Bilan de la Ligue Magnus

 

La page du championnat de France 2004/05 de Ligue Magnus

 

Saison paradoxale pour la division majeure du championnat de France, dotée d'une nouvelle identité et d'une nouvelle impulsion. La Ligue Magnus a réussi à s'imposer en tant que telle, après une saison très positive sur le strict bilan sportif. De vrais étrangers de haut niveau ont contribué à relever l'intérêt du championnat et la qualité du jeu, sans complètement nuire à l'équilibre des forces. La poule unique a été une vraie réussite. Le championnat a été palpitant comme rarement, avec trois équipes à égalité de points en tête de la saison régulière et un champion sortant qui s'est retrouvé en ballottage pour accéder aux play-offs. On a retrouvé un réel enthousiasme à suivre la course au titre, qui paraissait tout sauf acquise même si le favori initial s'est finalement imposé.

Cependant, le bilan derrière cette belle vitrine est un peu moins parfait. Au printemps 2004, pendant que l'attention était monopolisée par les élections à la tête de la fédération, les clubs avaient recruté "gros" sans vraie barrière. Et lorsque la commission de contrôle s'est mise au travail, elle n'a pu que constater les dégâts et limiter la casse. Elle a prévenu qu'elle avait validé des dossiers qui ne passeraient plus à l'avenir, où il faudrait remonter le niveau d'exigence. On a vu pourquoi avec les difficultés financières des "petits" et les dépassements du plafond salarial des "gros". D'un côté, Clermont-Ferrand a été mis en liquidation judiciaire, de l'autre, Rouen, Briançon et Amiens sont menacés d'amendes (respectivement de 50 000 €, 15 000 € et 6 000 €) pour dépassement de la masse salariale. Un choc des extrêmes qui rappelle que la rigueur doit toujours être de mise et que ce n'est pas le moment d'abandonner la solidarité alors qu'il faut donner sa chance à chaque club de se développer. Dans un an, après la réduction de l'élite à quatorze, il sera le temps pour tous de faire le point des progrès accomplis et de ceux restant à réaliser.

 

Premier : Mulhouse. La théorie des dominos a bien aidé le HCM. Ryan Christie, joueur physique et souvent pénalisé même s'il travaille défensivement, a été controversé dans son apport direct, mais sûrement pas dans son apport indirect. En amenant son copain Steve Montador, qui par ricochet a fait la promotion de l'Alsace auprès des joueurs des Calgary Flames, il a initié le mécanisme qui a abouti à l'arrivée de la grande star du championnat, Steven Reinprecht. Car, pendant que Montador quittait Mulhouse en catimini, sous la menace d'une lourde suspension pour un jet de crosse sur Meunier, l'autre renfort de NHL Reinprecht devenait l'incontestable meilleur joueur de Ligue Magnus, en étalant sa classe souvent sans donner l'impression de forcer. Et le trio canadien Reinprecht-Day-Christie a été la meilleure ligne des play-offs.

Initialement, Mulhouse avait déjà une attaque très dense et une défense un peu moins forte. En renonçant à engager un ultime arrière pour saisir l'opportunité Reinprecht, ce déséquilibre s'est aggravé. Après la blessure du meilleur défenseur Ruokonen et avant l'arrivée du joker Virtanen, les Alsaciens ont dû jouer avec des lignes arrières décimées. Des attaquants de métier, en particulier le teigneux et dévoué Kiviharju, ont même dû venir les aider. Le HCM connaissait alors un passage à vide, un peu à la même période que les années précédentes, et on craignait alors un dénouement semblable. Mais cette fois, les Scorpions ont pu donner la pleine mesure de leur hockey en play-offs, où leur armada offensive a explosé tous leurs rivaux. Le gardien Fabrice Lhenry a retrouvé sa forme juste au bon moment, pour la finale, et le HCM a rempli ses objectifs. Il a obtenu le titre qu'il avait cherché par son recrutement, et il a pu faire parler de lui en Alsace. Espérons maintenant que cette position lui confèrera assez de poids pour obtenir des autorités une patinoire à la hauteur de son équipe.

