KHL 2009/10 : bilan

 

Résultats du championnat russe

 

Ak Bars Kazan (1er) : la dynastie de la confiance

Quatre finales et trois titres en cinq ans : Kazan a instauré une dynastie inédite depuis l'écroulement de l'URSS. Loin de provoquer un changement d'ère, la KHL n'a fait que confirmer cette domination des Tatars. Le plus intéressant dans cette dynastie, c'est le moment où elle a commencé : en 2005, à la fin du lock-out NHL, alors qu'Ak Bars venait de recruter une enfilade de stars mondiales (Kovalchuk, Lecavalier, Kovalev, Heatley et compagnie) pour un résultat désastreux. À qui la faute ? À l'entraîneur, évidemment, qui n'a pas su former une équipe gagnante à partir d'un matériel aussi cher et aussi talentueux ? Hé bien non !

Le coach Zinetula Bilyaletdinov a été conservé malgré cet échec. Est-ce parce qu'il est Tatar qu'il a été protégé ? Après tout, il représente l'élément de fierté patriotique, ô combien forte au Tatarstan, au sein d'une équipe qui s'est rarement appuyée sur les joueurs locaux (Kazan est pourtant un bon club formateur, voir résultats juniors). Peut-être que, plus simplement, les hauts responsables politiques et sportifs de la République se sont regardés dans la glace. Ce sont eux qui avaient voulu "acheter" le titre pour fêter le "millénaire" de la ville de Kazan, et ils ont donc assumé l'échec. Bilyaletdinov n'avait rien demandé, et en bon coach il connaissait sûrement les problèmes intrinsèques d'une équipe constituée de stars.

La marque de confiance témoignée à l'époque, Bilyaletdinov l'a rendue. Le club ne voulant pas le laisser cumuler les deux fonctions, il a renoncé au poste de sélectionneur national. C'est donc Bykov qui est devenu l'homme qui a ramené la Russie à la victoire. Dans le même temps, Bilyaletdinov est l'homme de tous les records en championnat de Russie post-soviétique, avec six finales et quatre titres. Les débats sur l'identité du meilleur entraîneur russe actuel se circonscrivent donc à ces deux-là.

Les affres du lock-out sont bien loin, et aujourd'hui Bilyaletdinov est maître du recrutement. Il définit tous les transferts. C'est lui en particulier qui a constitué la colonie finlandaise : il a gardé le centre très complet Niko Kapanen, il a supervisé Jarkko Immonen aux championnats du monde puis l'a fait venir, et il a ensuite trouvé Janne Pesonen. Des accents finnois encore renforcés en cours de saison. Bilyaletdinov a décidé de l'échange qui a envoyé le décevant Mikael Tellqvist à Rauma en retour du meilleur gardien du championnat finlandais Petri Vehanen, puis il a recruté Hannes Hyvönen à Minsk car Pesonen a été victime d'une fracture compliquée de la main n'est rentré qu'en play-offs.

Les Finlandais, qui au départ étaient de parfaits compléments au collectif, se sont retrouvés en première ligne dans la conquête du titre. Les play-offs se sont en effet transformés en jeu de massacre pour Kazan, qui a perdu les deux joueurs-clés de sa dynastie. Dès le premier match, Danis Zaripov a été évacué sur civière. Pire que tout, l'indiscutable meneur Aleksei Morozov s'est blessé à l'épaule au troisième match de la finale, alors que les deux premières manches avaient été gagnées. Une perte presque fatale : sans son capitaine, l'Ak Bars a perdu trois rencontres de suite et était au bord de la destitution... et puis, comme l'an passé contre Yaroslavl, il a renversé la finale pour gagner les deux dernières manches et être sacré au septième match.

Un titre obtenu grâce à un impeccable sacrifice défensif. Le capitaine de remplacement Ilya Nikulin a encore été majestueux, et le rugueux Anatoli Emelin l'a rejoint en équipe de Russie grâce à des prestations également solides. Après avoir gagné sans ses vedettes, Kazan a plus de piliers que jamais.

 

HK MVD Balashikha (2e) : Cendrillon pendant une saison

Le transfert d'Aleksei Kudashov est loin d'avoir fait la une des journaux à l'intersaison. Ce joueur de 38 ans n'était plus désiré à Yaroslavl et avait reçu des offres exclusivement d'équipes du bas de tableau. Il avait choisi la plus proche de Moscou, en l'occurrence le MVD. Un club qu'il a totalement transformé, de l'avis de tout l'encadrement. Ce nouveau capitaine a amené un caractère de vainqueur. Ses discours ont inspiré le vestiaire comme jamais.

Kudashov a tellement apporté que sa blessure à l'épaule en décembre aurait pu ruiner la saison. Mais il a continué à voyager avec l'équipe, et son état d'esprit était contagieux. Même sans lui, le MVD affichait une grande homogénéité : tous les joueurs se sont comportés en leaders et ont pris leurs responsabilités. C'est ainsi que l'équipe-surprise de la saison a éliminé le Loko, l'ancien club de son égérie Kudashov, pour accéder à la finale et passer tout près du titre.

Une sensation jamais vue dans le hockey russe, où la hiérarchie est en général bien établie. Le MVD avait terminé dix-huitième un an plus tôt et avait pourtant conservé son entraîneur et l'essentiel de ses joueurs. Sans le moindre contrat de millionnaire, il a préféré la progression interne au recrutement grandiloquent. Au club depuis sa création, le centre de la première ligne Aleksei Tsvetkov a ainsi été un maillon essentiel avant de franchir encore un cap en play-offs.

Quant au coach Oleg Znarok, au lieu d'être viré pour cause de non-qualification, il a pu poursuivre ses idées et n'a récolté que des louanges pour le parcours mais aussi pour le jeu de son équipe. Le hockey du MVD est dans la tradition soviétique, fondé sur le patinage, les passes, l'entrée de zone en possession du palet. Il utilise toutefois plus de forechecking que le jeu que le même Znarok met en place en équipe de Lettonie. En play-offs, cependant, il a plutôt mis l'accent sur une défense intelligente et adaptée à l'adversaire, avec le succès que l'on sait.

Un succès... sans lendemains, du moins pas sous cette forme, et pas à Balashikha. Le Ministère de l'Intérieur (communément dénommé par ses initiales MVD) a en effet souhaité la fusion de "ses" deux clubs, le HK MVD qu'il a directement créé, mais aussi le Dynamo qui était historiquement le club des services secrets. Une idée lancée en plein milieu de la finale et concrétisée trois semaines plus tard par une conférence de presse officielle.

Les déclarations du président du MVD Mikhaïl Tyurkin visaient alors à rassurer les supporters en expliquant que le nouveau club (baptisé OHK Dynamo) garderait des attaches à Balashikha, malgré ses précédents communiqués sur le site officiel où il mettait en cause le faible soutien de la ville qui ne faisait rien selon lui pour aider le club.

En pratique, il n'en sera rien. Les relations avec la municipalité ne se sont pas améliorées, et Tyurkin a décidé d'un déménagement définitif. Du MVD, il ne restera qu'une équipe gagnante qui évoluera sous les couleurs du Dynamo. Et dans la patinoire de Balashikha, ouverte il y a trois saisons, il ne restera que les souvenirs de ce délicieux printemps... au dénouement si frustrant.

 

Salavat Yulaev Ufa (3e) : l'impossible cumul

La saison 2009/10 se sera vraiment mal embouchée pour Vyacheslav Bykov et Igor Zakharkin. Arrivés à Ufa avec l'auréole des deux titres mondiaux, les entraîneurs nationaux ont pourtant bâti une équipe qui a survolé la saison régulière sous l'impulsion d'une première ligne vraiment dominatrice. Aleksandr Radulov, l'âme de l'équipe, a été rejoint par Sergei Zinoviev qui s'est enfin comporté comme un vrai meneur de jeu sur et en dehors de la glace. L'inattendu Norvégien Patrick Thoresen, travailleur et capable de faire la différence en un contre un, a complété ce trio de choc.

