Bilan de la Ligue Magnus

 

La page du championnat de France 2010/11 de Ligue Magnus

 

Premier : Rouen. 8 janvier 2011 : à quelques jours de partir pour la Coupe Continentale, Rouen connaissait son premier accroc à domicile en perdant contre Chamonix (1-3). Le capitaine Carl Mallette, vexé de la réaction du public, fait rentrer tout le monde rapidement aux vestiaires. Cache-t-on un malaise ? À courir tous les lièvres à la fois, les Dragons risquent-ils alors de tout perdre en revenant de Minsk ?

Le débat pourrait être ouvert à ce stade. Leur effectif semble à la merci des blessures. Marc-André Thinel, auteur d'un début de saison exceptionnel, est alors en délicatesse avec ses adducteurs. Les recrues laissent des impressions disparates : si le patinage de François-Pierre Guénette s'est mis au service de sa nouvelle équipe, la vitesse de Mathieu Brunelle s'est trop rarement rendue utile. Quant aux champions en titre, ils ne retrouvent pas tous leur niveau de l'an passé, à l'instar de Luc Tardif.

Les doutes ne durent pas longtemps. Les Dragons reviennent battus du Bélarus, mais très motivés et prêts à un rythme de haut niveau. Dès lors, plus personne en France ne leur résiste. Ils enchaînent 21 victoires consécutives et savourent de grands moments. Ils se font sacrer au passage rois de Bercy en frustrant le rival annoncé Angers. Ils prennent leur revanche de la défaite en saison régulière au Coliseum en remontant un retard de quatre buts contre leur ennemi juré Amiens en demi-finale de Ligue Magnus. Le RHE remporte ainsi le doublé coupe-championnat, le seul qu'il manquait à son palmarès.

Cette période faste a coïncidé avec l'arrivée dans leur meilleure forme de Carl Mallette et Julien Desrosiers. Étincelants en finale de Coupe de France, ils ont aussi empoché au passage les deux premières places du classement des marqueurs de la Ligue Magnus. Et dire qu'en début de saison, certains se demandaient si Mallette redonnerait son plein potentiel après avoir été nanti d'un contrat à durée indéterminée à seulement 28 ans.

Plus personne n'avait conservé son titre depuis Brest avant de larguer les amarres en 1997. En réussissant à s'installer au palmarès en arrêtant le courant alternatif, Rouen a définitivement conçu sa dynastie. 11 fois champions lors des 22 dernières saisons, les Normands ont déjà raflé la moitié des trophées. Et bientôt ils voudront devenir majoritaires...

 

Deuxième : Strasbourg. Toute réputation de froideur alsacienne a été vigoureusement démentie par la chaleur du public pendant les play-offs 2011 de Ligue Magnus. Rempli à ras bord, l'Iceberg a fondu de plaisir. L'hospitalité n'était pas de mise pour les vagabonds qui ont frappé à la porte de la patinoire strasbourgeoise. Les anciens sans-abri d'Épinal y ont achevé leur saison, avant que les futurs sans-abri de Gap n'y voient leurs espoirs s'envoler après avoir remporté les deux premières manches. Cette remontée fantastique a donné le plein de confiance à l'Étoile Noire.

L'invincibilité à domicile en play-offs a continué face à Angers, qui est tombé de très haut. Les Ducs se sont cassé les dents sur le gardien slovaque Vladimir Hiadlovsky, mais pas seulement. "La meilleure équipe a gagné", constatait en observateur l'entraîneur rouennais Rodolphe Garnier, lui-même surpris du dénouement de cette demi-finale. Les Dragons ont donc affronté une équipe strasbourgeoise tout bonnement exténuée, qui avait déjà battu Angers malgré la fatigue physique, mais qui ne pouvait plus résister par le seul courage après avoir perdu deux défenseurs au premier match de la finale, dont le leader des lignes arrières Pasi Petriläinen.

