Chamonix tourné vers l'avenir

 

On ne pourra pas dire que le retour du club recordman des titres de champion de France dans l'élite du hockey français se soit passé sans douleur. Validés tardivement suite à la cascade de forfaits (Mulhouse, Tours et Dunkerque) qui a touché la Ligue Magnus au terme de la saison 2004-05, les Chamois ont dû composer dans l'urgence et ne se sont jamais vraiment remis de cette préparation amputée et précipitée. En faisant clairement le choix de la jeunesse, Chamonix a connu une saison poussive faite de quelques hauts (victoire face à Grenoble notamment) et de beaucoup de bas. Résultat : les Chamois se retrouvaient encore sur la glace au mois de mars en train de batailler pour le maintien face aux Rapaces de Gap, qu'ils avaient pourtant laissé six points derrière, puis au mois d'avril face à Dunkerque pour assurer définitivement et laborieusement le maintien parmi l'élite. Au terme d'une saison éprouvante, le constat s'imposait pour les Chamoniards : plus jamais ça !

La valse des entraîneurs

La première question à régler lors de l'intersaison chamoniarde était celle de l'entraîneur. L'an dernier, les tergiversations avaient été nombreuses avec l'embauche tardive de Marius Konstantindis suite au départ surprise de Pierre Pousse qui préférait se consacrer à l'équipe de France. Mais à quelques jours du début du championnat, le club chamoniard se séparait du regretté Slovaque après une campagne de pré-saison difficile. Dans l'urgence, Bruno Margerit prenait les rênes de l'équipe tout en continuant à jouer. Une solution temporaire qui devait finalement durer même si les Chamois allaient souffrir toute la saison de cette préparation pour le moins mouvementée.

Alors que l'équipe semblait avoir besoin de stabilité pour préparer la prochaine saison dans la sérénité, Bruno Margerit était finalement débarqué à son tour au terme de l'exercice 2005-06. Le maintien acquis, objectif avoué du club, n'était pas suffisant aux yeux des dirigeants chamoniards qui reprochaient à leur entraîneur-joueur un certain dilettantisme dans la gestion du groupe. Margerit out, restait à trouver rapidement un remplaçant afin de préparer le groupe 2006-07 dans les plus brefs délais. Les regards se portaient logiquement sur Marc Djelloul, déjà au sein du club en charge des équipes de jeunes et qui faisait figure de candidat idéal. Mais une fois encore, les choses semblaient trop simples. Les discussions traînaient en longueur pour finalement échouer, les deux parties étant incapables de trouver un accord. Chamonix se retrouvait à nouveau sans entraîneur et une nouvelle solution d'urgence devait être trouvée.

Finalement le sauveur se nommait cette fois Peter Hrehorcak, de retour au club après deux saisons passées chez les voisins et rivaux. L'expérimenté défenseur slovaque, qui n'avait pas été conservé à la surprise générale par les dirigeants du Mont-Blanc après une excellente saison et qui souhaitait rester en France, trouvait donc logiquement refuge à Chamonix. La principale nouveauté sera pour lui de non seulement encadrer la défense, comme il sait le faire depuis quelques années, mais aussi d'entraîner l'ensemble du groupe. Une première pour lui à ce niveau et un choix audacieux pour les dirigeants qui n'avaient peut-être plus beaucoup d'options alors que l'intersaison était déjà bien avancée. En dehors de l'équipe première, Hrehorcak s'occupera également de l'équipe junior (dont la moitié des membres devrait à nouveau évoluer en senior) et de Hockey 74, une équipe de jeunes Haut-Savoyards qui évolue dans le championnat suisse. Un beau défi s'ouvre à lui à condition qu'on lui laisse le temps de faire ses preuves, vu qu'il sera le quatrième entraîneur du club en l'espace de deux ans ! Pas évident d'autant plus qu'il devra composer avec une équipe qu'il n'a pas vraiment choisie...

Une défense renforcée

Les dirigeants n'ont en effet pas attendu de désigner leur nouvel entraîneur pour constituer le cru 2006-07 des Chamois. Axe prioritaire du recrutement : la défense. Il faut dire que dans ce domaine, Chamonix avait été plutôt audacieux pour son retour au plus haut niveau en alignant quatre juniors dans sa défense-type. Résultat : un manque d'expérience payé cash avec 124 buts encaissés et la deuxième plus mauvaise défense du championnat après Gap. Mais le tableau n'est pour autant si noir à la ligne bleue : au rang des satisfactions, les deux recrues étrangères, Rastislav Böhme et Anders Torgersson, arrivées sur le tard alors que la saison avait déjà commencé mais qui ont pleinement rempli le rôle qu'on attendait d'eux à leur arrivée. Böhme, qui possède quatre saisons d'Extraliga slovaque à son actif, était le seul élément d'expérience de la défense et il fut très précieux dans les unités spéciales tout en jouant un rôle d'encadrement des jeunes. Torgersson qui sortait d'une saison discrète avec Fassa en série A, a apporté du poids à une défense qui en manquait cruellement. Son apport offensif plutôt inattendu pour un joueur catalogué comme purement défensif a été une bonne surprise. C'est donc logiquement que les deux défenseurs se sont vus proposer une reconduction de leur contrat qu'ils ont acceptée au grand soulagement des dirigeants chamoniards.

