Kazakhstan 2006/07 : bilan de la saison

 

Les miracles ne se reproduisent pas toujours. Cela pourrait être la devise du hockey kazakhstanais dont les équipes nationales seniors masculines et féminines n'ont rien pu faire pour revenir ou se maintenir dans l'élite mondiale.

Pour les féminines, c'était une découverte du plus haut niveau, avec ce championnat du monde au Canada. L'expérience aura été courte, avec quatre défaites et aucun but de marqué. En première phase, les Kazakhstanaises ont perdu 9-0 face aux États-Unis et 7-0 contre la Chine. Mêmes difficultés en poule de maintien, avec deux défaites sèches : 3-0 et 7-0 contre l'Allemagne et la Russie. Les joueuses du Kazakhstan, issues de deux clubs seulement, Aisulu et Oustinka Oust-Kamenogorsk, vont donc poursuivre leur apprentissage en D1.

Les hommes n'ont terminé que troisièmes du Mondial de D1 disputé en Chine. Les joueurs d'Asie centrale ont devancé l'Estonie battue 2-1, les Pays-Bas, dominés 5-2, et la Chine explosée 12-0. Mais ils n'ont rien pu faire contre les deux ténors du groupe, la Pologne (défaite 2-5) et surtout la France, qui s'est imposée 3-1 dans le match capital pour la montée.

Mais les Kazakhstanais avaient des circonstances atténuantes. On peut même dire que c'était l'équipe réserve qui était présente à Qiqihar. En effet, manquaient les deux joueurs évoluant en LNH, Nikolaï Antropov (Toronto) et Konstantin Pouchkariov (Los Angeles), mais surtout tous ceux jouant en Russie, soit 28 joueurs ! On vous le disait, une deuxième équipe !

Trop difficile dans ces conditions de jouer la montée. Qu'auraient fait la France ou la Pologne sans trente de leurs meilleurs joueurs ? Les Kazakhstanais du championnat de Russie, comme leurs homologues Ukrainiens, doivent en effet choisir entre jouer pour leur pays ou perdre leur statut de joueur non-étranger dans leur club. Si cela permettait au moins de lever l'ambiguïté entre la nationalité d'origine (les hockeyeurs sont à 99% des Russes ethniques venus s'installer au Kazakhstan à l'époque soviétique) et celle obtenue à la chute de l'URSS, mais rien n'est moins sûr, car une fois leur carrière pro terminée en Russie, les joueurs kazakhstanais rentrent au pays et peuvent donc rejouer pour lui...

Quoi qu'il en soit, cet échec dans la remontée en élite a fait une victime, la même que d'habitude en pareil cas, l'entraîneur national ! Anatoli Kartaiev cède sa place à Oleg Boliakine, qui lui a fait monter les moins de 20 ans en élite ! Malgré une défaite 0-3 contre la Grande-Bretagne, les juniors kazakhstanais ont terminé premiers en écartant la France 4-1, l'Autriche en prolongation, l'Italie 4-1 et la Norvège 3-2. Les moins de 18 ans n'ont pas fait aussi bien, mais sont cependant montés sur la troisième marche du podium en Slovénie.

À signaler, et c'est la faiblesse du hockey au Kazakhstan, que tous les juniors sélectionnés, en 18 et 20 ans, venaient tous des deux principaux clubs : le Torpédo et le Kazakhmys. Remarquez, c'est un progrès, avant tous les joueurs de toutes les sélections du Kazakhstan ne venaient que du Torpédo Oust-Kamenogorsk !

Enfin, l'équipe nationale a également participée cette saison aux Jeux Asiatiques d'hiver. Lors de la première phase, le Kazakhstan s'est amusé contre deux nations exotiques, même pas engagées en championnat du monde : 38-0 contre les Emirats Arabes Unis et 52-1 face à la Thaïlande, dont on se demande bien comment elle a fait pour en marquer un ! En revanche, en phase finale, le Kazakhstan s'est laissé surprendre par le Japon qui l'a dominé 3-2. Les Kazakhstanais remportant cependant la médaille d'argent suite à leurs succès 17-1 contre la Chine et 8-1 devant la Corée du sud.