 

Deuxième : Tours. Les Diables noirs ont été la surprise du début de saison, quand ils se sont positionnés en leaders, emmenés par leur buteur inattendu Jan Simko. Lorsque le joueur le plus rapide du championnat s'est blessé, on s'est toutefois dit que la bande à Millette rétrograderait forcément. Il n'en a rien été. Elle a continué jusqu'au bout à déjouer les pronostics et à creuser son sillon pendant que la plupart de ses rivaux exprimaient leur scepticisme et la jugeaient sur-cotée et pas impressionnante, à l'exception de son gardien Ramon Sopko, très souvent décisif.

L'ASGT ne pratiquait certainement pas le plus beau hockey. Mais Bob Millette en a aussi fait la formation la plus soudée et la plus hargneuse, capable de répondre présent au bon moment pour surprendre l'adversaire. Quant aux critiques et aux reproches, l'entraîneur canadien a su s'en nourrir pour motiver plus fortement encore ses joueurs, tous tendus vers le même objectif et empressés de faire taire les mauvaises langues. Chacun a rempli son rôle, et tous se sont intégrés dans le système Millette. Loïc Sadoun, moins physique que ses collègues et pas réputé pour son travail défensif, a ainsi étonné par son implication, même s'il a fini par se brouiller avec son entraîneur. Il a terminé meilleur marqueur français, devant tous les internationaux. Au bout du compte, l'effectif tourangeau, qui tient toujours sur un fil pour le rapport qualité/prix, était tout de même bien trop court en profondeur de banc pour pouvoir concurrencer Mulhouse et ses quatre lignes offensives.

 

Troisième : Grenoble. Après plusieurs années où on reprochait aux Brûleurs de Loups de jouer les faux modestes par rapport à leur statut, ils avaient cette fois affiché très ouvertement leurs ambitions. Du coup, Morzine puis Tours ont dénoncé chez eux un complexe de supériorité en play-offs, qui a fini par leur être fatal en demi-finale. Se persuader que l'on va gagner ne suffit pas non plus à devenir champion. Les provocations verbales n'ont pas été suivies de faits, et dans ces cas-là, on se mord toujours la langue d'avoir trop parlé. Oui, Grenoble a largement dominé l'ensemble de sa demi-finale, mais on ne retiendra que le résultat. Le gardien Patrick Rolland aurait préféré une meilleure sortie pour sa retraite que ses deux erreurs dans la quatrième manche, alors que les BDL avaient déjà un patin en finale. Mais on ne peut pas seulement accuser la malchance ou un épisode malheureux. Quand on se prétend fort, on doit assumer et on n'a plus d'excuse. Sur une série en cinq manches, une équipe supérieure doit savoir porter le coup de grâce.

Alors, où est l'erreur ? La page du recrutement en Mestis semble définitivement terminée. Son ultime avatar, le défenseur Pasi Järvinen, faible à la relance et souvent battu en un contre un, a achevé de convaincre de leur erreur les amoureux les plus aveugles de la filière finlandaise. Mais c'est en attaque que les Grenoblois ont failli. Il n'est pas normal qu'ils aient dû encore compter sur le vieux Josef Podlaha, revenu de nulle part ou presque, pour être leur buteur providentiel en play-offs. Le leader naturel Laurent Meunier, à force de chercher la solution individuelle, n'a malheureusement pas réussi à rassembler une deuxième ligne efficace autour de sa personne.

 

Quatrième : Rouen. L'impératif cette saison était de redorer l'image des Dragons et de retrouver l'habitude de la victoire que le public exige. Le RHE a récupéré la place qui est la sienne, tout en haut de la saison régulière, et il a regagné la confiance de ses partisans. C'était l'essentiel. Mais à Rouen, le titre de champion n'est jamais superflu, et l'on ne se satisfera pas d'un échec en demi-finale, même après la conservation de la coupe de France. Malgré le spectacle proposé, malgré les belles performances des juniors et notamment l'explosion de Pierre-Édouard Bellemare en fin de saison, il reste toujours des regrets.