Strasbourg restera comme le finaliste le plus surprenant de l'histoire, issu d'une onzième place en saison régulière qui ne reflétait certainement pas sa valeur. Il avait en effet perdu trois points à l'automne dans un imbroglio réglementaire. Doug Bradley, victime d'un piquage du capitaine angevin Jonathan Bellemare, avait réagi violemment et écopé d'une méconduite pour le match. C'est du moins ce que tout le monde pensait sur le moment. La sanction a ensuite été commuée après la rencontre en une pénalité de match, une modification sur la feuille de match que plus personne à Strasbourg ne se souvenait avoir signée. Les Alsaciens ont perdu le bénéfice de leur victoire au match suivant à Villard-de-Lans, joué avec le suspendu, plus un point de pénalité. Ils ont traîné "l'affaire" comme un boulet : leur bonne foi a été reconnue, mais leur faute attestée.

Les Alsaciens, qui étaient encore leaders en octobre au moment où Lionel Tarantino et Édouard Dufournet étaient même appelés en équipe de France, n'en finissaient plus de chuter au classement, comme s'ils avaient perdu le fil de la saison. La vengeance étant un plat qui se mange froid, elle a finalement été consommée en demi-finale pour le retour en Alsace de Bellemare et compagnie. Ayant perdu au fil du temps sa place en première ligne au profit du physique Tarantino puis de l'espoir local Timothée Franck, Bradley apportait son écot par des pénaltys. Mais c'est un duo magique qui a porté Strasbourg en play-offs : le vétéran slovaque Jan Cibula a pratiqué son art de la passe pour servir un David Cayer - photo - transfiguré au point de marquer deux fois de plus en play-offs qu'en saison régulière.

 

Troisième : Angers. Martin Lacroix se sera beaucoup investi à Angers. En août, il n'a pas hésité à revenir sur son engagement au Québec pour venir rassurer une équipe traumatisée par le suicide de son entraîneur Alain Vogin. Il n'a finalement assuré qu'un intérim avant l'arrivée de Kevin Constantine, au grand passé en NHL. L'entraîneur américain a introduit des systèmes de jeu complexes, potentiellement plus performants mais aussi plus difficiles à assimiler. Après avoir longtemps essuyé les plâtres, y compris dans une rouste 8-1 à Rouen, les Ducs paraissaient enfin trouver leurs repères... quand leur club laissait partir Constantine vers un défi suisse plus lucratif et palpitant à Ambrì-Piotta. Les joueurs étaient de nouveau perdus et orphelins, tactiquement cette fois.

De nouveau, les rênes revenaient à Martin Lacroix. Le profil parfait d'adjoint communicatif et proche des joueurs était bombardé seul coach, sans assistant, pour encadrer des hockeyeurs qui étaient pour la plupart ses anciens coéquipiers. Une configuration qui portait les germes du problème. Angers, destiné à devenir le grand rival de Rouen, n'en a pas eu l'occasion, frustré en finale de Coupe de France et battu dès les demi-finales en championnat.

Les objectifs n'ont pas été atteints, et le lendemain de l'élimination, Martin Lacroix, qui espérait un sursis et une réflexion à froid, était convoqué par le président Mickaël Juret qui lui signifiait son éviction. Il n'était pas l'homme de la situation, certes, mais c'est parce que la situation s'était imposée à lui par les circonstances. Le Québécois n'aura pas eu les égards qu'il escomptait.

Le bilan triste de la saison angevine compte tout de même une découverte positive : Marc Bélanger. Pour lui, le staff angevin avait dérogé à ses principes en le recrutant sans l'avoir vu jouer, ce qui n'avait jamais été le cas sauf pour le champion du monde Kiprusoff. Heureusement, les avis indirects n'avaient pas menti : Bélanger, habile techniquement, a eu un impact immédiat, y compris physiquement. Titulaire d'un double passeport franco-canadien, il rêve même de jouer pour l'équipe de France en 2012-13, après les deux années en Magnus qui le rendraient sélectionnable. Il n'aurait alors que 29 ans.

 

Quatrième : Amiens. La reconquête du public s'est poursuivie à Amiens, qui ne se fourvoie plus dans son recrutement. À l'instar d'un Paul Deniset convaincant en leader offensif, les Gothiques n'avaient pas commis d'erreur et se réconciliaient donc avec leurs supporters. Restait à concrétiser en remplissant les objectifs annoncés.

