Suisse 2004/05 : présentation

 

La signature d'un accord entre la Suisse et la commission européenne fait rentrer la confédération, jusque là "protégée", dans le cadre de la libre circulation des travailleurs. Le hockey helvétique connaît les risques que comporte une ouverture totale aux communautaires pour son avenir, et il a décidé de réagir avec prudence. Au lieu de libéraliser totalement le nombre d'étrangers "européens" comme l'ont fait les autres sports, il a choisi de faire seulement un premier pas, comptant sur la responsabilité des clubs pour ne pas bouleverser le système par des recours judiciaires. En plus des trois étrangers habituellement admis, un quatrième, forcément communautaire, pourra être aligné au cours d'un même match. En revanche, le nombre de joueurs étrangers sous contrat est désormais illimité, ce qui permet aux clubs de profiter tant qu'ils peuvent du lock-out NHL s'ils le souhaitent.

La LNB est finalement restée quant à elle à deux étrangers. Sous l'impulsion du relégué Bâle, elle a toutefois adopté une résolution pour autoriser ses deux finalistes à engager deux étrangers supplémentaires. Ceux-ci, destinés à assurer des conditions équitables lors des barrages de promotion/relégation, auront ainsi le temps de s'intégrer à leur nouvelle équipe lors de la finale avant d'affronter le dernier de LNA. Mais cet "avantage" pour le vainqueur de LNB (il s'agit en fait plutôt d'un inconvénient en moins) a déclenché une riposte immédiate de Roland von Mentlen, le directeur sportif de Fribourg-Gottéron, qui a déposé une motion pour que le représentant de la LNA ait désormais l'avantage de la glace lors des barrages. Le nombre a alors parlé : les douze clubs de LNA ont voté pour, les dix de LNB ont voté contre. La loi du plus fort est toujours la meilleure...

 

Ligue Nationale A

 

En temps normal, la presse tessinoise est déjà en pointe en ce qui concerne les rumeurs de transfert qui font vendre, suivant ainsi la culture italienne du Calcio. Alors, le lock-out NHL se profilant, les journaux se sont déchaînés tout l'été pour deviner les transferts de Lugano, de Dany Heatley à Martin St-Louis. Pourtant, en juillet, dans une interview au Toronto Sun, l'entraîneur Larry Huras confirmait qu'il avait eu des contacts avec eux, de même qu'avec Fedorov, Luongo ou Brodeur, mais qu'il se refusait à engager un joueur qui ne pourrait pas s'engager pour une saison entière. Il en faut néanmoins plus pour arrêter des journalistes avides de scoop et des supporters prêts à s'enflammer. Les rumeurs n'ont pas cessé, et les oreilles de Mike Maneluk ont commencé à siffler. Pendant la pré-saison, certains espéraient que le Canadien s'entendrait dire "vous êtes le maillon faible, au revoir" et qu'une superstar débarquerait à sa place. Cela n'a pas été le cas, mais l'intervention chirurgicale à l'aine que doit subir Maneluk a finalement conduit Lugano à revoir sa politique. Puisqu'il y a un blessé, pourquoi ne pas éventuellement recruter un pigiste de luxe ? Et, après le refus de Sakic, c'est un autre joueur des Colorado Avalanche, le jeune Alex Tanguay, qui a été choisi. Auparavant, Lugano avait déjà recruté un joueur de NHL, le gardien suisse David Aebischer. C'est la première fois depuis le départ de Huet que Rüeger retrouve un concurrent sérieux dans les cages.

Lugano n'avait pas besoin de ça pour avoir une équipe toujours aussi solide et spectaculaire. Les départs concernent des joueurs de l'ombre comme les deux Canado-Suisses, le combatif et apprécié Keith Fair et le trop souvent blessé Mark Astley, ainsi que l'espoir Raffaele Sannitz, à qui les Columbus Blue Jackets ont recommandé un passage obligé par l'AHL. Il traverse donc l'Atlantique en sens inverse de tout le monde, y compris de Julien Vauclair, un défenseur qui a eu la malchance de tomber dans une des franchises de NHL les mieux dotées à l'arrière (Ottawa) et qui n'a pu donc y jouer qu'un seul match, après avoir systématiquement été le dernier joueur écarté lors du camp d'avant-saison. Car le HCL a encore recruté deux joueurs suisses de premier plan, deux de plus. L'autre est le jeune attaquant Sébastien Reuille, dont le père Pierre-Alain était autrefois la doublure d'Alfio Molina, le légendaire gardien du club. La possibilité d'engager un quatrième étranger a permis de résoudre le problème du centre, et Benoît Gratton, également pisté par Genève-Servette qui a dû s'avouer vaincu, apportera la touche d'agressivité et de leadership requise en play-offs. Pour ce qui est de la saison régulière, en effet, Lugano est encore plus fort que l'an dernier et toujours au-dessus du lot.