Et pourtant, Bykov et Zakharkin ont tout perdu. La cuisante défaite contre les Canadiens aux Jeux Olympiques a laissé des traces. Zinoviev, qui a joué ce match avec un ligament du genou déchiré, a achevé sa saison sur ce sacrifice. Ses ailiers Radulov et Thoresen ont continué de produire comme si de rien n'était, mais cela ne suffisait plus. Jamais blanchi en saison régulière, Ufa a été muet pour la première fois en play-offs contre Nijnekamsk. Un avertissement.

Le beau hockey offensif d'Ufa est mort de sa belle mort, au tour suivant, contre les panthères tatares. Les détracteurs de Bykov se sont alors déchaînés à l'encontre de sa candeur tactique supposée coupable de tous les maux. Ils oubliaient au passage que l'élimination olympique face à un Canada agressif avait peu de points communs avec cette finale de conférence est perdue face à un Kazan attentiste. En revanche, il semble indéniable que le cumul club/sélection était beaucoup trop lourd pour les entraîneurs en une saison olympique.

Le fait d'avoir les internationaux "sous la main" dans un club n'a pas été d'une grande aide. Bykov s'est effectivement appuyé sur les joueurs qu'il a recrutés au Salavat : il a pu compter sur Zinoviev jusqu'aux limites de la souffrance, il a confirmé le défenseur Dmitri Kalinin comme pilier de l'équipe nationale, et il a apprécié l'abnégation collective de Viktor Kozlov. Mais dans le même temps, les cadres restés au club, les Vitali Proshkin, Oleg Tverdovsky et Aleksandr Perezhogin, n'ont pas du tout profité de l'arrivée du sélectionneur puisqu'ils ont perdu leur place !

Qu'il est difficile pour Bykov de jongler avec les soupçons de favoritisme (quand il prend "trop" de joueurs de son club) et les susceptibilités de chacun (quand il n'en prend "pas assez"). Kirill Koltsov, pas inclus dans la présélection de 50 joueurs pour les JO, est ainsi entré en conflit avec le staff et a été envoyé plusieurs fois en tribunes. Après l'élimination, il s'est répandu publiquement en expliquant grosso modo que les joueurs avaient gagné la saison régulière mais que les entraîneurs avaient perdu les play-offs. Son avenir n'est clairement pas avec Bykov, et son contrat sera résilié pour lui permettre de retourner à Omsk où on voulait le faire revenir depuis deux ans.

Le fait d'avoir recruté le sélectionneur ne garantit donc au Salavat ni le titre, ni la colonne vertébrale de l'équipe nationale.

 

Lokomotiv Yaroslavl (4e) : un retour dans le passé

Après le départ de Yashin (et de Badyukov), le Loko a perdu en expérience : le nouveau capitaine Ivan Tkachenko semble "moralement écrasé" par cette responsabilité selon une interview accordée par son entraîneur Kari Heikkilä... quelques heures avant qu'il se fasse licencier à la pause olympique. En effet, le Loko a connu un mauvais début d'année, concédant neuf défaites en quatorze rencontres. La première place de division, considérée a priori comme "acquise" au vu des adversaires, était devenue inaccessible, occupée par un MVD dont personne n'avait prévu l'ascension. Fatal pour le coach finlandais.

Yaroslavl a alors opéré un incroyable retour dans les limbes de son passé, en rappelant Piotr Vorobiev, qui était parti en 2001. Depuis cette date, le Loko n'avait presque fait appel qu'à des entraîneurs importés : Vujtek le Tchèque (premier étranger champion de Russie), Supler le Slovaque, Gardner l'Américain, Heikkilä le Finlandais... et même les Yurzinov père et fils, s'ils sont russes, avaient été choisis pour leur imprégnation du hockey finlandais. Le Lokomotiv était donc considéré comme le plus "moderne", le plus "occidental", des clubs russes dans sa gestion.

Piotr Vorobiev, même s'il a aussi officié au-delà des frontières à Francfort, représente l'archétype de "l'entraîneur-dictateur" soviétique, qui cloître ses joueurs à la basa, concept oublié par ses prédécesseurs plus souples. La trêve olympique n'a donc pas été une trêve pour tout le monde : dès son arrivée, Vorobiev a imposé deux entraînements par jour, une fréquence qui ne s'est arrêtée que pour les play-offs. Les deux jours de repos accordés après la qualification au premier tour furent une gratification aussi rare qu'appréciée, le cadeau exclusif du maître, comme dans l'ancien temps.

Tout le monde n'a pas été pris de court. Les deux défenseurs Vitali Vishnevsky et Sergei Zhukov, les deux défenseurs les plus sûrs de l'équipe, avaient déjà joué sous les ordres de Vorobiev au Loko au siècle dernier. Zhukov ne l'a en fait jamais quitté, alors que Vishnevski a passé neuf saisons en NHL dans l'intervalle. Mais attention : connaître le bonhomme ne suffit pas. Dmitri Afanasenkov avait passé le lock-out au Lada de Vorobiev alors qu'il venait de gagner la Coupe Stanley. Cela n'a pas empêché cet attaquant défensivement médiocre de passer les play-offs pour moitié en quatrième ligne, pour moitié en tribunes. Pas de favoritisme !

Mais en même temps que Heikkilä, le Loko avait perdu un de ses adjoints, Ilari Näckel. Depuis deux ans et demi, ce spécialiste reconnu était en charge des gardiens à Yaroslavl. Il avait prodigué ses conseils à Semion Varlamov avant son départ en NHL, puis avait fait éclater Georgi Gelashvili au point que celui-ci devienne le seul titulaire ferme et unique de son âge dans la KHL. Son substitut Sergei Gaiduchenko, jeune lui aussi, a fini déprimé, sorti de l'équipe senior. Le problème, c'est que Gelashvili, plus conforté que jamais, s'est finalement révélé instable, livré à lui-même par le départ de Näckel. Le Lokomotiv a donc réussi ses play-offs non pas grâce à son gardien, mais en dépit de ses erreurs.

Le vrai atout est venu des attaquants tchèques Zbynek Irgl et Josef Vasicek. La puissance du trio qu'ils formaient avec Aleksei Mikhnov a réduit le Spartak en miettes, avec l'appui des lancers de la bleue du défenseur Aleksandr Guskov. Mais cela n'a pas été pas suffisant en finale de conférence ouest contre le MVD qui a réussi à trouver la parade contre l'impact physique de Mikhnov, puis contre la vitesse de Richard Zednik qui l'a remplacé en première ligne. En sept manches, Vorobiev est donc éliminé par plus tactique que lui. Qui l'eût cru ?

 

Metallurg Magnitogorsk (5e) : la disgrâce des Tchèques

Ah, Sergei Fedorov... L'ancien meilleur joueur de NHL a suscité le débat durant toute la saison. Les uns soulignaient son excellent travail de fond dans les deux sens de la glace, son sens du jeu intact, son leadership naturel. Les autres faisaient remarquer que le joueur qui serait le mieux payé de la KHL (7 millions d'euros) ne mérite pas un tel salaire car il n'est plus capable de faire la différence. Vyacheslav Bykov a rejoint le camp des convaincus en le sélectionnant aux JO puis aux Mondiaux, mais le résultat final de ces deux compétitions ne plaide pas forcément en faveur de Fedorov. Les play-offs de Magnitogorsk avaient rendu les mêmes conclusions : le centre y a été très discret, et son absence au dernier match de la série perdue contre Kazan, officiellement pour intoxication alimentaire, a encore créé la controverse. Comme il a signé pour deux ans, il restera cependant toujours le leader désigné de l'équipe.

Les deux ailiers tchèques ne pourront pas en dire autant. Leur cas n'a pas fait débat : tous les experts du hockey ouralien ont été très déçus par leur rendement. Ils ont été les seuls joueurs à finir avec un bilan négatif au sein de la troisième meilleure équipe du pays ! Jaroslav Kudrna a certes pris un palet dans le visage en janvier, tandis que Jan Marek s'était cassé la cheville pendant l'été dans des circonstances entourées de mystère. Mais l'excuse ne suffit pas, car les deux hommes ont été en dessous des attentes toute la saison... et ont récidivé en play-offs (-4). Leur centre Tomas Rolinek en a aussi pâti, mais il a fait meilleure figure et sera donc gardé.