Cette belle équipe aurait pu prétendre à mieux. La défense a été la meilleure du championnat, sans pour autant atteindre son plein potentiel. L'expérimenté Stéphane Robitaille a été l'arrière le plus régulier, mais Carlsson n'a pas été aussi constant que les saisons précédentes et Elofsson a connu un long temps d'adaptation. Même si elle avait un buteur hors pair en la personne de Kimmo Salminen, l'homme des deux penaltys en finale de coupe, l'attaque rouennaise ne s'est jamais complètement remise du départ à mi-saison d'Éric Doucet. La trahison de celui qui disait porter ce club dans son cœur, et qui était alors de loin le meilleur marqueur du championnat, a été durement ressentie. Ludek Broz n'a pas toujours pu exprimer son meilleur hockey avec Doucet (la cohabitation de deux joueurs qui aiment autant le palet l'un que l'autre est délicate), mais il a encore moins pu le faire sans, faute de finisseur à qui délivrer ses passes. Comme le retour du capitaine Guillaume Besse a été décevant, le trio magique pressenti n'a pas eu l'effet escompté. En play-offs, le RHE a perdu deux centres sur blessure, Broz et le rapide Paré, ce qui était rédhibitoire contre un adversaire aussi complet que Mulhouse. Mais pouvoir aligner dans ce cas-là des juniors qui n'avaient encore jamais joué de la saison régulière (Fontana et Dubillot), il n'y a que Rouen qui puisse en être capable !

 

Cinquième : Briançon. Le bel effectif disponible en début de saison est rapidement devenu un très bel effectif avec les adjonctions de l'international slovène Edo Terglav et du joueur de NHL Mark Rycroft. Le premier forma avec Martin Filip un beau duo de techniciens capables d'orienter le jeu aux côtés du capitaine Blais, et le second effectua un bon travail dans les deux sens de la patinoire en appui du buteur Desrosiers. Les Diables rouges disposaient ainsi de deux lignes offensives de haut niveau et n'avaient plus rien à envier aux grosses équipes de la Ligue Magnus. Ils ont ainsi monté en puissance jusqu'à dominer la finale de la coupe de France. Ils pouvaient alors rêver à une fin de saison en apothéose et au retour de Briançon parmi les prétendants sérieux au titre.

Et puis, patatras. Un penalty sifflé pour Rouen dans les dernières minutes de la finale, et voilà que les chauds supporters briançonnais perdaient leur sang-froid. Cette fois, ils n'étaient pas dans leur antre de René-Froger, mais à Albertville, devant les caméras de télévision. Cachez ces cannettes que je ne saurais voir... Mais les tribunes ne furent pas les seules à péter les plombs. Encouragés par l'atmosphère électrique, joueurs et entraîneurs briançonnais se crurent autorisés à invectiver et à bousculer l'arbitre M. Bachelet. Les sanctions, bien que plutôt clémentes, ne permirent pas d'aborder dans les meilleures conditions le quart de finale déjà bien difficile contre Mulhouse, qui valait mieux que sa quatrième place en saison régulière. La saison briançonnaise se termina donc en queue de poisson. Dommage, car une équipe de cette qualité ne se retrouve pas tous les ans.

 

Sixième : Morzine-Avoriaz. Le promu a parfaitement réussi son irruption en élite, comme son recrutement le laissait envisager. Les dirigeants se sont servis de toutes les opportunités, et l'aubaine du lock-out en NHL ne leur a pas échappé. Le seul point faible de l'effectif a ainsi été corrigé quand la défense a reçu l'adjonction de Brad Ference. Si son harcèlement continuel des adversaires pendant les arrêts de jeu ne l'a pas fait aimer dans les patinoires françaises, il a quand même été présent pour soutenir le leader des lignes arrières, l'impeccable Santeri Immonen.