Autre satisfaction de la défense : l'éclosion des jeunes. Les Torfou, Veydarier, Renson, Dieude-Fauvel, Petiot et autre Claret-Tournier ont eu abondance de glace et auront appris énormément malgré les défaites. Leur progression n'est pas passée inaperçue non plus chez les grands clubs. À tel point que deux d'entre eux ont cédé aux sirènes venues du nord.... Fabien Veydarier a tapé dans l'œil du staff rouennais et s'est vu proposer une place de titulaire dans la défense des Dragons... Cela ne se refuse pas. Même proposition "indécente" de la part des Gothiques d'Amiens, cette fois envers un de leurs anciens juniors, Benjamin Dieude Fauvel. Lequel a logiquement accepté une place de titulaire dans la défense picarde. Deux départs inattendus qui sonnent comme deux coups durs pour Chamonix qui a fait le pari de miser sur la progression de ses jeunes. Deux vides également à la ligne bleue, où les deux partants, dotés d'un gabarit intéressant et qui n'avaient pas peur du contact, tenaient bien leur place. Pour les combler, place à l'expérience cette fois. avec le retour déjà mentionné de Peter Hrehorcak qui devrait faire un bien fou, notamment lors des situations de supériorité numérique.

Pour l'épauler, Chamonix a d'abord pensé au Suédois Martin Nilsson, qui évoluait au troisième niveau suédois à Jonstorp. Mais son passage ne fut que de courte durée, son profil étant jugé trop offensif par le staff chamoniard après les premiers matches de préparation. Un autre essai avec un autre Suédois, Niklas Henriksson, plus expérimenté, ne s'avérait guère plus concluant. Finalement, le troisième allait être le bon, et c'est Martin Toms qui était choisi sur le tard pour compléter la défense des Chamois. Toms, un solide défenseur au gros gabarit, a connu ses heures de gloire avec l'équipe junior tchèque aux championnats du monde U18 en 2001 et U20 en 2003. Depuis, il a cherché en vain sa place entre la première et la deuxième ligue tchèque avant de tenter une expérience en Mestis l'an passé. Chamonix fait là un pari osé mais intéressant sur un joueur qui ne viendra pas augmenter la moyenne d'âge. Avec quatre défenseurs étrangers de bon calibre, la défense chamoniarde devrait être certainement plus imperméable que la saison dernière. En revanche pour les juniors, renforcés par le Gapençais Camille Gielly, les places en équipe senior seront plus chères puisqu'il n'y en aura que deux à chaque match. Torfou, Renson et Claret-Tournier partent avec une longueur d'avance grâce à l'expérience accumulée l'an dernier.

Dans les cages enfin, Radek Lukes est confirmé après avoir donné pleine satisfaction même s'il a parfois passé certaines soirées difficiles lorsque sa défense prenait l'eau. Mais Lukes a l'habitude de faire face à de nombreux tirs comme ce fut le cas à Gap puis Clermont. C'est souvent dans ces situations qu'il est le meilleur et sa sélection au All Star Game dans l'ombre de Sopko n'est pas due au hasard. À l'heure où de nombreux clubs de Magnus ont choisi de changer de gardien, Chamonix mise sur la stabilité, même si le jeune Leclerc, reparti en région parisienne à Courbevoie, cède sa place de back-up au troisième gardien de Grenoble, Andy Foliot.