On sait bien que le rêve d'un succès en coupe n'est pas programmable, surtout avec une équipe qui n'avait pas totalement gommé son inconstance, à l'instar d'un Kevin Bergin parfois inquiétant de lenteur et parfois convaincant. Il faut se présenter en forme le bon jour pour que cela fonctionne. Mais de là à se faire éliminer de la Coupe de France par une équipe de division inférieure (Neuilly-sur-Marne), il y a un monde. Ce fut la plus grosse déconvenue de la saison, qui a obligé à se reporter sur le championnat. Deux semaines plus tard, les Picards faisaient oublier leur faux-pas en faisant tomber Rouen, leur plus beau succès d'estime et d'amour-propre.

Mais là encore, l'objectif a été manqué. Amiens a occupé la cible visée, le top-4 de la saison régulière, presque tout le championnat... avant de perdre sa place dans la dernière ligne droite. Ce n'était cependant qu'un demi-échec, puisqu'il était rattrapé dans la confrontation directe avec Briançon en quart de finale.

Les Gothiques pouvaient donc affronter Rouen en demi-finale, et après s'être inclinés avec les honneurs à l'extérieur, ils paraissaient tout à fait capables de faire mordre la poussière une seconde fois au Dragon en Picardie. À 4-0, le Coliseum était en transe. L'invincible série rouennaise semblait toucher à sa fin. Deux victoires sur le rival normand la même saison, et la renaissance d'Amiens aurait été confirmée. Mais décidément, à chaque fois, les Gothiques se sont arrêtés à mi-chemin de leur quête cette saison.

 

Cinquième : Gap. La dernière fois que Gap avait figuré aussi haut dans le championnat de France, c'était dans les années 80, les années-fric, suivies dans le hockey sur glace des années-faillites. Aujourd'hui, il n'y a plus de star de l'envergure des Huras ou Cloutier, mais les Rapaces ont su surprendre - et se surprendre ! - en figurant sur le podium de la saison régulière sans faire de folies.

Une réussite indéniable pour Patrick Turcotte, élu meilleur entraîneur de Ligue Magnus pour son retour en France. Là encore, personne ne l'aurait imaginé candidat à cette distinction a priori, mais il l'a méritée. Judicieux dans son coaching, il a souvent su prendre des temps morts bien placés. Gap a su être extrêmement solide en gagnant 16 fois sur 18 après ouverture du score. Lorsqu'ils ont encaissé le premier but, en revanche, les Rapaces ne sont sortis vainqueurs que 3 fois sur 13.

Une statistique qui trahit une stratégie plutôt défensive. Gap apparaissait ainsi une équipe redoutable quand elle protégeait son avance, car elle s'appuyait en grande partie sur Ronan Quemener, désormais le seul jeune gardien de l'équipe de France (aux côtés des vétérans Huet et Lhenry), qui lui permettait d'être compétitif à chaque match.

On aurait pourtant tort de négliger la qualité offensive d'une équipe qui a terminé avec la cinquième attaque de Ligue Magnus. En plus de l'éternel Jiri Rambousek, elle disposait d'un nouvel atout avec Rane Carnegie, joueur capable de faire la différence offensivement par sa vitesse. Malheureusement, comme à Neuilly-sur-Marne il y a deux ans, le Canadien était plus convaincant sur la glace qu'en dehors, et il a donc été limogé avant les play-offs pour "préserver la solidarité du vestiaire". Lui qui savait conclure aura sans doute pour "terminer" le quart de finale si bien commencé contre Strasbourg, qui a ensuite volé la vedette à l'équipe-surprise de la saison régulière.

 

Sixième : Briançon. Inscrits en Ligue Magnus après leur "été le plus long", les Diables Rouges s'attendaient à connaître une saison plus ardue. Ce qu'ils n'avaient pas envisagé, c'est qu'ils pourraient perdre le leadership départemental vis-à-vis de Gap, le voisin et rival que Luciano Basile ne pouvait plus se permettre de prendre de haut.

En se faisant doubler à la dernière journé par les Rapaces, en raison d'une défaite inattendue contre Épinal, les Briançonnais se condamnaient à un quart de finale compliqué face à un Amiens bien décidé à venger son élimination de 2007. Décidément, pendant les années fastes, Briançon avait attisé bien des esprits revanchards.

