Ukraine 2006/07 : présentation

 

Le hockey ukrainien tarde à se stabiliser. Certes, l'équipe nationale parvient, tant bien que mal, chaque année à se maintenir dans l'élite mondiale, et il y a des promesses, des frémissements, d'un avenir meilleur qui pointent à l'horizon. Mais il subsiste de nombreux écueils : difficultés financières, exode permanent des meilleurs éléments, concurrence d'autres sports plus populaires. Bref, même si le dossier de la modernisation du hockey ukrainien avance, c'est encore très lentement. Tiens, cela ressemble à la situation générale du pays. Ce n'est peut-être pas un hasard !

 

Avis de tempête sur le Solki Kyiv. L'éternel champion et étendard du hockey en Ukraine connaît de très sérieuses difficultés financières. Le faucon kiévien a même failli disparaître corps et bien à l'intersaison. Dans l'incapacité de s'en sortir tout seul, le club s'en est même retourné vers le pouvoir politique. Olexandre Seukand, l'entraîneur du Sokil (et de l'équipe nationale), est allé voir le secrétaire du président Viktor Iouchtchenko. Le club a ainsi saisi au bond les propos présidentiels durant le Mondial de Riga, affirmant que les autorités du pays devaient aider le hockey ukrainien a se développer. Cette visite à Mariïnski (le palais présidentiel) n'a peut-être pas débloqué la situation, mais au moins, cela a permis au pouvoir de prendre en compte la situation problématique du principal club ukrainien.

Le Sokil a dû rogner ses ailes et faire le ménage dans son effectif pour cause d'économies. Une dizaine de joueurs s'en sont allés, parfois très loin, comme Oleh Blagoï qui est parti en Chine ! La destination numéro un a été cependant le Bélarus voisin, avec une envolée d'anciens faucons. D'autres ont choisi la Slovaquie, la Russie ou même la Grande-Bretagne. Pour les remplacer, le vieux club kiévien a rappelé d'anciens joueurs partis à l'étranger. Et les oiseaux revenus au nid, sont vraiment revenus de partout : du Bélarus (Pavel Akimov de Homel, Olexandre Bobkine du Dynamo Minsk), de Roumanie (Artiom Bondarev du Steaua Bucarest), de Grande-Bretagne (Volodimir Tchernenko de Hull), des Pays-Bas (Anton Boutochnov de Heerenveen), d'Espagne (Daniil Didkovski de Jaca) et de Russie (Vitali Kirichenko).

Mais cela ne suffit pas, le club se traîne en bas de tableau dans les deux championnats auquel il participe : celui du Bélarus, et plus grave, celui d'Ukraine, où il n'avait pas l'habitude de côtoyer l'enfer. Du coup, le club a demandé de l'aide à ses voisins. En clair, le Berkout lui a prêté trois joueurs (des anciens du Sokil d'ailleurs...) pour tenter de sauver la face en championnat du Bélarus et en Coupe Continentale. Cela a été le cas pour l'ex-Tourangeau, Taras Bega, ou pour le capitaine du Berkout, Olexandre Savitski. Cela n'a rien changé en championnat bélarussien, mais au moins, en demi-finale de Coupe Continentale, si le Sokil a certes perdu ses trois matches, il n'a pas été totalement ridicule.

Mais la saison s'annonce (très) longue pour le Sokil, qui doit s'attendre à souffrir pour gagner des points. L'embellie des matches joués devant une affluence importante au Palais des Sports de Kyïv, la saison passée en championnat du Bélarus, a vite été remplacée par un ciel nuageux.

 

De 1988 à 2002, le Berkout (Aigle royal, le hockey ukrainien se la pète "rapace"...) a été de Kyïv. Puis il est tombé du nid et a mis la clé sous la porte, avant de renaître en 2004 au deuxième niveau national, pour remonter en élite l'an passé... et déménager en banlieue cette saison avec de nouvelles ambitions. Les Russes avaient inventé le MO (Moskovskaïa Oblast, la région de Moscou, pour les clubs de la banlieue de la capitale), les Ukrainiens inaugurent le KO (Kyïvskaïa Oblast, la région de Kyïv). C'est en effet le nouveau nom officiel du Berkout qui s'est installé à proximité de la capitale, dans la ville de banlieue de Brovary (aucun lien avec une certaine Madame Brovary, le nom de cette ville vient du mot "brasseurs", ce qui est un bon signe pour les quatrièmes tiers-temps...).

