Brest : faire son nid en Ligue Magnus

 

Neuf ans après avoir quitté le plus haut niveau français (appelé à l'époque « Super 16 ») aussi précipitamment qu'ils ne l'avaient rejoint, les Albatros de Brest sont de retour. Lentement mais sûrement, Brest a gravi les échelons un à un et a entamé une métamorphose due en grande partie à Sébastien Oprandi. L'ex-attaquant qui a connu l'aventure du Super 16 sous le maillot bleu et rouge s'est depuis reconverti et cumule désormais la casquette d'entraîneur-chef et de manager. Sous sa houlette, Brest a peu à peu délaissé l'image tenace d'un club aux effectifs surdimensionnés où quelques pointures survolaient les championnats dans lesquels les Albatros évoluaient (Alekseï Timkin en Division 2 qui se promenait même contre Rouen en Coupe de France, Mathieu Brunelle et Martin Gascon en Division 1).

On trouve dorénavant en majorité des Français talentueux épaulés par des joueurs étrangers efficaces bien que moins nombreux et dotés de C.V moins garnis qu'auparavant. Un changement d'image voulu mais également rendu en partie nécessaire par le retrait financier progressif de l'ancien président Briec Bounoure. Épaulé par entre autres Xavier Decossin, un gros travail a été effectué avec succès pour trouver de nouveaux partenaires financiers privés.

Le changement a fini par porter ses fruits à la quatrième saison en Division 1 avec un titre obtenu en avril 2013 après deux finales perdues de justesse en 2010 et 2011. L'effectif brestois n'était sans doute pas le plus talentueux formé ces dernières années, mais était plus homogène et combatif. Invincible à domicile et durant les play-off, les Albatros ont formé un bloc compact et solidaire pour vaincre successivement Neuilly-sur-Marne, Reims, Lyon et ainsi décrocher la montée en Ligue Magnus à l'issue d'un combat acharné à chaque tour. Le plus dur commence maintenant avec pour seul et unique objectif de se maintenir.

Passé l'euphorie de la victoire, le staff a vite dû se remettre à la tâche pour concocter une équipe avec plusieurs semaines de retard sur les clubs de Ligue Magnus (éternel handicap qui pénalise le champion de Division 1). La stratégie adoptée par Brest s'avère différente de celle du précédent promu mulhousien. Contrairement aux Alsaciens qui avaient profondément modifié leur effectif l'an passé, les Bretons ont re-signé l'ensemble de leurs cadres et n'enregistrent que quatre départs pour six arrivées.

Dans les cages, Arnaud Goetz signe pour une troisième saison en Bretagne après une saison 2012-2013 très réussie. Ses performances ont fini par mettre sur la touche Landry Macrez qui a été un peu en dedans l'an passé après avoir été élu meilleur gardien de la Division 1 en 2012. L'Amiénois retrouve lui aussi la Ligue Magnus mais sous les couleurs de Morzine-Avoriaz-Les Gets. Pour le remplacer, Sébastien Oprandi a sans doute fait le meilleur coup de son recrutement en allant chercher à Montpellier le Canado-Suisse Michael Dupont. Les Vipers avaient fait un pari réussi en signant l'an passé ce gardien qui sortait de deux saisons blanches après avoir fait une carrière très honorable en LHJMQ et des performances tout aussi correctes en LNB suisse. Son excellente saison dans l'Hérault a convaincu le manager brestois de lui donner sa chance en Ligue Magnus. À l'heure actuelle nous ne savons pas qui sera le gardien titulaire, l'alternance étant fréquente ces deux dernières saisons. Il y a néanmoins fort à parier que Dupont crée une forte concurrence auprès de Goetz.

Un effectif stable et un recrutement avec les moyens du bord

La doublette Dupont-Goetz trouvera devant elle une défense comptant un seul changement. Malgré des play-off convaincants où il avait su se transcender dans les moments cruciaux avec notamment deux superbes buts inscrits contre Neuilly-sur-Marne puis dans le match décisif contre Lyon, Alan Dana n'a pas vu son contrat reconduit. Il continuera l'aventure en Bretagne (historique) et en Division 1 sous les couleurs des Corsaires de Nantes. Il est remplacé par Thomas Evans en provenance de Morzine-Avoriaz qui avait initialement commencé la saison passée au Mont-Blanc où on avait pu apprécier ses qualités de relance.

Pour le reste, pas de changement. On s'attendait à une recrue supplémentaire mais les finances ne le permettent pas au final, laissant un banc très court pour le secteur défensif. Certes on trouve dans les lignes défensives l'illustre Daniel Carlsson qui connaît la Magnus comme sa poche, l'expérimenté Tchèque Vladimir Holik (qui contrairement à son homologue suédois découvrira cette division) et le Canadien David Poulin, auteur du but victorieux en finale.

