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Mythique championne en titre contre Amiens, la grande demeure rouennaise était pourtant belle. Depuis quatre ans, le RHE a participé à quatre (excusez du peu) des six finales que proposaient les compétitions nationales (deux coupes de France, deux coupes Magnus), et a terminé deuxième du championnat en 2002, une année blanche en matière de finale. Les hommes de tous ces succès, Allan Carriou, Éric Doucet et Guillaume Besse, ont quitté la résidence noire et jaune à l'intersaison par la grande porte. Cette dernière, déjà entrebaîllée l'été dernier avec le départ de Phil Groeneveld et le passage de l'autre coté de la balustrade de l'emblématique Franck Pajonkowski, s'est irrémédiablement fermée à l'intersaison 2003.

Le relais sera assuré par des hommes incroyablement fiables. Daniel Carlsson, sans conteste le meilleur défenseur du "Super 16". Le joker suédois débarqué de Linköping en Elitserien, au crépuscule du vingtième siècle, s'est de nouveau amarré dans la cité viking. Alain Vogin, travailleur et tacticien invétéré, qui a été le Dragon le plus régulier et sans doute le plus indispensable de toute la saison dernière, entamera sa troisième période en Normandie. Joueur le plus complet des champions de France, tour à tour ailier de soutien dévoué aux "stars" des premières lignes, attaquant défensif, et enfin, arrière émérite, plusieurs fois compteur dans la trilogie féerique contre Amiens, faisant totalement oublier le déloyal Bourdeau, Simon Lacroix, l'altruiste, restera sur "son île". Pour la cohésion de l'équipe, Grand Paj' comptera encore sur les internationaux "A", les champions du monde Arnaud Briand qu'on ne présente plus et Nicolas Pousset qui a remporté son deuxième titre consécutif. Le coach s'appuiera aussi sur le joker venu remplacer, l'hiver dernier, l'irréprochable et malheureux excédentaire canadien David Bahl. On veut parler de l'inusable et aguerri finlandais Sami Karjalainen. Comme régulièrement depuis quelques saisons, preuve d'un certain changement de mentalité, l'an dernier, un nouveau junior a acquis, sans surprise, un poste de titulaire à part entière. Il s'agit de Nicolas Besch. L'officieux meilleur espoir du Super 16 de la saison dernière devra confirmer, à dix-huit ans à peine, tout le bien démontré au cours des ses quarante (déjà !) matches en équipe première.

Le staff a très tôt dans l'intersaison résolu le problème du gardiennage en reconduisant le contrat d'Éric Raymond. Connaissant de sérieuses difficultés dans la saison régulière, le Canadien, passé provisoirement au titre de gardien légendaire après la terrible fusillade du deuxième match de la "finale de rêve" en mystifiant à lui seul des Gothiques frustrés de leur apogée, n'a sans doute pas choisi la remise en cause la plus facile. Désormais, ce garçon doit relever le challenge de la régularité au haut niveau en conservant ses qualités de "gardien de play-offs". Pour palier à l'éventuelle méforme chronique du premier gardien, l'organisation rouennaise a profité de l'élargissement de classe d'âge de la catégorie junior pour prolonger son entente avec Landry Macrez. Ce jeune mériterait un plus long temps de glace pour parfaire son développement, que l'obligation de résultat du RHE et le peu de matches du calendrier ne peut lui offrir. Pourtant, l'ancien titulaire de l'équipe de France junior ne semble pas avoir eu de contact sérieux avec d'autres clubs du Super 16.

Le staff n'a pas eu le choix dans les négociations des autres joueurs important de l'équipe. David Saint-Pierre, sans avoir montré toute l'étendue de son talent, n'a pas souhaité rester un an de plus malgré, semble-t-il, un accord préalable pour une deuxième année. Quant au second joker Pierre Allard, ce très grand professionnel a abattu un travail phénoménal dans son registre d'attaquant défensif pendant les six mois passés en Normandie. Le Québécois serait peut-être resté si le club lui avait proposé une reconversion qu'il ira finalement chercher au Canada. Éric Doucet et Guillaume Besse, charismatiques, gagneurs hors pair et buteurs si efficaces, pour des convenances personnelles différentes ont souhaité s'installer au Québec et jouer en semi-pro de l'autre coté de l'Atlantique. Les déménagements de Jimmy Provencher - conserver a posteriori à regret à la place de David Bahl - et Aram Kevorkian - après une saison trop tardivement mieux terminée qu'entamée, il se remettra en question en Finlande - ont sans doute été plus volontiers des options de l'organisation normande.

