Gras avait faim

 

Allons au-delà du désastre collectif pour analyser individuellement à froid les performances des joueurs de l'équipe de France au championnat du monde de Prague.

 

Les gardiens

Cristobal Huet. D'aucuns estiment que le gardien des Kings de Los Angeles n'a pas apporté la valeur ajoutée qu'on pourrait attendre d'un joueur - surtout d'un gardien - estampillé NHL. Mais c'est un raccourci trop facile. Très sollicité sur des offensives adverses constamment franches, il faut préciser que Christobal Huet a joué les matches (Autriche, Suisse et Kazakhstan) où collectivement et mentalement ses partenaires étaient très faibles, pour ne pas dire pire. Sa responsabilité n'a jamais été engagée même si Christobal Huet a dû connaître des moments plus sereins dans sa carrière. Ses coéquipiers n'ont rien fait pour le rassurer et le protéger. Il a dû s'imposer et répondre aux provocations adverses à plusieurs reprises. Jouer derrière des coéquipiers fantômes et défaillants (à part un demi-match contre la Suisse) a été une torture. Et c'est souvent le match joué qu'il s'est montré nerveux et las de tant d'impuissance. Le coaching n'a pas non plus épargné psychologiquement Christobal Huet. Il fallait sans doute le faire sortir pour lui épargner le troisième tiers face à l'Autriche (son meilleur match) afin qu'il conserve un mental et des ressources pouvant faire la différence plus tard.

Fabrice Lhenry. Le Mulhousien a fait du bon boulot quand il a assuré l'intérim de Christobal Huet alors que les matches étaient scellés (Suisse et Kazakhstan) et que les adversaires étaient moins tranchants. Surtout, titulaire, il a su préserver l'essentiel - l'honneur - face aux Canadiens. Il protégeait alors les buts d'une équipe de France plus combative, plus attentive aussi, que lors des deux désastreuses rencontres précédentes, mentalement libérée et n'ayant plus rien à perdre.

 

Les défenseurs

Christian Pouget. Tous les projecteurs étaient sur celui qui avait été rappelé comme un sauveur d'une paisible retraite au pied du Mont-Blanc, mais à une place dont on ne peut pas dire qu'elle correspond à ses qualités. Il est le bouc émissaire en puissance puisque son retour fut un fiasco ridicule. Rarement dans le bon tempo, il a manqué de spontanéité et, c'est un comble, de métier en supériorité. Beaucoup d'imperfections, souvent en retard dans le replacement. Plus grave, il ne s'est pas battu sur certains palets perdus en zone neutre ! Il devait rendre service, il l'a fait aux adversaires. Néanmoins, il a tenté de rares coups, resserré sa défense lors de la poule de relégation. Sympathique, il fut aussi le seul joueur de l'équipe de France à saluer les supporters français parsemés dans la Sazka Arena.

Baptiste Amar. Son placement l'a mis à l'abri de plusieurs autres déconvenues. Ses prises de risques dans le jeu long ne furent pas toujours très propres mais au moins il a tenté d'aider ses coéquipiers. Il fut un des rares à ne pas faire de voyages à vide lors de la poule de relégation. Précieux dans le dispositif pour colmater les brèches. Dommage qu'il ne puisse mieux utiliser les interstices offensifs. Sa combativité a souvent offert un deuxième souffle à l'équipe de France, que celle-ci n'a pas su mettre à profit.

Allan Carriou. En donnant un palet de but en zone neutre, sur une action illustrant le manque cruel de communication de l'équipe de France, Allan Carriou a montré ses limites. Il a joué avec ses moyens. Mais sa générosité, son physique et sa simplicité de jeu n'ont pu le transcender comme à l'accoutumée au haut niveau international qu'il a côtoyé avec Rouen. Pourtant, avec son expérience, c'est le prototype du joueur travailleur qui, en confiance, sait intensifier sa rigueur de jeu si on le prépare physiquement et moralement à la compétition.

