Dijon en mutation

 

Enfin une intersaison tranquille à Dijon. La dette n'est pas entièrement effacée, mais après deux années positives, la tourmente de l'été 2006 est passée. Le club a été parmi les premiers validés en Ligue Magnus. Jean-Charles Bratigny a essuyé les plâtres pendant la transition avant de se retirer pour raisons professionnelles, et c'est maintenant Olivier Ritz, bénévole depuis quinze ans, qui a pris la présidence du Dijon Hockey-Club. Tel est en effet le nouveau nom auquel il faut s'habituer, en remplacement de l'historique Club des Patineurs et Hockeyeurs Dijonnais. Une préparation au passage en SAOS ou en SASP, qui est le nouvel objectif affiché. On se souvient que l'ex-président Brigand s'y opposait et que c'était une première source de litige avec la fédération.

Aujourd'hui, Dijon est devenu exemplaire par sa gestion, mais chacun sait qu'il est extrêmement limité par ses infrastructures, une patinoire hors d'âge dont le renouvellement n'est pas prévu avant la prochaine mandature municipale, ce qui implique encore au moins six longues années d'attente...

Un recrutement compliqué

Sur le plan sportif, Dijon sait pouvoir compter sur un entraîneur reconnu, avec Daniel Maric. Mais il en deviendrait presque trop connu. Son tempérament fait parfois peur. C'était déjà le cas en privé, c'est aujourd'hui sur la place publique depuis qu'Alexandre Sucré, à bout moralement après trois mois, a déballé son sac sur le site internet de Rouen. Parmi les hockeyeurs français, plus personne n'ignore le caractère de l'entraîneur dijonnais, ses propos cassants et ses séances punitives de patinage.

Certains apprécient cette exigence sans chichis, ce cadre de fonctionnement clair et net sans passe-droit. Mais d'autres ne se verraient pas avoir un tel patron. Cela n'aide pas forcément à recruter. Deux attaquants sont partis, Alexandre Lefebvre et Yvan Fontana, mais un seul arrive d'un club de Ligue Magnus, Thomas Decock, qui a connu deux relégations successives avec Anglet et Caen. Le défenseur spinalien Lionel Simon a longtemps hésité mais est resté dans les Vosges.

L'autre arrivant français, Antoine Cohen, débarque de Viry, club où Daniel Maric sait trouver des profils particuliers : jeune, travailleur, volontaire et combatif. Cela avait fonctionné il y a trois ans avec Kevin Dugas, qui est aujourd'hui un titulaire reconnu de la Ligue Magnus et a même été ciblé par Bob Millette durant l'été. Mais Cohen n'a pas le même potentiel au même âge et pourrait décoller plus difficilement du banc.

Dijon avait pourtant une recrue tricolore en vue, qui n'aurait pas rechigné à évoluer à Dijon puisqu'il connaît la maison. Il s'agit de Martin Jeannette, qui a répondu positivement à Maric mais a finalement préféré continuer son aventure suédoise.

C'est quand même dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures soupes. Ou, au moins, qu'on en connaît le goût... C'est pour cela que Dijon a fait revenir Juraj Senko, le discret défenseur qui a partagé sa saison entre Slovaquie et Hongrie, et Erik Bochna, revenu d'une année en Angleterre. Ayant fait naître en pré-saison des espoirs non concrétisés par la suite à Swindon, il s'en était fait écarter, mais avait aussitôt retrouvé un poste chez une équipe de niveau équivalent à Romford, club dont il est devenu le meilleur buteur.

Le passage à Swindon aura toutefois permis à Bochna d'y rencontrer Tomas Janak, qu'il a recommandé à Dijon. Les statistiques de Janak en English Premier League (29 points ces deux dernières saisons) sont inférieures à celles de Bochna, mais c'est parce qu'il y a évolué au poste de défenseur, ce qui ne l'empêchait pas d'aller marquer des buts sur des montées de palet solitaires. Il a d'ailleurs été élu "joueur de l'année" par le club des supporters de Swindon. Au sein de la troupe de Daniel Maric, Janak revient au rôle qu'il connaissait en juniors, celui d'attaquant de soutien.

Toutes les autres pistes offensives ont fini par s'évaporer les unes après les autres. Annoncé prématurément dans les arrivées, Jaroslav Prosvic est en effet resté à Caen. Michal Kapicka a quant à lui été évincé lors de la pré-saison pour garder Ondrej Prokop, l'ex-Chamoniard qui n'a jamais eu l'efficacité attendue et a été viré en octobre pour être recasé à Reims en division inférieure.