 

Avril 2003 : Marc Weber inscrit le but décisif en prolongation du dernier match d'une incroyable finale contre Lugano, et l'équipe de Kent Ruhnke peut savourer son retour au sommet. Mais les deux héros qui ont fait Berne champion étaient déjà sur le départ avant ce jour de gloire : Weber prend la direction de Rapperswil, et l'autocrate entraîneur Ruhnke est remplacé par son adjoint Alan Haworth, qui avait jusqu'ici peu voix au chapitre. Mais ce changement derrière le banc est le seul vrai bouleversement d'une équipe reconduite pour l'essentiel. Le quatrième étranger, le défenseur américain Rich Brennan, ne fait que souligner encore la dimension physique d'une formation déjà spécialiste des mises en échec. La seule autre recrue est le jeune attaquant Christoph Roder, qui fera ses premier pas en LNA après un intermède très réussi en LNB à Bienne.

Berne a pu reconquérir le titre, mais le plus difficile sera pour tous ces joueurs d'avoir l'orgueil de le confirmer dans un contexte plus concurrentiel. À défaut de recrutement spectaculaire, on comptait beaucoup sur l'attaquant suédois Patrik Juhlin, de retour après une saison gâchée par les blessures et qui s'est imposé comme le meilleur marqueur lors des matches amicaux. Las, ses prestations décevantes en championnat ont finalement décidé le SCB à l'envoyer dans le club-partenaire de LNB, Langenthal, afin de mettre à l'essai une vedette de NHL (ce à quoi il s'était jusque là refusé, sur la même ligne que Lugano, mais avec la perspective d'un lock-out pouvant durer toute la saison, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis), le petit centre pétri de talent Daniel Brière. Sauf que cette relégation forcée n'a pas plus au Scandinave qui n'avait aucune envie de jouer à un niveau aussi faible et est repartie au pays. Il faudra donc espérer que Brière, dont l'arrivée a été retardée car il est rentré au Canada pour être auprès de sa fille qui doit être opérée, viendra motivé et non en touriste, car c'est la grande crainte des prudents dirigeants bernois.

 

Dans un club qui a dû boucher un énorme trou par des appels aux dons relayés par les médias, l'appel à trois stars de NHL peut surprendre. Avec quoi le HC Davos les a-t-il payées ? En étant mauvaise langue, on pourrait se demander si Thornton n'est pas payé avec les recettes de la Coupe Spengler 2004, Nash avec celles de l'édition 2005 et Hagman avec des avances sur celle de 2006... Mais les dirigeants grisons, qui ont fait ce pari extrêmement tôt (les trois joueurs de NHL étaient parmi les premiers à signer en Europe dans la perspective du lock-out, bien avant que celui-ci soit officiellement confirmé), assurent qu'il n'ont pas eu besoin de chercher un trésor. Ces joueurs qui cherchent juste à garder la forme pendant l'arrêt de la NHL ne coûtent pas plus cher que les autres vedettes de LNA. Il faut dire que les rétributions de Reto von Arx avoisinaient les 400 000 euros à la "grande époque" avant que les salaires ne soient revus au coupe-coupe...

Le directeur sportif René Müller affirme même que Niklas Hagman (dont le célèbre père Matti Hagman a été viré de son poste d'entraîneur du club amateur de 1e ligue Martigny la veille du début du championnat pour "impossibilité de respecter les clauses du cahier des charges") est l'étranger le moins cher du championnat, sachant qu'en plus il contribue à la beauté de la ville car sa femme a été élue première dauphine de Miss Finlande (authentique argument d'un dirigeant !). Le côté "paillettes" est encore plus poussé pour Thornton et Nash, tous deux n°1 de la draft NHL et donc censés être les meilleurs joueurs de leurs générations respectives, qui feront ainsi parler de la station de sports d'hiver. Davos tient à sa renommée internationale, et il ne faut pas oublier que la Coupe Spengler, tournoi amical à l'intérêt sportif limité et joué dans une ambiance festive et détendue, est retransmise à la télévision canadienne où il constitue bizarrement une des rares images du hockey européen.