Malgré les restrictions budgétaires, Luciano Basile avait pourtant encore constitué une équipe de bon niveau. Mais cette saison, les clubs qui avaient fauté financièrement ont été frappés par une double peine : une divinité impitoyable les a punis en priorité. Comme l'autre "banni de coupe" Grenoble, Briançon a perdu trois joueurs avant terme sur blessure, Edo Terglav, Sébastien Rohat et Nicholas Romano, dont les genoux lâchaient tour à tour. Certes, la première ligne Perez-Raux-Bernier, la seule qui maintenait des performances constantes, n'étaient pas touchée, mais la profondeur de banc était assez entamée pour mettre fin à une série de quatre demi-finales consécutives.

 

Septième : Morzine-Avoriaz. Si le HCMA a déjà opéré plusieurs réorientations stratégiques ces dernières années, il est toujours resté fidèle à sa ligne dans le courant d'un exercice. Le déroulement mouvementé du championnat peut donc être qualifié d'inhabituel.

Que l'entraîneur Santeri Immonen coupe les ponts avec la glace a été le changement le plus naturel du lot. Pour pouvoir pleinement remplir son rôle de coach, il ne pouvait plus entrer en jeu, même dans un rôle d'appoint. L'entraîneur-joueur s'est donc concentré sur la première de ses deux fonctions au bout de deux mois, et il avait besoin de toute sa lucidité sur le banc car les résultats n'étaient pas toujours au rendez-vous.

La décision de se séparer de Guillaume Richard a été beaucoup plus douloureuse. Le manager Jérôme Baud et l'entraîneur Santeri Immonen avaient maintenu leur confiance en ce jeune gardien, mais quelques contre-performances ont accentué la pression de l'environnement sur ce poste très exposé. Comme ils lui trouvaient des petites lacunes techniques toujours pas gommées, ils ont choisi de changer de gardien avant la clôture irrémédiable des transferts. Une décision partagée au sein du club, mais souvent incomprise dans le reste de la Ligue Magnus et en Division 1, où Richard s'est parfaitement relancé à Anglet. Les résultats ne se sont pas améliorés avec Tuomas Lohtander. Le nouveau gardien finlandais n'a cependant pas été aidé par ses coéquipiers, qui ont multiplié les erreurs importantes en défense pendant un mois de décembre catastrophique. C'est le second gardien local Adrien Morin qui aura le mieux profité de ces doutes récurrents sur le titulaire pour faire ses premières apparitions en Magnus, sans trembler.

La troisième rupture fut la plus brutale, au lendemain d'une qualification au premier tour des play-offs contre Chamonix qui aurait dû adoucir le bilan. La victoire fut célébrée par certains joueurs de manière inconvenante et même dangereuse. Dans un petit village comme Morzine où tout se sait, impossible de passer cette indiscipline sous silence. Avant que l'affaire ne prenne de l'ampleur, les hockeyeurs incriminés (Denis Kadic, Matic Kralj, Stefan Majernik et Nicolas Antonoff) ont été mis à pied.

Sans ses deux meilleurs marqueurs (le duo slovène Kadic-Kralj) et avec des lignes réduites, le quart de finale contre Rouen devenait mission impossible. Il l'aurait sans doute été même avec une équipe complète. Le plus grand regret concerne surtout la demi-finale de Coupe de France perdue contre Angers, et avec elle la vitrine médiatique de Bercy. Cet effectif n'aura sans doute jamais exploité tout son potentiel.

 

Huitième : Villard-de-Lans. Les gentils Ours débonnaires ont montré un peu plus les dents cette saison. Les renforts canadiens ont apporté un jeu plus physique, au point de finir bons derniers au classement du fair-play. Marc-André Tourigny, après avoir mis les poings sur les "i" dans une bagarre avec Tartari lors du premier derby, a mis du temps à calmer ses ardeurs. Nicolas Sigouin, en dépit de son nom, n'était pas un sagouin. Son partenaire défensif Guillaume Tougas en revanche est un défenseur rugueux par nature, souvent pénalisé pour ses charges, mais sans volonté de blesser, même s'il a rompu les ligaments croisés du Briançonnais Rohat, pour sa seule pénalité de match.

Le Canadien le plus remarqué est néanmoins celui qui aura le moins fréquenté les bancs des prisons : le centre Jean-Christophe Gauthier (en photo ci-contre). Sa capacité d'accélération en deux-trois coups de patin peut lui permettre de laisser deux défenseurs sur place, et ensuite, son tir est un des plus précis de la Ligue Magnus. Ses 21 buts en saison régulière font toute la différence. Caen en aura tiré les leçons et recruté Gauthier. Comparativement à la maladresse normande dans le dernier geste, c'est certainement son efficacité qui a permis à Villard de jouer les play-offs et non les barrages de maintien.

