Suisse 2005/06 : bilan

 

Résultats du championnat suisse

 

Après une saison exceptionnelle, marquée par le fameux lock-out de la NHL, la LNA suisse retrouvait sa routine habituelle. Ses mauvaises habitudes aussi car tous les ans, un scandale émaille la saison. Cette fois-ci, pas d'images truquées (allusions à l'affaire de la photo truquée d'Éric Landry l'an passé) mais de sérieux incidents en barrages de promotion/relégation entre Fribourg-Gottéron et Bienne. Malgré le choc des mots et des photos, tout se termina à peu près normalement, nonobstant quelques règlements de comptes (voir plus bas) entre joueurs en fin de série.

D'autres images, fort heureusement plus réjouissantes, auront aussi marqué cette saison à commencer, évidemment, par la performance sublime de l'équipe nationale suisse aux Jeux Olympiques de Turin, quart de finaliste, qui aura accroché à son tableau de chasse rien de moins que le Canada et la République tchèque. La fraîcheur du promu bâlois, la surprenante efficacité de Rapperswil mais aussi les saisons noires de Genève, Zurich et Fribourg, en revenant évidemment sur l'apothéose du HC Lugano dans une finale explosive face à Davos, tant d'histoires qui auront fait cette LNA cuvée 2005/06. Sans oublier bien sûr cette fameuse tolérance zéro, entrée en vigueur à la mi-saison et appliquant un respect strict des règlements. À l'heure où le hockey international change, la Suisse s'est donc mis dans le mouvement, même si tout ne fut pas sans fausses notes... et sans grincements de dents.

"Forza Ragazzi"

Mais la LNA est avant tout une affaire d'hommes. Des figures qui auront marqué comme les Finlandais Nummelin et Peltonen, qui associés au Canadien Metropolit, auront enflammé la ligue et rivalisé avec la paire Domenichelli-Trudel (Ambrì-Piotta) en passant par la révélation inattendue de Daniel Manzato, et bien sûr pour nous, Français, la tournée d'adieu du grand Philippe Bozon. Une page s'est tournée, l'occasion de se replonger sur une année riche en sensations dans le monde hiérarchisé de la Ligue Nationale A mais aussi une année plus délicate pour son antichambre, une LNB ayant vécu-là des heures des plus difficiles.

 

Premier : Lugano. Le talent l'a finalement emporté avec ce Lugano 2005/06. Et pourtant, quelques observateurs semblaient sceptique sur les capacités d'un groupe tessinois à l'ossature finlando-romande restant sur un cuisant échec l'an passé au stade des quarts de finale face à Berne. Mais cette fois-ci, la machine bianconera a rempli sa mission après une saison régulière des plus tranquille. Et pourtant, tout failli s'arrêter prématurément face au voisin Ambrì-Piotta. Menés trois manches à rien, les Luganais n'ont dû leur salut qu'à une prise de conscience collective née du limogeage de leur emblématique technicien Larry Huras. Arrivé en fin de cycle, l'ancien Rouennais a laissé les commandes, avec le succès évoqué plus haut, au Canado-Allemand Harold Kreis qui officiait au sein du club-partenaire de Coire en LNB.

Remontant son déficit, le HCL, porté par un vent nouveau, a sorti in extremis Ambrì avant de surpasser Kloten, trop tendre pour répéter son exploit bernois. La finale tant attendue face a champion en titre, Davos, ne fut qu'une formalité pour une armada redevenue invincible, sous la férule d'un duo Ville Peltonen - Glen Metropolit ultra-dominant et la vista du génial défenseur offensif Petteri Nummelin, consacré lors du dernier mondial letton. L'appui des cadres que sont les internationaux Sandy Jeannin, Julien Vauclair et Raffaele Sannitz (qui a repris confiance à son retour d'AHL en cours de saison) mais également le naturalisé Ryan Gardner, un Ronnie Rüeger faisant taire toutes les critiques ou encore le lutin Régis Fuchs fit tout naturellement pencher la balance face à des Grisons incapables de répondre à une telle maestria. Si Lugano est passé une nouvelle fois tout près du précipice, le succès est donc finalement au rendez-vous. Un septième sacre national placé sous le signe du talent, tout simplement.

