Morzine s'invite chez les grands

 

Après une entrée remarquée en Ligue Magnus, la deuxième saison doit être celle de la confirmation. Mais à Morzine-Avoriaz, elle pourrait être même plus que ça. Car la nouvelle équipe a plus de densité physique, plus d'homogénéité dans les lignes aussi, avec des joueurs suédois expérimentés et de jeunes Français avides de se faire une place.

Le club a continué son développement durant la saison écoulée, au point de faire tiquer le président de la CNACG Bernard Bourandy à l'automne dernier lors du recrutement de Brad Ference, avant qu'on lui présente les preuves du boom des revenus de sponsoring. Plus de la moitié des recettes 2005/06 seront ainsi apportées par les très nombreux partenaires, rassemblant l'essentiel des acteurs du tissu économique local. Déjà l'an dernier, l'équipe senior a été auto-financée par ses revenus propres, le montant des subventions publiques étant inférieur à la part du budget consacré au hockey mineur. Avec une telle croissance, le HCMA s'approche maintenant très près de la barre symbolique du million d'euros de budget, celle qui place dans la cour qu'on dit si fermée des grands clubs français.

Cette somme signifie que Morzine-Avoriaz fait aujourd'hui partie de ceux qui auraient les moyens de dépenser plus que la masse salariale autorisée. Et il l'a fait savoir en présentant initialement à la Commission Nationale d'Aide et de Contrôle de Gestion un budget outrepassant un peu la limite, "pour voir". C'était tout vu : "prévisionnel à revoir". Le HCMA a donc revu sa copie en constatant que la position fédérale était résolument à la fermeté. Mais il a aussi par la même occasion envoyé aux autres clubs un message subliminal très clair : "nous nous plions aux règles de bonne grâce, mais elles valent pour vous aussi". Le destinataire principal du message, quelque part sur les bords de Seine, aura ainsi pu comprendre que les Morzinois s'estimeraient lésés s'il transgressait volontairement le règlement, ce qu'ils pourraient considérer comme de la concurrence déloyale à partir du moment où ils ont eux aussi les moyens de le faire mais qu'ils choisissent d'être dans le camp des légalistes. La dissuasion sera-t-elle une méthode efficace ?

D'ores et déjà, avant même de rentrer dans toute surenchère, l'équipe a vraiment fière allure, et on ne peut que l'inclure dans le cercle des candidates au titre. Car le HCMA s'est créé un réseau de contacts suédois. Des relations qui lui ont permis de voir la star Daniel Alfredsson - ami de Forsander - rendre visite au club en fin d'année dernière, ce qui était une simple mise en bouche à l'invitation de Frölunda, le champion de Suède, à la première édition du tournoi international de Morzine-Avoriaz à la fin du mois d'août. Et si les prix d'entrée à ce tournoi sont du jamais vu en France, c'est tout simplement parce que le niveau des participants aussi. On n'avait pas vu un club de ce calibre daigner se rendre dans notre pays depuis le passage du Dynamo de Moscou à Amiens et à Rouen en septembre 1996. Ce sont ces contacts privilégiés en Suède qui permettent de garder une longueur d'avance même si d'autres clubs, parfois avec plus de moyens, se sont lancés sur les mêmes pistes.

Une défense physique

Le dernier rempart sera encore Johan Bäckö, qui présente l'avantage d'avoir maintenant laissé derrière lui sa période d'adaptation à la Ligue Magnus. Le staff morzinois souhaitait le mettre en concurrence avec un jeune Français, et il escomptait bien que ce soit Christophe Burnet. Mais le gardien chamoniard n'avait donné qu'un accord oral qui n'avait rien de définitif pour lui, et il s'est finalement engagé à Grenoble. C'est donc Olivier Courally qui prendra sa place. Malgré des promesses d'usage sur l'absence de tout n°1 désigné, le joueur formé à Cergy était resté comme on pouvait s'y attendre le n°2 derrière Martin Forslund à Gap. Obtiendra-t-il plus de temps de jeu face à un autre Suédois, Bäckö ?