 

Les clubs du championnat national

 

Premier : Kazzinc-Torpedo Oust-Kamenogorsk (Öskemen en langue kazakhe). Le Torpédo a repris son bien. Le club légendaire du Kazakhstan, celui qui avait droit de cité au plus haut niveau à l'époque soviétique, avait été dépossédé de son bien l'an passé par le Kazakhmys pour quatre petits points. Cette saison, après une coupe (du Kazakhstan) ratée, le Torpédo a remis les choses au point avec une saison plus que parfaite et un treizième titre national. Le club de l'est du Kazakhstan n'a perdu qu'un seul match en championnat du Kazakhstan, une courte défaite chez son rival 2-3 le 18 mars. Et c'est tout. Quinze points d'avance pour une mise au point !

Le Torpédo, dans sa vieille patinoire datant des années soixante, reste toujours le centre névralgique du hockey kazakhstanais. La preuve, le meilleur joueur du pays est l'un des siens : le jeune international (ethniquement kazakh) Talgat Jaïlaouiov a été élu par le panel des journalistes pour cette saison 2007, devant deux coéquipiers, le combatif Vadim Rifel et le vétéran Alexandre Korechkov.

Également engagé en poule orientale de la Vyschaïa Liga (le deuxième échelon russe), le Torpédo s'est classé quatrième, avec 30 victoires, 9 nuls et 19 défaites dont deux en mort subite. Le club a cependant réussi à battre une fois les deux leaders de cette poule, l'Avtomobilist d'Ekaterinbourg 5-2 et l'Ijstal d'Ijvesk 2-0.

 

Deuxième : Kazakhmys Satpaïev. Jusqu'à présent, le Kazakhmys était de Karaganda, au nord du pays. Mais les dirigeants du combinat de cuivre (dixième producteur mondial, 66 000 salariés, dont le siège est à Londres, où est cotée l'entreprise qui possède également une filiale en Allemagne) ont décidé le transfert de l'équipe dans la nouvelle patinoire de Satpaïev, autre ville minière du même district, mais... plus petite. La différence, c'est qu'un complexe sportif ultra-moderne vient de s'y construire. Le Kazakhmys joue donc maintenant dans une patinoire neuve et spacieuse. On a d'ailleurs pris soin d'y laisser un espace confortable entre les sièges sachant que les tribunes ne risquent guère d'être bondées.

Cela n'a rien changé à l'efficacité de l'équipe, sauf qu'elle a perdu son titre national ! Mais sur tous les autres fronts, le Kazakhmys de Satpaïev s'est montré digne du passé du Kazakhmys de Karaganda. C'est en Coupe Continentale que le club a été le plus brillant. En quart de finale, à Oswiecim en Pologne, le Kazakhmys a réglé son compte à tous ses adversaires : 4-2 contre Cracovie, 4-1 contre le Steaua Bucarest et 12-0 face aux Espagnols de Puigcerda. En demi-finale à Minsk, les Kazakhstanais sont même passés à deux doigts de l'exploit. Après avoir écarté le Sokil de Kyïv, 6-2 ,et les Autrichiens de Salzbourg, 7-2, ils ont échoués en prolongation contre le futur champion, le Iounost de Minsk, 2-1... En championnat russe, le Kazakhmys se classe juste devant le Torpédo et juste derrière les deux ténors, avec 33 victoires, dont deux en prolongation, 6 nuls et 17 défaites, dont deux en mort subite.

Finalement, à force d'être placé mais pas gagnant, cette saison a été rageante pour le Kazakhmys dont la victoire en coupe du Kazakhstan aura du mal à faire passer la pilule.

