Grenoble face à ses ambitions

 

Encore raté ! L'espoir de voir la Coupe Magnus faire une halte d'un an sur les bords de l'Isère est une nouvelle fois parti en fumée dans la dernière ligne droite, en demi-finale pour la deuxième année consécutive. Comme le parcours en Coupe de France n'aura guère été plus heureux, la vitrine du club grenoblois reste vierge de trophées senior depuis 1998 (à l'exception de deux titres en D3) et l'attente commence à être longue dans la capitale dauphinoise. Mais au delà de ce constat brut, la saison 2005-06 aura tout de même permis aux Brûleurs de Loups d'atteindre le dernier carré pour la sixième fois en six saisons depuis la remontée ce qui souligne une nouvelle fois la régularité du club isérois au plus haut niveau tout en faisant immanquablement penser à la formule "toujours placé, jamais gagnant".

N'oublions pas cependant que cette place finale était quasi-inespérée au mois de novembre lorsque Grenoble, empêtré au beau milieu des joutes continentales, perdait sa concentration en Ligue Magnus pour traîner en deuxième partie de tableau. Gérald Guennelon, alors pointé du doigt, semblait sur le départ. Mais les dirigeants ont préféré désamorcer la crise en maintenant leur confiance à l'entraîneur grenoblois, la suite des événements et le redressement qui s'en suivait leur donnant finalement - partiellement - raison.

Cependant après une année si difficile, on pouvait penser que Gérald Guennelon allait passer la main. L'entraîneur grenoblois paraissait usé nerveusement au terme d'une série de demi-finales contre Amiens qui avait une nouvelle fois mis en valeur l'incapacité grenobloise à élever le niveau de jeu dans les moments importants. Le changement de cycle semblait imminent mais les dirigeants prenaient une nouvelle fois à contre-pied les pronostics en venant au secours de Guennelon pour la seconde fois en moins de six mois. Malgré une très longue hésitation de sa part, ils parvenaient finalement à le convaincre de rester pour une quatrième (et sans doute dernière) saison à la tête de l'effectif grenoblois.

Rolland en soutien de Guennelon

Un nouveau pari sur la stabilité qui peut paraître surprenant au vu des résultats mitigés obtenus par le Chamoniard après une première saison 2003-04 pourtant très prometteuse avec deux finales à la clé. Mais depuis, les Brûleurs de Loups présentent régulièrement les mêmes carences aux moments clés (inefficacité devant la cage, pauvreté du jeu puissance notamment) et le crédit de Guennelon est désormais largement entamé même s'il gagne chaque année en expérience au plus haut niveau.

Afin de le soutenir dans sa tâche et de lui enlever un peu de pression, les dirigeants grenoblois ont étoffé le staff en lui adjoignant un entraîneur assistant. C'était un souhait exprimé ouvertement par Guennelon depuis de nombreux mois et le choix s'est logiquement porté sur Patrick Rolland, l'ancien gardien grenoblois. Après une première expérience jugée positive comme entraîneur des gardiens, Rolland va donc étendre son rôle en s'impliquant davantage dans le coaching de l'équipe (il sera présent sur le banc aux côtés de Guennelon) et hérite également d'un titre d'assistant spécialiste de la défense. Reste à voir maintenant quel sera l'apport de Rolland dans le jeu grenoblois et dans la gestion des matchs, domaine dans lequel Guennelon n'est pas toujours à son aise. Doit-on également s'attendre à un retour à un jeu plus défensif après la volonté offensive clairement exprimée la saison dernière mais pas toujours couronnée de succès ? Les premières semaines de compétition devraient apporter quelques éléments de réponse. Quoi qu'il en soit le duo Guennelon-Rolland sera attendu au tournant.

Les gardiens : fin de la controverse ?