Progressivement, une jolie équipe était en train de voir le jour. Les premières semaines furent difficiles avec une succession de défaites en prolongation frustrantes. Mais ensuite, les mois de novembre et décembre ont été exceptionnels. Les deux ailiers suédois de la première ligne ont fait un retour en force au classement des marqueurs. L'ancien capitaine de la sélection nationale junior Johan Forsander a été à la hauteur de sa réputation. Et, porté par la réussite de son compatriote, Fredrik Håkansson a lui aussi joué sur un nuage pendant deux mois. Par contre, il a été fébrile lorsque l'intensité physique est montée en play-offs. Certains joueurs étaient prêts pour les matches à enjeu, comme Ference, d'autres moins. Du coup, les Morzinois, après leur série d'invincibilité de dix rencontres, n'ont pas pu concrétiser en fin de saison.

 

Septième : Angers. Après un creux de deux années, la saison écoulée était capitale pour l'ASGA qui devait prouver qu'elle restait parmi les clubs qui comptent dans le hockey français. Elle y est parvenue grâce à des leaders canadiens qui ont parfaitement tenu leur rôle. Simon Lacroix a été extrêmement précieux comme homme à tout à faire, Jonathan Bellemare a pu mieux placer ses passes de génie pour sa deuxième saison, et Guillaume Rodrigue l'a complété en remplissant la fonction du buteur opportuniste, moins technique mais parfait finisseur. Trois hommes ne suffisent pas à faire une équipe, mais à Angers ils y ont beaucoup contribué.

Par conséquent, dès qu'un ou plusieurs de ces trois-là connaissaient une baisse de régime, le rendement des Ducs en pâtissait. La défense angevine, avec un duo Rousselin-Bärgman un peu juste, était la plus faible des huit qualifiés. Le problème, c'est que l'attaque aussi, car elle était trop dépendante du duo Bellemare-Rodrigue, qui a disparu en play-offs. Malgré le banc très court qu'il avait à disposition, François Dusseau n'a pas hésité à écarter de l'effectif pendant quelques semaines un joueur comme Tomas Mysicka, doué mais qui manque vraiment trop d'engagement. Dans ces conditions, cette septième place était la meilleure performance possible. La bête noire Tours a constitué un trop gros morceau en quart de finale, surtout sans le gardien titulaire Julien Figved victime d'une déchirure à la cuisse à la dernière journée, et gagner au moins une manche - aux tirs au but - est déjà satisfaisant.

 

Huitième : Amiens. Les Gothiques ont peiné face à la concurrence plus soutenue d'adversaires qui avaient recruté à tour de bras. Leurs performances poussives dès le début de saison ont mécontenté le Coliséum, et la grogne ne s'est jamais vraiment arrêtée. Alors, Amiens a choisi de prendre les devants en anticipant les changements, sans pour autant se renier. C'est une simple transition qui a été rapidement anticipée. Un poste inédit de directeur sportif, rare dans le hockey français même s'il avait un temps servi à la reconversion de Jean-Philippe Lemoine, est créé pour Antoine Richer, contesté comme entraîneur. Denis Perez, qui a peut-être effectué la saison de trop et aurait mieux fait de s'arrêter sur le titre 2004, lui succèdera à la tête de l'équipe. Les choses étant posées, même si on a attendu la fin de saison pour l'officialisation, les Gothiques avaient l'esprit libre pour terminer un championnat difficile par un beau sursaut d'orgueil. Ils y sont parvenus en réussissant à se qualifier in extremis pour les play-offs et surtout à pousser le grand rival Rouen jusqu'à une cinquième manche. C'est donc avec les honneurs que le champion en titre est finalement tombé.

Globalement, le bilan reste néanmoins décevant. Certains joueurs comme le capitaine Luc Chauvel et le défenseur Guillaume Karrer ont été pris en grippe par une partie du public en raison de leurs performances médiocres. Celui qui faisait figure d'unique étranger, Timo Willman, ne s'en est finalement pas trop mal sorti et a été apprécié en réussissant peu à peu à canaliser son impact physique. Par contre, le joker que les dirigeants sont allés chercher pour relancer la machine, Michal Vrabel, a été très loin du sauveur annoncé. Complètement transparent, il est même devenu objet de plaisanterie. Il le sera encore plus s'il se confirme que sa venue a fait passer la masse salariale au-dessus de la limite. Comme quoi il ne suffit pas de prendre un renfort étranger de plus pour essayer d'imiter la tendance des autres clubs. Encore faut-il savoir le choisir.