Quant à celui qui devait être l'ultime recrue, le petit Marek Grill, il est resté encore moins longtemps qu'à Épinal. La "mansarde" de Trimolet faisait presque passer le "hangar" de Poissompré pour un palais princier en comparaison. Tout comme l'autre joker, le défenseur Lukas Komarek, il n'a suivi les entraînements de Daniel Maric que pendant une petite heure. Les deux hommes ont ensuite signé au Polonia Bytom, en Pologne, le 5 novembre. Pour Dijon, il restait alors dix jours avant la date limite des transferts, mais le club a arrêté les frais dans ce processus de recrutement qui a connu pas mal de déboires.

Le feuilleton a en effet été aussi long en défense. Les négociations avec l'Allemand Martin Hamann ont achoppé sur la question salariale. Le cas de Peter Strapaty, vice-champion du monde de hockey inline en juin avec la Slovaquie, a longtemps été en suspens. Finalement, il a de lui-même coupé court aux discussions en rejoignant Pavol Milec pour une meilleure proposition financière à Turin en série A2 italienne. Karel Marsa, qui arrivait de quatrième division tchèque, a été renvoyé au bout de dix jours d'entraînement sur glace. Enfin, Boris Zahumensky a été renvoyé en octobre, direction Gap.

Un piètre importateur...

On atteint là la dichotomie entre la théorie et la pratique. L'idée initiale de Daniel Maric était de disposer d'un éventail de joueurs suffisant pendant la préparation pour pouvoir faire son choix et éjecter ceux qui ne lui convenaient pas.

Il y a deux écueils à cela. Premièrement, le temps. La patinoire Trimolet ne rouvre que le 16 août, et cela laisse un délai court pour tenir un camp digne de ce nom. Surtout quand une partie de ce camp doit être dévolue à une sélection draconienne. Le recrutement dijonnais a été pressé par les circonstances et n'a pas pu se retourner. Deuxièmement, l'argent. On peut goûter toute la gamme des produits "premier prix", on ne risque guère de s'émerveiller le palais.

Ces nouveaux inconnus slovaques ne sont finalement pas meilleurs que les joueurs dont les autres clubs de Ligue Magnus ne voulaient pas. Surtout quand on connaît les raisons de leur décote. Si Vladimir Sabol n'a pas été gardé par Tours ou recruté par Amiens, ce n'est pas en raison de ses qualités défensives indéniables, c'est parce que sa rupture des ligaments du genou de janvier dernier fait peur. Dijon a pris le risque. Quant à Luc Mazerolle, s'il reste sur une saison noire à Épinal, c'est parce qu'il souffrait d'une calcification d'un os de la cheville et qu'il avait préféré reporter une nouvelle opération pour être disponible, mais pas avec son rendement habituel. La "récup" des joueurs en disgrâce dans les Vosges n'avait pas si mal fonctionné avec Strapaty. C'est encore en cherchant chez le voisin qu'on a le moins de risque de se tromper.

Il est bon de rappeler une vérité qui fait mal : depuis son inclusion dans l'élite, Dijon a été un bien piètre importateur.

Daniel Maric sait repérer des joueurs qu'il peut remettre en marche chez les adversaires, mais il n'a aucune filière à l'étranger tel un Bourdages par exemple. Pazak et Tekel, les noms qui viennent à l'esprit de joueurs arrivés en France par la Bourgogne, avaient débarqué en 2000, du temps de la division 1. En six années dans l'élite, Dijon n'a fait qu'une bonne trouvaille, Miroslav Kristin. Et il n'y avait même pas de miracle là-dedans : un Pazak et un Kristin étaient d'anciens internationaux juniors qui venaient de marquer 28 et 19 points en Extraliga slovaque au moment de leur arrivée. La comparaison avec les CV aujourd'hui refourgués est sans appel. Le seul avantage de ces "Slovaques bas de gamme" venus de nulle part est qu'ils ne connaissent pas l'état de la patinoire, et qu'ils ne tremblent pas de peur à l'évocation du grand méchant Daniel Maric.

Que reste-t-il de la filière "agents de joueurs" cette saison ? À peine deux défenseurs, Balcik et Jancak.