Les défenseurs tricolores ont tous re-signé. David Hennebert tout d'abord a connu la Magnus il y a quelques saisons pour des statistiques peu reluisantes (2 points en 67 rencontres), mais après tout ce n'est pas ce qu'on demande à un défenseur défensif. L'Amiénois a été un modèle de courage et un homme clé lors de la finale contre Lyon (deux buts inscrits et beaucoup de tirs bloqués). Autre spécialiste défensif, Aurélien Gréverend prolonge également son bail à la pointe finistérienne où il progresse à chaque saison. L'ancien Dragon sort d'une remarquable saison d'un point de vue défensif. Il manquera néanmoins le début de saison à cause d'une blessure contractée lors du tournoi de Nantes. Enfin, l'espoir formé au club Gaëtan Cannizzo est le septième et dernier défenseur. Le public sera sans doute ravi de voir un Brestois (et même deux voire trois comme nous le verrons plus bas) pur souche fouler les glaces des patinoires de Magnus. Il jouera également quelques matchs supplémentaires en Coupe de la Ligue avec l'équipe de France U20.

La nouvelle règle des joueurs formés localement (JFL) a un fort impact sur le recrutement de l'ensemble des clubs français. Les joueurs nationaux deviennent plus facilement courtisés. C'est dire si les meilleurs d'entre eux sont difficiles à attirer, surtout si on ajoute à ce facteur un recrutement rendu tardif par la longueur du championnat de D1. La priorité du staff brestois était sans doute d'assurer le plus rapidement possible un nombre suffisant de « JFL » de qualité. De ce côté là, ils s'en sont bien sortis en faisant re-signer les anciens internationaux Erwan Pain et Graham Avenel, accompagné dans son sillage par son frère Jonathan, et également l'ancien Rouennais (encore un !) Quentin Berthon. Quatre joueurs dont l'expérience en Ligue Magnus peut s'avérer précieuse. Celle du duo inséparable Tristan Lemoine - Alexandre Lefebvre (de Rouen, encore et toujours) aurait été bien utile mais ils ont décidé de mettre fin à leur carrière sportive.

Sébastien Oprandi joue la carte jeune pour compenser ces pertes. Dans un premier temps, il rapatrie le polyvalent Nicolas Motreff parti s'exiler une saison à Nice où il aura été convaincant (23 points en 26 matchs). Nous voilà donc avec un deuxième joueur issu du centre de formation brestois dans l'effectif Magnus, et peut-être même trois puisque Dimitri Motreff, petit frère de Nicolas âgé de 17 ans, a joué et marqué un but lors des matchs de préparation. La deuxième recrue est Aïna Rambelo qui n'a pas été conservé par Amiens. L'attaquant originaire de Bordeaux a été notamment l'auteur d'un doublé et une assistance lors d'une rencontre face à Strasbourg lors des derniers play-off. Il signe à Brest afin d'obtenir davantage de temps de jeu. Enfin le staff ajoute un dernier attaquant tricolore en la personne de Valentin Dumélié. Peu utilisé par Miikka Rousu à Dunkerque, il n'aura récolté que trois petits points la saison passée. Son arrivée en Magnus a donc de quoi surprendre, mais comme souvent Sébastien Oprandi accorde beaucoup d'importance à la cohésion de groupe. À Brest, Valentin Dumélié retrouvera ses anciens coéquipiers rouennais Quentin Berthon et Aurélien Gréverend.

Quatre joueurs étrangers complètent l'attaque. On retrouve le fidèle Jaroslav Prosvic pour une cinquième saison consécutive (ce qui est rare à Brest) et la doublette canadienne David Croteau - Nicholas Pard. Cette dernière est un moteur offensif depuis deux saisons. La vision de jeu et les caviars de Croteau se complètent avec la vitesse et le talent de buteur de Pard. La tâche risque néanmoins d'être plus difficile face aux défenses de Magnus, beaucoup plus hermétiques que celles de Division 1.

La seule recrue offensive étrangère est en fait un retour, puisque après des passages réussis à Nice puis à Val Vanoise, Michal Dian retrouve les Albatros où il avait évolué lors de la saison 2010-2011 aux côtés de Martin Gascon, Sébastien Gauthier et consorts pour une saison de 70 points inscrits en 30 matchs. Le talentueux attaquant slovaque a déjà évolué en Magnus sous les couleurs de Clermont-Ferrand (2004-2005) et Dijon (2007-2008). De manière plus surprenante, il évoluait la saison passée en Division 2, un niveau bien en-dessous de ses qualités techniques. Espérons qu'il ne tarde pas à retrouver le rythme du plus haut niveau français.