Si encore Villard n'avait fait que les jouer, ces play-offs ! Les Ours ont fait bien mieux, ils ont remporté en à peine deux manches le derby contre Grenoble, avec un triplé de... Gauthier. "Taper" le voisin grenoblois même affaibli, voilà qui est de nature à rendre inoubliable une saison villardienne qui aura sans cela été tout juste moyenne.

 

Neuvième : Épinal. Pareille saison aurait mérité meilleure exposition que ces infrastructures provisoires, si rebutantes pour le public. La précarité du "hangar" n'offrait pas plus de plaisir à ses locataires, forcés de se coltiner des vestiaires froids et humides tout au long de la saison. Pas de quoi favoriser l'acclimatation des nouveaux arrivants, Maxime Boisclair notamment, qui a mis trois bons mois pour trouver la bonne carburation.

Pourtant, jamais l'ICE n'a paru si près d'intégrer le gratin du hockey français. Vainqueurs, à force de courage, d'abnégation et parfois de réussite, de tous les cadors du championnat, les hommes de Santino Pellegrino sont passés maîtres dans l'art de déjouer les pronostics.

L'entraîneur canadien a brouillé parfois lui-même les cartes, par exemple en alignant en attaque un Benoît Quessandier qui a perdu ses galons d'international lors d'une saison encore peu valorisante et tronquée par les blessures. Autre joker pour l'offensive, Jan Hagelberg, que sa vivacité et sa précision de tir ont sacré meilleur buteur des défenseurs de Ligue Magnus devant les authentiques blueliners en supériorité numérique. Stéphane Gervais était de ceux-là il y a deux ans, mais il n'a jamais retrouvé ses sensations, avec une réactivité desservie par le contrecoup de son opération au ménisque.

Épinal s'est donc surtout appuyé sur ses attaquants, avec évidemment Jan Plch, flanqué de son lieutenant Michal Petrak. Ce dernier, brillant en novembre, ne fut ensuite plus que l'ombre de lui-même. Imprécisions, méformes et mauvais choix sont venus gangrener son jeu, transformant ce buteur régulier en attaquant gaffeur et inefficace. Était-il en sur-régime ? Il n'était sans doute pas le seul, car faute de profondeur de banc, les Vosgiens ont fini sur les rotules. Les tombeurs de favoris n'ont pas joué les trouble-fête longtemps en play-offs, défaits dès le tour préliminaire par Strasbourg.

 

Dixième : Grenoble. Depuis dix ans et le passage-éclair en division 3, Grenoble avait toujours terminé dans les quatre premiers du championnat. Passé à nouveau au bord du gouffre financier, le club isérois ne s'en est pas sorti par la pirouette d'un dépôt de bilan ce coup-ci, mais par une cure prolongée d'amaigrissement forcé. Il a donc terminé plus bas que l'an dernier, où il avait pourtant subi un handicap initial de six points de pénalité.

Le banc réduit constituait une opportunité idéale de se mettre en valeur. Cantonné auparavant dans les tâches défensives, Julien Baylacq a prouvé qu'il savait aussi trouver le chemin des filets avec 10 buts. Le buteur Nicolas Arrossamena et l'arrière Maxime Moisand ont profité de leurs responsabilités accrues en club pour être invités à leurs premiers championnats du monde, même si c'était souvent sur le banc en tant que treizième attaquant et septième défenseur de l'équipe de France.

Malheureusement, les jeunes recrues offenives Mathieu Leblond et Graham Avenel n'ont pas connu la même réussite. En panne de leaders, avec un duo tchèque reconstitué Broz/Krayzel moins percutant qu'autrefois, les Brûleurs de Loups ont très souvent fait appel aux maîtres défenseurs Baptiste Amar et Alexandre Rouleau pour apporter le soutien en attaque. Longtemps, cela a paru suffire. La triple victoire sur Briançon pendant les fêtes de fin d'année a offert un trophée au club (la Coupe de la ligue) et a permis de remonter dans le haut du classement, laissant augurer d'une bonne fin de saison.