Vincent Bachet. Le meilleur arrière défensif français du moment a semblé mentalement usé. Peut-être trop sollicité sur le plan psychique, après, à ce titre, deux éprouvantes saisons amiénoises. Ses qualités techniques et physiques ne sont bien sûr pas remises en cause. D'habitude moteur, Vincent Bachet (membre de l'AAHF) n'a pas autant pesé par son influence hors glace. Volonté délibérée illustrant le mécontentement et la lassitude pour la FFSG ou contrecoup psychique de la pression exercée par les objectifs (du succès en championnat) de son club ? Son emprise sur le jeu fut aussi moins palpable. Cependant, malgré une erreur individuelle si incroyable qu'elle fut aussitôt pardonnée, son dévouement sur la glace, son travail d'anticipation, sa sobriété (aucune prison) et son énergie restèrent sans cesse très précieux. Son soutien solide mérite toutefois un rôle moins anonyme que celui qu'on lui a souvent attribué sur une troisième ligne.

Lilian Prunet. Son placement ne l'a pas mis à l'abri de quelques déconvenues. Il a su rattraper des coups. Mais souvent pris à défaut, il a enduré trop de pénalités. En manque de repères dans une telle compétition.

Nicolas Pousset. Le traitement dont il à été l'objet dans son club Rouen (titulaire un match sur deux en Poule Nationale) a contribué à son état - moyen - de préparation. Comme Allan Carriou, l'arrière a souffert du rythme international, se trouvant souvent en retard. Incommodé par une blessure contractée à Prague, sa volonté, sa hargne et son physique n'ont pas comblé, malgré une bonne implication dans les replis, ses manques techniques dans le jeu avec le palet.

Karl Dewolf. Grand artisan de la montée acquise à Zagreb, l'arrière de Dunkerque a rempli son rôle d'encadrement. Même s'il n'a pas été toujours très à l'aise, il n'a pas commis d'erreur majeure et a souvent été au charbon. C'était son boulot, il l'a fait correctement.

Nicolas Favarin. On pouvait s'attendre à mieux. Des débuts difficiles. Un jeu à la crosse peu calibré. Peu solide aux impacts. Il s'est mis peu à peu au niveau de ses coéquipiers. Il a emmagasiné de l'expérience.

 

Les attaquants

Arnaud Briand. On pouvait penser que le capitaine Briand allait plus s'amuser chez les Bleus que dans le cirque rouennais. Mais sa puissance et sa volonté de bien faire n'ont pas toujours été bien contenus. Beaucoup trop de prisons, même parfois sévères. Difficiles adieux du capitaine Briand. Peu inspiré et ballotté d'un poste de centre à celui d'ailier. Offensivement, malgré des efforts louables dans ses lancers, il eut des choix discutables. Employé à contre-emploi, sa méforme, aurait dû le conduire à un rôle strictement défensif où il fut plus à son aise. Comme Nicolas Pousset, lui aussi paye sans doute la saison sabordée de son club. Un Mondial à oublier.

Maurice Rozenthal. Très peu disponible pour ses coéquipiers, la star française n'a jamais - est-ce sa faute, celle de ses coéquipiers ou de ses adversaires ? - trouvé matière à accélérer dans la profondeur, là où il excelle. Comme souvent en Super 16 cette saison, il n'a pas eu les élans historiques qu'on lui prête en Picardie. Son replacement défensif n'a pas été satisfaisant malgré un travail plus obscur qu'à l'accoutumée, pour lequel il n'est pas fait. Il a confirmé ne pas être la garantie essentielle de l'équipe de France. Son bon but "japonais" ne fera pas même naître de regrets.

François Rozenthal. Il a essayé de s'impliquer, mais a semblé à bout de ressources physiques. Offensivement, son entente avec Sébastien Bordeleau n'était pas au point, faute de préparation. Il a souffert en défense. Lorsqu'il a retrouvé Jon Zwikel à l'occasion, il y eut du mieux mais pas assez.

Jonathan Zwikel. L'Amiénois a évité tout éclat superflu, s'attachant presque à se faire oublier en jouant trop pour les autres. Peu de tirs. Ailier ou centre, Jonathan Zwikel n'a pas agi sur le jeu comme on le sait capable de faire. Était-il blessé ? Manque de conviction ou de motivation ? Trop accaparé aux tâches défensives dont il ne s'est jamais soustrait et dont il s'est plutôt bien tiré par rapport à d'autres.