L'année où les Tchèques sont tombés en disgrâce à Magnitogorsk, ils sont paradoxalement devenus champions du monde. Rolinek a joué un rôle majeur en tant que capitaine, et Marek a longtemps été transparent... mais il a eu une contribution décisive en transformant ses deux pénaltys en quart de finale et en demi-finale du Mondial. Ce spécialiste du tir de pénalité est cependant devenu moins utile avec les règles de la KHL, où la prolongation continue sans limite de temps en play-offs. A posteriori, Magnitogorsk regrette donc de ne pas avoir laissé partir Marek dès l'été dernier, quand l'Avangard et le SKA le courtisaient.

Cette contre-performance des stars les mieux payées a coûté sa place à Gennadi Velichkin, manager du club depuis 18 ans, et pourtant viré en novembre. L'ex-entraîneur Viktor Postnikov, une autre figure locale, a été désigné responsable du recrutement à la fin janvier pour reconstruire une équipe conquérante.

 

Neftekhimik Nijnekamsk (6e) : le trou perdu sert de tremplin

C'était le transfert le plus bizarre de l'intersaison. Niklas Persson, qui n'avait jamais quitté la Suède, se rendait à Nijnekamsk, anonyme ville pétrochimique du Tatarstan, pour y subir les terribles charges d'entraînement de Vladimir Krikunov, le tout sans parvenir à se faire comprendre de ses coéquipiers. Les premières semaines, l'international suédois n'en menait vraiment pas large. Mais il y a survécu, et cela peut lui donner confiance pour son prochain défi très différent : le soleil de Floride. Il essaiera de s'imposer en NHL du côté de Tampa Bay.

Persson doit avoir quelque mérite si l'on fait le bilan de sa saison. Le 5 octobre, ses deux ailiers Aleksandr Islamov et Maksim Yakutsenia se sont blessés lors du même match. Le pauvre Islamov, qui avait marqué autant de points en un mois que d'habitude en un an, voyait sa saison s'arrêter là. Les recrues tardives Sergei Demagin et Maksim Pestushko, dont les Dynamos (respectivement de Minsk et de Moscou) ne voulaient plus, se révélaient les plus complémentaires du Suédois. Puis, au retour de blessure de Yakutsenia, il retrouvait sa place en première ligne avec Andrei Ivanov. Malgré tous ces changements, les ailiers de Persson se sont tous révélés très efficaces... C'est cette première ligne "variable" qui a porté le Neftekhimik à une quatrième place inattendue dans la conférence est.

En play-offs, changement de programme. Le Neftekhimik a éliminé Omsk sans compter sur Persson, victime de douleurs musculaires. Denis Arkhipov a alors substitué le Suédois et réussi sa mission de marquer Jagr, mais il s'est blessé au ligament latéral du genou droit au premier match du tour suivant.

Peu importe, car Krikunov avait mis son équipe en "mode play-offs" : discipline, volonté, condition physique... et tactique très défensive. Le principal bénéficiaire en a été le gardien Ivan Kasutin, choisi comme titulaire et en confiance, qui passait son pourcentage d'arrêt de 88,5% (saison régulière)... à 95,2% !

Après avoir pris six buts au premier match chez le grand favori Ufa, la défense tatare, menée de main de maître par le solide Renat Mamashev, serrait les rangs et tissait une toile bien collante. La série se transformait alors en un jeu de patience : 2-1 en prolongation, 1-0, 0-1, 1-2 en prolongation, 1-2. Les nerfs de l'entraîneur adverse étaient mis à rude épreuve, mais celui-ci, Vyacheslav Bykov, était aussi sélectionneur national... Il a donc repéré dans cette confrontation deux jeunes arrières, Nikolaï Belov et Evgeni Ryasensky, qui ont ensuite débuté en équipe nationale et joué la préparation aux championnats du monde, avant d'être écartés de justesse malgré des prestations convaincantes.

Tremplin pour la NHL ou pour la Sbornaïa : à croire que Nijnekamsk n'est plus un trou perdu...

 

Spartak Moscou (7e) : l'esprit club est revenu

Champion de Moscou ! Ce titre devenu non officiel, attribué au travers des résultats des derbys entre les clubs moscovites, le Spartak l'a remporté pour la première fois depuis 14 ans. C'est d'autant plus méritoire cette année que les confrontations étaient plus nombreuses - quatre contre le CSKA et quatre contre le Dynamo - avec les nouvelles poules géographiques. Cette fréquence des derbys a aussi contribué à réveiller l'intérêt pour le hockey dans la capitale. Le Spartak, traditionnellement le club le plus populaire, en a le plus profité et Sokolniki aura rarement été aussi plein que cette saison.

Cette réussite, il fallait cependant la confirmer en play-offs. Deux joueurs importants venaient juste de reprendre l'entraînement et n'étaient pas encore disponibles dans leur meilleure forme : le solide défenseur Jaroslav Obsut, qui s'était cassé le bras fin janvier contre le Barys, et l'attaquant Aleksandr Rybakov, qui avait été la révélation de la saison jusqu'à ce qu'il se blesse aux jambes à Saint-Pétersbourg sur une charge contre la bande... de l'ex-idole spartakiste Rybin !

Pourtant, le Spartak a balayé les millionnaires du Dynamo par 3 victoires à 1 et a ainsi confirmé sa suprématie locale. Il était le seul club de Moscou qualifié pour les demi-finales de conférence, et il y a vendu chèrement sa peau contre Yaroslavl (4 victoires à 2). Le dernier match à domicile fut perdu très sèchement (1-8 !) mais cela n'a pas atténué la satisfaction du public qui a chanté "merci pour la saison" jusqu'à la sirène et qui a réservé de très longs applaudissements quand l'équipe est ressortie du vestiaire. Les joueurs sont ensuite allés dîner dans un restaurant du quartier, pendant que les supporters s'asseyaient à la table voisine. L'esprit du Spartak semble avoir connu une renaissance.

Si cet esprit avait disparu, c'est que les joueurs ne faisaient plus que passer, avant de partir dans des clubs plus riches. Cette fois, même les cinq Slovaques, recrutés initialement pour une question de rapport qualité/prix, ont adhéré sur le long terme et ont tous re-signé. Les trois meilleurs marqueurs, Branko Radivojevic, Stefan Ruzicka et le défenseur Ivan Baranka, se sont même engagés pour deux années supplémentaires.

 

Dinamo Riga (8e) : euphorie printanière

Le Dinamo Riga a été un peu refroidi par un premier tiers de saison médiocre. Les choix des dirigeants de ne pas conserver les joueurs étrangers ont été discutés. Même l'entraîneur slovaque Julius Supler, qui jouit d'un respect notoire en Lettonie, a commencé à être critiqué lorsque ses propos selon lesquels il retrouvait immédiatement du boulot en cas de licenciement ont été interprétés comme de l'arrogance mâtinée d'indifférence.

Il y a pourtant des explications aux difficultés automnales du club balte. Les blessures de Krisjanis Redlihs et du capitaine Sandis Ozolins ont laissé la défense très démunie. Heureusement que le duo Rodrigo Lavins - Guntis Galvins a été le plus solide : son entrée en matière ratée aux Jeux olympiques ne rend pas justice à sa très bonne saison en club.

Des renforts étrangers, le Dinamo Riga en a retrouvé, avec l'arrivée en novembre de l'ex-attaquant de NHL Tyler Arnason. L'attaquant américain est arrivé une demi-heure en retard le matin de son premier match, mais il a été pardonné d'avoir été englué dans les embouteillages de Riga qu'il ne connaissait pas encore. Il a cependant dû se contenter d'un rôle limité dans l'effectif. Tout le monde n'est pas Marcel Hossa : le sniper slovaque a droit à un temps de jeu élevé car il finit toujours par "planter" des buts même quand il paraît transparent sur la glace.

À cette exception près, le Dinamo Riga s'est appuyé essentiellement sur les cadres de l'équipe nationale, le retour de NHL de Martins Karsums en janvier ayant complété le rassemblement au pays de ces internationaux. Les supporters lettons, qui se passionnaient pour le hockey le temps des championnats du monde, peuvent maintenant observer leurs idoles avec constance.