Le public met la main à la poche

Le Rïnkla Stadium fut la saison passée une forteresse imprenable durant toute la saison régulière et les play-off (16 victoires en autant de rencontres) devant des tribunes pleines. Le club a su profiter de plusieurs éléments. D'une part, les bons résultats de l'équipe ont attiré les curieux. D'autre part, les difficultés sportives des autres sports collectifs de la ville (clubs de handball et basket relégués, résultats moribonds du club de football) ont mis par contraste les Albatros en lumière. Obtenir des tickets pour assister aux matchs devenait de plus en plus compliqué, jusqu'au sommet de la finale où 1500 et quelques places ont été vendues en moins d'une heure. Qu'en sera t-il la saison prochaine où le Rïnkla stadium risque de tomber face aux ténors de la division et où les prix ont augmenté ?

Le club l'a clairement fait savoir, l'objectif de Brest cette saison est le maintien et rien d'autre. Du jamais vu pour une majorité du public habitué à voir les siens jouer le titre ou a minima le haut de tableau dans n'importe laquelle des divisions où ils évoluent. Les probables défaites freineront-elles la fréquentation des gradins ? À voir, ce n'est pas vraiment le style du public breton qui sera sans doute simplement ravi de voir régulièrement le gratin du hockey français. Être dans la poule de Rouen et Angers en Coupe de la Ligue sera l'occasion de les voir a minima deux fois cette saison en Bretagne. On peut même déjà dire quatre fois pour les Dragons qui ont disputé au Rïnkla Stadium le Trophée des Champions face à Briançon le 7 septembre, deux jours après avoir terrassé Brest en amical. Le public breton est gâté.

Le revers de la médaille est l'augmentation (prévisible) des tarifs pratiqués, mettant à contribution le portefeuille des spectateurs. Les offres d'abonnement vont jusqu'à 300 euros, ce qui les met au niveau voire au-dessus des clubs comme Amiens, Angers, Rouen qui jouent le haut de tableau. Pour un seul match, les tarifs peuvent monter jusqu'à 16 euros contre Rouen par exemple. Cette hausse avait été amorcée lors des derniers play-off sans pour autant affaiblir le remplissage de la patinoire, mais sur une période beaucoup plus courte il est vrai.

Une équipe homogène au banc court

Alors, cette mouture brestoise 2013-2014 peut-elle espérer se maintenir ? L'équipe a été peu bouleversée et aura donc l'avantage d'avoir des automatismes rapidement et une cohésion solide en constituant un bloc homogène et combatif pour faire face aux inévitables temps difficiles. Car des périodes de vaches maigres, il risque d'y en avoir forcément en se remémorant que Brest ne s'est pas promené, loin de là, en Division 1 (on pense notamment au bilan très moyen de l'équipe à l'extérieur avec seulement 4 victoires et 9 défaites en saison régulière). Dans une poule de la mort en Coupe de la Ligue, l'aventure risque d'être brève. En championnat, les rencontres face à Caen, Épinal, Morzine, Strasbourg et Villard-de-Lans seront importantes pour espérer se maintenir. Les Albatros devront être intraitables à domicile pour glaner le plus de points possible. Le Rïnkla Stadium doit rester une forteresse difficilement prenable face à des équipes qui auront la plupart du temps un long voyage dans les jambes (le plus proche adversaire est Angers qui se trouve à environ 360 km par la route de la cité du Ponant).

À l'arrivée, peu d'individualités se démarquent de l'effectif. Certes on trouve des joueurs talentueux comme Pard, Croteau et Dian, mais ils ne pourront faire la différence à eux seuls. Cette homogénéité semble parfaitement voulue par le manager Sébastien Oprandi. Face aux moyens financiers limités du club, la stratégie est cohérente et a fait ses preuves lors des derniers play-off. Avec un déficit enregistré la saison dernière de 30 000 euros le club a réussi à constituer un budget estimé à 1 million d'euros pour cette nouvelle saison (contre 780 000 l'an passé). Du fait de sa situation géographique particulière, nul doute que les nombreux et lointains déplacements ponctionnent allégrement le budget. On comprend donc mieux les recrutements audacieux mais modestes des jeunes Rambelo et Dumélié.

Autre volonté de Sébastien Oprandi, celle d'instaurer une concurrence afin de créer une émulation positive entre les joueurs. Les jeunes Quentin Berthon, Aïna Rambelo, Nicolas Motreff, Valentin Dumélié, s'inscrivent dans cette logique. Leurs statistiques respectives ne font pas d'eux des joueurs majeurs à ce niveau. Mais l'opportunité d'avoir du temps de jeu, de progresser et de démontrer ce qu'ils valent peut avoir un effet de boost sur eux et sur le reste de l'équipe.