Une fois le choix du (des) coach(es) entériné(s), il restait à bâtir un effectif capable de rivaliser une nouvelle fois pour la conquête de la coupe Magnus. En commençant par le sujet brûlant des gardiens de but. Véritable fil rouge de la saison 2005-06, il a déchaîné les passions sur les bords de l'Isère. Les Brûleurs de Loups avaient fait un pari très risqué en donnant les clés de la cage à deux jeunes gardiens : Cédric Dietrich, le back-up de Rolland, et Christophe Burnet qui venait de D1. Un pari pas vraiment couronné de succès et qui aura surtout déstabilisé l'ensemble de l'équipe tout au long de la saison. Les blessures à répétition ont empêché Dietrich de postuler sur la durée au poste de partant et c'est finalement Burnet qui s'imposait dans la cage grenobloise après une série intéressante en fin de saison régulière. Mais il montrait ses limites dans son face-à-face avec Mindjimba en demi-finales et, s'il est exagéré de dire que les gardiens ont fait perdre les Brûleurs de Loups, on ne peut pas dire qu'ils les ont fait gagner. Si le staff grenoblois refusait d'admettre en public la faiblesse de leurs gardiens, se contentant de souligner leur progression au fil de la saison sous l'aile protectrice de Patrick Rolland, il était bien forcé de reconnaître l'effet déstabilisant sur l'équipe et choisissait finalement de se séparer de ses deux portiers. Lesquels se repliaient finalement sur la Division 1, à Gap pour Dietrich et à Bordeaux pour Burnet.

Pour les remplacer, Grenoble est resté fidèle à une ligne de conduite chère à Patrick Rolland en privilégiant les gardiens français. Le staff grenoblois jetait son dévolu sur Eddy Ferhi, déjà approché alors qu'il évoluait en Amérique du Nord et auteur d'une remarquable saison avec Anglet où il avait trouvé refuge en septembre dernier. Séduit par la perspective de travailler avec Rolland, le portier international faisait le choix de Grenoble.

Pour le seconder, le staff grenoblois faisait appel à un autre gardien de grande taille (peut-être une autre volonté de couper avec le duo précédent), Frédéric Dorthe, un jeune gardien à la double nationalité française et suisse qui avait déjà attiré le regard de Patrick Rolland par le passé. Dorthe, régulièrement sélectionné en équipe de France junior, n'avait jamais pu disputer un championnat du monde faute d'avoir évolué en championnat de France. Sa venue à Grenoble devrait lui permettre de combler cette lacune et sa marge de progression très importante pourrait en faire à moyen terme un concurrent sérieux à Ferhi voire un postulant à l'équipe de France. Avec Ferhi et Dorthe, Grenoble possède un solide duo et devrait ainsi s'éviter cette saison tout débat perturbateur au sujet de ses portiers.

La question des gardiens réglée, place à la défense. Elle avait dans l'ensemble donné satisfaction, c'est donc logiquement que le staff choisissait de conserver la plupart des cadres. Restait à connaître leur décision. La réponse positive d'Amar, qui paraissait relativement désabusé en fin de saison, fut un grand soulagement dans le camp grenoblois. Comme Jeff Bonnard décidait de rempiler pour un an de plus, Grenoble conservait avec bonheur ses deux internationaux.

Viktor Wallin, sous contrat pour une saison supplémentaire, et Simon Bachelet, qui prend la direction du centre de formation de haut niveau ouvrant ses portes en septembre, suivaient le mouvement. Martin Millerioux, dont on espère encore une marge de progression importante après une première saison comme titulaire, était conservé également.

En revanche Nicolas Favarin, dont les deux saisons dans la vallée n'ont pas connu le succès escompté, regagne le plateau du Vercors. Autre départ à signaler, celui du très prometteur Johann Morant en quête de temps de glace du côté du Mont-Blanc. Le jeune Teddy Trabichet étant appelé à poursuivre sa progression en tant que septième défenseur, il ne restait donc qu'une place à pourvoir. Elle fut attribuée au Canadien Brad Woods, un bel athlète aux mensurations imposantes qui sort d'une saison galère avec les Phoenix Roadrunners en ECHL. Même si son profil semble être plus celui d'un défenseur défensif, son slap ravageur entrevu lors des matchs de préparation pourrait apporter un plus à la ligne bleue lors des jeux de puissance. À découvrir.