Et quand le huitième de la conférence ouest a éliminé des play-offs le premier (le SKA Saint-Pétersbourg), une euphorie s'est emparée de la Lettonie. Les tickets pour le tour suivant sont partis en une heure, et plus de cent mille personnes avaient essayé de se connecter sur le site dans cette intervalle. Malheureusement, les hockeyeurs baltes se sont inclinés contre le MVD de leur sélectionneur national Oleg Znarok. Et cette performance en championnat des joueurs et de leur staff n'a pas trouvé d'écho lors des Mondiaux pour l'équipe de Lettonie.

 

SKA Saint-Pétersbourg (9e) : le phare coulé dans la Baltique

Cela fait des années que le SKA Saint-Pétersbourg, le club du président de la KHL Aleksandr Medvedev, s'échine vainement à devenir un "grand". Cette année, les millions de Gazprom ont semblé mieux investis.

Les deux recrues-vedettes ont en effet convaincu : Aleksei Yashin a formé rapidement la meilleure ligne de KHL avec Petr Cajanek et Maksim Sushinsky, pendant que Sergei Zubov, rentré de 17 saisons de NHL, a fini meilleur marqueur des défenseurs de KHL avec 42 points. Sa vision du jeu toujours exceptionnelle compensait l'âge de ses jambes, a été complémentaire de la vitesse de l'arrière canadien Raymond Giroux, son partenaire privilégié en fin de saison.

Le SKA s'est donc envolé, jusqu'à terminer avec 20 points d'avance dans la conférence ouest, pourtant la plus relevée. De quoi en faire l'équipe-phare de la KHL. Même le faible soutien du public de la capitale des tsars, qui ne collait guère à l'image souhaitée d'un grand club, n'était plus qu'un mauvais souvenir. Passant de 6500 à 9500 spectateurs, la patinoire du Mondial 2000 devenait enfin, avec dix ans de retard, un temple du hockey et non plus un lieu maudit !

Cette réussite a cependant été enterrée par une élimination retentissante au premier tour des play-offs contre le Dynamo Riga. Les deux semaines de pause accordées par l'entraîneur canadien Barry Smith avant la pause olympique ont cassé le rythme de l'équipe, et cette erreur sera sa dernière. Son contrat s'achève sur ce nouvel échec.

Pour autant, le coach ne saurait être seul responsable. L'effectif du SKA avait des lacunes. Smith se plaignait notamment du manque de défenseurs agressifs, un état de fait dû essentiellement à l'absence prolongée de Darius Kasparaitis : jamais remis de sa collision avec Kalyuzhny en janvier 2009 (fracture du pelvis et nombreuses opérations), l'ancienne terreur de la NHL va finalement mettre un terme à sa carrière. Malgré une proposition concurrente de l'AIK (sa famille habitue Stockholm), il deviendra assitant-coach à Saint-Pétersbourg l'an prochain.

Quant à l'attaque, même si le trio Sushinsky, Yashin, Cajanek est resté efficace jusqu'en play-offs, il n'a pas reçu assez de soutien. La deuxième ligne But-Ekman-Korolyuk a très bien fonctionné jusqu'en novembre, au moment où Nils Ekman s'est blessé. Le centre suédois n'a ensuite jamais retrouvé son niveau offensif, alors que son pourcentage d'engagements et sa contribution défensive laissaient à désirer selon son entraîneur.

 

Dynamo Moscou (10e) : le talent... en papier

La qualité technique des recrues dynamistes avait de quoi faire saliver, la difficulté résidait dans la cohésion à trouver entre des individualités aussi saillantes. Dès une défaite contre le Severstal fin septembre, leur entraîneur Sergei Kotov se dit fatigué de devoir essayer de persuader ces recrues de talent de jouer au hockey. Pourtant, les vétérans de l'équipe (Eremeev, Markov, Zhitnik, Vyshedkevich) ont demandé au président Mikhaïl Golovkov de ne pas accepter sa démission. Kotov a cependant dû être hospitalisé en raison de fortes douleurs au dos, qui l'obligeaient notamment à rester debout à certaines conférences de presse d'après-match. Il n'y avait donc d'autre choix que de le remplacer, mais les candidats prestigieux envisagés n'étaient pas libres.

Le jeune coach Andrei Khomutov est finalement recruté. Il communique une énergie permanente aux joueurs, contrairement à Kotov, très calme et réfléchi. Khomutov resserre aussi la bride en décrétant qu'il n'y aura aucun traitement de faveur. Il tiendra parole : Oleg Saprykin et Vadim Epanchintsev, deux joueurs arrivés du CSKA durant l'été pour être des leaders offensifs, sont privés de temps de jeu en supériorité numérique, envoyés un match en équipe réserve, et finalement échangés : au SKA pour Saprykin, le buteur décisif de la finale mondiale 2009 qui a perdu son statut d'international au passage, et à l'Atlant pour Epanchintsev.

Les stars ont-elle donc trouvé un maître ? Les play-offs prouveront le contraire. Matthias Weinhandl, seul étranger irréprochable, est diminué par une commotion cérébrale. "Le" centre capable de livrer la rondelle dans la palette du buteur suédois, Jiri Hudler, disparaît totalement lors de ces phases finales, alors que le Tchèque qui avait pourtant correctement contribué aux deux finales de Coupe Stanley de Detroit.

Même absence chez le prodige suédois Linus Omark, qui ne marque plus le moindre but et ne semble pas encore prêt à se mettre mentalement dans une configuration de play-offs. Alors que le Dynamo a remporté le troisième match de sa série contre le Spartak après avoir perdu les deux premiers, Omark va demander l'autorisation d'aller manger dans un fast-food. Le président lui répond qu'il n'en est pas question, mais qu'il sera prêt à payer le dîner à toute l'équipe si elle se qualifie au cinquième match. Las, le Dynamo sera éliminé dès le match suivant.

Déception encore plus large au sujet de Daniil Markov. L'ancien arrière de NHL ne s'implique plus physiquement dans la bataille, et devient dans ces conditions un joueur médiocre. Il n'a pas su compenser l'absence préjudiciable du capitaine Aleksei Zhitnik, blessé avant les play-offs. Le contrat de Markov, qui courait jusqu'en 2012 sera même résilié, tout comme... son permis de conduire ! Après avoir eu un léger accrochage avec sa Mercedes alors qu'il conduisait ivre, il a refusé de se soumettre aux policiers et a vu sa licence suspendue 19 mois pour insubordination.

Les renforts étrangers repartent de leur côté sans avoir rien ajouté à leur gloire. Hudler est libre de retourner à Detroit, un an après son départ fracassant. Les "inséparables" Omark et Harju partent aussi en NHL et vont finalement devoir se séparer puisque leurs droits y appartiennent à des clubs différents. Le don d'Omark pour garder le palet sera-t-il vraiment utile à Edmonton ? Johan Harju aura-t-il le niveau à Tampa Bay après avoir paru franchement limité pour la KHL ?

De toute façon, il ne restera plus rien. Mikhaïl Golovkov, dont le groupe avait investi dans le Dynamo Moscou il y a quatre ans en visant des terrains pour construire des stades et patinoires, n'a en effet jamais pu se mettre d'accord avec le bureau directeur sur la répartition des bénéfices. Le président investisseur est donc parti, et avec lui la principale source de financement du Dynamo. Endetté, désargenté, ce club historique du hockey soviétique, dont la belle équipe n'aura finalement existé que sur le papier cette saison, sera contraint à une fusion avec le MVD pour survivre.

 

Atlant Mytishchi (11e) : tout pour l'attaque

L'efficacité offensive reste la pierre angulaire du jeu de l'Atlant, et avec un leader de la trempe de Sergei Mozyakin, meilleur marqueur de la KHL (27 buts et 39 assistances), l'attaque reste redoutable, surtout que le Tchèque Jan Bulis a pleinement exploité son potentiel pour cette troisième saison au club (25 buts). Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de Nikolaï Zherdev (13 buts), un ton en dessous de ses deux précédentes saisons en NHL, et qui a perdu toute chance d'être rappelé en équipe nationale.