 

Deuxième : Davos. Champion sans contestation la saison précédente sous l'impulsion de son fabuleux trio Nash-Thornton-Hagman, le HC Davos s'est heurté à un rideau de flamme en finale. La rigueur grisonne, chère à Arno Del Curto, n'a jamais vraiment pu inquiéter la sérénité de Lugano malgré la grande forme affichée par son meilleur élément, le controversé et talentueux Reto Von Arx. Toujours réticent à défendre les couleurs nationales depuis les Jeux de Salt Lake City, "RVA" a une fois encore terminé tout en haut des compteurs et fut cette fois le leader incontournable de l'attaque en raison du manque de constance des importés Riku Hahl (au profil défensif), Landon Wilson et autres Shane Willis, tellement décevant qu'il sera prématurément libéré pour finir sa saison à Linköping (Suède).

Toutefois, le renfort notable - mais tardif - du vétéran suédois (passé jadis par Berne) Patrik Juhlin sembla apporter un plus à Von Arx pendant les playoffs. Son frère, Jan le défenseur, se sera plus particulièrement distingué dans la rubrique faits divers en se faisant prendre le 3 mars dernier à Rapperswil lors d'un contrôle anti-dopage. La consommation de cannabis étant réprimée, le rebelle Jan Von Arx aura six mois de suspension pour expier ses péchés...

Relativement étanches défensivement et protégés par le gardien Jonas Hiller, les Grisons ont écarté méthodiquement leurs adversaires en série, sortant d'abord des Bâlois usés en quart avant de se défaire du piège d'un Rapperswil-Jona peu évident à manśuvrer. Fort du meilleur contingent de nationaux de LNA, additionné en cours de saison par un Loïc Burkhalter débauché de Langnau, Davos n'a pourtant pu rivaliser en finale, en partie donc par la faute d'étrangers moins dominants, excepté peut-être le polyvalent défenseur états-unien Brett Hauer. Mais surtout, le HCD est tombé sur meilleur que lui.

 

Troisième : Rapperswil-Jona. Sans noms ronflants, hormis peut-être leur meilleur marqueur Christian Berglund ou le centre canadien Brandon Reid, les Lakers de Rapperswil ont su déjouer tous les pronostics pour signer une nouvelle saison de référence avec une première demi-finale dans l'histoire du club et une appréciable quatrième place au général. Sous la direction de l'entraîneur américain Bill Gilligan, le SCRJ n'a pas spécialement fait le spectacle mais aura démontré de longs mois durant une grande solidité, de certaines vertus collectives et une rigoureuse occupation de la glace.

L'unique équipe de LNA à ne disposer que d'une seule tenue pour tous ses matchs (sa chatoyante couleur vert d'eau n'est pas commune) fut accrocheuse tout au long de la saison et tout aussi capable de riposter en attaque avec ses leaders Stacy Roest et surtout Christian Berglund. Le Suédois, qui n'a pu éclore en NHL, a explosé littéralement chez les Lakers et emportant ses coéquipiers dans son sillage, montrant une grande polyvalence et même une touche de génie selon certains. Il n'a pourtant toujours pas réussi à se faire une place dans l'effectif suédois pour le championnat du monde, même s'il y croyait cette fois-ci. Une chose est sûre, Berglund fut l'atout-maître de Gilligan, qui voit en lui le joueur idéal en playoffs, à l'instinct de guerrier et au talent reconnu. Tout ceci n'a évidemment pas échappé aux autres ténors de LNA et tout particulièrement à Berne qui s'est empressé de l'engager pour la saison à venir.

Un autre se sera en quelque sorte rappelé aux bons souvenirs de tous en playoffs, le vétéran Claudio Micheli, 17 points en 12 matchs, alors que le jeune Américain Brady Murray (21 ans), titulaire d'une licence suisse et tout frais sorti des rangs universitaires de North Dakota, a su se montrer pour sa première expérience au haut niveau. La réussite de Rapperswil-Jona fut aussi paradoxale compte tenu de l'absence d'un titulaire vraiment indiscutable devant le filet (Marco Streit et l'espoir Michael Tobler) et cet effet ne sera pas estompé en playoffs où, après avoir sorti Zoug en sept matchs, "Rappi" montra une très honnête résistance face à Davos. Qu'importe car les Lakers ont encore fait étalage que le travail, la complémentarité et la discipline étaient la base de tous les succès.