En l'état actuel de l'effectif, il n'est pas possible d'aligner quatre blocs sans puiser dans l'équipe réserve évoluant en Division 3. Il faudra donc croiser les doigts pour éviter au maximum les blessures car les Albatros auront clairement peu de marge de manœuvre à ce niveau dans un championnat où l'enchaînement des rencontres est plus intense qu'en Division 1. Une campagne de dons a été évoquée lors de l'assemblée générale du club pour permettre le recrutement d'un ou deux joueurs supplémentaires d'ici le mois de novembre. Le club laisse la porte ouverte à quelques remaniements d'ici la date limite de recrutement si cela s'avère nécessaire et si cela est possible.

Loin des ambitions d'antan, la douzième place serait un superbe résultat pour le staff et les joueurs. Le manque de moyens s'est fait sentir en cours de recrutement, mais Brest n'est pas le seul club touché par ces modifications budgétaires dans la division. Des équipes comme Morzine-Avoriaz-Les Gets et Épinal ont également réduit leur voilure. Le staff a tout de même su réagir efficacement face à cet évènement en alliant à la grande stabilité de l'effectif un recrutement que l'on peut qualifier de raisonnable. De quoi espérer pour des Albatros déterminés à faire leur nid en Ligue Magnus.

Benjamin Quioc

 

Effectif :

Gardiens

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur    Club & Ch 2012/13   MJ   Moy.
35 GOETZ Arnaud          05/01/1980  178  73  Grenoble          Brest       FRA-2   22   2,71
45 DUPONT Michael        20/12/1987  180  78  HC Ajoie          Montpellier FRA-2   29   3,25

Défenseurs

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur    Club & Ch 2012/13   MJ   B   A  Pts  Pén
 2 GRÉVEREND Aurélien    09/11/1989  189  86  Rouen             Brest       FRA-2   32   0   6   6   28'
 4 HOLIK Vladimir        27/02/1978  184  89        (Tchèque)   Brest       FRA-2   32   8  19  27   24'
 6 EVANS Thomas          04/08/1989  188  93  (Canado/Danois)   Mont-Blanc  FRA-2    8   2   4   6   18'
                                                                Morzine     FRA-1   26   2   2   4    6'
 7 CARLSSON Daniel       24/02/1977  187  87         (Suédois)  Brest       FRA-2   31   5   8  13   28'
22 CANNIZZO Gaëtan       31/03/1994  186  86  Brest             Brest       FRA-2   27   0   1   1    4'
23 POULIN David          15/08/1990  183  95        (Canadien)  Brest       FRA-2   30   8  31  39   33'
37 HENNEBERT David       18/02/1984  175  78  Amiens            Brest       FRA-2   32   4   9  13   20'

Attaquants

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur    Club & Ch 2012/13   MJ   B   A  Pts  Pén
14 PARD Nicholas         13/05/1990  181  79        (Canadien)  Brest       FRA-2   29  32  32  64   79'
18 BERTHON Quentin       25/01/1990  175  75  Lyon              Brest       FRA-2   30   7   4  11   36'
20 DUMÉLIÉ Valentin      30/08/1990  180  74  Dunkerque         Dunkerque   FRA-2   29   2   1   3   22'
39 AVENEL Jonathan       04/06/1987  185  77  Caen              Brest       FRA-2   32  13  19  32   48'
40 DIAN Michal           11/02/1980  173  75        (Slovaque)  Val Vanoise FRA-3   17  16  26  42   20'
44 CROTEAU David         15/07/1983  182  82        (Canadien)  Brest       FRA-2   29  22  40  62   77'
66 RAMBELO Aïna          31/01/1991  183  82  Bordeaux          Amiens      FRA-1   30   4   2   6    2'
74 AVENEL Graham         26/06/1989  184  81  Caen              Brest       FRA-2   32  10  16  26   44'
80 PROSVIC Jaroslav      23/02/1982  186  91        (Slovaque)  Brest       FRA-2   32  18  33  51   48'
81 PAIN Erwan            14/02/1986  178  81  Grenoble          Brest       FRA-2   29  17   8  25   24'
89 MOTREFF Nicolas       02/09/1989  174  80  Brest             Nice        FRA-2   26  12  11  23   24'

Entraîneur : Sébastien Oprandi (FRA, 37 ans).

Départs : Landry Macrez (G, 4,01 buts/match, Morzine-Avoriaz), Léo Bertein (G, 1,66 buts/match, retour de prêt à Amiens), Alan Dana (D, 2+2, Nantes, FRA-2), Alexandre Lefebvre (A, 6+9, arrêt), Tristan Lemoine (A, 4+10, arrêt), William L'Arvor (A, 0+1, Marseille, FRA-4).

 

 

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