La gueule de bois est venue à retardement, plusieurs semaines après les réveillons. La double fracture malléole/péroné du capitaine Baptiste Amar privait l'équipe de son meneur incontesté. Le gardien Eddy Ferhi, déjà menacé par la concurrence de Sébastien Raibon, se blessait à son tour et achevait avant terme son parcours grenoblois. Jamais deux sans trois : l'international slovène Mitja Sivic était le dernier à se blesser et laissait un effectif plus démuni que jamais. Les Brûleurs de Loups n'arrivaient même plus à tiédir les Ours descendus du Vercors et se faisaient sortir dès le tour préliminaire. Les excès financiers ont finalement été payés cher... mais toujours moins que par une saison en D3.

 

Onzième : Chamonix. Les Chamoniards figuraient encore en dernière position début décembre, loin de leurs espérances. Face à un tel manque de réussite, d'autres groupes auraient pu craqueler, puis se fissurer. Mais au CHC, l'ambiance est restée bonne dans le vestiaire, où chacun savait que l'équipe était capable de bien mieux. Le gardien Florian Hardy réalisait de bonnes performances, et les trois paires d'arrières, stables et donc complémentaires, étaient toutes trois solides.

Chamonix a ainsi terminé avec la quatrième meilleure défense de Ligue Magnus, mais c'est en attaque que résidait le problème. Pendant longtemps, cela ne voulait tout simplement pas rentrer. Le doute s'est installé, y compris en jeu de puissance où le CHC a terminé avec les plus mauvaises statistiques du championnat alors qu'il semblait capable de mieux avec un défenseur offensif comme Brent Patry pour l'emmener.

Offensivement, les armes étaient limitées, mais heureusement, Carl Lauzon a réussi une fantastique transition de la division 1 à la Ligue Magnus. Inscrivant à lui seul 27% des buts de son équipe, un taux de dépendance unique en Ligue Magnus, le petit Canadien s'est parfois senti un peu seul devant, à l'exception du vétéran Richard Aimonetto qui l'alimentait toujours en passes. Lorsqu'enfin les autres joueurs se sont "débloqués", entre décembre et janvier, les Chamois ont enchaîné quatre victoires d'affilée, avec comme apothéose la victoire à Rouen, pour trouver une place plus conforme à leur niveau. Ils ont même récupéré une huitième position finale, la meilleure position en Ligue Magnus.

Cependant, les hommes de Stéphane Gros n'ont pas su confirmer face à l'ancienne équipe de leur entraîneur, Morzine-Avoriaz. Ils ont pourtant remporté la première manche à l'extérieur, puis ont produit du jeu à domicile selon leur habitude, pour échouer de peu pendant deux défaites dont une aux tirs au but. Fin un peu frustrante pour une saison qui paraissait en crescendo.

 

Douzième : Dijon. Tout comme Daniel Bourdages à Strasbourg, l'entraîneur Daniel Maric paraissait indissociable du hockey en élite à Dijon. Il est arrivé il y a dix ans, alors que le club était en D2, et a participé à tous les succès du club, dont la victoire en Coupe de France. Mais si la saison a fait office de couronnement pour le travail de Bourdages, elle a sonné le glas des efforts de Maric.

Le caractère ombrageux de l'ancien gardien avait provoqué depuis longtemps l'ire de quelques joueurs, mais les mécontents n'avaient qu'à fuir la Bourgogne. Dijon, c'était Maric, et tout le monde le savait. Le système fonctionnait tant que l'entraîneur bénéficiait du soutien de ses dirigeants et de quelques "habitués", hommes de confiance au sein de l'équipe.

Ce n'était plus le cas cette année. Maric était en froid avec le président Olivier Ritz, et il s'est même brouillé avec son capitaine Stephen Dugas, à qui il a retiré sa fonction en janvier pour la confier à Thomas Decock. L'ex-capitaine de longue date et son coach ne s'adressaient même plus la parole, ajoutant à la froideur de l'ambiance dans les vestiaires. La rupture était déjà consommée à ce stade, et le départ de l'entraîneur inéluctable. Malheureusement, il s'en va sur une triste saison terminée à une piteuse douzième place.