Cette option "tout pour le spectacle" n'a-t-elle pas déséquilibré l'équipe ? Même en supposant que le lock-out dure toute la saison (dans le cas contraire Davos serait très embêté), le nouveau trio offensif n'est pas réputé pour son implication défensive. Cela avait été le gros reproche fait à Hagman, si décevant sur ce point aux championnats du monde, même s'il s'est rattrapé lors de la coupe du monde en prouvant qu'il était capable de défendre avec application s'il le veut bien. Or, toute la question est là, surtout pour Thornton. Aura-t-il la volonté de bouger ses 101 kg et de faire parler sa puissance dans les bandes ? Plusieurs fois réfractaire à la sélection nationale, il ne connaît pas grand-chose du hockey européen, et il a compris qu'il doit vite s'y mettre sérieusement après quelques déclarations méprisantes très malvenues. Quant à Rick Nash, si c'est lui - avec Kovalchuk - qui a marqué le plus de buts en NHL l'an dernier (41), il est aussi nanti d'une fiche de -38 chez les Columbus Blue Jackets qui rappelle son attrait irrépressible vers l'avant. Heureusement, il y a un quatrième étranger qui est tout le contraire d'une star, et qui ne rechigne ni à travailler défensivement, ni à jouer en quatrième ligne avec les juniors quand on le lui demande, c'est l'attaquant tchèque Josef Marha. La défense est entièrement suisse, mais c'est la même que l'an dernier autour de Beat Forster. En revanche, le départ de l'orgueilleux Lars Weibel, mécontent qu'on touche à son salaire, laisse Davos avec deux jeunes gardiens, Jonas Hiller, 22 ans, qui en une année en Lausanne a pu avoir une petite expérience en LNA, et Thomas Bäumle, 20 ans, qui n'en a aucune et qui débarque de Sierre en LNB. On a donc misé tout pour l'offensive avec pour mission de faire briller les compteurs des stars.

 

On y est. La saison cruciale, le tournant de l'histoire des ZSC Lions, contraints de s'exiler une année pendant la reconstruction du Hallenstadion. Après l'évocation de nombreuses hypothèses jugées déplaisantes (louer le Schluefweg du rival Kloten, par exemple), on a finalement choisi la petite patinoire d'Oerlikon, aménagée afin d'accueillir le plus grand nombre de spectateurs possibles. Il pourra ainsi y avoir quatre mille places, mais en contrepartie, qu'on soit VIP ou simple supporter, tout le monde devra être debout. Autant dire que l'on parle déjà de "saison-culte". Ceux qui se sont rués sur les abonnements pour vivre cela pourront dire dans des décennies "j'y étais". Le confort est inexistant mais l'ambiance promet d'être très particulière, et toute dédiée à la victoire du ZSC.

Car les dirigeants zurichois ont finalement décidé que l'exil et la baisse des recettes devraient être transparents vis-à-vis de la qualité de l'effectif. Aucun dégraissage n'a été réalisé, le réservoir est toujours aussi important vu que les mouvements sont permanents avec les GCK Lions qui servent d'équipe-ferme. Bon, on n'est quand même pas allé jusqu'à engager un "gréviste" de la ligue nord-américaine, cela ne servirait rien de s'offrir un grand nom pour attirer du monde puisqu'il n'y a pas la place d'accueillir du public supplémentaire. Par contre, pour un joueur de NHL qui accepterait de signer un contrat de deux saisons, et donc de connaître aussi le Hallenstadion l'an prochain, c'est une autre histoire. Et c'est ce qui s'est passé avec Randy Robitaille, pas un attaquant marginal puisqu'il a inscrit 37 points l'an dernier chez les Atlanta Thrashers. Les deux autres recrues étrangères offensives sont le vétéran finlandais Tony Virta, dont on espère une meilleure réussite que le précédent joueur péché en SM-liiga il y a quelques années (Petri Varis), et l'international slovaque Robert Petrovicky, qui devra prouver qu'il n'est pas sur le déclin. Il faut y ajouter les deux jeunes internationaux Thierry Paterlini et Andrteas Camenzind. La défense perd par contre la référence Jamie Heward, mais deux très jeunes Zurichois reviennent après être partis respectivement à Genève et au Canada : Martin Höhener et Tim Ramholt. Les Lions ont donc toujours un bon effectif, bien dosé entre espoirs et cadres d'expérience, et qui ne paraît pas avoir été conçu uniquement pour une saison de transition.