Place aux jeunes devant

Avec une défense consolidée, il restait à bâtir une attaque capable de faire aussi bien que l'an dernier (67 buts) sinon mieux. Il a fallu d'abord composer avec l'arrêt de deux joueurs "historiques" du club chamoniard, Bruno Margerit, l'ex-entraîneur-joueur, et Yannick Charlet, chargé d'assister Peter Hrehorcak dans sa tâche et qui aura notamment la responsabilité de coacher pendant les matches. Même si leur impact comptable sur l'attaque chamoniarde a été très limité la saison dernière, leur apport dans l'encadrement des jeunes sur la glace et dans le vestiaire fera sans doute défaut. Côté renforts étrangers, 2005-06 ne restera pas un grand cru. Outre le départ en cours de saison de Pavol Fedor, le Slovaque Ondrej Prokop, arrivé dans les valises de Marius Konstantinidis à l'intersaison, n'a pas suffisamment convaincu pour être conservé bien qu'étant le meilleur buteur du club (15 buts). Seul le fidèle Suédois Tobias Granath a finalement tiré son épingle du jeu malgré une saison handicapée en partie par les blessures. Il entamera donc sa troisième saison au club. Autres départs qui touchent cette fois la jeune garde, ceux des deux ex-juniors rouennais Gautier Lafrancesca et Guillaume Ribourg. Après avoir connu le succès dans les niveaux inférieurs, ces deux espoirs ont eu un peu plus de mal à franchir la marche avec la Ligue Magnus. Ils bénéficieront d'un temps de glace plus important en Division 1 : Lafrancesca renforce les rangs du nouveau promu Bordeaux tandis que Ribourg posera ses valises à Neuilly.

Avec cinq départs, l'attaque chamoniarde a donc connu par la force des choses un renouvellement certain. Restait à trouver des renforts capables de soutenir Richard Aimonetto qui a tenu l'attaque à bout de bras la saison dernière. Pour cela les dirigeants chamoniards ont prospecté dans les Alpes et ont trouvé deux Français capables d'apporter un plus à l'attaque des Chamois. Yven Sadoun vient de Grenoble avec l'ambition de retrouver du temps de glace et une bonne dose de confiance. Ancien meilleur espoir du championnat (c'était en 1999), le cadet des Sadoun a connu une ascension fulgurante à Viry puis Reims et enfin Brest qui l'a amené en équipe de France. Mais il n'a jamais vraiment réussi à s'imposer dans l'attaque fournie des Brûleurs de Loups. Deux saisons en demi-teinte faites de quelques hauts et de beaucoup de bas avec une fin en queue de poisson au bout du banc lors des dernières demi-finales. Yven Sadoun est revanchard et c'est un rôle de leader qu'il aura à jouer à Chamonix. Autre arrivée "locale", celle d'Aram Kevorkian qui vient en voisin de Morzine. L'ex-junior rouennais au début de carrière très prometteur a lui aussi connu quelques ratés par la suite. Après un passage difficile à Dijon et des progrès entrevus à Morzine, Kevorkian espère se stabiliser à Chamonix où il devrait bénéficier de beaucoup de temps de glace. Le club attend de lui qu'il franchisse un palier cette saison, à lui de ne pas décevoir.

Pour dénicher la troisième recrue, les dirigeants chamoniards ont dû aller plus loin, en Belgique précisément, où ils ont ramené un compatriote de Granath, Emil Tobiasson-Harris. Cet ancien junior de Frölunda a connu un parcours en dents de scie mais possède tout de même à son actif deux bonnes saisons en Allsvenskan à Mörrum. Un pari. Difficile d'attendre des merveilles de Tobiasson-Harris dans notre championnat et un choix relativement curieux vu que son potentiel ne semble pas supérieur à Prokop. On lui demandera d'avoir au moins la même production et d'encadrer au mieux les jeunes.

Car le cœur de l'attaque chamoniarde se situe bel et bien dans le potentiel de certains gros espoirs du hockey français. Et si l'attaque perd cinq joueurs pour en récupérer seulement trois, c'est aussi pour faire de la place à cette brillante génération qui pointe le bout de la crosse. Avec plus de temps de jeu et plus de responsabilités, certains jeunes devraient avoir l'occasion de confirmer leur excellente saison 2005-06. À commencer par l'espoir local, Alexandre Audibert qui a connu une entrée en matière en Magnus particulièrement réussie avant d'être décisif lors des play-down. À 20 ans, Audibert fait déjà partie des atouts majeurs de l'attaque chamoniarde. Voilà qui promet un bel avenir. Autre révélation 2005-06, Clément Masson, arrivé sur la pointe des patins de son club formateur Viry et qui s'est imposé comme une évidence dans l'effectif chamoniard au fil de la saison. Petit gabarit mais très vif et à la technique au-dessus de la moyenne, Masson a franchi avec aisance la grande marche qui sépare la D2 de la Magnus. Le potentiel de cet international junior est énorme, et s'il continue sa progression au même rythme, il pourrait bientôt frapper aux portes de l'équipe de France senior.