 

Quatrième : Kloten. Qualifiés in extremis au prix d'un sprint haletant avec Fribourg et les ZSC Lions, les Aviateurs n'ont fait aucun complexe face au favori bernois, se payant le luxe de le sortir dès le premier tour. Mais au-delà de la soi-disant "malédiction du champion de la saison régulière", les Flyers ont su changer de peau en moment le plus opportun. Kloten a bien cru rééditer sa performance du tour précédent en demi-finale après avoir raflé la première manche à la Resega en fusillade mais un implacable grande Lugano n'a rien laissé paraître par la suite, s'adjugeant la victoire en cinq matchs.

Ce groupe ne manquait donc pas de talent, à l'instar du gardien Tobias Stephan, qui s'en ira prochainement poursuivre ses gammes dans l'organisation des Stars de Dallas, ou du vétéran Marcel Jenni, rentré au pays après un exil de trois ans en Elitserien. Lui aussi de retour au club, le Tchèque Jaroslav Hlinka n'a pas fini la saison, s'envolant vers la conquête du titre d'Extraliga avec le Sparta Prague et voyant arriver en renfort le Finlandais Lasse Pirjetä, qui ne signa pas spécialement des performances d'éclat sous le chandail bleu et blanc.

La vivacité fut aussi la force des Flyers à l'image du Canadien Domenico Pittis, du top-scoreur Kimmo Rintanen ou de Patrik Bärtschi qui a passé un cap et acquis la reconnaissance nationale (qui lui a permis de décrocher un contrat à Berne). Autre révélation, le défenseur Tim Ramholt suscite désormais l'intérêt des Calgary Flames en NHL alors que Romano Lemm, pilier de Ralph Krueger en équipe nationale, fut le leader de l'équipe. La jeune génération a elle aussi pointé le bout du museau à l'image du défenseur Philippe Seydoux ou de l'international junior Victor Stancescu, bien encadrés par les plus expérimentés Guignard, Rothen et autres Lindenmann. Ce Kloten-là ne manquait donc pas d'arguments et a su jouer sur sa fraîcheur pour bousculer la hiérarchie tout en prenant date pour l'avenir avec des bases prometteuses.

 

Cinquième : Berne. Après Lugano l'an passé, c'est au tour des Bernois de vivre l'affront de se faire éjecter dès le premier tour malgré le statut de tête de série numéro un. Un fiasco retentissant car Berne, dominateur tout au long de la saison régulière, semblait suffisamment armé pour se mêler à la lutte finale. Et pourtant, tout l'édifice bernois se sera effondré en six matchs face à l'outsider Kloten, qualifié de justesse.

Si les Ours auront négocié de la meilleure des manières la phase d'écrémage, les premières critiques n'auront pas tardé à se manifester, en premier lieu vers les francophones de l'équipe, si subtilement comparés par la presse de boulevard à des "french frogs à coasser assises sur leur nénuphar". Sous les feux de la critique, le Romand Thibault Monnet, le naturalisé Christian Dubé et les Québécois Éric Perrin et Pascal Trépanier n'ont justement pas réalisé une saison exceptionnelle. Dominant en DEL l'an passé avec Nuremberg, Trépanier est loin d'avoir réédité pareilles performances, alors que Perrin, malgré sa vivacité, n'a pu totalement exprimer son potentiel à l'instar du buteur finlandais Kimmo Kuhta. Seul le centre franco-canadien Sébastien Bordeleau, à nouveau top-scoreur du SCB, sort quelque peu épargné de ce matraquage médiatique et se sera vu accordé un nouveau contrat en vue de la saison prochaine, comme le polyvalent arrière finlandais Tommi Söderholm.

Malgré tout, Berne possédait le matériel pour aller loin cette année, la meilleure attaque du lot (avec Zoug) mais aussi la défense plus imperméable. Pourtant, malgré ses joueurs d'expérience, les Ziegler, Rötheli, Steinegger et Rüthemann, le sol se sera dérobé sous ses pieds, malgré l'apport de dernière minute de la gâchette enrayée Pasi Saarela (Lukko Rauma), face à des Flyers de Kloten sans complexes.