D'ailleurs, pas très fair-play, le Kazakhmys a tenté de contester sur tapis vert le titre du Torpédo. En jeu, le sort de deux joueurs, Artion Ternavski et Andreï Kouznetsov, qui ont passé la saison avec le club russe du Gazovik Tioumen avant de renfocer tardivement le Torpédo. Le club de Satpaiev estimait qu'ils avaient joué pour leur ancienne équipe après la date limite des transferts, fixée en février. La fédération a tranché en faveur du Torpédo, qui avait fourni les documents à temps pour faire valider les transferts.

 

Troisième : Gorniak Roudny. Derrière les mastodontes du championnat kazakhstanais, il faut avoir du coffre pour résister quand on est le club d'une petite ville excentrée. Le club de Roudny, au nord du pays, a tenté de le faire, avec pas mal de succès : il a gagné un match à Satpayev début mai, sur un but à une minute de la fin d'Artur Kiberlein. Il a même récidivé mi-mai (le championnat se termine très tard au Kazakhstan, après le championnat russe et les Mondiaux) en remportant les deux matches retour à domicile, face à un adversaire qui n'avait plus rien à gagner, hormis par son recours administratif. Le bilan des confrontations contre le Kazakhmys est donc positif, mais le Gorniak avait lâché trop de points à l'automne contre des équipes moins bien classées. Ses joueurs majeurs sont encore jeunes et ont une marge de progrès.

Parallèlement, le Gorniak a disputé le championnat de Pervaïa Liga russe (le troisième échelon) en terminant à une belle troisième place de sa poule d'Oural et Sibérie occidentale.

Le Gorniak n'a cependant pas été rose. Le club a eu la douleur de perdre l'un de ses joueurs le 4 septembre dernier. Ivan Efremov, défenseur originaire d'Oust-Kamenogorsk, a été trouvé mort chez lui à l'âge de 24 ans. Certainement un suicide.

 

Quatrième : Sary Arka Karaganda. Lorsque le Kazakhmys a quitté Karaganda, il a bien fallu trouver une solution pour la ville d'origine du président au pouvoir depuis l'indépendance, Noursoultan Nazarbaïev ! Il fallait bien un club pour la patinoire Ak Joltaï, appartenant toujours à Kazakhmys. Les autorités de la région de Karaganda ont donc décidé, fin juillet 2006 et avec l'appui financier de Kazakhmys, de monter un nouveau club. Ils le nommèrent Sary Arka, du nom de la région. En août, Alexandre Vissotsky, un ancien joueur formé à Karaganda qui suivait une école des entraîneurs à Saint-Pétersbourg, était contacté pour s'occuper de la nouvelle équipe. Celle-ci joue en jaune et bleu avec un aigle aux ailes déployés, soit les couleurs et les armoiries du Kazakhstan.

Pour ses débuts, Sary Arka rate la médaille de bronze nationale pour un petit point. Rageant ! Il a cependant réussi de beaux coups, en particulier en battant le Kazakhmys 5-3 pour son retour dans la patinoire de Karaganda ! Ce match avait provoqué une belle polémique en amont car la fédération l'avait décalé à la demande des visiteurs sans même prévenir le club local. De quoi agacer les supporters de Karaganda qui ont l'impression que tout est désormais fait en faveur de Satpayev.

Deux des meilleurs joueurs du Sary Arka, Alexandre Chine (décisif aux Universiades où le Kazakhstan a obtenu le bronze) et Doszhan Essirkenov, sont partis à Oust-Kamenogorsk en cours de saison.

 

Cinquième : Barys Astana. Le club de la capitale du Kazakhstan, Astana (qui signifie capitale en kazakh !) a encore du mal à donner des coups de griffes (Barys, la panthère en kazakh, c'est dingue comme vous progressez en kazakh en lisant ces lignes !). Mais c'est normal, Astana, comme Rome, ne se fait pas un jour. Il faut savoir qu'il n'y avait que la steppe et une petite ville soviétique désolée, lorsque Noursoultan Nazarbaiev a décidé de transférer la capitale d'Almaty, tout au sud, à cette steppe du centre du pays...