Mais cette formidable "génération 86" chamoniarde comprend d'autres atouts : à commencer par Erwan Pain, empoisonné par des blessures à répétition ces dernières saisons qui l'ont freiné dans sa progression et empêché d'exprimer pleinement son potentiel. S'il parvient enfin à disputer une saison complète, Pain pourrait bien être révélation de la saison. Enfin Mathieu Séguy (de retour après un intermède à Lyon) et Kevin Maresca, deux purs produits du club, viennent compléter une prometteuse troupe d'attaquants âgés d'à peine vingt ans, à laquelle se joint Julien Lebey, le benjamin de l'équipe.

Un maintien plus tranquille ?

Avec une défense consolidée et une attaque rajeunie, les Chamois semblent mieux armés pour décrocher leur maintien avant les barrages, et donc obtenir une place en play-offs. Mais la lutte promet d'être difficile jusqu'au bout car bon nombre d'équipes du bas de tableau se sont également renforcées et ne seront pas prêtes à se laisser dépasser par les Chamoniards. Encore une fois, la jeunesse de l'équipe sera son principal atout et sa principale faiblesse. La vitesse et l'enthousiasme des jeunes fera certainement de Chamonix une équipe difficile à manœuvrer pour les adversaires. Mais les éléments d'expérience sont rares avec les seuls Böhme, Hrehorcak et Aimonetto qui dépassent la trentaine. Un facteur qui pourrait jouer dans certains matches serrés. Quant à Hrehorcak, il devra se montrer à la hauteur de cette première expérience en tant qu'entraîneur d'une équipe senior.

À l'arrière, le quatuor étranger devant Lukes devrait jouer son rôle de stabilisateur lors des phases de jeu délicates et dans les unités spéciales. Il serait surprenant de voir la défense chamoniarde prendre l'eau cette saison. Devant, on pourra regretter l'absence d'un renfort étranger de poids, un buteur capable de débloquer la situation ou de concrétiser une bonne période offensive. Comme à Mont-Blanc, les deux renforts étrangers Granath et Tobiasson-Harris ne sont pas des gros compteurs en puissance et leur apport risque bien d'être limité en comparaison du reste de l'effectif. Aimonetto et Sadoun auront donc un rôle prépondérant et l'efficacité de l'attaque dépendra de la vitesse de progression des jeunes Chamoniards. Mais elle semble un peu tendre pour faire face aux meilleures défenses et à des gardiens dans l'ensemble plus solides que l'an dernier.

L'objectif de la saison est clair : laisser deux équipes derrière au classement pour se maintenir et se qualifier en play-offs. Avec une saison mieux préparée et des jeunes très prometteurs, Chamonix a les moyens d'y arriver mais cela ne se fera sans doute pas sans difficulté. Si l'obstacle est passé cette année, l'avenir s'annonce plus radieux à condition bien sûr de pouvoir conserver au pied du Mont-Blanc tous ces jeunes espoirs qui gagnent en expérience chaque année. À défaut de gros moyens financiers, l'avenir en Ligue Magnus du recordman des titres de champion de France passera par la formation. La réussite de l'équipe espoir depuis quelques saisons est là pour en témoigner.

Christophe Laparra

 

Départs : Prokop, Margerit (arrêt), Charlet (arrêt), Lafrancesca (Bordeaux), Dieude-Fauvel (Amiens), Ribourg (Neuilly-sur-Marne), Petiot (Courbevoie), Veydarier (Rouen), Leclerc (Courbevoie), Fedor (Kezmarok, SVK), Pastore (Limoges).

Arrivées : Hrehorcak (Mont-Blanc), Toms (KooKoo Kouvola, FIN), Sadoun (Grenoble), Kevorkian (Morzine), Tobiasson-Harris (Deurne, BEL), Foliot (Grenoble), Séguy (Lyon), Gielly (Gap).

 

Effectif :

Gardiens : Radek Lukes (TCH, 27 ans), Andy Foliot (21 ans).

Défenseurs : Rastislav Böhme (TCH, 32 ans), Maxime Claret-Tournier (20 ans), Camille Gielly (20 ans), Peter Hrehorcak (SVQ, 35 ans), Martin Toms (TCH, 23 ans), Vivien Renson (20 ans), Damien Torfou (21 ans), Anders Torgersson (SUE, 22 ans), Brice Peythieu (20 ans).

Attaquants : Richard Aimonetto (33 ans), Alexandre Audibert (20 ans), Tobias Granath (SUE, 26 ans), Aram Kevorkian (24 ans), Julien Lebey (19 ans), Kévin Maresca (20 ans), Clément Masson (20 ans), Erwan Pain (20 ans), Yven Sadoun (27 ans), Mathieu Séguy (20 ans), Emil Tobiasson-Harris (SUE, 26 ans).

Entraîneur : Peter Hrehorcak (35 ans).

 

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