 

Sixième : Zoug. Misant sur une attaque de feu, la meilleure de la ligue avec celle de Davos, Zoug a connu une saison sans trop de remous avec une facile qualification pour les séries. Hélas pour l'EVZ, Rapperswil se dressa sur son chemin dès les quarts de finale. Malgré une lutte acharnée, Zoug ne put infléchir la dynamique saint-galloise pour finalement lâcher au match 7.

Un vrai sentiment d'inachevé car Zoug comptait sur une sacré brochette de talents offensifs, du héros olympique Paul DiPietro au Canadien Mike Maneluk, venu de Lugano à l'intersaison, en passant par un Patrick Fischer transfiguré (et décrochant par la même un essai en NHL avec Phoenix). Réalisant là sa meilleure saison, l'international a survolé les compteurs avec 53 points, loin devant tous ses coéquipiers, y compris l'habile Oleg Petrov. Le stratège russe a vu sa saison légèrement perturbée par une blessure mais sera tout de même revenu à temps pour la dernière ligne droite de la saison. Une chance car l'intérim du Letton Grigorijs Pantelejevs fut d'une certaine médiocrité...

Outre cet arsenal de belle facture, l'EVZ put miser sur le soutien de Duri Camichel en attaque, du Finlandais Timo Pärssinen (tout de même moins dominant qu'en SM-liiga) mais également sur l'expérience du routinier américain Barry Richter et la solidité de Lars Weibel devant le filet. Malgré son abattage coutumier et d'excellentes présences sous le chandail frappé de la croix blanche, l'attaquant-défensif Patric Della Rossa, arrivé à la croisée des chemins sous la direction de Sean Simpson, s'en ira lui rebondir sur les rives du Rhin, à Bâle.

 

Septième : Bâle. Dans le sport, la volonté et la discipline peuvent renverses des montagnes. Malgré un groupe inexpérimenté à ce niveau et un déficit certain en talent intrinsèque, l'EHC Bâle a su déjouer tous les pronostics pour livrer l'une des meilleure saisons de toute son histoire. Champion incontesté de LNB l'an passé, Bâle retrouvait l'élite sur la pointe des patins après la pénible saison 2003/04. Mais, mieux préparé et surtout encadré par l'entraîneur Kent Ruhnke, l'un des hommes de base de cette réussite, le néo-promu rhénan a parfaitement rempli son rôle de poil à gratter.

Bâle possédait cette fameuse alchimie tant désirée par tous les entraîneurs et tout un contingent de cols-bleus, aussi bien en défense qu'en attaque. Presque de véritables stakhanovistes, à l'activité incessante comme le lutin Stefan Schnyder ou du roc Thomas Nüssli. On l'a compris, Bâle a su miser sur un collectif appliqué mais également sur de véritables leaders qui ont su tirer tout le monde vers le haut. À commencer évidemment par le gardien Daniel Manzato. Back-up à Ambrì-Piotta, le Fribourgeois d'origine a complètement crevé l'écran, éditant des performances proprement prodigieuses qui auront à chaque fois été la clé du succès rhénan. Avec cinq blanchissages à son compteur, Manzato a changé de statut, intégré l'équipe nationale et s'est par la même rappelé au bon souvenir des Hurricanes de la Caroline qui l'avaient drafté en 2002 à sa sortie de junior majeur au Québec. Autour du gardien-prodige, l'expérimenté Olivier Keller a lui stabilisé l'arrière-garde.

Toutefois, Bâle possédait un sérieux talon d'Achille que la fraîcheur et l'envie ne pouvaient pleinement compenser : le talent offensif. Esseulés sur le front de l'offensive, Éric Landry et Niklas Anger auront porté à eux seuls le lourd fardeau de la production alors qu'à leurs côtés, quantité d'étrangers se seront succédés. Et même si les polyvalents Rob Zamuner ou Derek Bekar - ultimes choix du staff en fin de saison - n'ont jamais démérité, ils n'auront jamais pu pleinement se hisser à leur niveau.