 

L'opération de rééquilibrage progressif des comptes continue à Genève-Servette où les licenciements impromptus sont chose courante dans le secteur administratif comme dans l'effectif. Mais voilà que survient le premier retour de bâton avec la plainte de Gian Marco Crameri. Licencié pour faire des économies alors qu'il avait trois ans de contrat, il réclame la différence entre la somme qu'il lui restait à toucher et celle moins importante qu'il percevra à Zoug. Une épine dans le pied de Chris McSorley, qui a également connu un conflit d'intérêts avec le groupe Anschutz, propriétaire du club. Alors qu'il avait initialement l'intention de faire comme Davos et d'activer ses nombreux contacts pour munir son équipe de stars de NHL, il a reçu un veto du "boss". En tant que patron des Los Angeles Kings, Philip Anschutz est en effet engagé dans le conflit salarial avec le syndicat des joueurs, et à ce titre il ne veut pas que ses clubs européens puissent servir de recours aux hockeyeurs au moment où lui et ses collègues décrètent une interruption d'activité en Amérique du nord. Adieu donc, les Vyborny, Richards, Lecavalier et consorts. Et re-bonjour, Philippe Bozon ! Alors que le Français devait initialement s'occuper du hockey mineur et n'être qu'un éventuel étranger suppléant au cas où, il a été ré-incorporé dans l'effectif comme titulaire à part entière pour une nouvelle saison à bientôt 38 ans.

Après l'élimination contre Berne l'an passé, Chris McSorley n'a qu'une idée en tête : dominer physiquement les champions en titre, la référence dans ce domaine. Il a donc ajouté du poids, aussi bien en défense avec l'international Goran Bezina (104 kg) qu'en attaque avec Michal Grosek (108 kg), deux joueurs qui reviennent d'Amérique du nord. Les trois recrues étrangères - le Tchèque Grosek mais aussi les attaquants suédois Andreas Johansson et Mikael Samuelsson - sont bel et bien en provenance directe de la NHL, mais ce n'étaient pas les premiers choix qu'avait minutieusement sélectionnés Chris McSorley. Il faudra oublier cette frustration car cela n'a pas empêché le groupe Anschutz d'assigner comme objectif l'accession aux demi-finales.

 

Comme chaque année, Zoug a énormément investi durant l'été avec l'intention de se mêler à la lutte pour le titre. Dans ces conditions, voir des équipes au budget plus faible faire systématiquement mieux, comme Genève-Servette, est particulièrement agaçant. La solution, c'est de leur piquer leurs joueurs en surenchérissant, et de les faire signer si possible dès l'automne pour la saison suivante afin de perturber encore plus l'adversaire. C'est ainsi que les deux joueurs les plus importants du GSHC ont changé de lac pour se retrouver à Zoug. L'indispensable défenseur américain Brett Hauer rejoint ainsi son compatriote Barry Richter, alors que le talentueux attaquant russe Oleg Petrov pourra assouvir sa soif de buts qui n'a pas été étanchée à la coupe du monde où il n'a pas été titularisé une seule fois. Mais on peut aussi recruter un joueur pour moins cher quand il n'est plus désiré, comme cela a été le cas du vétéran Crameri.

Il faut ajouter à la liste des renforts l'attaquant international Patric Della Rossa, venu des ZSC Lions, et surtout, surtout, Lars Weibel. Si Zoug est si sous-productif depuis plusieurs années, c'est peut-être parce qu'il a toujours compté sur des gardiens moyens. Cela va changer avec l'ancien gardien de l'équipe nationale (qui n'y retourne plus car il est lui aussi fâché avec le sélectionneur Ralph Krüeger qui lui préférait le Bernois Bührer), qui a déjà obtenu des titres à Lugano et Davos. Encore faut-il que ses défenseurs ne se reposent pas trop sur lui, ce qui annulerait l'intérêt de ce recrutement.