En même temps que son coach, Miroslav Kristin tire lui aussi sa révérence, loin de son meilleur niveau à son retour de blessure. Il y a quelques années, les départs conjoints de Maric et Kristin auraient été considérés comme un désastre pour un club qui se reposait sur eux. Aujourd'hui, ils sont dans la logique des choses. Si le DHC n'a plus besoin d'eux, c'est qu'il a grandi. Le club se structure, il gagne des licenciés dans les petites catégories, il place ses jeunes dans les équipes de France... et il se sent donc prêt à tourner une page de son histoire.

 

Treizième : Caen. L'éviction si discutée de l'entraîneur-joueur de la montée David Dostal, resté dans les cœurs d'une partie du public, a laissé des traces à Caen. Son successeur Bertrand Pousse vivait une première expérience délicate comme coach principal d'une équipe à ce niveau, en sachant que les nostalgiques de Dostal risquaient de se faire entendre les soirs de défaite. Mais son sérieux et sa maîtrise de l'anglais lui ont permis de s'imposer dans le vestiaire, y compris auprès des joueurs étrangers.

La tâche n'en était pas moins difficile en raison des limites de l'effectif. En même temps que Dostal était parti son vieux complice Vorobel. Les meilleurs produits du cru avaient quant à eux choisi d'effectuer leur retour en élite ailleurs, dans des clubs plus huppés, avec plus (Janil) ou moins (Graham Avenel) de bonheur. Les trous ont été comblés par des renforts étrangers de calibre suspect. La défense, privée des muscles de Vorobel et Janil, paraissait plus faible physiquement, les nouveaux venus Samuel Gibbons et Vladimir Urban perdant trop de duels.

Caen avait plus de répertoire offensif, du moins tant qu'il s'agissait de remonter le palet et de porter le danger en zone adverse. C'est ensuite que ça se gâtait. Le HCC était atteint d'une incapacité pathologique près du but, et il n'a donc placé aucun joueur dans les cinquante premiers marqueurs. Faute de pouvoir concrétiser leurs intentions, les Normands ont donc fini en barrages de maintien.

Après avoir concédé une des deux premières manches à domicile, Caen était en danger d'élimination en Haute-Savoie. Heureusement, Pierre Bennett, jusqu'ici peu productif à l'image des jeunes du club, a marqué autant de buts en un match (3) que durant tout le reste de la saison. Les Drakkars ont repris l'avantage et se sont sauvés le lendemain, en espérant que cette lutte pour la survie constituera un gain d'expérience important pour l'avenir.

 

Quatorzième : Saint-Gervais/Megève. On prédisait au Mont-Blanc sept ans de malheur. Du moins sept ans de dettes qui laissaient présager tôt ou tard un retour presque inexorable à la case D1. Mais ce serait à la glace de décider. Et si les espoirs locaux avaient plus d'un tour dans leur sac ? Et s'ils traduisaient la volonté formatrice affichée en résultats ?

Peine perdue. Privés de l'encadrement des vétérans retraités, les jeunes peinaient à prendre place dans les patins de leurs aînés. Le seul qui franchissait véritablement un palier supplémentaire, Romain Orset, était arrêté dans son élan par une blessure.

Il fallait donc se reposer sur les étrangers bon marché, dont la provenance n'inspirait pas toujours confiance. Débarqué du relégué de D1 Amnéville, Johan Chang paraissait parti pour connaître sa descente consécutive, mais cette fois sans avoir gonflé ses statistiques. Le Suédo-Chinois était attendu comme le buteur, il fut malheureusement transparent. Par contre, Jeffrey Clarke, venu du championnat espagnol, fut la bonne surprise du Mont-Blanc qui se découvrait là un vrai leader offensif.

Cela ne suffisait cependant pas à combler les lacunes de la défense. À cinq journées de la fin, alors que la présence du Mont-Blanc en barrage de relégation ne faisait plus guère de doute, les dirigeants tentaient le tout pour le tout en retirant la responsabilité de l'équipe senior à Christopher Lepers pour la confier à Christian Pouget, rentré dans la région depuis sa mise à la porte peu élégante à Rouen. Le charisme de l'ancien international a permis de ressouder l'équipe et de la préparer à l'objectif du maintien. Le barrage a certes été perdu, mais avec Pouget, l'Entente Saint-Gervais/Megève s'est trouvé une référence autour de laquelle elle peut reconstruire.

 

Marc Branchu

 

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