 

Neuvième : Villard-de-Lans. Avec le départ de l'entraîneur Dennis Murphy, c'est une page de l'histoire du club qui se tourne. L'Américain avait toujours réussi à faire fructifier ses contacts pour obtenir de bons étrangers, mais cette fois-ci, ils n'ont pas pu faire la différence. Ennuyé par ses adducteurs, Jarret Reid a vu sa rentrée longtemps retardée, et malgré sa vitesse de patinage, il n'était pas un pur buteur. Jamie Herrington a fait impression en début de saison par sa technique, mais il a de moins en moins pesé sur le jeu. S'il termine meilleur marqueur de son équipe (en n'étant qu'en cinquantième position de la Ligue Magnus sur la saison régulière), c'est par défaut.

L'attaque villardienne est longtemps restée stérile avant de se lâcher en Poule Nationale, pour un titre purement honorifique. Chez les recrues françaises, Luc Tardif jr doit encore travailler physiquement, et Xavier de Murcia, qui s'était très bien intégré, a été coupé dans son élan par une blessure. L'infirmerie qui n'a jamais désempli a été la plaie de la saison des Ours. Elle a compromis d'entrée les chances de play-offs même si elle a aussi permis l'apparition en Ligue Magnus d'un nombre de juniors plus important que prévu. La défense a été plus épargnée, mais en dépit du joker Siltavirta et des progrès de Fougère après des débuts ratés, elle est toujours limitée.

 

Dixième : Dijon. Commencé dès la pré-saison, le feuilleton des gardien dijonnais n'a jamais trouvé de dénouement satisfaisant. Grégory Fougère fait des performances correctes en début de championnat, mais on l'a quand même remplacé par un titulaire étranger. Le portier suédois Jimmy Bjennmyr a d'abord produit une grosse impression, mais ensuite il a peu à peu craqué, et il a finalement quitté prématurément l'équipe à quelques semaines de la fin de la saison.

Néanmoins, ce n'est pas dans les cages mais à l'offensive que le CPHD a surtout faibli. Même s'il a été effacé par moments, Miroslav Pazak a encore et toujours été, et de très loin, le meilleur buteur dijonnais, souvent avec l'appui de Thomas Gueguen. Derrière, le désert. La deuxième ligne a été un casse-tête tout au long de la saison. Les renforts étrangers Calle Konsti et Calle Suuronen, de même que le jeune Aram Kevorkian de retour de Finlande, ont été très inefficaces. Et le fait que les compteurs aient été subitement débloqués en Poule Nationale ne fait que raviver la déception sur la longue disette qui a précédé. Après deux saisons réussies, les Dijonnais ont terminé loin des play-offs.

 

Onzième : Gap. Même s'il ont parfois explosé à l'extérieur dans certains déplacements en semaine en petit comité, les Rapaces ont fait bonne figure en Ligue Magnus. Même les blessures à répétition touchant en particulier les jeunes joueurs français (Perez, Masson...) ne les ont pas empêchés de prendre assez de points pour assurer leur maintien, mérité. Quasiment tous les attaquants de l'équipe espoir ont été lancés en Ligue Magnus à un moment ou à un autre pour pallier les absences, et ils ont montré beaucoup d'envie. L'entraîneur suédois Henrik Alfredsson a donné à Gap une solide assise défensive, qui a reposé sur son compatriote Martin Forslund, gardien très constant même s'il laisse un peu trop de rebonds.

En cette année où le marché des transferts était un peu plus ouvert que d'habitude, en raison du lock-out, Gap a même pu recruter deux étrangers de haut niveau, une option qui lui était jusqu'à présent interdite. Deux Russes, qui végétaient dans l'équipe-réserve du SKA Saint-Pétersbourg, ont constitué l'attraction. L'ailier droit Vadim Sharifiyanov, dont la carrière compte même quelques apparitions en NHL, a un jeu complet et créatif, mais on a regretté son manque d'efficacité devant le but. Le défenseur Andreï Kozyrev a pour sa part distillé des charges monstrueuses de puissance et a constitué un renfort de poids. Espérons que cette saison positive soit porteuse d'espoirs en servant de base pour l'avenir.