 

Revenu en play-offs avec une situation financière moins catastrophique que prévu (si Kloten cherche un exemple à suivre...), Ambrì-Piotta peut voir l'avenir avec sérénité et a lié pour quatre et trois ans le duo canadien Jean-Guy Trudel - Hnat Domenichelli, qui peut assurer à long terme la production offensive du club. C'est d'autant plus important que les deux meilleurs marqueurs suisses Burkhalter et Lakhmatov ont été happés par Langnau, ce que compense tout juste l'arrivée d'un quatrième étranger en la personne de Jeff Toms. L'autre priorité des nouveaux dirigeants a été de faire revenir au HCAP des joueurs qui s'étaient un peu perdus depuis qu'ils l'avaient quitté, Alain Demuth et Lars Leuenberger, ainsi que des hockeyeurs originaires de la Léventine qui retournent à leur club formateur, le vieux défenseur Tiziano Gianini et l'attaquant Mattia Baldi.

Dans les cages, la transition a déjà commencé l'an passé entre Pauli Jaks, qui quitte le bon air des Alpes pour les fumées industrielles de Magnitogorsk, et son successeur désigné Simon Züger, qui aura la concurrence de Daniel Manzato qui sort d'une dernière année junior difficile où il a peiné à confirmer, au Québec comme à Kloten. Par contre, la défense a perdu ses points de repère Gaul, Bayer et Rauch, devenant dépendante de l'expérimenté arrière suédois Oscar Ackeström, qui devra montrer qu'il est aussi sous-estimé qu'on le dit. Mais il s'est fracturé le pied dans un match de pré-saison contre Espoo, et après un intérimaire au passage très bref (un défenseur américain d'AHL au passeport irlandais nommé Jon Coleman), Ambrì-Piotta a engagé à la faveur du lock-out le meilleur arrière des Flyers de Philadelphie, le Suédois au slap ravageur Kim Johnsson. Un joueur de renom de plus en LNA et surtout une bouffée d'oxygène pour Ambrì, qui sera encore compétitif.

 

Langnau a mis le paquet pour la seconde saison consécutive pour réussir enfin à accéder aux play-offs. Il a en particulier engagé quatre recrues de valeur possédant un double passeport. Deux d'entre eux sont des Canado-Suisses : Trevor Meier (Lausanne) n'a rien de franchement enthousiasmant dans son jeu mais est un buteur régulier, et Mark Astley - qui était déjà sous les ordres de Koleff à Lugano - est un défenseur physique qui permettra à Jamie Heward de mieux exprimer ses qualités offensives. Les deux autres sont des Canado-Ukrainiens, adeptes d'un style de jeu plus élégant et non dénué de classe : Vitali Lakhmatov forme avec son ami Loïc Burkhalter un duo offensif technique et efficace, alors que le défenseur Valeri Chiriaev va enfin obtenir à 41 ans le passeport helvétique qui devait lui être délivré de manière imminente... depuis déjà quinze mois. Et si Ryan Savoia, jamais bien convaincant, a été conservé, c'est uniquement parce qu'il a un passeport italien et qu'il fera donc maintenant figure d'étranger communautaire.

L'été a été marquées par deux longs feuilletons. Le premier concerne le poste de gardien. Initialement, les SCL Tigers avaient engagé Cristobal Huet, mais les objectifs des deux signataires étaient trop différents. Le contrat n'aurait pris effet que si le Français n'avait pas retrouvé un contrat NHL, or il était évident qu'il en re-signerait un au vu de ses bonnes performances à Los Angeles. C'était donc une mauvaise option surtout génératrice d'espoirs déçus pour Langnau, qui n'a pourtant pas perdu au change. Certes, le second choix, le Canadien Corey Hirsch, a été critiqué, mais le lock-out permet le retour de l'enfant du coin Martin Gerber, qui avait commencé avec les Tigers une progression tardive mais fulgurante, qui l'a conduit à être considéré comme la "meilleure doublure de NHL" la saison dernière à Anaheim où il a encore appris auprès du consultant des gardiens François Allaire. Les cages sont donc blindées. Le second feuilleton, c'est celui de la nouvelle patinoire, car un projet prévoyait de la construire au bord de l'autoroute à Kirchberg, à trente kilomètres de Langnau. Les supporters ont recueilli 25000 signatures pour demander que l'identité du club soit respectée et que les Tigers restent dans leur fief de Langnau. C'est donc sur le territoire du village que sera finalement bâtie une enceinte neuve de sept mille places.