Les Rhénans sont ainsi sorti par la grande porte en quarts de finale face à Davos. Désormais, l'EHC Bâle a acquis le respect de ses pairs mais reste aux frontaliers à s'affranchir de cet effet de surprise qui aura guidé leurs pas tout au long de cette année. Pour progresser mais aussi fidéliser un public volatil (moins de 3500 spectateurs par match, de loin la pire affluence de LNA) et plus volontiers porté sur un voisin gênant, le FC Bâle...

 

Huitième : Ambrì-Piotta. Encore une saison ordinaire pour Ambrì, même si l'exploit fut à portée de crosse face au co-favori luganais en quarts de finale. Et encore une fois, Ambrì-Piotta a basé son jeu sur des individualités marquantes.

Révélation de la saison, le jeune gardien Thomas Baümle, arrivé de Davos comme doublure, a gagné ses galons de titulaire en surpassant Simon Züger. D'autres, comme les défenseurs Félicien Du Bois, Reto Kobach ou encore les attaquants Luca Cereda et Alain Demuth, ont eux gagné la considération. Soit en participant au camp d'entraînement de la Nati en vue du Mondial, soit en étant même de la fête dans le cas de Demuth. Mais la grande force d'Ambrì fut comme d'habitude sa ligne de parade canadienne, toujours plus productive chaque année. Le duo Domenichelli-Trudel, habitué aux rangs d'honneurs et toujours bien complété par le centre Jeff Toms fut à nouveau le moteur des Biancoblù tout au long de la saison. Plus discrets, les autres étrangers se seront relayés sans trop de réussite, que ce soit les attaquants Pavel Vostrák, Eero Somervuori ou encore les défenseurs Jari Korhonen (viré en cours d'exercice) ou Fredrik Svensson.

Pourtant, tout s'est corsé durant ce fameux premier tour de playoffs face à son ennemi de toujours, un Lugano jusqu'alors agonisant. Menant pourtant par une marge confortable de trois manches à rien, les Léventins n'ont pas su clouer le cercueil de Bianconeri revigorés par le changement d'entraîneur au match 4 et ont assisté en spectateurs au fulgurant retour de Lugano.

 

Neuvième : Langnau. Certains avaient vendus le pelage du tigre sans l'avoir liquidé. Une grave erreur car les Tigres de l'Emmental, qui n'ont pour ainsi dire pas décollé de la dernière place en saison régulière et faisaient figure de candidats tout déclarés au barrage de promotion-relégation, ont sorti leurs griffes pour mettre en pièce des Fribourgeois dissipés et sauver leur peau de la plus belle des manières.

Mais avant d'en arriver à ce dénouement plutôt inattendu, les SCL Tigers auront donc traversé la saison comme des âmes en peine, peinant à aligner les bons résultats sans pour autant être ridicules, loin de là, malgré la plus faible attaque. Dans ces conditions, Langnau n'a pu retenir son international Loïc Burkhalter (qui a emmené dans ses bagages pour Davos son coéquipier de la défense Oscar Ackeström) et s'était depuis longtemps résigné à jouer sa peau en play-down. Dans cet optique et pour insuffler un vent nouveau dans la voilure, l'entraîneur Bruno Aegerter a été remplacé fin janvier par Christian Weber, démis quelques semaines auparavant de son poste à la tête des ZSC Lions... Recette payante puisque le fameux choc psychologique a donc eu l'effet escompté à savoir le gain du maintien, et de fort belle manière ! En play-down, les Emmentalois ont donc rapidement surpassé Fribourg, misant sur un duo canadien Cory Larose - Brad Moran performant mais parfois en retrait d'un contingent offensif finlandais où le solide Marko Tuomainen a longtemps fait figure de leader.

Club à petit budget, presque intrus dans le monde rutilant de ligue élite suisse, Langnau a pourtant rempli son objectif et démontré une fois de plus que rien n'est jamais acquis à l'avance.

 

Dixième : Genève-Servette. Les Aigles grenats ont vécu une saison agitée sous la poigne d'un Chris McSorley plus multifonctionnel que jamais (propriétaire depuis le retrait du groupe Anschutz, entraîneur, manager...) mais de plus en plus contesté du côté des Vernets. Habitué au turn-over de ses joueurs et en particulier de ses étrangers, McSorley fut fidèle à son habitude. Pire encore, le technicien ontarien a fait le vide autour de lui, ne déléguant que peu de pouvoirs et ne cessant de voir s'accroître certaines dissensions avec d'autres membres influents du club comme, par exemple, Philippe Bozon.