Or, l'équipe de Mytishchi repose sur des talents offensifs pas réputés pour leur pragmatisme défensif. Les deux leaders ont été très efficaces, mais les autres n'ont pas eu une contribution suffisante dans le jeu.

La première victime en a été l'entraîneur qui avait mis en place le style attrayant et offensif de l'Atlant, Fedor Kanereïkin. Après une défaite 0-6 contre Ufa fin octobre, il a été convoqué dans le bureau du vice-gouverneur de la région de Moscou et s'est vu signifier son licenciement. Il a été remplacé par Nikolaï Barshchevski, qui entraînait l'équipe-ferme du Lokomotiv Yaroslavl. Ce club n'aura pas à regretter de l'avoir libéré, car l'Atlant a finalement été éliminé au premier tour des play-offs... par Yaroslavl. Hiérarchie maintenue.

En plus d'une meilleure profondeur offensive, il a manqué un grand gardien à Mytishchi pour aller loin. Beaucoup d'espoirs avaient été placés sur Martin Gerber, préféré à Kevin Weekes dans le recrutement. Mais quand le gardien suisse a enfin retrouvé son niveau après une adaptation difficile, il s'est blessé dans une collision avec un attaquant adverse sur la "glace maudite" de Chekhov en décembre. Après le décès de Cherepanov l'an passé, on a craint le pire pour la colonne vertébrale de Gerber, évacué avec un collier cervical. Après un diagnostic rassurant, il a heureusement pu revenir au jeu pour les championnats du monde. Sa saison à l'Atlant s'est néanmoins achevée là, et son remplaçant, le vétéran slovaque Jan Lasak, n'était pas au même niveau. Chacun sait que la carrière du champion du monde 2002 est derrière lui.

 

Avangard Omsk (12e) : Jagr au milieu du désert

Si l'Avangard Omsk a retrouvé un bilan positif cette saison, il le doit uniquement au re-découpage géographique. La division Chernyshev est la plus faible de la KHL, et en rencontrant quatre fois au lieu de deux leurs cinq collègues de poule, ils ont amassé la moitié de leurs points ! Même ainsi, ils ont à peine fait illusion à la cinquième place de la conférence est, derrière le Neftekhimik Nijnekamsk, un club très peu renommé qui serait donc leur adversaire au premier tour.

Omsk pouvait-il réussir à se transformer en play-offs comme l'an dernier ? Pour s'en assurer, Anatoli Bardin, toujours le vrai patron du club même s'il était suspendu par la KHL jusqu'au 25 novembre, a pris une décision pour le moins surprenante par son timing : il a mis à la porte le discret entraîneur Igor Nikitin juste avant les play-offs pour le remplacer par le caractériel Raimo Summanen, l'homme qui avait été renversé de son poste de sélectionneur de la Finlande en raison de sa brutalité verbale.

Summanen n'a guère eu le temps de ruer dans les brancards, sinon par un coaching tranchant. Anton Babchuk, qui avait été le meilleur défenseur en saison régulière, a en effet connu la disgrâce après une série de trois buts encaissés d'affilée au début du deuxième match à Nijnekamsk : il a été cloué sur le banc jusqu'à la fin de la série.

Une décision qui n'a rien changé, puisque l'Avangard a été éliminé en trois manches sèches, ce qui n'a pas empêché Summanen d'être confirmé pour la prochaine saison. Le problème des Sibériens est ailleurs, puisque c'est aussi leur plus grand atout : Jaromir Jagr. L'équipe est construite autour de lui, mais elle se repose beaucoup trop sur sa ligne, alimentée par le meilleur joueur de KHL aux engagements (Aleksandr Svitov avec 61,6%). La star tchèque peut se démener tant qu'elle peut, on ne bâtit pas une formation avec un seul joueur.

 

CSKA Moscou (13e) : le président fait diversion sur la glace

Pour sa première année de présidence aux commandes du CSKA Moscou, Vyacheslav Fetisov a surtout fait parler de lui quand... il est monté lui-même sur la glace à 51 ans. C'était mi-décembre, contre le SKA Saint-Pétersbourg, pour pallier l'absence de Denis Kulyash blessé au pied. Le retour de Fetisov n'a duré que onze minutes, avec un bilan de cinq interceptions et un but encaissé, mais il a créé l'évènement compte tenu de l'importance sportive et politique du personnage. Les collègues parlementaires de Fetisov ont à eux seuls réclamé 70 invitations.

Cette diversion médiatique n'a pas masqué le net déclin du CSKA Moscou. Après un début de saison réussi grâce au système défensif qu'il a mis en place, l'entraîneur Sergei Nemchinov n'a plus trouvé de solutions à ce revirement de tendance. Il a régulièrement critiqué ses leaders comme Denis Parshin, accusé de faire des "pirouettes" dans les espaces libres au lieu d'aller dans le trafic vers la cage. Mais avec des renforts étrangers décevants (Schaefer, Hartigan, Dimitrakos) et des joueurs de fond de banc à peine au niveau, le CSKA ne pouvait pas faire autrement que se reposer sur les cadres comme Parshin.

Il restait bien sûr la possibilité de remanier l'effectif. Le CSKA Moscou a ainsi échangé son arrière international Denis Kulyash à Omsk contre le plus défensif Filip Metluyk, et son centre Piotr Schastlivy à Ufa contre le plus jeune Ilya Zubov. Ces modifications ont cependant créé plus de problèmes qu'ils n'en ont résolu. Sans le slap de Kulyash, le jeu de puissance a perdu son arme fatale. Sans l'autorité de Schastilivy, le capitanat a été affaibli, car confié au défenseur international Konstantin Korneev, encore jeune et considéré trop "gentil" pour être aussi écouté dans le vestiaire.

Les play-offs face au MVD ont parfaitement illustré l'absence de plan B pour Nemchinov. Le coach a semblé improviser des mesures désespérées : tour à tour, l'attaquant canadien Mark Hartigan, le gardien Konstantin Barulin, le duo Leshchev-Filatov (constitué en novembre) et même Denis Parshin - pourtant l'attaquant avec le plus gros temps de jeu de toute la KHL - ont fini sur le banc. C'était plus une punition qu'une solution, car les cols-bleus de l'équipe, laissés seuls en piste à la fin du dernier match, n'ont évidemment pas réussi à renverser la série, là où leurs leaders n'y étaient pas parvenus.

Fetisov a été obligé de battre sa coulpe devant ces résultats bien inférieurs à ceux obtenus ces dernières années par Bykov qu'il aime tant critiquer. Il a même mangé son chapeau en proposant à Viktor Tikhonov, l'entraîneur contre lequel il s'était autrefois révolté, de le rencontrer pour discuter des problèmes du CSKA !

 

Barys Astana (14e) : un cinq majeur surchargé

Le bilan du Barys Astana est d'une remarquable similitude avec celui de l'an dernier. Même nombre de points (79 points contre 78), et même élimination en trois manches en huitièmes de finale contre le futur champion Kazan.

Le club du Kazakhstan a cependant fait souffrir les Tatars, au propre comme au figuré. Le premier match de la série a été le plus long de l'histoire russe : il a fallu attendre le début de la troisième prolongation de vingt minutes pour que la partie bascule, et cela s'est produit sur un incident lourd de conséquences. Vadim Krasnoslobodtsev a chargé Danis Zaripov contre la bande, et si Kazan y a perdu son ailier international pour la suite de la compétition, la pénalité a permis à Kapanen de marquer le but vainqueur.

Ce match à rallonge rendait tout de même la suite compliquée au vu de la faible profondeur de banc du Barys. Surtout que Kevin Dallman, le défenseur offensif canadien aux 25 minutes par match, était absent car suspendu pour trois rencontres après une charge à la tête à la dernière journée de la saison régulière. Un Dallman qui ne pensait faire qu'une pige au Kazakhstan et qui a changé d'avis le jour où il a vu le "K" de capitaine imprimé sur son maillot (une lettre qui devrait disparaître puisque la KHL veut passer à l'alphabet latin...).

