse effectivement accueillir ce championnat qui vient de lui être confié. Mais ça, c'est une autre histoire...

 

Marc Branchu

 

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