 

Difficile 70e anniversaire pour l'EHC Kloten. Après avoir raté les play-offs pour la première fois depuis leur introduction, les Flyers risquent encore de finir sous la barre cette année. Les indications de la jauge d'altitude sont inquiétantes. Ils doivent délester pour ne pas connaître le même crash que leur ancien sponsor, la compagnie aérienne Swissair. Face aux pertes sèches financières de plus en plus importantes, Kloten a été obligés de dégraisser leur effectif et de procéder à une diminution collective de 12% des salaires, suivant l'exemple de Davos l'an passé. De nombreux joueurs suisses sont partis, dont l'irremplaçable Martin Plüss pour une nouvelle aventure en Suède, et un seul est arrivé, le défenseur Timo Helbling revenu d'AHL. Il faudra compenser en trouvant de meilleurs étrangers. Le seul qui ait été satisfaisant, le buteur Kimmo Rintanen, a été conservé comme communautaire. Pour le reste, on a imité le modèle établi l'an passé par un autre club au bord de l'étranglement financier, Ambrì-Piotta : choisir des Canadiens pour en faire de vrais leaders dans les vestiaires. Le président Peter Bossert n'a pas caché sa satisfaction en déclarant à l'issue du camp d'entraînement que ses nouveaux renforts avaient déjà plus parlé en quelques semaines que le taciturne défenseur finlandais Marko Kiprusoff pendant toute la saison précédente.

Ces trois sauveurs présumés venus du Canada sont le défenseur Jamie Pollock, qui bénéficie du label "vu à la Coupe Spengler", et deux attaquants, le rapide Domenic Pittis et le pari Steve Guolla, qui n'a presque pas joué la saison dernière pour cause de blessure. Son départ immédiat à l'infirmerie a conduit à l'engagement de l'intérimaire Olli Jokinen, mais la star finlandaise pas emballée par la LNA a ensuite choisi la Suède, et dès son retour au jeu, Guolla s'est blessé de nouveau, absent pour six semaines. Voilà en tout cas un joueur dont on ne peut pas dire que ce sont les méthodes d'entraînement de Vladimir Yurzinov qui l'ont "cassé", allusion à la polémique lancé il y a quelques mois par l'ex-médecin du club... Quoi qu'il en soit, le mariage de Yurzinov et Kloten prend fin après plus de six années d'une union longtemps exemplaire. Le début de saison catastrophique a rapidement provoqué le licenciement de Yurzinov, qui n'avait pu s'occuper de la préparation pour cause de coupe du monde, et son remplacement par l'entraîneur tchèque des juniors Mirek Hybler. Le Russe s'occupera désormais de la formation des jeunes, domaine où son excellence est reconnue, mais son avenir se situe peut-être plus auprès de la sélection russe dont il est le presque éternel adjoint.

 

Après une saison étonnamment tranquille pour les habitudes du club, celle qui vient de commencer s'annonce plus compliquée pour Fribourg-Gottéron. Pendant qu'ailleurs on se renforce de toutes parts, ici le recrutement s'est concentré essentiellement autour d'un seul nom, celui de Richard Lintner. Le parfait complément de Zdeno Chara est effectivement un pilier de l'équipe nationale de Slovaquie, mais il a aussi été débarqué de Djurgården l'an passé car il ne savait pas réprimer son instinct qui le pousse vers l'avant. Certes, les exigences tactiques sont moins fortes en Suisse qu'en Suède, mais a priori, il ne présente quand même pas le profil idéal pour renforcer une équipe déjà bien pourvue en défenseurs offensifs (Rhodin, Marquis, voire Studer qui ne sera pas bridé comme à Genève).

C'est le principal souci, plus que l'attaque qui est restée inchangée... mais vieillissante. La progression du produit du club Valentin Wirz est un peu isolée quand on sait que Gil Montandon et Patrick Howald (39 et 35 ans) ne pourront pas conserver le même rendement ad vitam eternam. Mais ce qui mine surtout Fribourg, c'est que David Aebischer, le gardien de l'Avalanche du Colorado, ait choisi de pinailler pour quelques francs suisses qui ne représentent pas grand-chose par rapport aux sommes qu'il a amassées outre-Atlantique, au contraire d'autres joueurs de NHL rentrés en Europe et tout prêts à faire des "sacrifices" financiers pour retourner dans leur club formateur. Alors qu'il aurait pu aider un Mona un peu seul dans les cages, "Abby" a donc demandé à être prêté dans le seul club suisse capable de satisfaire ses prétentions salariales, Lugano.