Les autres joueurs de première ligne sont tous sur le départ : le défenseur slovaque Peter Podhradsky et le trio offensif Maksim Spiridonov - Jozef Stümpel - Konstantin Glazachev. Ce cinq majeur a marqué près de la moitié des buts de l'équipe, mais il a aussi terminé avec un bilan négatif quand le reste de l'équipe était positive. À ne plus quitter la glace, ces joueurs se sont usés. Des désaccords entre certains d'entre eux et les entraîneurs ont achevé de régler leur sort.

De plus, le Barys a annoncé qu'il voulait plus impliquer les joueurs du Kazakhstan pour devenir un vrai club de base de l'équipe nationale, qui n'aura fait que passer dans l'élite mondiale. Le temps de jeu doit donc être transféré des vedettes russo-slovaques aux internationaux qui devront assumer un peu plus de responsabilités.

 

Traktor Chelyabinsk (15e) : des banderoles aux applaudissements

La crise a été très profonde à l'automne à Chelyabinsk. Après un 1-6 et un 0-7 en deux jours à domicile fin octobre, les supporters ont tourné le dos à la glace et quitté la tribune en déployant une banderole "merci pour la saison", vite évacuée par les agents de sécurité. La crise s'est amplifiée lorsque le jeune gardien titulaire Danila Alistratov a pris un palet dans l'oreille et a dû être hospitalisé en raison d'un tympan percé. Le Traktor a concédé une série de dix défaites en onze matchs, et les supporters n'ont cessé d'appeler à la démission de l'entraîneur Andrei Nazarov, qui leur a répondu qu'ils feraient mieux de ne pas perdre leurs nuits à peindre des banderoles car seul le conseil d'administration pouvait le virer.

Les conseillers en question étaient plus mesurés, se contenant d'appeler Nazarov à arrêter d'employer un langage obscène sur la glace et en dehors. Leurs propos étaient plus durs envers Jan Platil, jugé indigne de son salaire et licencié car trop égoïste et trop pénalisé. Le défenseur tchèque ne saurait être le seul bouc émissaire car le Traktor, avant-dernière défense de KHL, a plongé collectivement. Oleg Piganovich, qui avait établi un record national avec 22 buts il y a deux ans, n'en a mis que quatre cette saison et a fini avec une fiche de -18.

Une faillite à laquelle ont forcément contribué les attaquants. Le centre défensif Andrei Nikolishin, gêné par ses adducteurs, n'a plus été le cadre habituel (-17). Le "record" est détenu par le vétéran Ravil Gusmanov (-22 en saison puis -2 en play-offs) qui a paradoxalement récupéré le "C" de capitaine début décembre. Cette fonction a été retirée à un Evgeni Skachkov nerveux, à qui son coach, l'ancien "enforcer" Nazarov, a dit en plaisantant qu'il prenait le chemin de battre ses totaux de NHL (il venait d'être expulsé deux fois en trois matchs). Libéré de la responsabilité du capitanat, Skachkov a terminé meilleur marqueur de l'équipe, a fait ses débuts sous le maillot de la Russie lors des deux rencontres en Italie en avril et a signé un contrat NHL avec Saint-Louis.

Malgré les mouvements d'humeur automnaux, les supporters ont chaleureusement applaudi l'équipe lorsqu'elle a terminé en beauté par une élimination la tête haute au premier tour des play-offs dans le derby ouralien contre Magnitogorsk : le dernier match de la saison a en effet été le meilleur de tous ! Il n'a été perdu qu'en prolongation, et la veille, le Traktor avait également gagné dans le temps supplémentaire, sur un but de Pierre Dagenais, après une égalisation à trois minutes de la fin d'Evgeni Kuznetsov, attaquant technique et explosif de 17 ans qui a signé un nouveau contrat de deux années supplémentaires.

Il s'agissait de la première victoire en play-offs en trois années de mandat de Nazarov, qui va devenir manager de l'équipe nationale chargé des relations avec les joueurs de NHL. Cela lui permet de partir avec le sentiment du devoir accompli : "Pour nombre de raisons, je devais quitter le club. Et en bon état, car l'équipe est formée d'une ossature de jeunes joueurs. Evgeni Kuznetsov est une étoile montante non seulement dans l'Oural, mais dans le monde du hockey. Soyez assurés qu'en travaillant correctement il deviendra une superstar !"

 

 

Avtomobilist Ekaterinburg (16e) : et le contrôle des admissions ?

L'Avtomobilist aurait pu être la bonne surprise de la KHL. Pour sa première saison, et alors qu'on lui prédisait le pire, cette équipe très limitée offensivement, sans aucun joueur capable d'atteindre la barre des trente points, a été emmenée en play-offs par l'entraîneur tchèque Marek Sikora. Ironie du destin, la qualification a été acquise à la dernière journée sur la glace du SKA Saint-Pétersbourg, l'équipe d'Aleksei Yashin, joueur originaire d'Ekaterinbourg.

Malheureusement, tout a été gâché lors des play-offs par un directeur commercial de 37 ans nommé Sergei Shafikov qui s'est pris pour un hooligan en surgissant sur le banc du Salavat et en blessant avec la crosse le second gardien Vitali Kolesnik. Profondément choqués par l'incident, Bykov et ses hommes ont perdu 4-3 ce soir-là, mais se sont vengés 8-1 le lendemain alors que les tribunes derrière les visiteurs ont été vidées par décision de la KHL avec expulsion des gens qui avaient payé leurs places.

Une amende d'un million de roubles a été infligée à l'Avtomobilist pour défaut de sécurité. La configuration de la patinoire devra être revue durant l'été. On a appris après coup que, lors du séminaire annuel sur la sécurité, un seul club avait manqué à l'appel : devinez lequel... Un comble quand on sait qu'Ekaterinbourg avait été admis en KHL... sur dossier !

 

Torpedo Nijni Novgorod (17e) : "je retourne ma veste"

Le Torpedo Nijni Novgorod a réussi le changement d'entraîneur le plus grotesque de la saison : Evgeni Popikhin a été écarté en octobre parce que son équipe était rentrée bredouille d'une série de quatre déplacements, alors que son bilan global était équilibré. Mais, son successeur Sergei Mikhalev ayant perdu quatre rencontres sur cinq, Popikhin a été rappelé trois mois plus tard. Entre-temps, la cassure était faite, et jamais rattrapée.

Popikhin ne sera pas conservé, mais les supporters ne lui en tiennent pas rigueur, d'autant que l'entraîneur avait mis en place un jeu de puissance efficace autour du duo tchèque Pavel Brendl / Jaroslav Bednar. Ils pointent plutôt du doigt le directeur sportif Nikolaï Gorshkov, responsable de cet évitable "licenciement provisoire" en fixant des objectifs irréalistes, et surtout d'un recrutement qui a été très critiqué.

Les joueurs étrangers n'ont en effet pas eu l'apport espéré. Le défenseur tchèque Angel Krstev a été viré en novembre. Ses compatriotes attaquants et le centre suédois Joakim Lindström ont terminé avec un bilan négatif de buts encaissés, a contrario de leurs coéquipiers russes. Quant au gardien autrichien Bernd Brückler, il a connu un début de saison difficile avant sa blessure en novembre. Le Torpedo a alors récupéré Aleksandr Fomichev, dont le Sibir ne voulait plus et qui a montré de beaux restes.

Ces mauvais choix managériaux ont provoqué une réorganisation dans le club, avec la nomination d'un président pour reprendre les responsabilités décisionnaires : Andreï Ossipenko, conseiller municipal qui avait autrefois été membre d'un parti libéral d'opposition avant d'être poussé à en démissionner par une campagne de calomnie, est aussi un hockeyeur pendant ses loisirs, et il a été formé par l'école du club dans sa jeunesse.