Alors, forcément, cela prend du temps pour concurrencer les grands du hockey national. D'autant plus que le meilleur buteur de la jeune histoire du club, Alexandre Vissotsky, a raccroché les patins l'an dernier pour aller entraîner chez lui à Karaganda.

Ceci dit, le Barys dispose d'un entraîneur prestigieux, Mikhaïl Panine, évidemment formé à Oust-Kamenogorsk et ancien champion d'URSS avec le CSKA. S'ils se classent cinquièmes en championnat et loin des meilleurs, les bleu et blanc ont réussi à prendre la troisième place en Coupe du Kazakhstan. Dans son palais des sports du Kazakhstan, Astana est même parvenu à s'imposer 4-1 contre le Torpédo, lui ôtant toute chance de victoire finale dans cette coupe.

Mais le principal succès de l'équipe de la capitale, c'est d'avoir remporté sa poule de D3 russe, loin devant le Gornyak. Elle a ainsi été promue comme le troisième club du Kazakhstan admis en Vyschaïa Liga russe... où ces invités auront la saison prochaine les mêmes droits que les autres en ce qui concerne la participation aux play-offs et à la montée en Superliga.

 

Sixième : Irtych Pavlodar. Pavlodar, dont la patinoire date de 2004, est une ville du nord-est du Kazakhstan, à la lisière de la Sibérie. Cela ne facilite pas les contacts avec le reste du pays. L'Irtych a connu une saison des plus difficiles en championnat avec une accumulation de défaites, à part un succès arraché en prolongation devant le Gorniak et les quatre victoires sur la lanterne rouge Almaty.

L'Irtych a joué le championnat de D3 russe, dans la poule de Sibérie orientale, la même que Karaganda et que les réserves de Satpaev et Oust-Kamenogorsk. Irtych s'est classé quatrième, juste derrière le Sary-Arka, ce qui n'est pas mal et prouve juste que c'est difficile de courir deux lièvres à la fois, surtout dans la steppe.

Cela aurait pu être pire. Fin octobre, dirigeants avaient annoncé l'équipe que le club allait fermer ses portes. Dix départs ont suivi, dont ceux du duo Jdanov-Zlobin au Sary Arka. Mais, à Noël, les hockeyeurs restants ont reçu un beau cadeau : les arriérés de salaires et de primes enfin versées après des mois de retard. Apprenant cela, certains attaquants partis, comme Sergueï Purtov et Sergueï Mikov, sont alors revenus.

Les problèmes financiers ne sont sans doute pas indéfiniment résolus, tant qu'un sponsor privé ne viendra pas accorder son aide. Le budget régional n'est pas extensible. Même l'idée que chaque entreprise de la ville parraine un joueur n'a pas rencontré de succès. L'école de hockey locale ne peut accueillir que les enfants dont les parents ont les moyens de payer l'équipement et les déplacements, et l'Irtysh n'a pas d'équipe au-dessus des moins de douze ans.

 

Septième : Yenbek Almaty. Ouille, ouille, ouille ! Saison des plus dures pour le club de l'ancienne capitale et toujours poumon économique du Kazakhstan. Zéro point en coupe et un petit point en championnat (une défaite 0-1 en prolongation contre Pavlodar).

Pourtant, il y a quelques années, en 2003, le Ienbek était venu en tournée en France et s'était imposé 5-4 à Grenoble. Depuis, le club d'Almaty est tombé dans les pommes : normal, Almaty, c'est la ville des pommes...

Le Ienbek a la plus jeune équipe du championnat et est le seul club à ne pas être engagé en championnat russe. Il n'aurait pas les moyens d'y participer dans les conditions actuelles, ayant déjà du mal à maintenir en état de rouler son vieux bus construit en 1978...

Si la saison a été si compliquée, c'est aussi parce que la patinoire n'a pu ouvrir qu'en novembre. Il a donc fallu accumuler les matches à l'extérieur en attendant et se préparer a minima.

Bruno Cadène

 

 

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