 

Pour enfin ne plus être ignoré des médias, Rapperswil-Jona aimerait se glisser en play-offs dans cette saison qui s'annonce palpitante mais où personne ne l'attend. C'est que le SCRJ, avec un budget limité et une patinoire vétuste (les dissensions entre les communes de Rapperswil et Jona sur le financement de sa reconstruction n'augurent rien de bon), n'a rien de fondamentalement attractif. Cependant, il est à l'image de la discrétion et de la compétence de ses Finlandais.

L'entraîneur Kari Eloranta a cependant recruté un joueur de statut international, son homonyme - sans lien de parenté - Mikko Eloranta, qui a encore prouvé toute sa hargne physique à la dernière coupe du monde. L'expérimenté Marko Tuulola est par contre moins coté, ses apparitions en équipe nationale de Finlande ont été plus épisodiques, mais il a été élu meilleur arrière de SM-liiga en 2003 et ses qualités sont donc reconnues. La défense, le gros point faible de Rapperswil, a d'ailleurs été notoirement renforcée, avec l'arrivée de Patrick Fischer, qui reste sur une saison catastrophique à Zoug à 24 ans mais qui a un temps fait partie de l'équipe nationale suisse, et de Marco Bayer, le spécialiste du jeu de puissance venu d'Ambri et qui a été immédiatement adopté comme nouveau capitaine. Ces arrivées intéressantes sont d'autant plus notables que le SCRJ éprouve généralement toutes les peines du monde à conserver ses meilleurs joueurs suisses. Il a perdu ainsi ses deux maillons essentiels, sans avoir moyen de recruter des remplaçants de la même valeur : pour succéder au gardien Thomas Berger, on a donc misé sur l'émulation du duo Streit-Tobler, et pour compenser le départ de Sébastien Reuille, il faut souhaiter que le petit Marc Weber reste sur la lancée de son but décisif en finale.

 

Alors que tous ses concurrents se sont renforcés, Lausanne a simplement cherché à limiter les dégâts. Le seul authentique renfort se situe dans les cages avec Thomas Berger, le reste de l'équipe est tout juste du niveau de l'an passé. Le semi-retraité Serge Poudrier ayant rejoint son frère à Thetford Mines, la tradition des défenseurs offensifs québécois se poursuit avec Patrick Boileau. En attaque, le départ de Trevor Meier est juste compensé par le droit à un quatrième étranger, qui sera le robuste Marko Tuomainen. Mais l'ex-international finlandais ne jouait plus qu'un rôle mineur à Espoo l'an passé, et un club de LNA peut-il se permettre d'engager un étranger comme simple "role player" à envoyer dans les duels physiques ?

Avec un effectif plus faible que jamais, le LHC ne peut compter que une atmosphère plus saine, et là, ce n'est pas difficile de faire mieux que l'an passé. Le nouvel espoir se nomme Silvio Caldelari. De supporter du HC Sierre, il en était devenu le président, à la grande méfiance de beaucoup qui pensaient qu'un gugusse qu'on voyait autrefois torse nu en tribunes n'aurait aucune disposition à gérer un club. Il a prouvé le contraire puisqu'il a redressé un HCS au bord de la faillite pour en faire un finaliste de LNB. Maintenant, il quitte son club pour se lancer dans un challenge osé, devenir directeur sportif de l'équipe la plus populaire de Romandie. Mais l'environnement y est beaucoup plus difficile, semé d'embûches et peuplé d'intérêts dissonants et souvent nuisibles à la bonne marche du LHC. Il faut pourtant une mobilisation positive pour que Lausanne puisse se maintenir en LNA et ne pas gâcher bêtement le travail fait avant et après la montée.

 

 

Ligue Nationale B

En engageant l'entraîneur champion Kent Ruhnke, le relégué Bâle a clairement montré que son ambition était de remonter, tout en adoptant maintenant un discours plus modeste qui a conscience que rien n'est acquis d'avance. Ce sera vrai en barrages de promotion, mais ça le sera déjà au sein d'une LNB où Bienne s'impose toujours comme un prétendant qui n'a pas abandonné ses espoirs de LNA. Si les Bâlois ont changé en profondeur leur effectif dont ils étaient peu satisfaits, leurs adversaires s'appuient sur des équipes soudées qui veulent faire valoir leur supplément d'âme. C'est le cas des Biennois qui peuvent en plus compter sur un marqueur réputé aussi bien en LNB (ancien de La Chaux-de-Fonds) qu'en DEL où il a contribué au titre de Francfort, Jesse Bélanger.