 

Severstal Cherepovets (18e) : apparition d'un entraîneur

Dmitri Kvartalnov avait raccroché les patins à 41 ans. Meilleur marqueur du championnat soviétique 1990 avec son club formateur du Khimik Voskresensk, cet ailier de poche avait dû partir en Amérique du nord et exploser tous les compteurs en IHL pour gagner un contrat NHL avec les Bruins de Boston, où il a marqué 72 points dès sa première saison. Ayant ensuite été recalé en AHL, le petit gabarit a fait les beaux jours d'Ambri et de Klagenfurt au cours de sa longue carrière achevée il y a deux ans. Sa reconversion comme entraîneur a pris une nouvelle dimension lors des premiers jours de novembre lorsque, de simple adjoint, il a pris la succession d'Andrei Pyatanov. Une promotion rapide pour le jeune coach, qui ne devait être qu'une solution transitoire mais a fait son trou dans ce nouveau rôle.

Le redressement du Severstal en décembre (6 victoires d'affilée) a coïncidé exactement avec l'arrivée de Viktor Tikhonov, dont le grand-père au nom identique, ancien sélectionneur de l'URSS, avait coaché Kvartalnov au titre de champion du monde 1989... Après une année prometteuse sous l'égide de Wayne Gretzky, le petit-fils a pâti du changement de coach à Phoenix, puisque Dave Tippett avait tout de suite donné priorité aux vétérans, et il a donc obtenu d'être prêté en KHL. Il a marqué 14 buts - et une seule mention d'assistance ! - en 25 parties et dit avoir beaucoup travaillé son patinage à Cherepovets avant de retourner en NHL.

Kvartalnov a vite établi son autorité, et tant pis pour ceux qui ne suivaient pas le mouvement. Le troisième marqueur Nikolaï Lemtyugov a été envoyé sans remords à Kazan (où il n'a presque plus joué) en échange d'Evgeni Ketov, qui n'avait rien fait sous les couleurs d'Ak Bars mais a immédiatement réussi dans son nouveau club.

Le changement de référentiel a surtout profité à Vadim Shipachev. Formé au club, il n'était devenu titulaire en équipe première qu'en fin de saison dernière. À 22 ans, ce parfait inconnu s'est pourtant révélé soudainement en finissant meilleur marqueur de l'équipe.

 

Dynamo Minsk (19e) : sans Hanlon et sans âme

Vladimir Naumov, désormais ex-président omnipotent du Dynamo Minsk et de la fédération biélorusse, a laissé un sacré bordel derrière lui avant de filer à Moscou pour de nouvelles missions professionnelles. Quand il a licencié Glen Hanlon fin octobre, il ne se doutait peut-être pas que le Canadien riposterait en démissionnant de son poste de sélectionneur national. Par contre, il devait savoir qu'il laissait une escouade canado-finlandaise aux bons soins d'un entraîneur local, Aleksandr Andrievsky.

Il était improbable que la mayonnaise pût prendre. Juste après la victoire en Coupe Spengler - le tournoi suisse aura été le seul rayon de soleil de la saison entre Noël et le Jour de l'An - le buteur de l'équipe Hannes Hyvönen a été écarté et envoyé à Kazan, pour cause d'incompatibilité de caractère avec le coach. De toute manière, il n'y avait plus rien à gagner. Le Dynamo Minsk était encore à la limite de qualification lors du renvoi de Hanlon, mais il a fini loin du compte, avant-dernier de la conférence ouest, même s'il aurait eu assez de points pour se qualifier à l'est.

Juste avant la clôture des transferts fin janvier, le club a même songé à vendre son meilleur marqueur Geoff Platt et sa star Ville Peltonen. Il se dit que c'est le président de la république lui-même qui y a mis son veto ! Si ces transferts froissaient la moustache de Loukachenko, c'est parce que celui-ci venait juste d'inaugurer la plus grande patinoire de KHL (15 000 places, quatre mille de plus qu'à Saint-Pétersbourg). Or, la Minsk-Arena, nouveau projet d'envergure destiné à faire parler du Bélarus et de son bien-aimé président dans toute la planète, sonnait creux. Seuls 9 300 spectateurs s'étaient déplacés au match d'ouverture contre Magnitogorsk (1-2). Et les supporters ont même menacé de boycotter le Dynamo en cas de départ des vedettes.

Platt et Peltonen sont donc restés, mais l'équipe a quand même lâché prise, à la fois physiquement et mentalement, en fin de saison. Lors du dernier match à domicile contre les bourrins du Vityaz, le public a même relevé qu'aucun coéquipier n'est allé aider Vladimir Denisov lorsque le défenseur international s'est retrouvé aux prises avec plusieurs joueurs adverses. Un manque de solidarité interprété comme un manque d'âme.

Le projet "Dynamo Minsk en KHL", né de la seule volonté de Naumov, va donc devoir repartir de zéro sans son concepteur après deux années désastreuses. Le club s'est vainement cherché une identité, ne formant ni une base pour l'équipe nationale, ni une vitrine efficace malgré l'afflux d'étrangers.

 

Sibir Novosibirsk (20e) : au nom du père et du fils

Le Sibir continue d'être dirigé par l'humeur du gouverneur de la région. Ceci explique que la moindre contre-performance à domicile puisse remettre en cause tous les plans. Comme l'an passé, un nouvel entraîneur était arrivé avec un contrat de deux ans. Il est resté... deux mois. Deux semaines après un premier avertissement ("suspension" un soir de défaite puis maintien en poste le lendemain matin), Aleksei Semenov a été renvoyé pour de bon à la fin novembre.

Entraîneur intérimaire, Andrei Tarasenko a finalement, comme l'an dernier, été chargé de mener l'équipe jusqu'à la fin de saison, puisque les résultats étaient en hausse. Il a pu compter sur des attaquants efficaces, y compris le joker Igor Mirnov, arrivé en janvier et directement employé en première ligne.

Mais que peut-on espérer avec des gardiens tous en dessous de 89% d'arrêts ? Thomas Lawson, très peu performant, a été écarté en janvier, remplacé par son compatriote canadien Adam Munro qui n'a pas réussi à s'imposer. Yuri Klyuchnikov présentait le meilleur bilan et était logiquement titulaire, mais il a du même coup participé à la débâcle de la dernière journée. Le Sibir menait en effet 2-0 sur la glace du Vityaz... avant d'encaisser trois buts dans les deux dernières minutes du deuxième tiers-temps ! Battus 5-2, les Sibériens ont ainsi vu les play-offs leur passer sous le nez, et le manager Aleksei Kantsurov a remis sa démission.

Il paraissait acquis que le club était aussi à la recherche d'un nouvel entraîneur, et l'arrivée de Vladimir Vujtek était presque officielle... mais les négociations ont échoué avec le Tchèque. Comme le Sibir n'est pas à un revirement près, Andrei Tarasenko a finalement été confirmé comme coach !

Il aura l'avantage de s'occuper de son fils : Vladimir Tarasenko a en effet précisé qu'il resterait sous contrat avec le Sibir l'an prochain, quoi qu'il en coûte à sa position à la draft NHL. L'ailier de 18 ans, buteur explosif, a déjà pris un rôle prépondérant cette année (13 buts et la meilleure fiche avec +9) et a été convoqué en équipe de Russie senior en avril. Il est plus que jamais le talent russe qui se développe le mieux, et sa ville natale de Novosibirsk est un environnement idéal pour lui. Plus que pour un entraîneur en tout cas...

 

Amur Khabarovsk (21e) : loin... du compte

La nouvelle répartition géographique de la KHL a été décidée contre les clubs asiatiques - situés à l'est de l'Oural - qui en subissaient les inconvénients (moins d'affiches contre les prestigieuses équipes moscovites) mais pas les avantages, car ce sont surtout les clubs de l'ouest qui font les économies. C'est encore plus vrai de la seule équipe d'Extrême-Orient, tellement éloignée de toutes les autres que n'importe quel déplacement est long. Pourtant, c'est grâce à la création de deux conférences que Khabarovsk a pu être dans la course aux play-offs jusqu'à la fin. Il ne lui a manqué que 4 points pour se qualifier dans la conférence est... mais il en aurait fallu 24 de plus dans la conférence ouest !