La défense conserve son leader Santeri Immonen, mais il faudra lui trouver un nouveau partenaire pour un premier duo de choc, puisque Brad Ference est bien sûr reparti en NHL. Ce sera Tibor Schneider, au moins aussi impressionnant physiquement (195 cm, 105 kg). Le HCMA s'est fondé sur ses références en Extraliga slovaque avec Martin, notamment en 2002 et 2003 où il s'était imposé comme un pilier défensif grâce à un registre étendu. Son passage à Zilina s'était moins bien passé, et il s'était retrouvé l'an dernier au troisième niveau suédois (division 1). Mais il ne s'y était pas enterré pour autant, puisqu'il avait tapé dans l'œil de plusieurs clubs d'Allsvenskan. Et si jamais il ne convainquait pas, il y a un recours en la personne de Johan Ohlsson, plus jeune et avec peut-être plus de potentiel que son prédécesseur Andreas Alnered, mais aussi du solide Mathieu Mille, qui reste un candidat à l'équipe de France, tant il n'y a pas vraiment de défenseurs intouchables derrière le trio Amar-Bachet-Bonnard.

Enfin, la dernière paire d'arrières a été conservée par rapport à l'an dernier, avec Christian Elian, qui a enfin trouvé un club français où il a pu s'imposer, en capitaine qui plus est, et Tony Bergin. Celui-ci est arrivé en dernier pour reprendre les entraînements, car il a fallu régler des formalités administratives obligatoires lorsqu'on fait tout dans les règles. Un Canadien peut venir jouer une saison avec un visa vacances-travail - facile à obtenir - s'il a moins de vingt-cinq ans, mais s'il reste plus longtemps, il faut passer par une procédure longue et complexe d'immigration. Le HCMA l'a enclenchée fin avril, et le visa long séjour a été obtenu mi-août.

Morzine-Avoriaz avait prévu de disposer de six défenseurs, mais l'opportunité s'est présentée d'en engager un septième. L'international junior britannique James Hutchinson, comme beaucoup de ses compatriotes, était intéressé par l'expatriation. Or, la moitié de la clientèle hivernale est anglaise dans la station du Chablais, et le HCMA cherchait donc un lien vers cette communauté. En échange d'un logement, Hutchinson apportera donc au club à la fois son jeu très physique et son action commerciale vis-à-vis des tour operators britanniques.

Une attaque densifiée

En attaque, le meilleur joueur Johan Forsander, pourtant convoité, reste fidèle aux couleurs morzinoises. L'an passé, il avait transcendé la première ligne, et notamment Håkansson à l'autre aile qui était assez dépendant de son compatriote. Niko Halttunen pourra mieux exister par lui-même, car sa réputation de "sniper" n'était plus à faire en Allsvenskan, son expérience non plus puisqu'il avait évolué plusieurs saisons en SM-liiga. Comme deuxième ailier droit, à la place du fougueux Steven Kaye qui manquait de sens tactique pour évoluer dans une équipe d'essence scandinave, arrive Tobias Holm, gros travailleur dans les bandes. Ce joueur passé par l'ECHL pour sa première année senior a adopté un style très rugueux, qu'il a conservé ensuite à son retour en Suède.

Ce qui manquait aussi à Morzine-Avoriaz, c'est un leader au poste de centre. Même si sa polyvalence lui permettrait également de jouer à l'aile, cette fonction devrait revenir à Matt Dzieduszycki, qui a disputé deux saisons d'AHL dans une mission d'attaquant défensif, et la dernière année en ECHL dans un rôle plus directement productif. C'est évidemment aussi celui qui sera le sien en Ligue Magnus. Dzieduszycki sort du rang pour une autre raison : il est le seul étranger de l'effectif qui n'ait jamais joué en Suède.

La densité est d'ailleurs remarquable au centre. Tomas Lindgren reste un des chouchous du public car il est un des trois champions de D1 encore présents, avec Bäckö et le dernier représentant local Anthony Richard qui ne sera pas là que pour faire de la figuration. Et deux jeunes Français ont également des prétentions à ce poste. Thibaut Geffroy, qui a servi de joker aux Bleus pendant la dernière saison internationale, a donc une place de titulaire à aller chercher, alors que Mickaël Bardet, qui a assumé par défaut la responsabilité de marquer des buts à Dunkerque, a plus été engagé pour ses talents de bosseur, de même que Cyril Trabichet.