C'est encore plus vrai pour les équipes valaisanes, Viège qui garde un effectif inchangé avec son duo d'étrangers Roy/Ketola, mais aussi Sierre qui a réussi à attirer une excellente recrue en la personne de Niklas Anger, un joueur qui a été un temps aux portes de l'équipe nationale suédoise, et surtout qui paraît parfaitement calibré pour une LNB propice aux individualités au-dessus du lot grâce à sa maîtrise technique et à sa capacité à faire la différence à lui seul. Bref, il avait tout pour être la star de la ligue... avant que le lock-out ne passe par là. Celui-ci risque en effet de renverser les valeurs d'un championnat qui aurait sinon dû compter comme autre outsider le Thurgovie du président/entraîneur Felix Burgener, qui a un très bon panel de joueurs suisses, y compris René Stüssi qui revient dans le club où il s'était révélé au point d'avoir été en son temps drafté en NHL.

Mais, comme ce sont les étrangers qui tiennent souvent une place prépondérante dans le résultat, il suffit de peu de chose pour renverser la hiérarchie. Le néo-promu, le Forward Morges, l'a bien compris. Pour s'établir en LNB et obtenir le droit d'exister, coincé entre Genève et Lausanne, il fallait attirer un nouveau public alors que la moyenne de spectateurs était de trois cents dans le quotidien de la 1e ligue. Embaucher des joueurs dont le LHC ne voulait plus (le gardien Schürch et le défenseur Benturqui) est une méthode, mais il y a encore mieux : l'entraîneur Olivier Ecœur a amené son ami Martin Gélinas, finaliste de la Coupe Stanley avec les Calgary Flames, pour qu'il vienne faire une promenade de santé en LNB. L'exemple réussi a bien vite fait des copieurs chez tous ceux qui luttent pour une place en play-offs.

C'est le cas de Langenthal, qui les a ratés deux fois de suite alors que le club s'est bien ancré dans la division (il a même tous ses matches à domicile retransmis en direct par la télévision privée U1, qui diffusera aussi quelques autres matches dans des patinoires bien adaptées comme Bâle), et qui a engagé Eric Boguniecki des Blues de Saint-Louis. Son voisin Olten devrait bientôt répliquer car il y a de l'eau dans le gaz avec le vieux renfort russe Albert Malgin, pourtant une figure du club, et Thurgovie n'a pas tardé à s'y mettre avec le défenseur d'Atlanta Marc Savard. Même les GCK Lions, qui en tant que réserve zurichoise n'ont pas les étrangers comme priorité, ont embauché Andy Sutton, lui aussi des Atlanta Thrashers.

Enfin, peu de temps après que Jeff Halpern a déclaré à la presse transalpine qu'il était prêt à venir jouer en Italie même gratuitement, Ajoie a mis sous contrat l'international américain, en lui disant sans doute que le Jura est lui aussi réputé pour la dolce vita... avec une petite laine sur les épaules, tout de même. Le HCA n'avait pas l'habitude de faire des folies, mais il est en danger maintenant que la relégation est de nouveau possible en LNB (après bien des péripéties, on a enfin atteint la barre des douze clubs et le championnat a une vraie allure). En suivant son frère Julien à Lugano, le Jurassien Tristian Vauclair est en effet surtout allé renforcer le concurrent direct Coire, club partenaire des Tessinois. Et il ne faut plus compter sur La Chaux-de-Fonds pour se traîner en dernière place, car elle s'est renforcée (Steve Pochon et Daniel Nakaoka en attaque, Sébastien Dermigny en défense) en particulier au niveau des étrangers avec l'arrivée de Martin Bergeron. Il s'agit là d'un marqueur éprouvé de LNB et même de SM-liiga l'an dernier avec Ässät Pori. Rien à voir avec l'ex-Dunkerquois Mark Cooper qui avait causé la perte de Stéphan Sabourin, qui avait eu le tort de l'emmener avec lui et de s'entêter à le conserver.

Marc Branchu

 

 

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