 

Douzième : Anglet. L'Hormadi n'arrive toujours pas à sortir de son état de crise permanent. Toujours soupçonnés d'être des représentants fantoches du pouvoir de l'ombre de Jean-Baptiste Mortalena, les présidents se succèdent trop vite sans pouvoir laisser une trace. Le dernier en date, Grégoire Delage, a tenté d'imposer son autorité par des purges. Le joker Slavomir Vorobel a été le premier viré, deux mois après être revenu de Slovaquie comme sauveur supposé de la défense. Puis ce fut Antoine Amsellem, rentré d'une brève expérience nord-américaine, renvoyé parce qu'il prenait trop de pénalités. Et enfin, dès que l'élimination de la course aux play-offs fut consommée, la plupart des étrangers furent priés de partir malgré leur contrat pour économiser ce qui pouvait l'être, tant la situation financière est toujours tout sauf reluisante. La Poule Nationale vira alors à la déroute pour ce qui restait de la formation basque.

Un tel environnement a fatalement nui à Anglet, qui était certes capable du pire (défaite à domicile devant Dunkerque) mais aussi du meilleur, en étant la seule équipe à gagner à Rouen en saison régulière. L'ambiance délétère a déteint sur le vestiaire, miné par des conflits internes entre Français et étrangers. La recrue offensive Pavel Zdrahal n'a jamais réussi à s'intégrer. Critiqué pour son manque de travail défensif, le Tchèque a de bonnes capacités physiques et techniques, mais il est habitué à évoluer dans un système collectif éprouvé et n'a jamais trouvé sa place dans le hockey moins construit de l'Hormadi. Quant à l'arrière canadien Jean-Benoît Deschamps, c'est à l'arbitrage français qu'il a eu du mal à s'acclimater, car ses charges spectaculaires ont souvent été pénalisées. Au final, la défense dans son ensemble a pris l'eau et les gardiens Filiatrault et Bounoure se sont troués plus souvent qu'à leur tour.

 

Treizième : Dunkerque. En coulisses, les difficultés se sont accumulées pour le HGD. Les choix du président Jean-Pierre Thomas, trop peu entouré pour bénéficier de bons conseils, n'ont toujours pas été très cohérents. Le comble a été la mise à la porte de Tomas Valko et Vadims Mahnevs parce qu'ils "polluaient l'équipe", pour ensuite réengager le premier nommé un mois plus tard. Mais ce sont surtout les finances qui inquiètent. Le président n'a pas caché les problèmes, qui viennent selon lui d'un budget qui avait été structuré pour un système de poules géographiques et qui a été confronté, après sa validation par la commission de contrôle, au passage en poule unique. L'explication est sans doute insuffisante pour justifier les cent mille euros recherchés aujourd'hui pour que Dunkerque puisse poursuivre sa voie en élite. Après avoir songé à se retirer avant même la poule de maintien, Jean-Pierre Thomas a lancé un appel du pied aux collectivités locales, très frileuses pour soutenir un club qui joue pourtant en élite avec une moitié de joueurs locaux et formés au club.

Et ces joueurs, ils méritent leur place en Ligue Magnus. Car les hommes de Karl Dewolf n'ont jamais douté et n'ont pas laissé les évènements extra-sportifs les perturber dans leur objectif. Ils se sont battus comme des lions, malgré leurs faibles moyens, pour arracher leur maintien sur la glace. Ils ont joué avec leur cœur, car c'est tout ce qu'il leur restait, mais il était suffisamment gros pour décrocher la timbale. Tous ces efforts auront-ils été vains ou déclencheront-ils un mouvement de solidarité et un geste de la communauté urbaine ?