Martin Balcik a certes joué en Extraliga tchèque, mais il n'y est resté de façon non furtive qu'avec Vsetin, alors que le club morave avait perdu tous ses joueurs et n'avait plus d'argent. Lors de sa seule apparition dans l'élite l'an dernier, le défenseur formé à Havirov a amassé trois pénalités et une fiche de -2. On ne s'étonnera pas que Trinec n'ait pas réédité l'expérience. Le défaut de Balcik est connu... Qu'est-ce que la suite de chiffres 105, 126, 42, 149, 213, 166, 135 et 189 ? Le total de minutes de pénalité par saison dans sa carrière, équipes juniors et seniors confondues ! Quand on sait qu'un des refrains récurrents à Dijon est l'indiscipline, on comprend que ce n'est pas le candidat idéal.

Il n'est pas difficile de deviner ce qui a intéressé les Dijonnais chez Marek Jancak : 2 mètres et 98 kilos. Il s'est aussi fait remarquer en cassant deux doigts à Steven Kaye lors d'une bagarre en pré-saison contre Tours. Mais pour le reste, il n'a comme références qu'un essai non concluant en ECHL en octobre 2006 et une rapide éjection du deuxième niveau slovaque en octobre 2007. Il aurait pu ne pas plus durer à Dijon. Le doigt était posé sur le bouton du siège éjectable, mais faute de mieux, Daniel Maric a préféré conserver ce joueur qui travaille correctement même s'il ne se fait aucune illusion sur leur technique individuelle.

... mais un nouveau formateur ?

Après le départ du capitaine Andrej Mrena, rentré dans son club formateur Banska Bystrica qui vient d'être promu en Extraliga slovaque, la défense dijonnaise était totalement à reconstruire mais ne donne guère plus de garanties. les Ducs auront besoin d'un Aymeric Gillet et d'un Vladimir Sabol en pleine possession de leurs moyens. Juraj Senko avait pris sa dose de pénalités lors de son précédent passage (88 minutes) et les deux nouveaux Balcik et Jancek peuvent largement le concurrencer. De quoi voir poindre sur la glace le sixième homme des lignes arrières, Daniel Masik.

Masik ? Encore un Slovaque ? Non, ce patronyme en "-ik" appartient à un jeune Français formé au club, qui n'a pas encore 18 ans. Il illustre le nouveau développement du club dijonnais. Depuis 1977 et les frères Marciano, les Bourguignons avaient été totalement absents des phases nationales de jeunes pendant trente ans.

Et puis, l'an passé, on a vu apparaître la génération de minimes entraînés par Michel Célestin, dont le gardien et fils Dylan Célestin a donné des cauchemars aux Amiénois notamment, en leur soufflant la qualification pour le tournoi final national. La troisième place finale, égalant la meilleure performance historique, signe le retour en force de Dijon, qui n'apparaîtra ainsi plus comme un club de Ligue Magnus sans base.

Quand on n'a pas de filière d'importation et que les joueurs intéressants préfèrent d'autres destinations, le seul moyen de se constituer un effectif, c'est encore la formation. Le travail accompli commence à être reconnu par les sélectionneurs nationaux. Le gardien Dylan Célestin et le défenseur Quentin Mahier sont titulaires en équipe de France des moins de 16 ans. Le premier nommé a même été appelé une fois chez les U18, avant que l'attaquant Nicolas Ritz n'apparaisse dans la convocation suivante.

Daniel Maric, qui se souvient être apparu en seniors à 16 ans, est prêt à donner sa chance à ces jeunes. Bientôt, Dijon pourra donc disposer de joueurs du cru qui ont le potentiel pour évoluer en Ligue Magnus, et l'exemple de l'international junior Anthony Guttig pourrait devenir la règle et non l'exception. La prochaine étape vers ce développement d'un club formateur est la montée des moins de 18 ans dans la catégorie élite. Elle ne paraît plus impossible.

En attendant que s'élargisse cette base, les Ducs restent dépendants d'un nombre limité de cadres. Ce qui est vrai en défense l'est aussi en attaque, où Dijon s'en remet entièrement aux retrouvailles du duo Bochna-Kristin, qui avait bien fonctionné ensemble pendant deux saisons.

Ils bénéficieront toujours de l'appui de Stephen Dugas. En raison de ses obligations professionnelles, le jeune chef d'entreprise, qui a maintenant deux enfants, n'avait pas pu suivre tous les entraînements la saison passée, ni suivre une vraie préparation estivale. Il a pourtant vite retrouvé ses marques pour ce qui doit être un dernier plaisir "sans pression" en Ligue Magnus, avec la fonction de capitaine. Mais quand il partira, il laissera un vide de plus dans une équipe qui doit vite se renouveler. L'évolution de Dijon ne peut pas se permettre de prendre du retard sur celle du reste du hockey français.