Cette grosse ville de près de cent mille habitants, à une vingtaine de kilomètres à l'est de Kyïv, a une forte tradition sportive avec des lieux d'entraînement pour le haut niveau. Les deux plus grandes stars du sport ukrainien, le footballeur Andryï Chevtchenko et l'ancien champion du monde de boxe - devenu homme politique dans le camp "orange" - Vitali Klitchko ont d'ailleurs inauguré l'an passé à Brovary une structure de l'association "SOS village d'enfants" qui s'occupent des plus défavorisés. C'est donc dans un environnement propice au sport que le Berkout déploie ses ailes.

La venue du club kiévien à été possible suite à la construction d'une nouvelle patinoire dans le centre commercial "Terminal". Un peu comme le club estonien de Tartu, le Berkout bénéficie donc d'une glace au cœur d'un centre de commerce et de loisirs, de quoi faire sa pub auprès des chalands du samedi après-midi ! Certes, la capacité de la patinoire n'est que de 1500 places, mais elle bénéficie de loges VIP, d'une tribune de presse avec des cabines pour d'éventuels commentateurs et d'un restaurant. Ce qui dans le contexte du hockey ukrainien est une aubaine. Le club a donc les moyens de se développer, il vient même d'inaugurer un site internet (www.berkut.net.ua).

Pour parvenir à être sacré champion à la fin de la saison, l'Aigle Royal de Brovary a donc sérieusement renforcé son équipe. Tous les joueurs de l'effectif sont des anciens du Sokil, un peu comme l'avait fait en son temps le Metalurgs de Liepaja, en se servant sur l'ex-Dynamo de Riga pour se constituer une équipe. Il a également fait venir l'excellent buteur de l'ATEK, Olexandre Issaiev. Dans un sondage, en début de saison, les internautes du site www.hockey.org.ua ont d'ailleurs désignés à 40% le Berkout comme le futur champion national.

 

Mais les Aigles Royaux devront se méfier d'un autre rival kiévien. Non pas le Sokil, on l'a vu, mais peut-être l'ATEK Kyiv. L'ancien petit poucet du hockey kiévien se sent pousser des ailes (enfin, lui n'a pas de nom d'oiseau...) avec la redistribution des cartes, suite à la quasi-banqueroute du club phare. Lui aussi a un effectif composé d'anciens faucons et lui aussi espère inscrire son nom au palmarès du championnat national, pour les quinze ans du retour de l'indépendance ukrainienne. D'ailleurs, son début de saison est parfait. Il a même battu deux fois le Berkout. Sauf que ces rencontres ont déclenché une vive polémique. Le club de Brovary s'est plaint, en vrac, de l'arbitrage, du manque de sportivité du coach de l'ATEK, Mikhaïlo Androuchtchenko, et surtout du prêt de cinq joueurs du Sokil à l'ATEK ! Le Berkout a rappelé qu'il avait prêté trois joueurs majeurs au Sokil pour la Conti-Cup et le championnat du Bélarus et que c'était là une bien étrange manière de le remercier de ce geste. Du coup, le Berkout a décidé de la jouer perso, et de ne plus aider personne !

Reste qu'en attendant, l'ATEK est toujours en tête du championnat et reste invaincu. Il possède également les trois meilleurs pointeurs du championnat : Evgueni Mlyntchenko, Serhyï Malachenko et Mikhaïlo Fadeiev (ex-international passé par le Sokil, bien sûr, mais aussi par l'Extraliga tchèque, la Superliga russe, l'Extraliga slovaque, l'Allemagne, le Bélarus... et le Berkout !).

Le renouveau ne viendra peut-être pas de où on l'attendait. Le club a même deux internationaux, le buteur Mlyntchenko et le défenseur Andryï Mikolayïv. Cependant, l'ATEK a un handicap certain face au Berkout : sa vieille patinoire de 400 places seulement...

 

On vous disait qu'il y avait du changement cette saison. Car un autre club kiévien ne renonce pas à se trouver une place au soleil. Le HK Kompanion Kyiv est un nouveau venu. En fait pas si nouveau que cela, car il succède au HK Kyïv, un club qui avait été formé à l'origine par des jeunes joueurs du Sokil barré en première et par des anciens souhaitant poursuivre le hockey.

Kompanion est le nom du sponsor, c'est un magazine spécialisé dans l'actualité financière et des affaires. Un peu ironique quand on connaît l'état des finances du hockey ukrainien. Prenant la suite du HKK, le Kompanion joue ses matches à la petite et ancienne patinoire de l'Avangard, sur la rue Melnikova. L'équipe est composée en grande partie d'anciens jeunes du Sokil et du HKK, avec quelques internationaux juniors comme Maxime Sidorenko, Egor Roufanov ou Alexyï Loubnine, qui est passé par la Russie (KSM, Voronej, Tambov) et même la Roumanie (Galati) et des anciens plus expérimentés comme Rostislav Saglo (un ancien des ligues mineures nord-américaines, passé par la Pologne et la Slovaquie). Le Kompanion peut en tout cas jouer les trouble-fête.