Cette instabilité ne se fit pas seulement ressentir en coulisses, mais aussi dans l'effectif. À commencer par les étrangers, pas toujours convaincants et soumis à ce fameux jeu des chaises musicales comme le turbulent Michal Grošek, expédié en Russie à la mi-saison, l'éphémère Yannick Lehoux, envoyé à Bâle sans plus de succès, ou encore le Français Yorick Treille, combatif et apprécié par McSorley mais mis sur la touche par la faute d'une hanche récalcitrante. Même le champion du monde tchèque Jan Hlavác ne fut pas totalement à la hauteur des attentes, alors que le capitaine suédois Andreas Johansson aura encore payé un lourd tribut aux blessures. Il a fallu attendre l'arrivée du Canadien Jason Krog et l'attendu retour de Philippe Bozon en janvier pour voir un peu plus de stabilité, sans que les playoffs en soient pour autant redevenus d'actualité. En effet, les Servettiens avaient préalablement laissé trop de points en route et auront rivalisé d'irrégularité tout au long de l'hiver. Ces errances, symbolisées par le déclin du vieux gardien Reto Pavoni ayant occasionné l'arrivée du Suédois Björn Bjurling, ont donc coûté la saison malgré la confirmation de Goran Bezina et les révélations de son collègue John Gobbi et de Thomas Déruns, particulièrement brillant lors du Mondial en Lettonie. Comme quoi, certains auront tout de même échappé aux critiques...

Au milieu de ce remue-ménage, les résultats lémaniques n'auront eux aussi jamais atteint les espérances avec un mois de novembre épouvantable (neuf défaites en dix matchs, dont huit consécutives) et une place constante dans le ventre-mou de LNA. Pour éviter le fiasco, Genève a remporté la guerre des nerfs en play-down face aux fantômes des ZSC Lions, en partie grâce à une poignée de révélations comme les attaquants Trachsler et Rivera ou l'apport du remplaçant de Jason Krog (parti finir la saison à Frölunda en Suède), Jamie Wright. Celui-ci, embourbé avec Lukko Rauma dans les bas-fonds de SM-liiga, fut l'artisan majeur de cette victoire en signant entre autres le penalty décisif.

 

Onzième : Zurich. Les ZSC Lions ont proprement raté leur saison. La richesse de leur contingent et la régularité qui fut la leur lors des dernières saisons n'ont pu leur permettre de rallier les playoffs. Un authentique fiasco qui n'aura cessé de dégarnir les travées de leur Hallenstadion flambant neuf. Très mal embarqués à la mi-saison, les ZSC Lions ont échoué de très peu - un petit point - lors du sprint final pour finalement s'échoir en barrages de promotion/relégation. Vaincus par Genève-Servette, Zurich eut la chance de mettre la main sur le précieux buteur Hnat Domenichelli (Ambrì), ultra-décisif pour expédier autoritairement Fribourg-Gottéron vers la place de barragiste.

La sauce n'a jamais pris cette année comme le reconnaissait le chasseur de buts naturalisé Jan Alston : "si nous avons échoué cette saison, c'est surtout parce que nous n'avons pas évolué en équipe et privilégié les performances individuelles". C'est donc par manque de collectif, d'humilité mais aussi de chance en raison d'étrangers moyennement performants, comme le Slovaque Róbert Petrovický (qui aura néanmoins signé un quadruplé d'importance en play-down devant Gottéron), le Suédois Mikael Karlberg ou encore l'ancien défenseur de NHL, Josef Boumedienne, rapidement viré, que Zurich a gaspillé sa saison. Des soucis qui ont même poussé les ZSC à emprunter régulièrement à leur club-filiale de LNB (les GCK Lions) le vétéran Mike Richard et le blueliner Sean Blanchard... Dans ce contexte pesant, certains ont malgré tout su tirer leur épingle du jeu comme le buteur Daniel Steiner, recalé de dernière minute pour le Mondial letton, ou encore l'offensif Severin Blindenbacher.