 

Quatorzième : Épinal. Cette année devait être celle du retour à l'ambition pour l'ICE. Alors qu'il nourrissait le secret espoir d'accéder aux play-offs, il s'est plus que jamais enfoncé et a échappé de justesse à la relégation. Tout au long de la saison, il aura voulu croire à un déclic. Mais celui-ci n'est jamais arrivé, même après l'unique changement d'entraîneur de la Ligue Magnus, le remplacement de Raphaël Marciano par Jan Reindl qui a ramené un peu de discipline. La composition des lignes arrières faisait peur sur le papier, et les faiblesses défensives ont été criantes sur la glace, où seul le joker slovaque Milan Sejna a convaincu. Malgré toute la bonne volonté d'un Ptacek par exemple, les autres, des vétérans tchèques sans grandes références pour la plupart, n'avaient tout simplement pas le niveau.

Mais ce qui a aggravé la crise spinalienne, que même le gardien Petrik n'a pas pu enrayer, c'est que les Dauphins ont été presque aussi approximatifs en attaque. Ils paraissaient pourtant bien pourvus avec deux recrues canadiennes ayant un petit passé en NHL et deux internationaux estoniens. Les deux paires ont été décevantes. Le duo canadien devait amener sa présence physique, mais Daniel Goneau a personnifié le hockey "bûcheron" en devenant le recordman des pénalités de Ligue Magnus. Il n'a même dû qu'à la clémence d'une commission d'appel de ne pas voir sa saison s'arrêter prématurément pour suspension, comme son coéquipier Regenda, après avoir perdu ses nerfs à Anglet. Il termine paradoxalement meilleur marqueur vosgien, mais le pointage ne dit pas tout. Si Goneau n'a trouvé grâce que chez les partisans les plus radicaux du style rugueux, son compatriote Steve Gainey, bien qu'ayant tout autant le goût du contact physique, a été plus consensuel. Il a humblement marché sur les traces de son père avec une vocation besogneuse, mais il a été peu efficace devant le but. Le même manque de lucidité qui a été le problème du farfadet Maksim Ivanov, doté de qualités intrinsèques plus techniques. L'Estonien présente quand même lui aussi un bilan plus appréciable que celui de son compatriote, en l'occurrence Mihhail Kozlov, viré en février pour des problèmes d'alcool récurrents.

 

Quinzième : Clermont-Ferrand. Comme les autres clubs de bas de tableau, le CAHC a eu comme meilleur défenseur sa recrue la plus tardive, le joker Andrej Mrena. Engagé après la blessure de Frédéric Brodin, la recrue-vedette dont le passage en Auvergne ne laissera qu'un plâtre en souvenir, le jeune Slovaque a amené une qualité de relance et de lancers appréciable. C'est d'ailleurs le premier match de Mrena qui a amené la première victoire, après un début de championnat très préoccupant. Clermont-Ferrand a ensuite paru capable de se maintenir tranquillement, mais il a été devancé de peu à la différence de buts par Gap et a été reversé en poule de maintien. Débordé par l'envie de ses adversaires, il a échoué à la dernière place, puis a perdu en barrages contre Caen alors que ses difficultés financières s'étaient déjà révélées au grand jour.

Car on comprend a posteriori pourquoi les hockeyeurs arrivés à l'intersaison étaient de si faible niveau. On peut d'ailleurs se dire maintenant qu'il aurait mieux valu économiser un ou deux contrats plutôt que de dépenser de l'argent pour des joueurs aussi moyens. La liquidation judiciaire du Clermont Auvergne Hockey Club est un symptôme inquiétant pour le hockey français, car on ne peut pas vraiment dire que le club se soit laissé aller à la folie des grandeurs pendant les années Evertsson. Il a simplement essayé de suivre. Mais un léger dérapage dans la rigueur de la gestion a suffi à rendre la situation irrattrapable. En ne versant plus la moindre subvention, la mairie a alors sonné l'arrêt de mort du club. Un dénouement qui rappelle que le hockey reste le parent pauvre des sports collectifs et qu'il est le premier à pâtir d'une concurrence locale exacerbée. Avec un club de football en Ligue 2, un club de rugby désireux de se rapprocher des collectivités pour casser son image d'équipe Michelin, et un club de basket tout juste promu dans l'élite qui a bénéficié d'une copieuse enveloppe municipale, le CAHC ne pouvait plus lutter. Une victime de plus du délaissement du hockey.

Marc Branchu, avec les correspondants de Hockey Archives

 

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