L'attaque bouleversée

Si la défense fait donc preuve d'une forte stabilité, l'attaque en revanche va devoir être entièrement recomposée. La faute principalement au départ pas forcément souhaité des trois attaquants canadiens, Draney, Russell et Mills. Si aucun des trois ne s'avéra un buteur régulier de premier plan, Draney par sa vision du jeu, Russell par ses coups d'éclat et Mills par son implication physique et défensive sans relâche se seraient sans doute bonifiés à leur deuxième saison dans les Alpes. Mais visiblement déçus par le manque de rythme dans le championnat français dû au nombre limité de matches, ils ont préféré explorer d'autres options. Même cause, mêmes effets pour Laurent Meunier qui cette fois s'est décidé à faire le grand saut à l'étranger. Le challenge qui l'attend à Genève est énorme mais il aura l'occasion de franchir un palier important dans sa carrière alors qu'il commençait à stagner à Grenoble.

Trois autres attaquants ont également fait leur valise, mais cette fois à l'initiative du club. Yven Sadoun, à l'image de Favarin, a eu du mal à s'imposer en Isère et devrait gagner du temps de glace à Chamonix. Romain Bachelet, aux apparitions ultra limitées, n'aura pas connu le même succès que ses frères sur les bords de l'Isère. Enfin le plus Grenoblois des Tchèques, Josef Podlaha, termine son parcours ici après avoir marqué de son empreinte le hockey grenoblois pendant huit saisons et plus de 200 buts inscrits. Devenu le chouchou du public, son départ semblait inévitable après une dernière saison qui s'est malheureusement finie en queue de poisson sur la quatrième ligne voire le banc. Salut l'artiste !

Après cette hémorragie en attaque (sept départs !), il restait à dénicher les perles rares capables de trouver le chemin des filets adverses.

Le premier renfort, Jimmy Lindström, est suédois et jouait en Italie la saison dernière où il a pu faire apprécier ses talents de buteur, notamment au cours des play-offs où il a excellé après une saison régulière somme toute ordinaire. Choisi pour son slap dévastateur, il sera sans doute un meilleur complément que Russell pour Roger Jönsson et pourrait devenir l'arme offensive numéro 1 des Brûleurs de Loups.

Le deuxième, Martin Masa, est un Tchèque expérimenté de 33 ans qui a roulé sa bosse dans les ligues mineures nord-américaines avant d'évoluer en Grande-Bretagne ces deux dernières saisons. Choisi pour son expérience et ses qualités de battant, c'est un joueur puissant qui devrait s'imposer dans les bandes à l'image de Craig Mills l'an dernier. Lui aussi pourrait élever son niveau de jeu lors des play-offs.

Enfin le troisième est un Canadien, Martin Paquet, qui a la particularité d'avoir évolué avec Eddy Ferhi en championnat universitaire américain avant de tester plusieurs ligues mineures nord-américaines. Appelé à remplacer Laurent Meunier (dont il va porter le numéro), il est lui aussi précédé d'une réputation de joueur combatif et physique.

Pour compléter les lignes offensives, les Brûleurs de Loups pourront également compter sur Ludek Broz qui revient après une saison blanche suite à son opération des ligaments croisés du genou. À noter aussi le retour d'un espoir du club, Nicolas Antonoff, après un exil au Canada (sans club) et quelques mois dans l'équipe de roller hockey locale. On devrait enfin assister au retour d'une quatrième ligne "de développement" avec la promotion du junior Quentin Garcia (formé à Dammarie-les-lys et Montpellier), auteur d'une belle saison en Espoirs et l'arrivée de Joan Montesinos (formé à Nantes) en provenance de Strasbourg.

Un titre (enfin) en vue ?

Plus solides défensivement (avec notamment deux défenseurs étrangers au lieu d'un), les Brûleurs de Loups devraient présenter un bloc difficile à franchir. Ferhi et Dorthe apportent plus de garanties devant le filet que Burnet et Dietrich. Quant à Brad Woods, il a déjà démontré lors des rencontres de préparation qu'il avait un bagage plus complet que Favarin, en apportant notamment la puissance de son physique et de son slap.