Ce n'est donc pas peu dire que la saison fut particulièrement éprouvante dans la capitale économique suisse et même l'arrivée du coach finlandais Juhani Tamminen aux manettes (succédant au duo Celio-Gruth qui avait lui-même suppléé fin novembre Christian Weber) n'a pu enrayer la chute. Tamminen ne finira même pas la saison, se faisant débarquer après la série contre Genève... Et ce ne fut pas non plus en Coupe Continentale que le vice-champion 2005 pu sauver la face. Dominés par le Lada Togliatti et battus par Riga 2000, les coéquipiers du gardien-vétéran Ari Sulander (37 ans) ont donné une piètre image du hockey suisse dans ce carré final européen.

 

Douzième : Fribourg-Gottéron. Les années se suivent et se ressemblent à Fribourg. Cette saison n'a toujours pas vu les Dragons accrocher les playoffs malgré une course haletante durant la dernière ligne droite. Pour un petit point de moins, un point longuement contesté car acquis au cours d'un match Kloten-Rapperswil (4-4) entaché d'une irrégularité, la présence d'un joueur non-qualifié - le gardien Lukas Flüeler des Flyers - sur la feuille de match, Gottéron n'a pu effacer d'un petit coup de baguette magique une première partie frustrante.

Portés disparus de longues semaines durant, les Fribourgeois ont corrigé quelques erreurs de casting (Frank Banham parti en Autriche, Hannes Hyvönen rentré en Finlande) et du limogeage de Roland von Mentlen. Le départ du manager, remplacé par Mike McParland, a libéré des Dragons devenus tout à coup séduisants sous l'impulsion de leur premier bloc où le centre-vétéran Gil Montandon a parfaitement donné la réplique aux jeunes Benjamin Plüss et Julien Sprunger.

Mais voilà, Gottéron, contraint aux play-down, allait vite retrouver ses vieux démons face à la lanterne-rouge Langnau qui n'en demandait pas tant. Profitant de l'indigence du supposé favori, les Emmentalois ont rapidement classé l'affaire et exploité la faiblesse inhabituelle du gardien Gianluca Mona. Pour compenser la disparition de leur portier-titulaire, les dirigeants ont fait confiance à Tom Askey qui sortait d'une saison sans éclat au Jokerit Helsinki. Si Askey, malgré sa bonne volonté, ne put endiguer les assauts zurichois, l'Américain fut décisif face au champion de LNB en barrage. Mais, outre le succès arraché par les Dragons, cette série face à Bienne fut avant tout marqué par une tension extrême et de nombreux incidents, aillant du caillassage de bus fribourgeois (les éclats ont d'ailleurs blessé l'attaquant Geoffrey Vauclair à un śil) à diverses insultes et provocations entre supporters (pas toujours ceux des deux équipes concernées d'ailleurs). Dans ce climat détestable, l'ailier canadien Josh Holden a tenu à se signaler par une agression à l'encontre du Biennois Cyrill Pasche dans l'avant-dernier match de la série. Pas réputé pour sa finesse, Holden a écopé d'une lourde suspension sans incidence pour ses coéquipiers, suffisamment soulagés de renouveler leur bail en LNA.

 

En Ligue Nationale B

Co-favori désigné de la compétition, Bienne a dominé la saison régulière (meilleure attaque et meilleure défense) avant d'exporter sa réussite en playoffs. Sous l'impulsion d'un duo québécois expérimenté (Patrice Lefebvre et Jesse Bélanger) qui avait suscité quelques inquiétudes en avant-saison, Bienne a tour à tour écarté les GCK Lions en quarts puis Lausanne en demi avant de surclasser Sierre et s'adjuger un deuxième titre en trois ans. Nourrissant de légitimes velléités de promotion à l'étage supérieur, les Seelandais, non sans avoir accroché (au propre comme au figuré d'ailleurs) leurs rivaux fribourgeois, ont dû se résoudre à rendre les armes malgré l'apport des habituels mercenaires (cette fois-ci les Bernois Trépanier et Perrin, l'Emmentalois Tuomainen ou encore le Bâlois Thornton) autorisés en toute fin de saison.