Saisir sa chance

Le HCMA a résolument décidé de donner leur chance aux jeunes talents français. Ce sera le cas d'Aram Kevorkian, qui a besoin de se relancer après une saison difficile à Dijon, et ça aurait pu l'être pour les frères Da Costa. Malheureusement, ils se sont sortis du jeu à cause de graves incidents en... roller-hockey, où ils sont allés jouer les finales de D3 avec l'équipe de Dammarie-les-Lys entraînée par leur père. Cela devait-il remettre en cause leur engagement ? Le débat a partagé les dirigeants du club, entre ceux qui jugeaient qu'ils ne pouvaient cautionner de tels comportements, et ceux qui se disaient que des joueurs aussi jeunes méritaient une seconde chance. Ce qui a fait pencher la balance, c'est que les Da Costa devaient aussi travailler dans le hockey mineur ou sur les pistes de ski pendant l'hiver. Tout dérapage aurait alors porté atteinte à la réputation grandissante du club. Le HCMA a donc pris sa décision dès la fin juin et l'a communiquée à l'agence attitrée des deux joueurs (HPA), mais le problème est que celle-ci a mis plusieurs semaines à leur répercuter l'information. C'est le problème des agences qui affichent de longues listes de clients sur leur site internet sans être suffisamment proches d'eux pour entretenir un contact régulier et accomplir professionnellement leur travail. Heureusement, l'agent s'est rattrapé en trouvant des solutions en Pologne pour recaser les deux frères. Leur non-recrutement a entraîné la resignature de Marc Billiéras, qui devrait passer du centre à l'aile.

Il y a donc quatre lignes d'attaque complètes, qui peuvent toutes prétendre jouer un rôle important pour l'équipe. L'émulation aidant, c'est une bonne occasion pour les espoirs tricolores de se prouver ce dont ils sont capables dans un contexte concurrentiel, et c'est l'assurance pour les Pingouins d'être craints... même à Grenoble. Les Brûleurs de Loups, qui avaient vexé les Morzinois lors des derniers play-offs, ont en effet classé la réception du HCMA à Pôle Sud comme "match de gala" - plus chères - au même titre que celle des cadors traditionnels Rouen et Amiens (ainsi que le match Grenoble-Villard, mais pour des raisons de derby). Le signe qu'un palier de la respectabilité a déjà été franchi.

Marc Branchu

 

 

Départs : Lebey (arrêt), Boisson (arrêt), Joullie (arrêt en cours de saison dernière), Magnusson (Nybro), Ference (NHL), Håkansson (Halmstad, SUE), Kaye, Ackerer (Chamonix), Périllat (Lyon), J. Lebey (Chamonix), Maes.

Arrivées : Ohlsson (Arboga, SUE), Halttunen (Nyköping, SUE), Geffroy (HPK Hämeenlinna juniors, FIN), Kevorkian (Dijon), Holm (Oskarshamn, SUE), Bardet (Dunkerque), Trabichet (Briançon), Mille (Dijon), Dzieduszycki (Las Vegas, ECHL), Courally (Gap), Schneider (Asplöven, SUE), Hutchinson (Dundee, GBR).

Effectif :

Gardiens : Johan Bäckö (SUE, 23 ans), Olivier Courally (20 ans).

Défenseurs : Santeri Immonen (FIN, 33 ans), Tibor Schneider (SVK, 27 ans), Mathieu Mille (24 ans), Johan Ohlsson (SUE, 23 ans), Christian Élian (27 ans), Tony Bergin (CAN, 31 ans), James Hutchinson (GBR, 21 ans).

Attaquants : Johan Forsander (SUE, 27 ans), Matt Dzieduszycki (CAN, 25 ans), Niko Halttunen (FIN, 30 ans), Tobias Holm (SUE, 26 ans), Tomas Lindgren (SUE, 24 ans), Thibault Geffroy (21 ans), Marc Billieras (25 ans), Aram Kevorkian (21 ans), Mickaël Bardet (23 ans), Cyril Trabichet (25 ans), Kévin Enselme (20 ans), Anthony Richard (23 ans).

Entraîneur : Stéphane Gros (35 ans).

 

 

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