 

Et que deviennent le HK Dniprovskie Volki Dnipropetrovsk dans ce remue-ménage kiévien ? Et bien les loups ont du mal à hurler de bonheur. Le club de l'homme d'affaires Edvard Stratan, qui avait repris en 2002 le vieux club du Méteor Dnipropetrovsk avec la volonté d'en faire le deuxième grand club du pays derrière le Sokil, a des difficultés dans la réalisation de ses ambitions. Tout d'abord, il ne peut jouer ses matches dans la petite patinoire du Météor (vingt ans d'âge) qui est réservée désormais aux équipes de jeunes du club.

Les Loups doivent se rendre en meute à Kharkiv, la grande ville de l'est de l'Ukraine. Ils jouent dans la patinoire du hockey mineur de Kharkiv devant une poignée de spectateurs (200 quand même pour recevoir le Berkout). Les vice-champions 2005 doivent donc mettre un frein à leurs ambitions, eux qui voulaient être champions d'Ukraine et devenir le deuxième club ukrainien a rejoindre le championnat du Bélarus... Pourtant, l'équipe a recruté à l'intersaison avec le retour en Ukraine de joueurs partis à l'étranger (l'attaquant Evgueni Alipov du Dunarea Galati ou d'Oleh Denissenko de Khimvolokno) et le renfort de quelques juniors de Kharkiv, rejoignant leurs hôtes du moment. En attendant une nouvelle patinoire à Dnipropetrovsk, les loups risquent bien de hurler dans le vide...

 

Enfin, pour compléter la liste des équipes participantes à ce championnat d'Ukraine, le Sdiouchor Sokil, l'équipe junior du Sokil, fait le sixième. Mais au vu des difficultés de l'équipe première, les juniors qui évoluent dans cette équipe-école ont encore plus de problèmes. Les meilleurs sont partis, soit en équipe une, soit ailleurs, et ce championnat se transforme en calvaire pour les jeunes faucons. L'équipe sert cependant de base à la sélection nationale junior pour préparer les championnats du monde.

 

Alors, qu'en penser ? Qu'au vu des ennuis du Sokil, le hockey ukrainien ne s'en sortira jamais, ou alors, au vu de l'émergence d'autres clubs, qu le hockey ukrainien peut espérer trouver sa voie autrement que dans le "monoclubisme" comme ces dernières années.

Il y a cependant quelques signes d'espoir, en dehors de cette nouvelle patinoire de Brovary. Tout d'abord, dans le budget 2007, le gouvernement a inscrit la construction de nouvelles patinoires à Kyïv, Dnipropetrovsk, Donetsk, Kharkiv et Lviv. De quoi sortir le hockey ukrainien de son "ghetto" kiévien. Ensuite, pour trouver des solutions aux soucis financiers des clubs, la Rada Centrale, le parlement ukrainien, envisage de voter un texte permettant une exonération fiscale aux sponsors investissant dans le hockey. Il y a aussi l'organisation en décembre à Kyïv d'une manche européenne de l'Euro Challenge. La fédération s'est même trouvée un sponsor, avec la marque de vodka ukrainienne, Soyouz-Viktan, déjà bien impliquée dans le partenariat sportif en Ukraine et en Russie. Certes l'affiche n'est pas forcément des plus "sexy", avec le Kazakhstan, la Pologne et la Roumanie, mais cela permet à l'équipe nationale de se montrer devant son public, ce qui est plus que rare. L'occasion également pour les Ukrainiens de revoir quelques uns des dizaines de joueurs exilés dans le monde entier, avec la sélection de 17 joueurs évoluant à l'étranger.

Enfin, il y a aussi des propos rassurants. Ceux de Vadim Chakhraïtchouk par exemple. L'international ukrainien, capitaine du Dynamo de Moscou, a déclaré récemment sur le site internet de son club que son but était après sa carrière d'aider de son mieux le hockey de son pays, car il y avait tant à faire (on veut bien le croire !). Sa famille réside d'ailleurs toujours à Kyïv, pour ne pas perdre ses racines, et son fils, Vadim junior, 8 ans, joue même au hockey dans la capitale ukrainienne...

Bruno Cadène

 

 

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