Personne n'a vraiment réussi à surnager sur les bords du fleuve Amour. Il faut dire que les deux joueurs les plus connus de l'équipe n'ont pas terminé la saison. L'international biélorusse Viktor Kostyuchenok, pourtant capitaine, a en effet été écarté par le staff en novembre. L'ancien Brestois est alors parti au Spartak Moscou, avec lequel il avait déjà fait quelques matches amicaux en 2004/05 sans finalement signer de contrat. Kostyuchenok était peut-être moins efficace derrière que la saison précédente, mais cela ne s'est pas mieux passé en son absence. Vitali Shulakov s'est retrouvé leader défensif, un costume un peu grand pour lui puisqu'il a fini avec le pire bilan de la KHL (-22).

L'autre perte, c'est celle du gardien Tyler Moss, qui a dû rentrer en Amérique du nord début janvier pour se faire opérer du ménisque. Le petit gardien formé au club Aleksei Murygin (175 cm) a été plongé dans le grand bain en cours de match par cette blessure, alors que ses seules apparitions en équipe première il y a quelques années s'étaient mal passées. Mais cette fois, il s'en est bien sorti, et a été le titulaire pendant la fin de saison.

 

Lada Togliatti (22e) : la civilisation automobile remplacée par... celle du pétrole

C'est la chronique d'une mort annoncée. La saison avait à peine commencé que déjà les joueurs adressaient déjà une pétition à la KHL pour protester contre leurs salaires en retard. Le gardien Vassili Koshechkin a demandé à être libéré de son contrat, et il a été exaucé le 15 novembre en partant pour Magnitogorsk. Ce second départ de son club formateur s'est beaucoup mieux passé que le premier et lui a permis de retrouver l'équipe nationale.

Mais à Togliatti, il ne restait plus que des ruines. Le directeur général Aleksandr Chebotarev a été suspendu à vie par la KHL pour avoir violé le règlement sur les cautions financières. Personne ne se faisait plus d'illusions sur le sort d'un club abandonné par ses sponsors et par les autorités locales.

L'entraîneur Piotr Vorobiev, qui avait tenu le fort dans la tourmente financière depuis des longues années, a été hospitalisé au même moment pour des problèmes de tension artérielle, remplacé par Sergei Svetlov. Il en fallait du courage, pour tenir ce poste : si les joueurs étaient payés systématiquement avec deux mois de retard car c'est la limite légale pour qu'ils ne soient pas délivrés de toute obligation contractuelle, les entraîneurs, eux, n'ont pas été payés de la saison. Et lorsque Vorobiev a recouvré la santé, il est parti ailleurs, à Yaroslavl.

Si les joueurs ont payé eux-mêmes leurs billets d'avion pour Moscou pour y retrouver le bus affrété par le club et se rendre aux trois dernières rencontres après la trêve olympique, c'est parce qu'ils savaient que terminer le championnat "normalement" était une condition essentielle pour toucher leurs arriérés de salaire en fin de saison.

La fin de l'histoire était connue de tous. La KHL n'avait plus qu'une solution : exclure un Lada qui était déjà à la casse. Cette ville née au hockey dans les années 80 et championne d'Europe 1997, avant de subir le contrecoup d'une industrie automobile en crise, sera remplacée par une ville sans aucune culture sportive mais avec du pétrole dans son sous-sol, Khanty-Mansiysk...

 

Vityaz Chekhov (23e) : les brutes livrées à elles-mêmes

Le Vityaz n'a toujours pas mérité d'améliorer sa réputation exécrable. La réception de l'Avangard Omsk, si elle n'a pas fait de mort par manque d'encadrement médical cette fois, a viré au pugilat et n'a pu se terminer, 707 minutes de pénalité ayant été distribuées en moins de quatre minutes. Amende et menace d'exclusion de la ligue en cas de récidive : le Vityaz est plus que jamais dans le collimateur. Même le bailleur de fonds du club Boris Gromov, le gouverneur de la région de Moscou, a lui aussi eu des mots très durs en apprenant qu'une plainte criminelle avait même été déposée.

Comment en est-on arrivé là ? La réponse évidente est que l'effectif a été sciemment construit avec des hommes au passé douteux, censés importer en Russie le (pire visage du) hockey nord-américain. Le dernier en date est Brandon Sugden, un joueur suspendu à vie en ECHL pour avoir jeté sa crosse dans les tribunes en direction d'une supportrice qui lançait des chants faisant allusion à ses problèmes de drogue passés. Un mois après son arrivée en KHL, Sugden (136 minutes de pénalité en NHL et 983 minutes en AHL) a été un des principaux protagonistes de la fameuse bagarre.

La seconde partie du problème, c'est que ces cas parfois pathologiques ont été livrés à eux-mêmes, sans personne pour au moins essayer de cadrer leurs bas instincts. Juste avant que Sugden n'arrive, l'équipe avait en effet été privée en même temps des deux hommes capables de détenir une telle autorité : son coach et son capitaine.

Le coach, c'est Mike Krushelnyski. Peu de temps auparavant, le manager Aleksei Zhamnov avait fait l'éloge de cet entraîneur canadien très impliqué dans son travail qui commençait à parler en russe aux joueurs et qui s'abîmait les yeux sur les écrans pour préparer ses séances de vidéo. Cela n'a pas empêché le conseil d'administration du club de le licencier le 3 décembre pour le remplacer par l'entraîneur des juniors Aleksei Yarushkin, un peu "tendre" à 37 ans pour gérer une équipe aussi dure.

Or, le jour du premier match de Yarushkin, le club annonçait officiellement la fin du contrat du capitaine Chris Simon, rentré à New York pour raisons familiales en novembre. Simon est pourtant revenu en janvier, et il s'est même entraîné le matin du (non-)match infamant, mais il avait été laissé en tribunes le soir et n'avait pu intervenir.

Bien sûr, ni Krushelnyski ni Simon ne sont des anges : le premier avait montré son majeur à un arbitre en début de saison, et le second avait pris 4 matchs de suspension. Mais ils auraient peut-être pu faire la part des choses. D'ailleurs, quand Simon est revenu au jeu, il a marqué sept points pour permettre au Vityaz d'aligner quatre victoires de suite. Les joueurs de Chekhov sont même restés ensuite invaincus sur leur glace jusqu'à la fin de la saison. Comme quoi ils seraient capables aussi de jouer au hockey sur glace et pas seulement au combat de rue ! Une incroyable nouvelle qui demande encore confirmation.

 

Metallurg Novokuznetsk (24e) : rajeunissement sur la glace et sur le banc

105 buts en 56 matchs définissent la pire attaque de la KHL, et la saison écoulée n'a donc guère prêté à sourire. Novokuznetsk s'y attendait cependant. Même quand douze défaites se sont enchaînées consécutivement en novembre-décembre, le jeune entraîneur Dmitri Parkhomenko, intronisé à 36 ans, a donc pu travailler en paix. Il était consterné par la faiblesse de ses attaquants, mais il n'y pouvait rien.

Blâmer le recrutement ? Sûrement pas ! Le seul nouveau, Aleksandr Golovin, a été de loin le plus efficace (16 buts) et on peut être heureux qu'il ait été là dans une attaque tenue à bout de bras par les joueurs venus du Kazakhstan (Fedor Polishchuk et Dmitri Dudarev). Si les moyens alloués étaient si faibles, c'est qu'il s'agissait avant tout de stabiliser le club financièrement. Le maire Sergei Martin se vante aujourd'hui que le club n'ait de dette envers personne et puisse envisager un budget bientôt en hausse.

Le Metallurg Novokuznetsk a certes terminé dernier, mais, champion sortant chez les juniors, il a été jusqu'en finale de la MHL, la nouvelle ligue nationale junior créée par la KHL, en n'étant battu que par l'autre Metallurg (de Magnitogorsk). Les deux meilleurs marqueurs des play-offs de cette MHL, l'attaquant Maksim Kitsyn et le défenseur Dmitri Orlov, figuraient d'ailleurs dans les rangs des "Kuznetskie Medvedi", les Ours de Kuznets.

L'avenir appartient donc à Novokuznetsk... si ces jeunes restent, bien entendu. Le gardien Sergei Bobrovsky, pourtant une des priorités du club, a en effet signé un contrat NHL de trois ans avec les Flyers de Philadelphie.

 

Marc Branchu

 

 

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