Marc Branchu

 

 

Départs : Andrej Mrena (D, 7+11, Banská Bystrica, SVK), Peter Lalka (D, 1+6, Kallinge-Ronneby IF, SUE-4), Juraj Sadlon (D, 4+7, Jaca, ESP), Peter Strapaty (D, 2+6, Real Turin, ITA-2), Michal Dian (A, 13+12, Banská Bystrica, SVK), Miroslav Fiser (A, 11+13, Zaglebie Sosnowiec, POL), Pavol Milec (A, 6+13, Real Turin, ITA-2), Alexandre Lefebvre (A, 2+5, Villard-de-Lans), Yvan Fontana (A, 4+5, Neuilly-sur-Marne).

Arrivées : Mazerolle (Épinal), Decock (Caen), Séguy (Chamonix), Bochna (Romford, GBR-2), Cohen (Viry), Balcík (Prostejov, TCH-2), Sabol (Tours), Janak (Swindon, GBR-2), Senko (Újpest, HON), Jancek.

Effectif :

Gardiens

N° NOM Prénom          Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Ch 2007/08   MJ   Min   Moy.   Pén
21 ROULLIER Julien     04/08/1985  174  76  Viry               Dijon       FRA-1    6   117   3,60    0'
31 HURAJT Radovan      13/02/1982  187  81         (Slovaque)  Dijon       FRA-1   31  1761   3,92   41'

Défenseurs

N° NOM Prénom          Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Ch 2007/08   MJ   B   A Pts   Pén
44 BALCIK Martin       19/09/1985  178  82          (Tchèque)  Trinec      TCH-1    1   0   0   0    6'
                                                               Jihlava     TCH-2   14   0   1   1   60'
                                                               Vel. Mezi.  TCH-3    7   1   0   1   22'
                                                               Prostejov   TCH-2   27   0   4   4  101'
 7 GILLET Aymeric      29/02/1980  190  89  Meudon             Dijon       FRA-1   30  12  10  22  125'
 5 JANCEK Marek        02/05/1985  200  98         (Slovaque)  Nove Zamky  SVK-2    4   0   1   1    0'
81 MASIK Daniel        13/04/1991  180  73  Dijon              Dijon cadets
70 SABOL Vladimir      25/07/1981  180  86         (Slovaque)  Tours       FRA-1   19   1   8   9   22'
18 SENKO Juraj         10/10/1984  187  83         (Slovaque)  B. Bystrica SVK-2   22   2   4   6   14'
                                                               Újpest      HON-1    9   0   1   1   18'

Attaquants

N° NOM Prénom          Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Ch 2007/08   MJ   B   A Pts   Pén
37 BOCHNA Erik         05/09/1977  179  80         (Slovaque)  Swindon     GBR-2   12   9  10  19   10'
                                                               Romford     GBR-2   26  27  27  54   32'
17 CHABERT Loïc        14/10/1991           Dijon              Dijon cadets
96 COHEN Antoine       25/09/1988  181  92  Champigny          Viry        FRA-2   26   6  10  16   18'
11 DECOCK Thomas       10/08/1986  177  70  Anglet             Caen        FRA-1   28   6   6  12   14'
 8 DAUPHIN David       06/06/1983  175  69  Dijon              Dijon       FRA-1   31   0   2   2   33'
10 DUGAS Kevin         23/01/1985  180  70  Viry               Dijon       FRA-1   31   6  11  17   22'
20 DUGAS Stephen       15/07/1977  188  87  Viry               Dijon       FRA-1   29   4   9  13   49'
87 FAHAS Yassine       19/04/1987  170  68  Dijon              Dijon       FRA-1    4   0   0   0    0'
71 GUTTIG Anthony      30/10/1988  185  76  Dijon              Dijon       FRA-1   24   5  10  15   14'
14 JANAK Tomas         13/10/1982                  (Slovaque)  Swindon     GBR-2   37  12  17  29   30'
61 KRISTIN Miroslav    22/01/1982  180  83         (Slovaque)  Dijon       FRA-1   28  13  10  23  108'
19 LECOANËT Thomas     21/10/1989           Dijon              Dijon       FRA-1    1   0   0   0    0'
91 MAZEROLLE Luc       23/02/1981  178  80         (Canadien)  Épinal      FRA-1   25   1   1   2   34'
16 SEGUY Matthieu      28/01/1986  175  71  Chamonix           Dijon       FRA-1   29   2   2   4   10'

Entraîneur : Daniel Maric (51 ans).

 

Revoir la présentation 2007/08

 

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