Battu en finale, Sierre, son dauphin, a connu une panne sèche coupable dans la dernière ligne droite à l'image de sa formidable paire canadienne Derek Cormier (99 points en saison régulière) - Lee Jinman (103 points), pourtant loin d'être en état de grâce devant le dernier rempart biennois Martin Zerzuben. Rappelé de Bâle pour l'occasion, Niklas Anger, qui avait enchanté les partisans valaisans l'an passé, ne fut lui pas totalement à la hauteur pour cette finale. Tombé au septième match par les sang et or sierrois, Langenthal peut avoir quelques regrets après une phase régulière convaincante (troisième au général) où se sera révélé le jeune attaquant Stefan Tschannen aux côtés du duo offensif Éric Lecompte-Steve Larouche.

Plus chaotique fut la saison de Lausanne, de retour en LNB sous la direction de Heikki Leime avec cinq revers pour commencer mais un bon redressement par la suite. Malgré une ossature de qualité avec le jeune Florian Conz, révélation offensive et le vétéran Jean-Jacques Aeschlimann, le LHC n'a jamais pu compter sur une paire étrangère fiable, renvoyant un Marc Savard improductif et prêtant son vieux fusil Andrei Bashkirov à Fribourg-Gottéron alors que se seront succédé les jokers en cours de saison (Mikko Luovi, Teemu Kuusisto ou Lubomír Hurtaj). Arrivé de Grande-Bretagne, le Franco-Ontarien Dan Tessier aura finalement soulagé l'attaque sans que cela soit suffisant, même avec l'appoint des Morgiens Charles Simard ou du jeune tchèque Tomáš Dolana.

Également soumis à des soucis de personnel étranger pour adjoindre le buteur Stéphane Roy (tour à tour Brad DeFauw ou encore Terry Yake), Viège a pourtant contraint Lausanne à un septième match au premier tour des séries, alors que Coire, qui aura vu partir en cours de saison son duo majeur Steve Thornton - Derek Bekar vers Bâle et connu une sérieuse alerte financière, se contente largement de sa sixième place au général. Plus en vogue que l'an passé où le couperet de la relégation était passé très près, Olten a retrouvé une meilleur dynamique. Les GCK Lions, ces jeunes pousses zurichoises toujours à la disposition de leur grand frère de LNA, ont tout de même pu, même privée toute la saison de leur guide spirituel Mike Richard (mobilisé par les ZSC Lions), arracher le dernier sésame qualificatif, laissant en rade La Chaux-de-Fonds, Ajoie et Martigny.

Emmené par les Québécois Alexandre Tremblay et Jean-Philippe Paré (vu à Rouen l'an dernier), La Chaux-de-Fonds n'a pas évolué dans la sérénité, laissant entendre quelques bruits inquiétants concernant l'état de ses finances. Pour leur part, les Jurassiens d'Ajoie ont joué sur courant alternatif, parfois bien mais souvent beaucoup plus mal. Cette irrégularité chronique leur a bien entendu empêchés de se mêler aux meilleurs malgré les renforts de Martin Gendron et de son compatriote canadien Martin Bergeron, qui effectuait son retour à Porrentruy. Enfin, Martigny a souffert pour son retour dans l'antichambre. L'éviction-surprise de l'entraîneur Kevin Ryan (parti ensuite à Viège) après un match... gagné (!) face à Langenthal en novembre dernier n'arrangea évidemment rien, incitant des cadres de l'équipe (notamment le Canadien venu de DEL Dave Tomlinson) à déserter. Faiblement armé, le promu martignerain nourrissait donc très peu de prétentions et a vu sa place sauvegardée par le retrait en début de saison de l'ambitieux Forward Morges. Payant leurs excès du lock-out et une croissance trop rapide, les Bulldogs ont donc dû renoncer à une saison qui leur paraissait pourtant prometteuse avec un contingent de qualité. Mais tout est parti en fumée...

C'est donc Thurgovie, champion de première ligue, qui reprendra sa place en LNB, un an après l'avoir quittée.

Mais qu'on ne se trompe pas, cette saison 2005/06 en LNB fut bien poussive. Menaces de banqueroutes, lisibilité en question, la LNB, ouvertement en crise, doit désormais repartir d'un nouveau pied sous peine de devenir illégitime. De nouvelles formules sont à l'étude est l'incorporation au sein de la poule de l'équipe nationale des moins de 20 ans est présentement effective. La prochaine édition sera donc déterminante pour l'avenir de la division.

Jérémie Dubief

 

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