Franck Pajonkowski n'avait donc pas la tâche facile pour remplacer des joueurs aux talents et aux tempéraments aussi essentiel à l'équipe rouennaise depuis sa renaissance sous l'ère du trio composé d'Olivier Lesieur, de Thierry Chaix et de Guy Fournier. Le staff mettra la barre très haute en matière de recrutement. D'abord la direction sportive veut franciser l'équipe. Une tâche très difficile à Rouen, un club de "Canadiens" honnis par le gotha du hockey français. Les contacts noués avec Baptiste Amar et Jonathan Zwikel échouent d'un rien. La tâche est rude. Néanmoins, Benoît Pourtanel sera la première recrue. L'ex-Angevin veut se relancer après une saison calamiteuse afin de retrouver l'équipe de France. L'arrière "bien" français peut donner de bons palets et marquer en jeu de puissance, c'est avant tout la raison de son recrutement. Et c'est le leitmotiv de Franck Pajonkowski pour sa défensive. Dans cette optique, il parvient à un accord avec un Canadien de vingt sept ans, Steven Low, tout juste élu troisième meilleur défenseur de la ligue semi-pro du Québec derrière deux anciens joueurs de la NHL. Cet arrière, affichant un compteur d'une moyenne d'un point tous les deux matches depuis six ans - et 13 équipes différentes - qu'il bourlingue dans les ligues mineures américaines, correspond au profil du joueur recherché.

Coup de tonnerre ! Finalement, Rouen parvient à ses fins et se paie sa danseuse hexagonale. Comme il y a quelques années déjà, à l'instar de Christian Pouget, Maurice Rozenthal, le Ch'timi, devenu l'homme de Picardie et considéré par d'aucuns comme le meilleur joueur français actuel, fera son retour en France au RHE ! C'est la stupéfaction sur les bords de Seine ! Alors, l'organisation va désormais se consacrer obsessionnellement à recruter un joueur de centre de très haut rang. La barre est trop haute, les joueurs contactés - essentiellement canadiens - s'en iront finalement jouer dans des compétitions plus huppées à l'image de Dany Bousquet, longtemps prétendu transfuge d'Asiago à Rouen, en DEL.

Pendant ce temps, deux joueurs envoient des candidatures spontanées au club normand : Martin Lacroix et Miikka Rousu. À trente-cinq ans, le frère de Simon, ayant évolué à Angers, il y a une décennie, de 1992 à 1995, puis quatre ans en Allemagne dans les divisions "secondaires", est reconnu pour avoir de bonnes mains dans les mises au jeu, un sens du but pointu et une bonne vision du jeu qui en font un joueur de centre avisé. Malgré une dernière saison en semi-pro au Québec en dessous de ses habituelles statistiques, l'opportunité d'enrôler un Canadien "bon marché" n'a pas été manquée par le club. La seconde candidature, celle de Miikka Rousu, a rapidement été ratifiée après un contrôle médical malgré l'année sabbatique prise par le Finlandais. Cet ailier de 32 ans, aux trois saisons complètes de SM-Liiga (Finlande), a largement fait ses preuves de joueur complet et clairvoyant, doté d'un sens du jeu au-dessus de la moyenne, depuis sa saison à Reims, aux cotés de Nicolas Pousset, aboutissant à la fois au titre 2002 et à la disparition du club des Flammes Bleues. Comme semblent le démontrer les premiers matches amicaux, son année blanche ne l'handicape pas et il sera sans doute un homme essentiel dans le rouage de l'équipe.

Au gré de contacts sur l'initiative des dirigeants rouennais, Kari Jalonen, ex-joueur de Rouen, actuellement entraîneur en SM-Liiga (Finlande) conseillera à la direction normande un joueur de la division Mestis : Niko Kantelinen. Ce petit ailier de vingt-six ans est rapide avec une vingtaine de buts par saison, peut-être plus dans notre Super 16 moins homogène que le deuxième niveau finlandais, est a priori un buteur. Son apport réel est encore difficile à cerner mais il complèterait à merveille une ligne éventuellement "super-suomique" avec Miikka Rousu et Sami Karjalainen.

Surtout qu'en soutien de ce trio polaire pourra se tenir Veli-Pekka Hård, un autre Finlandais, défenseur celui-là, de trente trois ans, doté d'un physique impressionnant (1,97m pour 98kg). Cet arrière est aussi fort d'une expérience de onze saisons en SM-Liiga avant de jouer les deux dernières en deuxième Bundesliga allemande. Il fut recruté pour pallier le retrait, finalement momentané, de Steven Low parti un instant tenter sa chance en Russie avant de revenir à Rouen. Réembauché par la direction du club rouennais faute d'avoir pu recruter son fameux joueur de centre, le Canadien attend un accord de l'administration canadienne pour faire enfin son arrivée en Normandie.