Brice Chauvel. Un bon état d'esprit. Enthousiaste avec beaucoup d'initiative tant dans l'activité offensive que défensive. Tout n'a pas été parfait, parfois brouillon, pas encore tout à fait sécurisant, ni efficace, mais il fut un des rares à tout donner, peut-être parce que la fraîcheur et l'insouciance de sa jeunesse le lui permettaient, contrairement à d'autres.

Xavier Daramy. Encore un jeune, encore un bon point. Son culot compense son manque de physique que certains lui reprochent. Il a participé aux bons enchaînements offensifs de l'équipe de France. Cherchant toujours à aller de l'avant et à trouver des espaces. Sa capacité à enchaîner les efforts a parfois perturbé les adversaires. Peut-être moins en vue dans la poule de relégation.

David Dostal. Devant sa famille, il s'est comme d'habitude évertué à faire de son mieux. Individuellement, on ne se rappelle pas qu'il ait commis de faute, à part une pénalité. Batailleur, il s'est parfois éparpillé. Son rendement collectif a souffert de fréquents changements de ligne et de coéquipiers.

Olivier Coqueux. Le joueur de DEL a bien commencé la compétition en étant combatif et entreprenant. Influent - un leader - sur le comportement de sa ligne. C'est sans doute ce qui lui a valu de jouer aux cotés de Sébastien Bordeleau contre la Suisse et le Canada. On ne comprend pas pourquoi l'expérience n'a pas été renouvelée en poule de relégation où Olivier Coqueux fut moins prépondérant. Ses nombreuses prisons, certes malvenues, sont moins dues à sa technique qu'à sa combativité. Un manque de discipline.

Anthony Mortas. Il a été appliqué et sans doute précieux défensivement, mais il n'a pesé à aucun moment dans la construction offensive, malgré un but contre le Japon.

Laurent Gras. Ce n'est pas un hasard si l'attaquant d'Amiens a été plusieurs fois nommé meilleur joueur de l'équipe de France. Ses orientations ont toujours mis sa ligne dans le sens du but. Avec une protection de palet au-dessus de la moyenne, Laurent Gras a été le seul à avoir la capacité de perforer régulièrement les défenses adverses. "Dribbles" et feintes de corps ont souvent donné le tournis aux adversaires. Avec un but, une passe décisive, et de la combativité en défense compensant son gabarit, il fut l'un des très rares Français à échapper au naufrage. Bravo.

Pierre-Édouard Bellemare. Il a joué la poule de relégation à la place de Brice Chauvel malade. Plein d'enthousiasme, il fut bon en premier rideau défensif et combatif le long de la bande. Avec ses charges, il a assuré une bonne pression. Quelques écrans aussi. Disponible à la ligne bleue, il amène du danger en possession du palet ou tout au moins du déséquilibre dans les défenses adverses.

Benoît Bachelet. Seul joueur français à finir positif aux plus/minus, l'ailier de Grenoble avait pourtant eu toutes les peines du monde face à l'Autriche. Discipliné au possible (pas de prison), il a apporté offensivement. Sa combativité et son patinage ont compensé son manque de puissance.

Sébastien Bordeleau. Avec la qualité de ses entrées ou sorties de zone et ses mises en jeu gagnées, il aurait dû apporter à ses coéquipiers. Mais il ne joue pas le même hockey. C'est ce qui a empêcher Sébastien Bordeleau de jouer parfaitement pour les autres, ce à quoi ses qualités le prédisposent. Il a une technique de feu et des modèles de schémas de jeu faits pour déstabiliser l'adversaire. Mais il n'est pas fait pour jouer sans préparation avec ses coéquipiers de l'équipe de France. Sa culture technico-tactique est trop hétérogène de celles des acteurs du Super 16 pour s'adapter d'un coup. Et comme il n'est pas un soliste mais plus un chef d'orchestre, il n'a pu se mettre collectivement (à cause d'un manque de préparation) et individuellement (parce qu'il n'est pas fait pour ça) en évidence.

Thierry Frechon

 

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