Devant, les nombreux changements font planer une incertitude sur le rendement offensif de l'équipe. L'incapacité à conserver les mêmes renforts étrangers d'une saison à l'autre (à l'exception près de l'excellent Jönsson) prive les lignes offensives d'automatismes et oblige Guennelon à tâtonner chaque année afin de trouver les meilleures combinaisons possibles. L'attaque a été bâtie autour d'une nouvelle génération de jeunes Français appelée à prendre encore plus de responsabilités : Kévin Hecquefeuille, régulièrement international, Cyril Papa, auteur d'une excellente saison et aux portes de l'équipe de France, Christophe Tartari, qui doit désormais devenir un titulaire régulier, et Sacha Treille, auteur de débuts particulièrement remarqués et sur les traces de ses glorieux aînés (frère et père).

Pour faire l'amalgame avec les étrangers, nouveaux pour la plupart, on peut compter sur le capitaine Benoît Bachelet qui a décidé de rempiler pour une nouvelle (et dernière ?) saison et sur le meilleur joueur grenoblois la saison dernière, Roger Jönsson. Tous deux auront un rôle fédérateur à jouer. Car le succès des Brûleurs dépendra de la capacité des nouveaux étrangers à s'intégrer rapidement pour former un vrai collectif vu qu'aucun d'entre eux n'a le profil du "gros compteur" un temps espéré. L'autre facteur déterminant sera l'état de santé de Ludek Broz dont la forme physique reste une inconnue après une saison blanche. En pleine possession de ses moyens, il pourrait devenir le moteur de l'attaque grenobloise.

Gérald Guennelon dispose d'un groupe 2006-07 semble-t-il plus complet que le précédent. À lui maintenant de trouver la bonne formule sur la glace. Car jusqu'à présent l'amélioration - théorique - de l'effectif d'année en année ne s'est pas toujours traduite dans le jeu et les résultats. Depuis la saison des deux finales, le niveau de la Ligue Magnus est monté et la concurrence est de plus en plus forte. Si Rouen semble plus accessible, d'autres équipes comme Morzine et Briançon se sont bien renforcées et font figure d'outsiders très sérieux. Sans oublier les éternels rivaux amiénois. Malgré le contexte, les Brûleurs de Loups auront assurément un objectif cette année : ne pas revenir bredouilles une nouvelle fois. La coupe de France ou la coupe de la Ligue seraient à n'en pas douter de belles récompenses même si forcément on gardera encore la coupe Magnus dans un coin de la tête du côté de Pôle Sud...

Christophe Laparra

 

 

Départs : Burnet (Bordeaux), Dietrich (Gap), Favarin (Villard-de-Lans), Morant (Mont-Blanc), Mills, Sadoun (Chamonix), Meunier (Genève, LNA), Podlaha (arrêt ?), Russell (Fassa, ITA), Draney (Amarillo, CHL), R. Bachelet (Lyon).

Arrivées : Ferhi (Anglet), Dorthe (La Chaux-de-Fonds, LNB), Woods (Phoenix, ECHL), Paquet (Trois Rivières, LNAH), Masa (Sheffield, GB), Lindström (Alleghe, ITA), Antonoff, Montesinos (Strasbourg).

Effectif

Gardiens : Eddy Ferhi (27 ans), Frédéric Dorthe (20 ans).

Défenseurs : Viktor Wallin (SUE, 26 ans), Jean-François Bonnard (35 ans), Simon Bachelet (29 ans), Baptiste Amar (27 ans), Brad Woods (CAN, 25 ans), Martin Millerioux (22 ans), Teddy Trabichet (19 ans).

Attaquants : Ludek Broz (TCH, 31 ans), Roger Jönsson (SUE, 33 ans), Martin Paquet (CAN, 28 ans), Martin Masa (TCH, 33 ans), Benoît Bachelet (32 ans), Jimmy Lindström (SUE, 29 ans), Nicolas Antonoff (25 ans), Christophe Tartari (22 ans), Kévin Hecquefeuille (22 ans), Cyril Papa (22 ans), Sacha Treille (19 ans), Quentin Garcia (19 ans), Joan Montesinos (21 ans).

Entraîneur : Gérald Guennelon (39 ans).

 

 

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