Pour compléter l'équipe en attaque, Franck Pajonkowski a mis deux juniors en concurrence. Il s'agit de Pierre-Édouard Bellemare, venant de passer junior première année, et de Thibault Geffroy, auteur d'un grand nombre de matches la saison passée, et qui doit étoffer son jeu, notamment défensif, pour prétendre à cette dernière place de titulaire.

Cette année encore, l'équipe aura de la profondeur grâce à la présence de la talentueuse génération de juniors du C.H.A.R. en charge du Hockey mineur rouennais. Franck Pajonkowski compte régulièrement y faire appel pour éviter d'épuiser ses titulaires. À l'arrière, Simon Doreille et Benoît Quessandier ont déjà rendu des services. Et quels services ! Le premier nommé a joué, entre autres, des matches de play-off 2003 dont l'inoubliable dénouement suprême face à Amiens. En attaque, il y a une pléthore de prétendants. C'est véritablement une quatrième ligne dont disposera le RHE où Adrien Dufournet, Damien Raux, Gautier Lafrancesca, et peut-être à un degré moindre Tristan Lemoine, Alexandre Lefebvre, François Dubillot, Damien Ribourg et Kevin Dugas (le frère du Dijonnais et ex-Rouennais) seront en concurrence.

Sur le papier, Rouen a le potentiel pour se succéder à lui-même. Nous l'avons vu, le RHE 2004 a été remodelé pour cela. Mais c'est sur la glace qu'il faudra triompher. Les joueurs ont changé. Plus important, le profil des joueurs aussi. Le style de jeu de l'équipe va donc forcément évoluer sous peine de déboires. Nous nous en sommes déjà rendu compte après quelques matches amicaux. L'équipe est peut-être moins spectaculaire, et sans doute moins à la merci de la méforme d'un de ses gros joueurs. Les équipiers ne "balancent" plus à la hussarde derrière la cage pour attaquer. Le groupe semble disposer d'un fond de jeu plus technique. Les attaquants rentrent désormais dans la zone offensive en possession du palet. Avec des recrues à l'arrière qui savent manier la rondelle, les joueurs de Franck Pajonkowski disposeront d'une plus large gamme de relance et d'un jeu plus étendu. L'équipe est plus complète, disposant de trois alignements performants au contraire d'un troisième l'an dernier plus défensif. En défense, les hommes sont plus nombreux a pouvoir marquer. Steven Low, Veli-Pekka Hård et Benoît Pourtanel approchent ou dépassent la dizaine de buts par saison. Et comme les nouveaux avants ne sont pas dénoués d'efficacité, il faudra encore compter sur les Dragons, dont les qualités offensives, à défaut d'être plus grandes, sont plus homogènes. Un bémol ou plutôt une inconnue, mais qui nous le pensons sera balayée lorsque nous connaîtrons mieux le caractère des nouveaux arrivants, c'est la rage de vaincre, l'esprit de compétition, le don de soi, l'amour du maillot... En bref, la motivation de ce nouveau RHE76. Des qualités nécessaires, en plus de la technique, à toute victoire finale. Le gage de sécurité en la matière, c'est le coach rouennais. Franck Pajonkowski est toujours motivé. Il a franchi un palier malgré sa très jeune carrière d'entraîneur. Serein et réfléchi, il a déjà acquis la maturité et le recul essentiel à toute reconquête... C'est tout le mal qu'on lui souhaite !

Thierry Frechon

 

 

Départs : Saint-Pierre (Verdun, LHSPQ), Besse (Pont-Rouge, LHSPQ), Doucet (Verdun, LHSPQ), Allard (Sainte-Hyacinthe, LHSPQ), Carriou (Mulhouse), Kevorkian (SHT Seinäjoki, FIN), Provencher (Brest), Prunier (Toulouse).

Arrivées : Pourtanel (Angers), M. Rozenthal (Björklöven, SUE), M. Lacroix (Sorel, LHSPQ), Kantelinen (Jukurit Mikkeli, FIN), Rousu (année blanche, ex-Reims), Hård (Bremerhaven, ALL), Low (Sorel, LHSPQ).

Effectif :

Gardiens : Éric Raymond (CAN), Landry Macrez.

Défenseurs : Daniel Carlsson (SUE), Steven Low (CAN), Benoît Pourtanel, Nicolas Pousset, Veli-Pekka Hård (FIN), Nicolas Besch, Simon Doreille, Benoît Quessandier.

Attaquants : Maurice Rozenthal, Arnaud Briand, Sami Karjalainen (FIN), Miikka Rousu (FIN), Niko Kantelinen (FIN), Alain Vogin (CAN), Martin Lacroix (CAN), Simon Lacroix (CAN), Thibaut Geffroy, Pierre-Édouard Bellemare, Adrien Dufournet, Damien Raux, Gautier Lafrancesca, Tristan Lemoine, Alexandre Lefebvre, François Dubillot, Damien Ribourg, Kevin Dugas.

 

 

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